Responsabilité des acteurs immobiliers dans la présentation d’un investissement locatif

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Responsabilité des acteurs immobiliers dans la présentation d’un investissement locatif

L’Essentiel : En 2002, une société immobilière, représentée par un gérant, a lancé un projet de construction. Une société spécialisée dans la commercialisation de biens immobiliers a été chargée de vendre les lots. En 2003, un acheteur a été approché par un mandataire pour acquérir un appartement en état futur d’achèvement. L’acheteur a signé un contrat de réservation pour un montant total de 126 820 euros et a financé le bien par un prêt de 25 ans. En 2020, l’acheteur a estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation et a assigné les sociétés devant le Tribunal judiciaire, demandant une indemnisation.

Contexte de l’affaire

En 2002, une société immobilière, représentée par un gérant, a lancé un projet de construction d’un programme immobilier. Une autre société, spécialisée dans la commercialisation de biens immobiliers, a été chargée de vendre les lots de ce programme. En 2003, un acheteur a été approché par un mandataire de la société commercialisatrice pour acquérir un appartement en état futur d’achèvement, dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation.

Acquisition et financement du bien

L’acheteur a signé un contrat de réservation en décembre 2003 pour un appartement et une place de stationnement, pour un montant total de 126 820 euros. Il a également confié la gestion locative à une société et a souscrit une garantie locative. Le bien a été financé par un prêt de 25 ans, avec des mensualités de 724,10 euros. L’acte de vente a été signé en juin 2004, et l’appartement a été livré en avril 2005.

Évaluation et mise en demeure

En 2020, l’acheteur a fait évaluer son bien et a estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation à l’achat. Il a mis en demeure les sociétés impliquées dans la transaction de l’indemniser. Faute d’accord, il a assigné ces sociétés devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux en 2021, demandant une indemnisation pour le préjudice financier et moral.

Arguments des défenderesses

Les sociétés défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir basée sur la prescription de l’action. Cependant, la Cour d’appel a déclaré l’action recevable. Les sociétés ont ensuite contesté les demandes de l’acheteur, arguant qu’aucune responsabilité n’était engagée et que le bien avait été vendu conformément aux engagements contractuels.

Responsabilité et dol

L’acheteur a soutenu que les sociétés avaient engagé leur responsabilité en raison d’une présentation trompeuse de la valeur du bien et d’un manquement à l’obligation d’information. Les défenderesses ont rétorqué que l’acheteur avait été correctement informé et que les éléments présentés ne constituaient pas des manœuvres dolosives.

Jugement du Tribunal

Le Tribunal a débouté l’acheteur de l’ensemble de ses demandes, concluant qu’aucune manœuvre dolosive n’avait été établie. Il a également condamné l’acheteur à payer des frais aux sociétés défenderesses, en raison de sa position perdante dans cette affaire. L’exécution provisoire a été rappelée, et les dépens ont été mis à la charge de l’acheteur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications juridiques du dol dans cette affaire ?

Le dol est défini par l’article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, comme une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Dans cette affaire, l’acheteur soutient que la société OMNIUM CONSEIL, ainsi que ses mandants, ont engagé leur responsabilité en présentant une valeur du bien surévaluée, ce qui a influencé son consentement.

Il est important de noter que le dol ne se présume pas et doit être prouvé. L’acheteur a produit des documents et des évaluations pour soutenir ses allégations, mais le tribunal a conclu que ces éléments ne suffisaient pas à établir une surévaluation dolosive.

En effet, le tribunal a constaté que le prix d’achat se situait dans les fourchettes des valeurs vénales immobilières, et que l’acheteur, en tant qu’acquéreur normalement diligent, aurait pu se renseigner sur l’état du marché immobilier.

Ainsi, aucune manœuvre dolosive n’a été établie, et l’acheteur a été débouté de ses demandes.

Quelles sont les obligations d’information et de conseil des professionnels dans cette affaire ?

L’article L.111-1 du Code de la consommation stipule que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Dans le cadre de cette affaire, l’acheteur soutient que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d’information et de conseil, en induisant en erreur sur le montant de l’effort financier et sur la valeur patrimoniale du bien.

Le tribunal a rappelé que l’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil, qui inclut d’attirer l’attention du client sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée. Cependant, il a également noté que l’appartement vendu correspondait à sa description dans le contrat de réservation et que l’acheteur avait régulièrement loué le bien, bénéficiant ainsi de l’avantage fiscal annoncé.

