Responsabilité des acteurs immobiliers dans une opération de défiscalisation : enjeux d’information et de consentement.

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Responsabilité des acteurs immobiliers dans une opération de défiscalisation : enjeux d’information et de consentement.

L’Essentiel : Dans cette affaire, un couple d’acheteurs a engagé une procédure judiciaire contre plusieurs sociétés, dont une société civile immobilière et deux sociétés par actions simplifiées. Ces sociétés étaient impliquées dans la construction et la commercialisation d’un programme immobilier à Bergerac, où les acheteurs avaient acquis un bien immobilier en l’état futur d’achèvement en 2004. En 2021, les acheteurs ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation de la valeur de leur bien à l’achat et ont mis en demeure les sociétés de les indemniser. Le Tribunal a débouté les acheteurs de leurs demandes, considérant qu’ils n’avaient pas prouvé les manquements allégués.

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, un couple d’acheteurs, désigné comme Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F], a engagé une procédure judiciaire contre plusieurs sociétés, dont la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET et la SAS STELLIUM IMMOBILIER. Ces sociétés étaient impliquées dans la construction et la commercialisation d’un programme immobilier à Bergerac, où les acheteurs avaient acquis un bien immobilier en l’état futur d’achèvement en 2004.

Acquisition du bien immobilier

Les acheteurs ont signé un contrat de réservation pour un logement de type T4, pour un prix d’achat de 161 930 euros. L’acte de vente a été finalisé en novembre 2004. Ils ont également confié la gestion locative de leur bien à une société spécialisée et ont souscrit un prêt pour financer l’achat. Le bien a été livré en septembre 2005.

Préjudice allégué et mise en demeure

En 2021, les acheteurs ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation de la valeur de leur bien à l’achat. Ils ont mis en demeure les sociétés impliquées de les indemniser. En janvier 2022, ils ont revendu leur bien pour 91 000 euros, bien en dessous du prix d’achat initial.

Procédure judiciaire

Les acheteurs ont assigné les sociétés en justice pour obtenir réparation de leur préjudice. Les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir basée sur la prescription de l’action, mais la Cour d’appel a déclaré l’action recevable. Les acheteurs ont demandé des indemnités pour préjudice financier et moral, tandis que les sociétés ont contesté les demandes et demandé à être déboutées.

Arguments des parties

Les acheteurs soutiennent que les sociétés ont engagé leur responsabilité en raison de manquements à leurs obligations d’information et de mise en garde, ainsi que par des manœuvres dolosives concernant la valeur du bien. Les sociétés, quant à elles, affirment que les informations fournies étaient conformes à la réalité du marché et que les acheteurs avaient la possibilité de se renseigner eux-mêmes.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a débouté les acheteurs de l’ensemble de leurs demandes, considérant qu’ils n’avaient pas prouvé l’existence de manœuvres dolosives ou de manquements aux obligations d’information. Les acheteurs ont été condamnés à payer des frais de procédure aux sociétés défenderesses. L’exécution provisoire de la décision a été rappelée, et les parties ont été informées des modalités de recouvrement des dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications juridiques du dol dans cette affaire ?

Le dol est défini par l’article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance numéro 2016–131 du 10 février 2016, comme une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il est précisé que le dol ne se présume pas et doit être prouvé. Dans cette affaire, les demandeurs soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL, ainsi que ses mandants, ont engagé leur responsabilité en présentant une valeur du bien surévaluée, ce qui a influencé leur consentement à l’achat.

Les demandeurs ont produit des documents et simulations qui, selon eux, démontrent une présentation trompeuse de la valeur du bien. Cependant, le tribunal a constaté que les éléments fournis ne suffisent pas à établir que le coût du bien a été surévalué de manière dolosive, car les prix se situent dans les fourchettes de valeurs vénales du marché.

Ainsi, le tribunal a conclu qu’aucune manœuvre dolosive n’était établie, ce qui a conduit à débouter les demandeurs de leurs demandes fondées sur le dol.

Quelles sont les obligations d’information et de conseil des professionnels dans cette affaire ?

