Responsabilité des hébergeurs

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Responsabilité des hébergeurs

Statut d’hébergeur ou d’éditeur ?

L’article 6-1-2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 qui transpose en droit interne l’article 14 de la directive n°2000/31/CE prévoit un régime de responsabilité atténuée pour les hébergeurs de services sur internet par rapport aux éditeurs en disposant que « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Ce texte doit être interprétée à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui a dit pour droit dans son arrêt Google du 23 mars 2010 que l’article 14 de la directive susvisé « doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s ‘applique au prestataire d’un service de référencement sur internet lorsque ce prestataire n’a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ».

Ce dispositif a également été éclairé par l’arrêt L’Oréal SA du 12 juillet 2011 de la CJUE aux termes duquel » lorsque ledit exploitant a prêté une assistance laquelle a notamment consisté à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir ces offres, il y a lieu de considérer qu’il a non pas occupé une position neutre entre le client vendeur concerné et les acheteurs potentiels, mais joué un rôle actif de nature à lui conférer une connaissance ou un contrôle des données relatives à ces offres ».

Application au boncoin.fr

En l’espèce, le site internet leboncoin.fr propose un service de dépôt et de consultation de petites annonces sur internet, plus spécifiquement destiné aux particuliers, qui rédigent leur annonce publiée gratuitement sur le site, et ont la possibilité de souscrire des options payantes leur permettant de modifier leur annonce, d’y apposer un logo urgent, de la positionner en tête de liste ou d’y adjoindre des photos. Ces options, qui ne caractérisent pas une assistance à la rédaction, mais la simple possibilité payante offerte à l’annonceur d’étoffer son annonce ou d’exiger un positionnement, n’induisent pas un rôle éditorial de la part de la société LBC, le contenu des annonces restant le seul fait de l’annonceur, la société LBC qui n’est en outre pas partie à l’éventuel contrat conclu par les utilisateurs, ne reçoit aucune commission sur les transactions, et ne détermine ni le prix ni les modalités de remise du bien vendu, exerçant un rôle neutre d’intermédiaire.

De même la mise en place par la société LBC d’un logiciel de filtrage, dispositif automatique tendant à partir de mots clés à la préservation des droits des tiers, n’induit en rien un rôle éditorial et n’est pas exclusif de la qualification d’hébergeur de sorte que la société LBC relève du régime de responsabilité atténuée prévu par l’article 6-1-2 de la LCN susvisé.

Il convient de rappeler que l’hébergeur, qui conformément à l’article 64-7 de la LCEN n’est pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de recherche des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, n’engage sa responsabilité, conformément à l’article 6-I-2 que si, ayant pris connaissance du caractère illicite des données stockées à la demande d’un annonceur ou des activités illicites de celui-ci, il n’a pas promptement retiré ou rendu inaccessibles ces données.

Forme de la notification de contenus illicites

En l’espèce, si les deux mises en demeure envoyées par un fabricant d’articles de luxe contiennent le lien URL permettant d’accéder à l’annonce litigieuse ainsi qu’une capture d’écran du site leboncoin.fr reproduisant ladite annonce, elles ne mentionnent en revanche pas la forme, la dénomination, le siège social et l’organe qui représente légalement le requérant, information importante pour l’allégation d’une contrefaçon de marque de sorte qu’elles sont insuffisantes au sens de l’article 6-1-5 de la LCEN à satisfaire à l’obligation d’identification du requérant mise à sa charge.

De même les signalements effectués via la fonctionnalité du site leboncoin.fr prévue à cet effet, qui ne permettent pas d’identifier l’expéditeur requérant, pas plus qu’ils n’indiquent les motifs comprenant les dispositions légales et les justifications pour lesquels le contenu doit être retiré, ne constituent pas des notifications au sens de l’article 6-1-5 de la LCEN

Selon l’article 6-1-5 de la LCEN, la connaissance des faits litigieux est acquise lorsqu’il est notifié à l’hébergeur les éléments suivants:

– la date de la notification ;

– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

– si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement;

– le nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits;

– la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté. Il s’ensuit que la responsabilité de la société leboncoin.fr n’était pas engagée.