Le tribunal a conclu qu’il n’était pas établi que la société OMNIUM CONSEIL ou ses mandants avaient manqué à leur devoir d’information, de conseil et de mise en garde. Par conséquent, l’acheteur a été débouté de ses demandes à ce titre.

Quelles sont les conséquences de la prescription de l’action dans cette affaire ?

La prescription de l’action est régie par l’article 1343-2 du Code civil, qui stipule que le délai de prescription est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit.

Dans cette affaire, les sociétés défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Cependant, le juge de la mise en état a jugé l’action prescrite, mais la Cour d’appel a infirmé cette ordonnance, déclarant l’action recevable comme non prescrite.

Cette décision souligne l’importance de la connaissance des faits par le demandeur pour déterminer le point de départ du délai de prescription. En l’espèce, la Cour a estimé que l’acheteur n’avait pas eu connaissance des éléments justifiant son action dans le délai imparti, ce qui a permis de maintenir sa demande en justice.

Quelles sont les implications des frais de procédure dans cette affaire ?

Les frais de procédure sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés pour la défense de ses droits.

Dans cette affaire, l’acheteur a été débouté de l’ensemble de ses demandes, ce qui a conduit le tribunal à le condamner à payer des frais de procédure aux sociétés défenderesses.

Le tribunal a également rappelé que l’exécution provisoire est de droit, ce qui signifie que les condamnations financières peuvent être exécutées immédiatement, même en cas d’appel.

Ainsi, l’acheteur a été condamné à verser des sommes aux sociétés défenderesses, ce qui illustre les conséquences financières potentielles d’une action en justice non fondée.

N° RG 21/04141 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTQ

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 FÉVRIER 2025
50F

N° RG 21/04141
N° Portalis DBX6-W-B7F- VQTQ

Minute n°2025/

AFFAIRE :

[Z] [T] [K]
C/
SCI CYRANO
SASU PROMOTION PICHET anciennement GROUPE EUROBAT
SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement OMNIUM CONSEIL

Grosse Délivrée
le :
à
Me Cécile BOULÉ
SELAS ELIGE BORDEAUX
SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Madame PINAULT, Juge,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 26 Novembre 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [T] [K]
né le 27 Mars 1959 à [Localité 10] (SAVOIE)
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 4]

représenté par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représenté par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

DÉFENDERESSES

SCI CYRANO
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SASU PROMOTION PICHET anciennement dénommée GROUPE EUROBAT
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement dénommée OMNIUM CONSEIL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]

représentée par Me Cécile BOULÉ, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)

21/4141

La SCI CYRANO, dont le gérant est la SAS PROMOTION PICHET, a entrepris en 2002 la construction d’un programme immobilier dénommé [Adresse 8] à [Localité 5]. La société OMNIUM CONSEIL, appartenant au Groupe OMNIUM FINANCE, devenue ensuite la SAS STELLIUM IMMOBILIER, a procédé à la commercialisation des lots en état de futur achèvement.

Courant 2003, Monsieur [Z] [K] a rencontré Monsieur [B] [W], mandataire de la société OMNIUM CONSEIL qui lui a présenté une opération consistant en l’acquisition d’un logement en l’état futur d’achèvement de la résidence, destiné à être donné en location pendant la durée d’un dispositif de défiscalisation de type « loi DE ROBIEN ».

Monsieur [K] a signé le 30 décembre 2003 un contrat de réservation avec la SCI CYRANO portant sur un appartement de type T3 de 57 m² et une place de stationnement extérieure pour un montant total de 126 820 euros TVA comprise.

Il a confié à la société OMNIUM GESTION un mandat de gestion locative du bien et a souscrit auprès de la même société une garantie locative pour une durée de 12 mois et une extension de garantie « vacances locatives » pour une durée de 9 ans.

Le bien a été financé à hauteur de 126 820 euros, soit en totalité, par un prêt souscrit auprès du Crédit Foncier pour une durée de 25 ans, dont les remboursements mensuels étaient de 724,10 euros.

L’acte de vente en l’état futur d’achèvement a été signé le 16 juin 2004 avec la SCI CYRANO, pour un montant de 106 037 euros hors taxe et 126 820 euros TTC, et l’appartement a été livré le 29 avril 2005.

En 2020, Monsieur [K] a fait évaluer son bien. Estimant subir un préjudice lié à une sur évaluation du bien à l’achat, il a mis en demeure la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET, son gérant, et la société STELLIUM IMMOBILIER de l’indemniser.

