L’Essentiel : En 2002, une société immobilière, représentée par un gérant, a lancé un programme de construction à Bergerac. Une société spécialisée dans la commercialisation de biens immobiliers a été mandatée pour vendre des logements en état futur d’achèvement. En 2004, un couple d’acheteurs a signé un contrat de réservation pour un logement, avec un prix d’achat fixé à 161 930 euros. En 2021, les acheteurs ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation de la valeur du bien et ont assigné en justice les sociétés responsables. Le tribunal a débouté les acheteurs, constatant que les sociétés avaient respecté leurs obligations légales.
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Contexte de l’AffaireEn 2002, une société immobilière, représentée par un gérant, a lancé un programme de construction à Bergerac. Une autre société, spécialisée dans la commercialisation de biens immobiliers, a été mandatée pour vendre des logements en état futur d’achèvement. En 2004, un couple d’acheteurs a été approché par des agents de cette société pour acquérir un bien immobilier dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation. Acquisition du BienLe couple d’acheteurs a signé un contrat de réservation pour un logement de type T4, avec un prix d’achat fixé à 161 930 euros. L’acte de vente a été finalisé en décembre 2004, et le bien a été financé par un prêt sur 25 ans. Le bien a été livré en septembre 2005, et les acheteurs ont confié la gestion locative à une société spécialisée. Réclamation des AcheteursEn 2021, les acheteurs ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation de la valeur du bien à l’achat. Ils ont mis en demeure les sociétés impliquées dans la transaction de les indemniser. En mai 2021, ils ont assigné en justice les sociétés responsables pour obtenir réparation de leur préjudice. Arguments des DéfenderessesLes sociétés défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir basée sur la prescription de l’action. Cependant, la Cour d’appel a déclaré l’action recevable. Les défenderesses ont également contesté les allégations de dol, affirmant que la présentation du bien était conforme à la réalité et que les acheteurs avaient la possibilité de s’informer sur le marché immobilier. Décision du TribunalLe tribunal a examiné les arguments des deux parties. Les acheteurs n’ont pas réussi à prouver l’existence de manœuvres dolosives, ni une surévaluation du bien. De plus, le tribunal a constaté que les sociétés avaient respecté leur devoir d’information et de conseil. En conséquence, le tribunal a débouté les acheteurs de toutes leurs demandes et les a condamnés à payer des frais de procédure aux sociétés défenderesses. ConclusionLa décision du tribunal souligne l’importance pour les acheteurs de s’informer de manière diligente sur les biens immobiliers avant de s’engager dans une transaction. Les sociétés impliquées ont été jugées conformes à leurs obligations légales, et les acheteurs ont été tenus responsables des conséquences de leur investissement. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications juridiques du dol dans cette affaire ?Le dol est défini par l’article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, comme une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il est précisé que le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Dans cette affaire, les demandeurs soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL, la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET ont engagé leur responsabilité sur le fondement du dol en raison d’une présentation trompeuse de la valeur du bien, surévaluée tant à l’achat qu’à la revente. Les défenderesses, quant à elles, contestent cette allégation en affirmant que la présentation du bien était conforme à la réalité et qu’aucune surévaluation dolosive n’a été établie. Ainsi, pour établir le dol, les demandeurs doivent prouver que les manœuvres des défenderesses ont été déterminantes pour leur consentement à l’achat du bien. Quelles sont les obligations d’information et de conseil des professionnels dans cette affaire ?L’article L. 111-1 du Code de la consommation stipule que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. Dans le cadre de cette affaire, les demandeurs soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d’information et de conseil, notamment en ce qui concerne l’effort financier à fournir et la valeur patrimoniale du bien. Il est également établi que l’agent immobilier a un devoir de conseil qui implique d’attirer l’attention du client sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée. Cependant, le tribunal a constaté que l’appartement vendu correspondait à sa description dans le contrat de réservation et que les demandeurs avaient régulièrement mis leur bien en location, bénéficiant ainsi de l’avantage fiscal annoncé. Dès lors, il n’est pas établi que la société OMNIUM CONSEIL ait manqué à son devoir d’information et de conseil, ce qui conduit à débouter