L’article L. 111-1 du Code de la consommation stipule que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Dans le cadre de cette affaire, les demandeurs soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d’information et de conseil, notamment en ce qui concerne l’effort financier à fournir et la valeur patrimoniale du bien.

Le tribunal a rappelé que l’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil, qui inclut d’attirer l’attention du client sur les avantages et inconvénients de l’opération envisagée. Cependant, il a été établi que l’appartement vendu correspondait à sa description dans le contrat de réservation et que les demandeurs avaient régulièrement loué le bien, bénéficiant ainsi de l’avantage fiscal annoncé.

Le tribunal a conclu qu’il n’était pas prouvé que la société OMNIUM CONSEIL avait manqué à son devoir d’information et de conseil, car les charges et les risques étaient mentionnés dans les documents remis aux demandeurs. Par conséquent, les demandeurs ont été déboutés de leurs demandes relatives à ce manquement.

Quelles sont les conséquences de la prescription de l’action dans cette affaire ?

La question de la prescription de l’action est régie par l’article 1343-2 du Code civil, qui stipule que l’action en responsabilité civile se prescrit par cinq ans à compter du jour où la victime a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer son droit.

Dans cette affaire, les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Cependant, le juge de la mise en état a jugé l’action des demandeurs recevable et non prescrite, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel de Bordeaux.

Cette décision a permis aux demandeurs de poursuivre leur action en justice, malgré les arguments des défenderesses concernant la prescription. Cela souligne l’importance de la connaissance des faits par la victime pour le déclenchement du délai de prescription.

Quelles sont les implications des demandes de dommages et intérêts dans cette affaire ?

Les demandeurs ont sollicité des dommages et intérêts pour le préjudice financier et moral subi, en se fondant sur les articles 1147 et 1382 du Code civil, qui traitent de la responsabilité contractuelle et délictuelle.

Ils ont demandé une indemnisation pour la perte de chance de ne pas investir dans le programme immobilier, ainsi qu’une réparation pour le préjudice moral. Cependant, le tribunal a constaté que les demandeurs n’avaient pas prouvé l’existence d’un préjudice résultant d’une surévaluation dolosive du bien.

En conséquence, les demandes de dommages et intérêts ont été rejetées, car les demandeurs n’ont pas établi que les défenderesses avaient engagé leur responsabilité civile. Cela illustre l’importance de la preuve dans les demandes de réparation en matière de préjudice.

N° RG 21/04144 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTU

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 FÉVRIER 2025
50F

N° RG 21/04144
N° Portalis DBX6-W-B7F- VQTU

Minute n°2025/

AFFAIRE :

[N] [T] [C] [W] épouse [F]
[L] [E] [F]
C/
SCI CYRANO
SASU PROMOTION PICHET anciennement GROUPE EUROBAT
SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement OMNIUM CONSEIL

Grosse Délivrée
le :
à
Me Cécile BOULÉ
la SELAS ELIGE BORDEAUX
SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Madame PINAULT, Juge,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 26 Novembre 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Madame [N] [T] [C] [W] épouse [F]
née le 31 Mai 1968 à [Localité 7] (HAUTE SAÔNE)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]

représentée par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

Monsieur [L] [E] [F]
né le 26 Juin 1964 à [Localité 9] (AIN)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]

représentée par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

DÉFENDERESSES

SCI CYRANO
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SASU PROMOTION PICHET anciennement dénommée GROUPE EUROBAT
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement dénommée OMNIUM CONSEIL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Cécile BOULÉ, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)

RG 21/4144

La SCI CYRANO, dont le gérant est la SAS PROMOTION PICHET, a entrepris en 2002 la construction d’un programme immobilier dénommé « [Adresse 6] » à BERGERAC. La société OMNIUM CONSEIL, appartenant au Groupe OMNIUM FINANCE, devenue ensuite la SAS STELLIUM IMMOBILIER, a procédé à la commercialisation des lots en état de futur achèvement.