Questions / Réponses juridiques

Quel est le régime de responsabilité des hébergeurs selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique ?

Le régime de responsabilité des hébergeurs est défini par l’article 6-1-2 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004. Cette loi transpose l’article 14 de la directive n°2000/31/CE, qui établit une responsabilité atténuée pour les hébergeurs de services en ligne.

Selon cet article, les hébergeurs ne peuvent être tenus responsables des contenus stockés à la demande des utilisateurs, à moins qu’ils n’aient connaissance de leur caractère illicite. Si un hébergeur prend connaissance de contenus illicites, il doit agir rapidement pour retirer ces données ou rendre leur accès impossible.

Cette disposition vise à protéger les hébergeurs, leur permettant de fonctionner sans être constamment surveillés pour le contenu généré par les utilisateurs. Cela favorise également l’innovation et la libre expression sur internet, tout en établissant des obligations claires en cas de contenu problématique.

Comment la jurisprudence européenne influence-t-elle l’interprétation de la responsabilité des hébergeurs ?

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) joue un rôle déterminant dans l’interprétation des règles de responsabilité des hébergeurs. Dans l’arrêt Google du 23 mars 2010, la CJUE a précisé que l’article 14 de la directive doit s’appliquer aux prestataires de services de référencement, à condition qu’ils n’aient pas joué un rôle actif dans la gestion des données stockées.

De plus, l’arrêt L’Oréal SA du 12 juillet 2011 a établi que si un exploitant d’un service en ligne aide à optimiser la présentation des offres, il ne peut plus être considéré comme un simple hébergeur. Cela signifie qu’un rôle actif dans la gestion des contenus peut entraîner une responsabilité accrue.

Ces décisions montrent que la qualification d’un service comme hébergeur ou éditeur dépend de l’implication de l’opérateur dans le contenu. Si l’opérateur agit de manière neutre, il peut bénéficier de la protection accordée aux hébergeurs.

Quelle est la nature du service proposé par leboncoin.fr et comment cela affecte-t-il son statut ?

Leboncoin.fr est un site de dépôt et de consultation de petites annonces, principalement destiné aux particuliers. Les utilisateurs peuvent publier gratuitement leurs annonces et ont la possibilité de souscrire à des options payantes pour améliorer la visibilité de leurs annonces.

Cependant, ces options ne constituent pas une assistance à la rédaction des annonces, mais plutôt une simple possibilité d’amélioration payante. Cela signifie que le contenu des annonces est entièrement créé par les utilisateurs, et leboncoin.fr n’intervient pas dans la détermination des prix ou des modalités de vente.

En raison de cette neutralité, leboncoin.fr est considéré comme un hébergeur au sens de la LCEN, ce qui lui permet de bénéficier d’un régime de responsabilité atténuée. La société ne reçoit pas de commission sur les transactions et n’est pas partie aux contrats entre utilisateurs, renforçant ainsi son statut d’intermédiaire neutre.

Quelles sont les exigences pour la notification de contenus illicites selon la LCEN ?

Selon l’article 6-1-5 de la LCEN, pour qu’une notification de contenu illicite soit valide, elle doit contenir plusieurs éléments essentiels. Ces éléments incluent la date de la notification, ainsi que des informations sur le notifiant, qu’il soit une personne physique ou morale.

Pour une personne physique, il faut fournir son nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance. Pour une personne morale, il est nécessaire d’indiquer sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.

La notification doit également inclure des détails sur le contenu litigieux, sa localisation précise, ainsi que les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, en mentionnant les dispositions légales pertinentes. Enfin, il est requis de fournir une copie de la correspondance adressée à l’auteur du contenu, demandant son retrait ou sa modification.

Ces exigences visent à garantir que l’hébergeur dispose de toutes les informations nécessaires pour agir de manière appropriée et rapide en cas de contenu illicite.


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