les demandeurs de leurs demandes. Quelles sont les conséquences de la prescription de l’action dans cette affaire ?La prescription de l’action est régie par l’article 1343-2 du Code civil, qui dispose que l’action en responsabilité civile se prescrit par cinq ans à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer son droit. Dans cette affaire, les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Cependant, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, déclarant l’action recevable comme non prescrite. Cela signifie que les demandeurs ont pu exercer leur action en justice dans le délai imparti, ce qui a permis au tribunal d’examiner le fond de leur demande d’indemnisation pour préjudice. Ainsi, la question de la prescription a été cruciale pour déterminer la recevabilité de l’action des demandeurs et leur droit à réparation. |
7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 04 FÉVRIER 2025
50F
N° RG 21/04146
N° Portalis DBX6-W-B7F- VQTX
Minute n°2025/
AFFAIRE :
[M] [T] [I] [R]
[X] [Y] [O] épouse [R]
C/
SCI CYRANO
SAS PROMOTION PICHET anciennement GROUPE EUROBAT
SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement OMNIUM CONSEIL
Grosse Délivrée
le :
à
Me Cécile BOULÉ
la SELAS ELIGE BORDEAUX
SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Madame PINAULT, Juge,
Lors des débats et du prononcé :
Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier
à l’audience publique du 26 Novembre 2024,
JUGEMENT :
Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe
DEMANDEURS
Monsieur [M] [T] [I] [R]
né le 11 Juillet 1948 à [Localité 11] (CHER)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 3]
représenté par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON, (avocat plaidant)
Madame [X] [Y] [O] épouse [R]
née le 16 Août 1948 à [Localité 11] (CHER)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 3]
représenté par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON, (avocat plaidant)
DÉFENDERESSES
SCI CYRANO
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS PROMOTION PICHET anciennement dénommée GROUPE EUROBAT
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX
SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement dénommée OMNIUM CONSEIL
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Cécile BOULÉ, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)
RG 21/4146
La SCI CYRANO, dont le gérant est la SAS PROMOTION PICHET, a entrepris en 2002 la construction d’un programme immobilier dénommé « [Adresse 9] » à BERGERAC. La société OMNIUM CONSEIL, appartenant au Groupe OMNIUM FINANCE, devenue ensuite la SAS STELLIUM IMMOBILIER, a procédé à la commercialisation des lots en état de futur achèvement.
Courant 2004, Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] ont rencontré Monsieur et Madame [E] de la société [E] CONSEILS, dont il n’est pas contesté qu’ils étaient mandatés par la société OMNIUM CONSEIL, qui leur ont présenté une opération consistant en l’acquisition d’un logement en l’état futur d’achèvement, destiné à être donné en location pendant la durée d’un dispositif de défiscalisation de type « DE ROBIEN ».
Monsieur et Madame [R] ont signé le 08 septembre 2004 avec la SCI CYRANO un contrat de réservation portant sur un logement de type T4 d’une superficie de 84 m² avec terrasse à usage exclusif, garage et place de parking, dépendant de l’ensemble immobilier dénommé « [Adresse 9] », pour un prix d’achat de 161 930 euros.
L’acte de vente en l’état futur d’achèvement a été signé le 23 décembre 2004 avec la SCI CYRANO, pour un montant de 135 393 euros HT et 161 930 euros TTC.
Monsieur et Madame [R] confié à la société OMNIUM GESTION un mandat de gestion locative du bien et ont souscrit auprès de la MUTUELLE DE L’ALLIER ET DES REGIONS FRANCAISES une garantie locative.
Le bien a été intégralement financé par prêt souscrit auprès du Crédit Foncier, pour une durée de 25 ans, dont les remboursements mensuels étaient de 810,66 euros, sur l’offre de prêt.
Le bien a été livré le 21 septembre 2005.
En 2021, Monsieur et Madame [R] se sont renseignés sur la valeur du bien. Estimant subir un préjudice lié à une sur évaluation de celui-ci à l’achat, ils ont mis en demeure la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET, gérant de la SCI CYRANO, et la société STELLIUM IMMOBILIER de les indemniser.
Par acte en date des 03 et 05 mai 2021, Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] ont fait assigner au fond la SCI CYRANO, la SAS STELLIUM IMMOBILIER et la SAS PROMOTION PICHET (anciennement EUROBAT) aux fins de se voir indemnisés d’un préjudice.
N° RG 21/04146 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTX
Les sociétés STELLIUM IMMOBILIER, CYRANO et PROMOTION PICHET ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le juge de la mise en état a jugé prescrite l’action des demandeurs. Par un arrêt en date du 04 mai 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé l’ordonnance et a déclaré l’action recevable comme non prescrite.
Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] demandent au Tribunal de : Vu les dispositions des anciens articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1998 et 1382 du Code civil dans la version antérieure à l’ordonnance numéro 2016–131 du 10 février 2016, Vu l’article 1343–2 du code civil,
Vu les dispositions des articles L.111–1, L.120–1, L.121–1 et L.121–29 du Code de la consommation, dans leur version en vigueur au moment des faits,
CONSTATER que les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER ont engagé leur responsabilité civile à leur égard au titre du dol ainsi qu’au titre d’un manquement aux obligations d’information et de mise en garde ;
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 185.000,00 € au titre de la réparation du préjudice financier subi découlant de la perte de chance de ne pas investir dans le programme « [Adresse 9] »,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 12.000,00 € au titre de la réparation du préjudice moral subi,
ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts légaux sur la totalité des sommes et faire application de l’article 1343–2 du Code civil concernant la capitalisation des intérêts.
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 5.000,00 € au titre de ces frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER aux entiers dépens.
Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024, la SAS STELLIUM IMMOBILIER, demande au Tribunal de :
DEBOUTER les époux [R] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de la société STELLIUM IMMOBILIER comme infondées et injustifiées,
CONDAMNER les époux [R] à payer à la société STELLIUM IMMOBILIER, la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.
Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 novembre 2024, la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET demandent au Tribunal de :
– DEBOUTER Monsieur et Madame [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– CONDAMNER Monsieur et Madame [R] à verser à la S.C.I CYRANO et à la société PROMOTION PICHET une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER Monsieur et Madame aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat, sur ses affirmations de droit.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur le dol :
Monsieur et Madame [R] font valoir que la responsabilité de la société OMNIUM CONSEIL, de la SCI CYRANO, son mandant, et de la SAS PROMOTION PICHET est engagée sur le fondement du dol par une présentation dolosive de la valeur du bien, surévalué, tant à l’achat qu’à la revente, par l’affirmation trompeuse de ce que le bien avait fait l’objet d’une étude de marché et par une présentation trompeuse de l’effort financier à fournir dans le cadre de l’opération de défiscalisation, et que l’ensemble de ces éléments a été déterminant pour leur consentement.
La société STELLIUM IMMOBILIER fait valoir qu’elle est intervenue en tant qu’agent immobilier, que les obligations de l’agent immobilier sont distinctes de celles du conseiller financier ou du conseiller en patrimoine, que la présentation du bien était conforme à sa réalité, la simulation présentée n’ayant pas de caractère contractuel et qu’il n’y a pas de dol concernant une éventuelle surévaluation du bien qui n’est par ailleurs pas établie.
La SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET font valoir qu’aucune mise en cause de la responsabilité de la SAS PROMOTION PICHET n’est démontrée, que la société STELLIUM IMMOBILIER n’était pas le mandataire de la SCI CYRANO au sens du code de la consommation et que si elle est considérée comme un mandataire, elle est tenue par les limites de son mandat d »agent immobilier. Elles soutiennent en outre que le bien livré était conforme aux engagements contractuels de la SCI CYRANO, qu’une surévaluation originelle du bien n’est pas démontrée de même qu’aucun préjudice et que l’acquéreur normalement diligent est en mesure de s’informer sur la valeur du bien immobilier acquis.
En application de l’article 1116 du code civil dans sa version en vigueur avant l’ordonnance du 10 février 2016, applicable en l’espèce, l’ensemble des contrats ayant été conclus avant son entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
N° RG 21/04146 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTX
L’un des documents à en tête d’OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’ils ont été remis à Monsieur et Madame [R] dans le cadre de la présentation de l’opération, mentionne sous un titre « notre engagement » : « le groupe OMNIUM FINANCE a pour ambition de mettre à disposition des particuliers désireux d’optimiser leur situation financière et fiscale des solutions intégrées de patrimoine, au travers d’une offre globale de services complémentaires liées à l’achat et à la vie d’un produit de placement » et sous un paragraphe « solutions immobilières » : « le pôle produits immobiliers propose une gamme de biens immobiliers à usage locatif, développée grâce à une parfaite maîtrise des différentes lois de défiscalisation (…). Leur réalisation est confiée soit à un promoteur partenaire soit au promoteur interne du groupe (…). Le pôle administration de biens prend le relais en assurant tous les services de gestion de la vie de votre bien immobilier (…) ».