Courant 2004, Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] ont rencontré Monsieur [G] [U], dont il n’est pas contesté, qu’il était mandaté par la société OMNIUM CONSEIL, qui leur a présenté une opération consistant en l’acquisition d’un logement en l’état futur d’achèvement, destiné à être donné en location pendant la durée d’un dispositif de défiscalisation de type « DE ROBIEN ».

Monsieur et Madame [F] ont signé le 29 avril 2004 avec la SCI CYRANO un contrat de réservation portant sur un logement de type T4 d’une superficie de 84 m² avec terrasse à usage exclusif, garage et place de parking, dépendant de l’ensemble immobilier dénommé « [Adresse 6] », pour un prix d’achat de 161 930 euros.

L’acte de vente en l’état futur d’achèvement a été signé le 24 novembre 2004 avec la SCI CYRANO, pour un montant de 135 393 euros HT et 161 930 euros TTC.

Monsieur et Madame [F] ont confié à la société OMNIUM GESTION un mandat de gestion locative du bien et ont souscrit une assurance en matière de vacance locative auprès de la MUTUELLE de L’ALLIER et DES REGIONS FRANCAISES.

Le bien a été financé par un apport personnel de 30 000 euros et un prêt à hauteur de 131 930 euros, souscrit auprès du Crédit Foncier, pour une durée de 25 ans, dont les remboursements mensuels étaient de 749,87 euros. Le prêt a été renégocié en 2014 et les montants de remboursements mensuels ont été ensuite de 781,13 euros.

Le bien a été livré le 21 septembre 2005.

En 2021, Monsieur et Madame [F] se sont renseignés sur la valeur du bien. Estimant subir un préjudice lié à une sur évaluation de celui-ci à l’achat, il ont mis en demeure la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET, gérant de la SCI CYRANO, et la société STELLIUM IMMOBILIER de les indemniser.

Monsieur et Madame [F] ont revendu leur bien pour un prix de 91 000 euros en janvier 2022.

Par acte en date des 03 et 12 mai 2021, Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] ont fait assigner au fond la SCI CYRANO, la SAS STELLIUM IMMOBILIER et la SAS PROMOTION PICHET aux fins de se voir indemnisés d’un préjudice.

Les sociétés STELLIUM IMMOBILIER, CYRANO et PROMOTION PICHET ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le juge de la mise en état a jugé prescrite l’action des demandeurs. Par un arrêt en date du 04 mai 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé l’ordonnance et a déclaré l’action recevable comme non prescrite.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] demandent au Tribunal de :
Vu les dispositions des anciens articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1998 et 1382 du Code civil dans la version antérieure à l’ordonnance numéro 2016–131 du 10 février 2016, Vu l’article 1343–2 du code civil,
Vu les dispositions des articles L.111–1, L.120–1, L.121–1 et L.121–29 du Code de la consommation, dans leur version en vigueur au moment des faits,
CONSTATER que les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER ont engagé leur responsabilité civile à leur égard au titre du dol ainsi qu’au titre d’un manquement aux obligations d’information et de mise en garde,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 170.000,00 € au titre de la réparation du préjudice financier subi découlant de la perte de chance de ne pas investir dans le programme « [Adresse 8] »,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 12.000,00 € au titre de la réparation du préjudice moral subi,
ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts légaux sur la totalité des sommes et faire application de l’article 1343–2 du Code civil concernant la capitalisation des intérêts,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 5.000 € au titre de ces frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER aux entiers dépens.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024, la SAS STELLIUM IMMOBILIER, demande au Tribunal de :
Vu les articles 1130, 1132, 1231-1 du Code civil, Vu l’article L121-3 du Code de la consommation,
DEBOUTER de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de la société STELLIUM IMMOBILIER comme infondées et injustifiées,
CONDAMNER à payer à la société STELLIUM IMMOBILIER, la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET demandent au Tribunal de :
– DEBOUTER Monsieur et Madame [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
– CONDAMNER Monsieur et Madame [F] à verser à la S.C.I CYRANO et à la société PROMOTION PICHET une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– CONDAMNER Monsieur et Madame [F] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat, sur ses affirmations de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le dol :

Monsieur et Madame [F] font valoir que la responsabilité de la société OMNIUM CONSEIL, de la SCI CYRANO, son mandant, et de la SAS PROMOTION PICHET est engagée sur le fondement du dol par une présentation dolosive de la valeur du bien, surévalué, tant à l’achat qu’à la revente, par l’affirmation trompeuse de ce que le bien avait fait l’objet d’une étude de marché et par une présentation trompeuse de l’effort financier à fournir dans le cadre de l’opération de défiscalisation, et que l’ensemble de ces éléments a été déterminant pour leur consentement.