Faute d’accord, il a fait assigner au fond devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux par actes des 03 et 12 mai 2021, la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET anciennement GROUPE EUROBAT et la SAS STELLIUM IMMOBILIER aux fins de solliciter une indemnisation.

Les sociétés STELLIUM IMMOBILIER, CYRANO et PROMOTION PICHET ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le juge de la mise en état a jugé prescrite l’action du demandeur. Par un arrêt en date du 04 mai 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé les ordonnance et a déclaré l’action recevable comme non prescrite.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, Monsieur [K] demande au Tribunal judiciaire de :
Vu les dispositions des anciens articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1998 et 1382 du Code civil dans la version antérieure à l’ordonnance numéro 2016–131 du 10 février 2016, Vu l’article 1343–2 du code civil, Vu les dispositions des articles L.111–1, L.120–1, L.121–1 et L.121–29 du Code de la consommation, dans leur version en vigueur au moment des faits,
CONSTATER que les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER ont engagé leur responsabilité civile à son égard au titre du dol ainsi qu’au titre d’un manquement aux obligations d’information et de mise en garde ;
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à lui payer la somme de 190.000,00 € au titre de la réparation du préjudice financier subi découlant de la perte de chance de ne pas investir dans le programme « [Adresse 8] »,
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CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à lui payer une somme de 12.000,00 € au titre de la réparation du préjudice moral subi,
ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts légaux sur la totalité des sommes et faire application de l’article 1343–2 du Code civil concernant la capitalisation des intérêts.
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024, la SAS STELLIUM IMMOBILIER demande au Tribunal de :
Vu les articles 1130, 1132, 1231-1 du Code civil, Vu l’article L121-3 du Code de la consommation,
DEBOUTER Monsieur [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de la société STELLIUM IMMOBILIER comme infondées et injustifiées,
CONDAMNER Monsieur [K] à payer à la société STELLIUM IMMOBILIER, la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2024, la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET demandent au Tribunal de :
DEBOUTER Monsieur [K] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– CONDAMNER Monsieur [K] à verser à la S.C.I CYRANO et à la société PROMOTION PICHET une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER Monsieur [K] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat, sur ses affirmations de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le dol :

Monsieur [K] fait valoir que la responsabilité de la société OMNIUM CONSEIL, de la SCI CYRANO, son mandant, et de la SAS PROMOTION PICHET est engagée sur le fondement du dol par une présentation dolosive de la valeur du bien, surévalué, tant à l’achat qu’à la revente, par l’affirmation trompeuse de ce que le bien avait fait l’objet d’une étude de marché et par une présentation trompeuse de l’effort financier à fournir dans le cadre de l’opération de défiscalisation, et que l’ensemble de ces éléments a été déterminant pour son consentement.
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La société STELLIUM IMMOBILIER fait valoir qu’elle est intervenue en tant qu’agent immobilier, que les obligations de l’agent immobilier sont distinctes de celles du conseiller financier ou du conseiller en patrimoine, que la présentation du bien était conforme à sa réalité, la simulation présentée n’ayant pas de caractère contractuel, et qu’il n’y a pas de dol concernant une éventuelle surévaluation du bien qui n’est par ailleurs pas établie.

La SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET font valoir qu’aucune mise en cause de la responsabilité de la SAS PROMOTION PICHET n’est démontrée, que la société STELLIUM IMMOBILIER n’était pas le mandataire de la SCI CYRANO au sens du code de la consommation et que, si elle est considérée comme un mandataire, elle est tenue par les limites de son mandat d’agent immobilier. Elles soutiennent en outre que le bien livré était conforme aux engagements contractuels de la SCI CYRANO, qu’une surévaluation originelle du bien n’est pas démontrée de même qu’aucun préjudice et que l’acquéreur normalement diligent est en mesure de s’informer sur la valeur du bien immobilier acquis.