Monsieur et Madame [R] produisent en outre une plaquette du Groupe OMNIUM FINANCE avec pour titre « devenir propriétaire d’un bien immobilier grâce à l’argent de vos impôts » et qui indique « si votre imposition est supérieure à 2 000 euros, vous pouvez transformer une partie ou la totalité de vos prélèvements obligatoires et ainsi augmenter votre trésorerie, votre sécurité, votre retraite, votre patrimoine ». Le courrier de transmission de l’étude qui a été réalisée pour eux par la société [E] CONSEILS leur présente un investissement optimisé « qui mange la totalité de vos impôts les 5 premières années » et selon lequel leur patrimoine « en est augmenté de 161 930 euros ».
Il en résulte que l’acquisition du bien par Monsieur et Madame [R] quand bien même la société OMNIUM CONSEIL n’exerçait qu’une activité d’agent immobilier, répondait à la recherche pour ceux-ci d’effectuer un placement rentable financièrement, recherche de la rentabilité financière qui a été un critère déterminant de leur consentement.
Monsieur et Madame [R] font valoir que dès l’origine cette rentabilité financière était vouée à l’échec dans la mesure où le prix d’achat du bien a été surévalué de même que le prix envisageable à la revente.
Ils produisent un document intitulé « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » qui fait état concernant la Dordogne et précisément [Localité 7] d’un coût de 1480 euros le mètre carré pour un logement neuf collectif de standing « moyen » et d’un coût de 590 à 1 320 euros le mètre carré de revente d’un bien immobilier ancien collectif de moins de 10 ans d’un état « moyen » à normal. Néanmoins, le même document mentionne un coût de 2 220 euros le mètre carré pour un logement collectif neuf d’état «S » pour standard ou standing et de 1 840 euros le mètre carré pour un immeuble neuf collectif de type « N », normal ou encore un coût de revente de 1 700 euros le mètre carré pour un logement ancien collectif de type « S » de moins de 10 ans.
Monsieur et Madame [R] versent en outre aux débats une évaluation réalisée par Monsieur [K] [G] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale du bien en 2004 était de 1 500 euros le mètre carré, soit 126 000 euros ajustés à 125 000 euros.
Or, Monsieur et Madame [R] ont acquis le logement d’une superficie de 84 m² avec terrasse à usage exclusif, garage et place de parking pour un montant de 135 393 euros HT et 161 930 euros TTC, soit 1 614 euros le mètre carré hors taxe et 1 927,73 euros le mètre carré TTC.
Dès lors, le coût se situe dans les fourchettes de la « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » produite et la seule évaluation du Cabinet MAURIG est insuffisante à établir que le coût du bien a été surévalué à l’achat de manière dolosive.
Quant à la brochure de présentation du bien de la SCI CYRANO qui indique que « le Domaine « [Adresse 9] » offre aux investisseurs l’opportunité d’un placement idéal, sûr et rentable à court terme, gage d’un niveau de défiscalisation performant, tout en constituant à long terme un patrimoine immobilier sécurisant », il s’agit d’une brochure publicitaire destinée à favoriser la commercialisation d’un bien qui ne peut être considéré en soi comme une présentation surévaluée du bien constitutive de manoeuvres dolosives.
De surcroît, Monsieur et Madame [R], acheteurs normalement diligents, pouvaient, comme ils l’ont fait d’ailleurs ultérieurement, se renseigner par eux-mêmes sur l’état du marché immobilier à [Localité 7], ces informations n’étant pas dissimulées et étant accessibles.
S’agissant de la valeur du bien immobilier à la revente à l’issue de la période de défiscalisation, il ressort de l’étude personnalisée produite visée ci-dessus qu’il leur a été présenté dans un tableau intitulé « total des investissements» une valeur de revente de l’immeuble à hauteur de 161 930 euros, soit son prix d’achat.
Monsieur et Madame [R] se prévalent de l’évaluation réalisée par Monsieur [K] [G] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale actuelle (au 17 juin 2024) de leur bien d’une surface de 84 mètres carré, en ce non compris la surface du garage de 16 mètres carré, est de 86 000 euros ajustés à 85 000 euros. Monsieur [G] fait référence à la bonne situation de la résidence mais à un état d’entretien général moyen de la résidence et à des logements inadaptés au changement climatique. Ils produisent également un avis de valeur rédigé par l’agence immobilière CITYA de Périgueux en date du 29 mars 2021 selon lequel la valeur du bien est estimée entre 85 000 et 90 000 euros.