La société STELLIUM IMMOBILIER fait valoir qu’elle est intervenue en tant qu’agent immobilier, que les obligations de l’agent immobilier sont distinctes de celles du conseiller financier ou du conseiller en patrimoine, que la présentation du bien était conforme à sa réalité, la simulation présentée n’ayant pas de caractère contractuel et qu’il n’y a pas de dol concernant une éventuelle surévaluation du bien qui n’est par ailleurs pas établie.

La SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET font valoir qu’aucune mise en cause de la responsabilité de la SAS PROMOTION PICHET n’est démontrée, que la société STELLIUM IMMOBILIER n’était pas le mandataire de la SCI CYRANO au sens du code de la consommation et que, si elle est considérée comme un mandataire, elle est tenue par les limites de son mandat d’agent immobilier. Elles soutiennent en outre que le bien livré était conforme aux engagements contractuels de la SCI CYRANO, qu’une surévaluation originelle du bien n’est pas démontrée de même qu’aucun préjudice et que l’acquéreur normalement diligent est en mesure de s’informer sur la valeur du bien immobilier acquis.

En application de l’article 1116 du code civil dans sa version en vigueur avant l’ordonnance du 10 février 2016, applicable en l’espèce, l’ensemble des contrats ayant été conclus avant son entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
L’un des documents à en tête d’OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’ils ont été remis à Monsieur et Madame [F] dans le cadre de la présentation de l’opération, mentionne sous un titre « notre engagement » : « le groupe OMNIUM FINANCE a pour ambition de mettre à disposition des particuliers désireux d’optimiser leur situation financière et fiscale des solutions intégrées de patrimoine, au travers d’une offre globale de services complémentaires liées à l’achat et à la vie d’un produit de placement » et sous un paragraphe « solutions immobilières » : « le pôle produits immobiliers propose une gamme de biens immobiliers à usage locatif, développée grâce à une parfaite maîtrise des différentes lois de défiscalisation (…). Leur réalisation est confiée soit à un promoteur partenaire soit au promoteur interne du groupe (…). Le pôle administration de biens prend le relais en assurant tous les services de gestion de la vie de votre bien immobilier (…) ». Monsieur et Madame [F] produisent en outre la simulation qui a été effectuée pour eux par Monsieur [U] qui comporte une analyse détaillée de l’investissement, qui fait apparaître des recettes et dépenses mensuelles et la mention « si on ne faisait pas cette opération Robien, on continuerait à payer ses impôts normalement » et « il faudrait placer les mêmes sommes pendant plus de 15 ans à un taux de 5% net d’impôts et de CSG/CRDS pour obtenir l’équivalent » et qui fait également apparaître un résultat fiscal avec prêt amortissable et un bilan de trésorerie de l’opération. Il en résulte que l’acquisition du bien par Monsieur et Madame [F], quand bien même la société OMNIUM CONSEIL n’exerçait qu’une activité d’agent immobilier, répondait à la recherche pour ceux-ci d’effectuer un placement rentable financièrement, recherche de la rentabilité financière qui a été un critère déterminant de leur consentement.
Monsieur et Madame [F] font valoir que dès l’origine cette rentabilité financière était vouée à l’échec dans la mesure où le prix d’achat du bien a été surévalué de même que le prix envisageable à la revente.
Ils produisent un document intitulé « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » qui fait état concernant la Dordogne et précisément Bergerac d’un coût de 1 480 euros le mètre carré pour un logement neuf collectif de standing « moyen » et d’un coût de 590 à 1 320 euros le mètre carré de revente d’un bien immobilier ancien collectif de moins de 10 ans d’un état « moyen » à normal. Néanmoins, le même document mentionne un coût de 2 220 euros le mètre carré pour un logement collectif neuf d’état «S » pour standard ou standing et de 1 840 euros le mètre carré pour un immeuble neuf collectif de type « N », normal ou encore un coût de revente de 1 700 euros le mètre carré pour un logement ancien collectif de type « S » de moins de 10 ans.