En application de l’article 1116 du code civil dans sa version en vigueur avant l’ordonnance du 10 février 2016, applicable en l’espèce, l’ensemble des contrats ayant été conclus avant son entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
L’un des documents à en tête d’OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’ils ont été remis à Monsieur [K] dans le cadre de la présentation de l’opération, mentionne sous un titre « notre engagement » : « le groupe OMNIUM FINANCE, a pour ambition de mettre à disposition des particuliers désireux d’optimiser leur situation financière et fiscale des solutions intégrées de patrimoine, au travers d’une offre globale de services complémentaires liées à l’achat et à la vie d’un produit de placement » et sous un paragraphe « solutions immobilières » : « le pôle produits immobiliers propose une gamme de biens immobiliers à usage locatif, développée grâce à une parfaite maîtrise des différentes lois de défiscalisation (…). Leur réalisation est confiée soit à un promoteur partenaire soit au promoteur interne du groupe (…). Le pôle administration de biens prend le relais en assurant tous les services de gestion de la vie de votre bien immobilier (…) ».
Monsieur [W], qui est présenté comme « conseiller en investissement » sur ce document, a par ailleurs rempli une brochure à en tête de OMNIUM CONSEIL, intitulée « conseiller objectivement » qui mentionne un « plan d’investissement » pour Monsieur [K] dans lequel sont repris ses revenus imposables, le montant annuel de son imposition, le montant de l’investissement (124 430 euros), les mensualités (750 euros), le loyer net mensuel (424 euros), le montant de la revente à 15 ans (124 430 euros) avec solde du financement et « capital net d’impôts » de 57 320 euros, un gain fiscal de 2 174 euros par an les 5 premières années et de 779 euros par an les 10 années suivantes. Une « étude adaptée » qui figure sur le document mentionne un total
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de charges mensuelles de 909 euros pour des recettes mensuelles de 502 euros et une hypothèse de revente à 15 ans pour un prix de 126 820 euros avec solde du financement à hauteur de 43 862 euros et capital net d’impôts de 82 958 euros puis une autre hypothèse est présentée avec revente à 15 ans d’un montant de 126 820 euros, solde du financement à hauteur de 68 926 euros et capital net d’impôt de 57 894 euros et des gains fiscaux quasi équivalents à ceux mentionnés ci-dessus. De manière manuscrite, est rajoutée sur le document la mention suivante : « la location : 4 études de marché : le promoteur, la banque, omnium conseil, gestionnaires » outre des mentions relatives à la garantie loyers impayés, aux frais et un graphique semblant présenter une augmentation du prix au mètre carré au fils des années.
Il en résulte que l’acquisition du bien par Monsieur [K], quand bien même la société OMNIUM CONSEIL n’exerçait qu’une activité d’agent immobilier, répondait à la recherche pour celui-ci d’effectuer un placement rentable financièrement, recherche de la rentabilité financière qui a été un critère déterminant de son consentement.
Monsieur [K] fait valoir que dès l’origine cette rentabilité financière était vouée à l’échec dans la mesure où le prix d’achat du bien a été surévalué de même que le prix envisageable à la revente. Il produit un document intitulé « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » qui fait état concernant la Dordogne et précisément [Localité 5] d’un coût de 1 480 euros le mètre carré pour un logement neuf collectif de standing « moyen » et d’un coût de 590 à 1 320 euros le mètre carré de revente d’un bien immobilier ancien collectif d’un état « moyen » à normal. Néanmoins, le même document mentionne un coût de 2 220 euros le mètre carré pour un logement collectif d’état « standard » et de 1 840 euros le mètre carré pour un immeuble neuf collectif de type « normal » ou encore un coût de revente de 1 700 euros le mètre carré pour un logement ancien collectif de type standard de moins de 10 ans.
Monsieur [K] verse de plus aux débats une évaluation réalisée par Monsieur [C] [D] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale de l’appartement en 2004 était de 1 600 euros le m carré, soit 86 400 euros (en réalité 91 200 euros : 57m² x 1 600 euros).
Or, Monsieur [K] a acquis son appartement de 57 m² pour un coût hors taxe de 106 037 euros hors taxe 57 m², soit 1 860 euros le mètre carré, et pour un coût TTC de 126 820 euros, soit 2 224,91 euros le mètre carré TTC.
Dès lors, ce coût se situe dans les fourchettes de la « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » produite et la seule évaluation du Cabinet MAURIG est insuffisante à établir que le coût du bien a été surévalué à l’achat de manière dolosive, taxes incluses ou non.
Quant à la brochure de présentation du bien de la SCI CYRANO qui indique que « le Domaine « [Adresse 8] » offre aux investisseurs l’opportunité d’un placement idéal, sûr et rentable à court terme, gage d’un niveau de défiscalisation performant, tout en constituant à long terme un patrimoine immobilier sécurisant », il s’agit d’une brochure publicitaire destinée à favoriser la commercialisation d’un bien qui ne peut être considéré en soi comme constitutive de manoeuvres dolosives.