La fiche 21 à en-tête de OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’elle a été remise à Monsieur et Madame [R] dans le cadre de la présentation de l’opération et qui concerne spécifiquement la revente du bien indique « l’immobilier a toujours été pour les Français une valeur refuge par excellence, même s’il subit de faibles fluctuations à la hausse ou à la baisse ; par exemple ; si nous prenons une hypothèse de revente identique au prix d’achat soit de 60 000 euros, avec le produit de la revente, vous soldez votre financement pour un montant de 34 000 euros, vous dégagez donc un capital net d’impôt de 26 000 euros. Pour cet exemple, nous sommes partis de l’hypothèse de revente identique au prix d’achat mais dans la réalité, votre bien connaîtra probablement une revalorisation (…). En tout état de cause, le prix de revente d’un bien immobilier reste du
N° RG 21/04146 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTX
domaine de la prospective. Nous pouvons simplement affirmer : que la conjecture est aujourd’hui particulièrement favorable, qu’il existe une sortie évidente : revente à 9, 12 ou 15 ans au locataire grâce au prêt transmissible pour un montant de remboursement équivalent au loyer (…), que l’immobilier a toujours été un placement refuge des français et qu’il s’agit de l’avis des experts, du meilleur moyen de protéger son argent de l’érosion monétaire (…). La revente n’est qu’une possibilité ».
Ainsi, alors que le marché immobilier est par nature aléatoire, ce que tout acquéreur même profane n’ignore pas, que leur attention a été attirée sur ce caractère aléatoire, que l’étude réalisée par la société [E] CONSEILS n’avait que le caractère d’une hypothèse avantageuse et idéale, et alors qu’il appartenait en outre à Monsieur et Madame [R] d’entretenir leur bien, ils ne démontrent pas qu’il leur a été assuré dolosivement que la revente de ce bien se ferait au moins à son prix d’achat voire avec une plus-value. De plus, cette revente n’était qu’une possibilité parmi d’autre, Monsieur et Madame [R] pouvant rester propriétaires de leur bien et continuer à en percevoir les loyers. Enfin, ils ont fait le choix de financer en totalité l’acquisition du bien par un emprunt, ce qui rendait d’autant plus aléatoire la constitution d’un capital avant remboursement total de l’emprunt. Ainsi, aucune manœuvre dolosive n’est établie concernant une présentation surévaluée de la valeur du bien à la revente.
Monsieur et Madame [R] font également valoir que l’effort financier de l’investissement leur a été présenté de manière trompeuse.
Ils affirment que le mandataire de la société STELLIUM IMMOBILIER (OMNIUM CONSEIL) leur a présenté un effort financier évalué à un montant mensuel de l’ordre de 221,44 euros, ce qui ressort effectivement de l’étude réalisée par la société [E] CONSEILS.
Ils produisent également le document intitulé « les 12 maillons Robien » du Groupe OMNIUM FINANCE qui mentionne de manière générale le gain fiscal et la possibilité de dégager un capital en cas de revente à l’issue d’un délai de 15 ans, mais également la garantie locative, les frais de gestion, les charges de copropriété et la taxe foncière, précisant qu’ils sont déductibles de revenus locatifs.
Ils s’appuient en outre sur un bilan financier de l’opération réalisé par leurs soins qui fait apparaître un total de charges d’un montant de 277 844 euros sur une période de 17 ans comprenant les échéances du prêt, la taxe foncière et le coût de travaux et font valoir que le montant total des revenus locatifs s’est élevé à 116 668 euros et celui des « revenus fiscaux » à 29 184,85 euros, en reprenant pour ces deux montants les éléments de l’étude de la société [E] CONSEIL mais sans justifier autrement de ceux-ci.
Si certes, l’étude qui leur a été remise ne mentionne pas de charges autres que celles de la différence entre les revenus issus des loyers et le coût du crédit, il en ressort nettement que seul le coût espéré de la revente peut couvrir les charges qui sont supérieures aux ressources. En outre, alors que les autres charges sont évoquées dans le document du Groupe OMNIUM FINANCE, Monsieur et Madame [R] ne peuvent prétendre qu’ils ignoraient que devenant propriétaires, ils seraient tenus au paiement de la taxe foncière et de charges. Enfin, s’ils produisent des déclarations de revenus fonciers, ils ne produisent pas leurs avis d’imposition et ne justifient pas de la réalité du gain fiscal obtenu, une partie des charges étant de surcroît déductible des ressources avant imposition.
Ainsi, ils n’établissent pas qu’une présentation dolosive de l’effort financier à fournir a été effectuée.