Monsieur et Madame [F] versent en outre aux débats une évaluation réalisée par Monsieur [M] [V] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale du bien en 2004 était de 1 500 euros le mètre carré, soit 126 000 euros ajustés à 125 000 euros.
Or, Monsieur et Madame [F] ont acquis le logement d’une superficie de 84 m² avec terrasse et jardin à usage exclusif, garage et place de parking pour un montant de 135 393 euros HT et 161 930 euros TTC, soit 1 614 euros le mètre carré hors taxe et 1 927,73 euros le mètre carré TTC.

Dès lors, ce coût se situe dans les fourchettes de la « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » produite et la seule évaluation du Cabinet MAURIG est insuffisante à établir que le coût du bien a été surévalué à l’achat de manière dolosive.
Quant à la brochure de présentation du bien de la SCI CYRANO qui indique que « le Domaine « [Adresse 8] » offre aux investisseurs l’opportunité d’un placement idéal, sûr et rentable à court terme, gage d’un niveau de défiscalisation performant, tout en constituant à long terme un patrimoine immobilier sécurisant », il s’agit d’une brochure publicitaire destinée à favoriser la commercialisation d’un bien qui ne peut être considéré en soi comme une présentation surévaluée du bien constitutive de manoeuvres dolosives.
De surcroît, Monsieur et Madame [F], acheteurs normalement diligents, pouvaient, comme ils l’ont fait d’ailleurs ultérieurement, se renseigner par eux-mêmes sur l’état du marché immobilier à Bergerac, ces informations n’étant pas dissimulées et étant accessibles.
S’agissant de la valeur du bien immobilier à la revente à l’issue de la période de défiscalisation, il ressort de la simulation produite visée ci-dessus qu’il leur a été présentée dans le tableau intitulé « bilan de trésorerie de l’opération » mettant en balance les ressources et les dépenses une valeur de revente de l’immeuble à hauteur de 187 996 euros, la mention « approximative » étant indiquée entre parenthèse en dessous. Il est précisé sur le document « simulation non contractuelle pour M et Mme [F] ».
Ces derniers se prévalent de l’évaluation réalisée par Monsieur [M] [V] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale actuelle (au 17 juin 2024 et donc après la revente) de leur bien d’une surface de 84 mètres carré, en ce non compris la surface du garage de 16 mètres carré, est de 1100 euros le mètre carré, soit 92 400 euros ajustés à 90 000 euros. Monsieur [V] fait référence à la bonne situation de la résidence mais à un état d’entretien général moyen de la résidence et à des logements inadaptés au changement climatique.
Monsieur et Madame [F] avaient entre temps revendu leur bien pour un prix de 91 000 euros en janvier 2022.