Monsieur [K], acheteur normalement diligent, pouvait en outre, comme il l’a fait d’ailleurs ultérieurement, se renseigner par lui-même sur l’état du marché immobilier à [Localité 5], ces informations n’étant pas dissimulées et étant accessibles.
S’agissant de la simulation quant à une revente du bien immobilier au bout de 15 ans, certes l’étude personnalisée effectuée pour Monsieur [K] mentionne un coût de revente égal au coût d’achat. Monsieur [K] se prévaut en outre d’un mail d’une agence immobilière « CITYA » sise à [Localité 9] qui a estimé le bien à une valeur située entre 65 000 et 70 000 euros en septembre 2022 et de l’évaluation réalisée par le « Cabinet MAURIG évaluations et expertises immobilières » aux termes de laquelle la valeur vénale actuelle (au 17 juin 2024) de son appartement, parking extérieur compris, est de 70 000 euros pour 54 m² sur la base de 1 300 euros le mètre carré (donc 74 100 euros, l’appartement ayant une surface de 57 m²). Monsieur [D] fait référence à la bonne situation de la résidence mais à un état d’entretien général moyen de la résidence et à des logements inadaptés au changement climatique.
La fiche 21 remise à Monsieur [K] par Monsieur [W] qui concerne spécifiquement la revente du bien indique « l’immobilier a toujours été pour les Français une valeur refuge par excellence, même s’il subit de faibles fluctuations à la hausse ou à la baisse ; par exemple ; si nous prenons une hypothèse de revente identique au prix d’achat soit de 60 000 euros, avec le produit de la revente, vous soldez votre financement pour un montant de 34 000 euros, vous dégagez donc un capital net d’impôt de 26 000 euros. Pour cet exemple, nous sommes partis de l’hypothèse de revente identique au prix d’achat mais dans la réalité, votre bien connaîtra probablement une revalorisation (…). En tout état de cause, le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective. Nous pouvons simplement affirmer : que la conjecture est aujourd’hui particulièrement favorable, qu’il existe une sortie évidente : revente à 9, 12 ou 15 ans au locataire grâce au prêt transmissible pour un montant de remboursement équivalent au loyer (…), que l’immobilier a toujours été un placement refuge des français et qu’il s’agit de l’avis des experts, du meilleur moyen de protéger son argent de l’érosion monétaire (…). La revente n’est qu’une possibilité ». Ainsi, il ne peut être affirmé, alors que le marché immobilier est par nature aléatoire, ce que tout acquéreur même profane n’ignore pas, alors que son attention a été attirée sur ce caractère aléatoire, et qu’il appartenait en outre à Monsieur [K] d’entretenir son bien, qu’il lui a été assuré que la revente de son bien se ferait au moins à son prix d’achat, le plan d’investissement qui lui a été remis n’étant qu’une simulation sur laquelle il est par ailleurs expressément mentionné « document non contractuel ». En outre, cette revente n’était qu’une possibilité parmi d’autres, Monsieur [K] pouvant rester propriétaire de son bien et continuer à en percevoir les loyers. Enfin, Monsieur [K] a fait le choix de financer entièrement l’acquisition du bien par un emprunt, ce qui rendait d’autant plus aléatoire la constitution d’un capital avant remboursement total de l’emprunt. Ainsi, aucune manœuvre dolosive n’est établie concernant une concernant une présentation surévaluée de la valeur du bien à la revente.