Si par ailleurs dans les documents présentés en vue de la vente, sont mentionnées des études de marché, ces études de marché ne font pas référence au coût du bien mais à la location de celui-ci et à l’évaluation des loyers. Monsieur et Madame [R] ne contestent pas avoir mis leur bien régulièrement en location depuis l’achat et ne produisent aucun élément démontrant que le montant du loyer escompté n’a pas été atteint, l’étude du Cabinet MAURIG faisant état d’une location en cours pour un loyer de 685 euros charges comprises alors que l’étude de la société [E] CONSEILS prévoyait un loyer net de 641 euros. Enfin, la brochure de OMNIUM FINANCE se contente de mentionner que l’évaluation des loyers est faite «à partir d’une étude de marché précise, réalisée auprès de professionnels partenaires locaux ou dans la presse locale » et que « sont pris en compte notamment la situation de la résidence, le choix des matériaux, le type de logement et bien entendu le marché locatif local » et Monsieur et Madame [R] ne démontrent pas que ces allégations sont mensongères et/ou relèvent de manoeuvres, le marché locatif local apparaissant au final comme ayant été pris en compte. Ainsi, aucune présentation dolosive de l’évaluation du marché locatif n’a été faite alors qu’aucune étude de marché n’est mentionnée quant à la valeur du bien à l’achat et/ou à sa revente.
Au final, Monsieur et Madame [R] ne rapportent pas la preuve de l’existence de manœuvres dolosives imputables à la société OMNIUM CONSEIL, à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET, que ce soit une surévaluation mensongère du bien à l’achat et à la revente, une présentation fausse de l’effort financier à fournir ou une allégation fausse d’études de marché, alors qu’ils ont par ailleurs régulièrement mis leur bien en location et régulièrement bénéficié de l’avantage fiscal lié à celle-ci.
Sur le devoir d’information, de conseil et de mise en garde :
Monsieur et Madame [R] soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL qui a proposé une opération de défiscalisation devait assumer une obligation d’information et de conseil relativement à l’investissement proposé.
L’article L. 111-1 du code de la consommation en vigueur au moment des faits dispose que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
L’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil qui suppose d’attirer l’attention du mandant ou du cocontractant sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée et de lui indiquer le choix le plus opportun. Le devoir de conseil se prolonge en une obligation de mise en garde du client. En outre, l’agent immobilier spécialisé dans l’immobilier de placement est tenu d’informer les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu’il leur propose ainsi que sur les risques qui lui sont associés, et peuvent être le corollaire des avantages annoncés (1ère Civ, 02 octobre 2013, n°12-20.504).
Monsieur et Madame [R] font valoir que la société OMNIUM CONSEIL les a induits en erreur sur le montant de l’effort financier généré par l’opération et sur la valeur patrimoniale du bien vendu, a ainsi commis un manquement à son devoir d ‘information, de conseil et de mise en garde, manquement qui engage son mandant, la SCI CYRANO.
Il n’est pas contesté que l’appartement vendu correspond à sa description telle qu’elle est effectuée dans le contrat de réservation. En outre, tel que rappelé ci-dessus, l’appartement a été régulièrement loué et Monsieur et Madame [R] ne contestent pas avoir bénéficié de l’avantage fiscal annoncé.
Pour le surplus, il n’est pas établi que le prix du bien a été surévalué à l’achat et la constitution d’un capital présentée en cas de revente n’est qu’une hypothèse favorable alors que les documents remis par la société OMNIUM CONSEIL mentionnent que le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective.
Enfin, s’agissant de l’effort financier, Monsieur et Madame [R] ne démontrent pas que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d’information et de conseil en la matière, les charges étant mentionnées dans les documents remis et l’étude faisant apparaître un effort financier.
Dès lors, il n’est établi ni que la société OMNIUM CONSEIL ni que son mandant, la SCI CYRANO ou encore la SAS PROMOTION PICHET, ont manqué à un devoir d’information, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de Monsieur et Madame [R].
En conséquence, Monsieur et Madame [R] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes.
Sur les demandes annexes :
Partie perdante, Monsieur et Madame [R] seront condamnés aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Au titre de l’équité, ils seront condamnés à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le même fondement.
L’exécution provisoire de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile sera rappelée.
Le Tribunal,
DÉBOUTE Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] de l’ensemble de leurs demandes.
CONDAMNE Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] à payer à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Monsieur [M] [R] et Madame [X] [O] épouse [R] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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