N° RG 21/04144 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQTU

La fiche 21 à en-tête de OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’elle leur a été remise dans le cadre de la présentation de l’opération et qui concerne spécifiquement la revente du bien indique « l’immobilier a toujours été pour les Français une valeur refuge par excellence, même s’il subit de faibles fluctuations à la hausse ou à la baisse ; par exemple ; si nous prenons une hypothèse de revente identique au prix d’achat soit de 60 000 euros, avec le produit de la revente, vous soldez votre financement pour un montant de 34 000 euros, vous dégagez donc un capital net d’impôt de 26 000 euros. Pour cet exemple, nous sommes partis de l’hypothèse de revente identique au prix d’achat mais dans la réalité, votre bien connaîtra probablement une revalorisation (…). En tout état de cause, le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective. Nous pouvons simplement affirmer : que la conjecture est aujourd’hui particulièrement favorable, qu’il existe une sortie évidente : revente à 9, 12 ou 15 ans au locataire grâce au prêt transmissible pour un montant de remboursement équivalent au loyer (…), que l’immobilier a toujours été un placement refuge des français et qu’il s’agit de l’avis des experts, du meilleur moyen de protéger son argent de l’érosion monétaire (…). La revente n’est qu’une possibilité ».
Ainsi, alors que le marché immobilier est par nature aléatoire, ce que tout acquéreur même profane n’ignore pas, que leur attention a été attirée sur ce caractère aléatoire, que la simulation réalisée par Monsieur [U] n’avait que le caractère d’une hypothèse avantageuse et idéale, et alors qu’il appartenait en outre à Monsieur et Madame [F] d’entretenir leur bien, ils ne démontrent pas qu’il leur a été assuré dolosivement que la revente de ce bien se ferait au moins à son prix d’achat voire avec une plus-value. De plus, cette revente n’était qu’une possibilité parmi d’autres, Monsieur et Madame [F] pouvant rester propriétaires de leur bien et continuer à en percevoir les loyers. Enfin, ils ont fait le choix de financer en grande partie l’acquisition du bien par un emprunt, ce qui rendait d’autant plus aléatoire la constitution d’un capital avant remboursement total de l’emprunt. Ainsi, aucune manœuvre dolosive n’est établie concernant une présentation surévaluée de la valeur du bien à la revente.
Monsieur et Madame [F] font également valoir que l’effort financier de l’investissement leur a été présenté de manière trompeuse.
Ils affirment que le mandataire de la société STELLIUM IMMOBILIER (OMNIUM CONSEIL) leur a présenté un effort financier devant aller diminuant au fur et à mesure de l’avancement de l’opération, évalué à un montant mensuel de l’ordre de 200 euros.
Ils produisent également le document intitulé « les 12 maillons Robien » qui mentionne de manière générale le gain fiscal et la possibilité de dégager un capital en cas de revente à l’issue d’un délai de 15 ans, mais également la garantie locative, les frais de gestion, les charges de copropriété et la taxe foncière, précisant qu’ils sont déductibles des revenus locatifs.
Ils s’appuient en outre sur un bilan financier de l’opération réalisé par leurs soins qui fait apparaître un total de charges d’un montant de 214 378,34 euros sur une période de 18 ans comprenant les échéances du prêt, les « charges », la taxe foncière, les honoraires de gestion, le coût de travaux et de la prime d’assurance, et un total de ressources de 98 569 euros comprenant 93 981 euros de loyers et 4 588 euros d’avantage fiscal (avantage fiscal qui reprend quasiment l’estimation initiale qui mentionnait un gain fiscal net de 4 590 euros), soit un coût financier au final de 115 809, 34 euros pendant 18 ans.