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Monsieur [K] fait encore valoir que l’effort financier de l’investissement lui a été présenté de manière trompeuse. Il s’appuie sur un bilan financier de l’opération, réalisé par ses soins, qui fait apparaître un total de charges d’un montant de 265 412,42 euros comprenant les échéances du prêt, des « frais de gestion » (qui semblent être les frais du Syndic), des « appels de fond », des frais de travaux et les frais liés à la taxe foncière, et un total de revenus de 113 776,37 euros comprenant 95 116,37 euros de loyers et 18 660 euros d’avantage fiscal (avantage fiscal qui est la reprise de l’estimation faite par OMNIUM CONSEIL), soit une moyenne de charges de 702 euros mensuels sur 18 ans. L’estimation des « charges » dans la simulation effectuée par OMNIUM CONSEIL pour Monsieur [K] était de 356 euros mensuels mais ne consistait que dans la différence entre le montant des mensualités du crédit et le montant du loyer, ce qui apparaît nettement sur la simulation. De plus, même si Monsieur [K] ne peut prétendre qu’il ignorait totalement que devenant propriétaire, il serait tenu au paiement de la taxe foncière et aurait des travaux d’entretien à effectuer outre qu’il devrait s’acquitter des charges de copropriété, la mention des frais de gestion et de la taxe foncière apparaît sur un petit graphique manuscrit ajouté au plan d’investissement. En outre, les 356 euros de « participation » estimés par OMNIUM CONSEIL sont calculés sans déduction de l’avantage fiscal. Ainsi, aucune présentation dolosive de l’effort financier à fournir n’a été effectuée.
Si par ailleurs dans les documents présentés en vue de la vente, sont mentionnées des études de marché, ces études de marché ne font pas référence au coût du bien mais à la location de celui-ci et à l’évaluation des loyers. Or, Monsieur [K] ne conteste pas avoir mis son bien régulièrement en location sans interruption depuis l’achat et en justifie notamment par des baux, pour des montants de 410 à 463 euros mensuels hors charge, ce qui correspond au montant des loyers qui lui avait été présenté dans le plan d’investissement réalisé lors de la vente. Ainsi, aucune présentation dolosive de l’évaluation du marché locatif n’a été faite alors qu’aucune étude de marché n’est mentionnée quant à la valeur du bien à l’achat et/ou à sa revente.
Au final, Monsieur [K] ne rapporte pas la preuve de l’existence de manœuvres dolosives imputables à la société OMNIUM CONSEIL, à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET, que ce soit une surévaluation mensongère du bien à l’achat et à la revente, une présentation fausse de l’effort financier à fournir ou une allégation fausse d’études de marché concernant la location du bien, alors qu’il a par ailleurs régulièrement mis son bien en location et régulièrement bénéficié de l’avantage fiscal lié à celle-ci.
Sur le devoir d’information, de conseil et de mise en garde :
Monsieur [K] soutient que la société OMNIUM CONSEIL qui a proposé une opération de défiscalisation devait assumer une obligation d’information et de conseil relativement à l’investissement proposé.
L’article L.111-1 du code de la consommation en vigueur au moment des faits dispose que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

L’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil qui suppose d’attirer l’attention du mandant ou du cocontractant sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée et de lui indiquer le choix le plus opportun. Le devoir de conseil se prolonge en une obligation de mise en garde du client. En outre, l’agent immobilier spécialisé dans l’immobilier de placement est tenu d’informer les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu’il leur propose ainsi que sur les risques qui lui sont associés, et peuvent être le corollaire des avantages annoncés (1ère Civ, 02 octobre 2013, n°12-20.504).
Monsieur [K] fait valoir que la société OMNIUM CONSEIL l’a induit en erreur sur le montant de l’effort financier généré par l’opération, sur la valeur patrimoniale du bien vendu et sur les perspectives de plus value, et a ainsi commis un manquement à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde, manquement qui engage son mandant, la SCI CYRANO.
Il n’est pas contesté que l’appartement vendu correspond à sa description telle qu’elle est effectuée dans le contrat de réservation. En outre, tel que rappelé ci-dessus, l’appartement a été régulièrement loué et Monsieur [K] a bénéficié de l’avantage fiscal annoncé.
Pour le surplus, il n’est pas établi que le prix du bien a été surévalué à l’achat et si la simulation faite pour Monsieur [K] mentionne un coût de revente similaire au coût d’achat, il ne s’agit que d’une simulation favorable alors que les documents remis par la société OMNIUM CONSEIL mentionnent que le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective.
Enfin, s’agissant de l’effort financier, la simulation faite pour Monsieur [K] fait apparaître que celui-ci sera supérieur aux loyers et déductions fiscales et fait en outre apparaître les charges de gestion et de taxe foncière à envisager sur un graphique manuscrit joint.
Dès lors, il n’est établi ni que la société OMNIUM CONSEIL ni que son mandant, la SCI CYRANO ou encore la SAS PROMOTION PICHET, ont manqué à un devoir d’information, de conseil et de mise en garde vis à vis de Monsieur [K].
En conséquence, Monsieur [K] sera débouté de l’ensemble de ses demandes.
Sur les demandes annexes :
Partie perdante, Monsieur [K] sera condamné aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Au titre de l’équité, il sera condamné à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le même fondement.
L’exécution provisoire de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile sera rappelée.

N° RG 21/04141 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTQ

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

DÉBOUTE Monsieur [Z] [K] de l’ensemble de ses demandes.

CONDAMNE Monsieur [Z] [K] à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [Z] [K] à payer à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [Z] [K] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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