Responsabilité des FAI : Blocage du site Copwatch

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Responsabilité des FAI : Blocage du site Copwatch

L’Essentiel : Le Tribunal de Grande Instance de Paris a statué sur la demande de blocage du site Copwatch, dénonçant les violences policières. Bien que le Ministre de l’intérieur ait obtenu une suspension d’accès, la mesure de blocage URL a été jugée inadaptée et disproportionnée. Le Tribunal a souligné l’inefficacité des blocages sur Internet, tout en ordonnant aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de prendre des mesures alternatives pour bloquer le site. De plus, le coût de cette mesure, justifiée par l’intérêt général, a été remboursé par le Ministre aux FAI, respectant ainsi le principe d’égalité devant les charges publiques.

Suite à une saisine en référé des tribunaux, le Ministre de l’intérieur a obtenu des principaux FAI français, la suspension de l’accès au site Internet Copwatch. Ce dernier se proposait de dénoncer les violences policières.
Le délit d’injure public envers une administration publique réprimé par les articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (1) et la violation de la loi du 6 janvier 1978 « Informatique et libertés » ont été retenus : le site procédait à une opération de collecte de données à caractère personnel en diffusant des photographies, noms et affectations de fonctionnaires de police.
Aux termes de l’article 6-I-8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, aux fournisseurs d’hébergement ou, à défaut, aux fournisseurs d’accès, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un site internet. Dans tous les cas, la mesure judiciaire ordonnée doit être adaptée et proportionnée à la préservation des droits en cause.
La mesure de blocage URL demandée par le ministre de l’intérieur n’a pas été jugée comme adaptée ni proportionnée et impropre à mettre fin au dommage. Pour rejeter l’opportunité de ce blocage d’URL, le Tribunal s’est basé sur un rapport intitulé « inefficacité, risques et contraintes des blocages sur internet » élaboré à la demande de la Fédération Française des Télécoms (2). En revanche, il a été fait injonction aux FAI d’adopter toute mesure en leur pouvoir pour bloquer l’accès au site (blocage par IP ou blocage par DNS, opération distincte du blocage d’URL. La mesure a été ordonnée seulement à titre provisoire, le temps d’identifier les responsables du site Copwatch.
A noter que le principe d’égalité devant les charges publiques interdit de faire supporter aux fournisseurs d’accès -qui ne sont en rien responsables et auxquels il est demandé de prêter leur concours au respect de la loi- le coût généré par la mise en oeuvre d’une mesure justifiée par l’intérêt général. Le Ministre de l’intérieur a donc du rembourser aux principaux FAI les coûts afférents à la mesure de blocage du site.

(1) Le site Copwatch avait notamment publié les propose suivants : « Nous n’hésiterons pas à user de termes sévères à l’égard de la Police et de la Gendarmerie, car nous considérons ces institutions comme la fosse commune de l’humanité, le charnier de l’évolution, la mise à mort quotidienne de la déontologie et de l’éthique. Nous serons sans équivoque »
(2) Le système de blocage d’URL nécessiterait l’acquisition d’ordinateurs “ Deep Packet Inspectors” destinés à analyser toutes les requêtes d’abonnés afin de déterminer si le fournisseur d’accès peut ou non les transmettre vers le site. Les experts avaient conclu que chaque fournisseur au réseau internet français se trouverait contraint de faire l’acquisition de “20 à 30 systèmes de ce type” auxquels il faudrait ajouter “au moins un site web de détournement des requêtes” ainsi que “plusieurs ordinateurs de supervision et de maintenance de ces équipements” le tout pour un coût de 10 000 euros auquel s’ajouterait le coût de la maintenance et de la surveillance de ces matériels soit 20 % de l’investissement initial. La mise en place d’une telle mesure serait de l’ordre de six mois à un an.

Mots clés : FAI

Thème : Responsabilite des FAI

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande instance de Paris | 14 octobre 2011 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Pourquoi le Ministre de l’intérieur a-t-il demandé la suspension de l’accès au site Copwatch ?

Le Ministre de l’intérieur a demandé la suspension de l’accès au site Copwatch en raison de son contenu, qui dénonçait les violences policières.

Cette demande a été motivée par des accusations d’injures publiques envers des administrations publiques, en vertu des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

De plus, le site était accusé de violer la loi du 6 janvier 1978 sur « Informatique et libertés », car il procédait à la collecte de données personnelles, en diffusant des photographies, noms et affectations de fonctionnaires de police.

Quelles mesures judiciaires ont été ordonnées par le Tribunal concernant le site Copwatch ?

Le Tribunal a ordonné une mesure de blocage d’accès au site Copwatch, mais a jugé que la mesure de blocage URL demandée par le ministre n’était pas adaptée ni proportionnée.

Le Tribunal s’est basé sur un rapport de la Fédération Française des Télécoms, qui a mis en évidence l’inefficacité et les risques associés aux blocages d’URL.

Cependant, il a été décidé que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) devaient adopter des mesures pour bloquer l’accès au site, comme le blocage par IP ou par DNS, en attendant d’identifier les responsables du site.

Quelles sont les implications financières pour les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ?

Le principe d’égalité devant les charges publiques stipule que les FAI ne doivent pas supporter les coûts liés à la mise en œuvre d’une mesure justifiée par l’intérêt général.

Ainsi, le Ministre de l’intérieur a été contraint de rembourser aux principaux FAI les coûts afférents à la mesure de blocage du site Copwatch.

Cela souligne la responsabilité de l’État dans la prise en charge des coûts liés à des mesures judiciaires, surtout lorsque les FAI ne sont pas responsables du contenu en question.

Quels défis techniques sont associés au blocage d’URL selon le rapport des experts ?

Le rapport des experts a souligné que le système de blocage d’URL nécessiterait l’acquisition d’ordinateurs appelés “Deep Packet Inspectors”.

Ces équipements sont destinés à analyser toutes les requêtes des abonnés pour déterminer si le fournisseur d’accès peut transmettre ou non les données vers le site en question.

Les experts ont estimé que chaque fournisseur d’accès au réseau internet français devrait acquérir entre 20 et 30 de ces systèmes, ce qui représente un coût initial d’environ 10 000 euros, sans compter les frais de maintenance.

Quel était le contenu controversé publié par le site Copwatch ?

Le site Copwatch avait publié des propos très critiques à l’égard des forces de police et de gendarmerie, les qualifiant de « fosse commune de l’humanité » et de « charnier de l’évolution ».

Ces déclarations reflètent une position radicale sur le rôle des institutions policières, affirmant qu’elles sont responsables de la mise à mort quotidienne de la déontologie et de l’éthique.

Cette rhétorique a contribué à la décision du Ministre de l’intérieur de demander la suspension du site, en raison de la nature injurieuse de ces propos.


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