Cependant, sur la simulation réalisée par Monsieur [U], les charges sont mentionnées, comme consistant dans la taxe foncière, les assurances, le coût du gestionnaire et les charges de copropriété pour un montant de 29 028 euros (sur une période qui semble être de 15 ans). En outre la simulation fait nettement apparaître dans le cadre de l’analyse détaillée de l’investissement que le montant des recettes consistant dans le loyer et l’économie d’impôt était inférieur à celui des dépenses mensuelles, le tout faisant apparaître une trésorerie négative mensuelle en moyenne sur la période de 166 euros et il ressort nettement de ces simulations que seul le coût espéré de la revente peut couvrir les charges qui sont supérieures aux ressources.
En outre, Monsieur et Madame [F] ne peuvent prétendre qu’ils ignoraient que devenant propriétaires, ils seraient tenus au paiement de la taxe foncière et de charges, outre qu’ils ne justifient pas de la réalité du gain fiscal obtenu alors qu’une partie des charges est déductible des ressources avant imposition.
Ainsi, ils n’établissent pas qu’une présentation dolosive de l’effort financier à fournir a été effectuée.
Si par ailleurs dans les documents présentés en vue de la vente, sont mentionnées des études de marché, ces études de marché ne font pas référence au coût du bien mais à la location de celui-ci et à l’évaluation des loyers. Monsieur et Madame [F] ne contestent pas avoir mis leur bien régulièrement en location depuis l’achat et ne produisent aucun élément démontrant que le montant du loyer escompté n’a pas été atteint. Enfin, la brochure de OMNIUM FINANCE se contente de mentionner que l’évaluation des loyers est faite « à partir d’une étude de marché précise, réalisée auprès de professionnels partenaires locaux ou dans la presse locale » et que « sont pris en compte notamment la situation de la résidence, le choix des matériaux, le type de logement et bien entendu le marché locatif local » et Monsieur et Madame [F] ne démontrent pas que ces allégations sont mensongères et/ou relèvent de manoeuvres, le marché locatif local apparaissant au final comme ayant été pris en compte. Ainsi, aucune présentation dolosive de l’évaluation du marché locatif n’a été faite alors qu’aucune étude de marché n’est mentionnée quant à la valeur du bien à l’achat et/ou à sa revente.
Au final, Monsieur et Madame [F] ne rapportent pas la preuve de l’existence de manœuvres dolosives imputables à la société OMNIUM CONSEIL, à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET, que ce soit une surévaluation mensongère du bien à l’achat et à la revente, une présentation fausse de l’effort financier à fournir ou une allégation fausse d’études de marché, alors qu’ils ont par ailleurs régulièrement mis leur bien en location et régulièrement bénéficié de l’avantage fiscal lié à celle-ci.
Sur le devoir d’information, de conseil et de mise en garde :
Monsieur et Madame [F] soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL qui a proposé une opération de défiscalisation devait assumer une obligation d’information et de conseil relativement à l’investissement proposé.
L’article L. 111-1 du code de la consommation en vigueur au moment des faits dispose que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

L’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil qui suppose d’attirer l’attention du mandant ou du cocontractant sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée et de lui indiquer le choix le plus opportun. Le devoir de conseil se prolonge en une obligation de mise en garde du client. En outre, l’agent immobilier spécialisé dans l’immobilier de placement est tenu d’informer les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu’il leur propose ainsi que sur les risques qui lui sont associés, et peuvent être le corollaire des avantages annoncés (1ère Civ, 02 octobre 2013, n°12-20.504).
Monsieur et Madame [F] font valoir que la société OMNIUM CONSEIL les a induits en erreur sur le montant de l’effort financier généré par l’opération et sur la valeur patrimoniale du bien vendu, a ainsi commis un manquement à son devoir d ‘information, de conseil et de mise en garde, manquement qui engage son mandant, la SCI CYRANO.
Il n’est pas contesté que l’appartement vendu correspond à sa description telle qu’elle est effectuée dans le contrat de réservation. En outre, tel que rappelé ci-dessus, l’appartement a été régulièrement loué et Monsieur et Madame [F] ne contestent pas avoir bénéficié de l’avantage fiscal annoncé.
Pour le surplus, il n’est pas établi que le prix du bien a été surévalué à l’achat et la constitution d’un capital présentée en cas de revente n’est qu’une hypothèse favorable alors que les documents remis par la société OMNIUM CONSEIL mentionnent que le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective.
Enfin, s’agissant de l’effort financier, Monsieur et Madame [F] ne démontrent pas que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d ‘information et de conseil en la matière, les charges étant mentionnées dans les documents remis et la simulation faisant apparaître un effort financier.
Dès lors, il n’est établi ni que la société OMNIUM CONSEIL ni que son mandant, la SCI CYRANO ou encore la SAS PROMOTION PICHET, ont manqué à un devoir d’information, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de Monsieur et Madame [F].
En conséquence, Monsieur et Madame [F] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes.
Sur les demandes annexes :
Partie perdante, Monsieur et Madame [F] seront condamnés aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Au titre de l’équité, ils seront condamnés à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le même fondement.
L’exécution provisoire de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile sera rappelée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

DÉBOUTE Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] de l’ensemble de leurs demandes.

CONDAMNE Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] à payer à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [L] [F] et Madame [N] [W] épouse [F] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile, et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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