L’Essentiel : Monsieur [U] a été engagé en tant que mécanicien automobile le 27 mars 2002. Le 14 novembre 2018, il a demandé la requalification de sa démission en prise d’acte de rupture, entraînant un licenciement sans cause réelle. Le conseil de prud’hommes a débouté ses demandes le 17 juin 2019, le condamnant à verser des frais pour procédure abusive. Après un appel déclaré caduc, Monsieur [U] a assigné Monsieur [K] et l’Union locale CGT en 2020, mais le tribunal a rejeté ses demandes le 10 novembre 2023. L’appel de cette décision a été confirmé, condamnant Monsieur [U] à verser des sommes à ses adversaires.
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Engagement de Monsieur [U]Monsieur [J] [U] a été engagé le 27 mars 2002 en tant que mécanicien automobile par la SAS [2]. Demande de requalification de la démissionLe 14 novembre 2018, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Longwy pour demander la requalification de sa démission en prise d’acte de rupture de contrat de travail, entraînant un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le paiement de diverses sommes totalisant 58 849 euros. Décision du conseil de prud’hommesLe 17 juin 2019, le conseil de prud’hommes a débouté Monsieur [U] de toutes ses demandes et l’a condamné à verser 500 euros pour procédure abusive, ainsi que 300 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Appel de Monsieur [U]Monsieur [U] a relevé appel de ce jugement le 23 juillet 2019 par l’intermédiaire de son représentant, Monsieur [K]. Caducité de l’appelLe 18 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Metz a déclaré l’appel caduc, en raison du non-dépôt des conclusions dans le délai imparti de trois mois. Nouvelle assignation de Monsieur [U]Le 6 novembre 2020, Monsieur [U] a assigné Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Val de Briey, demandant leur condamnation in solidum au paiement de 58 849 euros pour préjudice lié à une perte de chance. Décision du tribunal judiciaireLe 10 novembre 2023, le tribunal a déclaré l’action de Monsieur [U] recevable mais a débouté toutes ses demandes, tout en condamnant Monsieur [U] à verser 1 000 euros à Monsieur [K] et 1 000 euros à l’Union locale CGT, ainsi qu’aux dépens. Appel de la décision du tribunalMonsieur [U] a relevé appel de cette décision le 18 décembre 2023, demandant l’infirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [K] et de l’Union locale CGT à lui verser 55 906,55 euros pour perte de chance. Réponse de l’Union locale CGT et de Monsieur [K]Le 17 juin 2024, l’Union locale CGT et Monsieur [K] ont demandé l’infirmation du jugement en ce qui concerne la recevabilité de l’action contre l’Union locale et ont sollicité leur mise hors de cause. Clôture de l’instruction et audience de plaidoirieL’instruction a été clôturée le 30 juillet 2024, avec une audience de plaidoirie fixée au 21 octobre 2024 et un délibéré prévu pour le 13 janvier 2025. Motifs de la décisionLe tribunal a examiné la demande de mise hors de cause de l’Union locale CGT, concluant qu’il n’existait pas de lien juridique suffisant pour engager sa responsabilité. Responsabilité de Monsieur [K]Concernant la responsabilité de Monsieur [K], le tribunal a constaté qu’il n’avait pas déposé les conclusions dans le délai imparti, mais a également noté que Monsieur [U] avait pris des mesures qui avaient entravé cette procédure. Conclusion sur la demande de perte de chanceLe tribunal a rejeté la demande de Monsieur [U] pour perte de chance, considérant que les manquements reprochés à Monsieur [K] n’étaient pas de nature à engager sa responsabilité. Demandes de dommages-intérêts pour procédure abusiveLes demandes de Monsieur [K] et de l’Union locale CGT pour procédure abusive ont été rejetées, le tribunal n’ayant pas trouvé de caractère abusif dans la procédure engagée par Monsieur [U]. Décision finaleLa cour a confirmé le jugement du 10 novembre 2023 dans son intégralité, rejetant les demandes de Monsieur [U] et le condamnant à verser des sommes à Monsieur [K] et à l’Union locale CGT, ainsi qu’aux dépens. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la demande de Monsieur [U] concernant la requalification de sa démission ?Monsieur [U] a saisi le conseil de prud’hommes pour demander la requalification de sa démission en une prise d’acte de rupture du contrat de travail, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette demande s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article L. 1231-1 du Code du travail, qui stipule que « le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’une ou l’autre des parties, sous réserve du respect des dispositions légales et conventionnelles applicables. » En effet, la prise d’acte de rupture est une forme de rupture du contrat de travail qui peut être considérée comme un licenciement si elle est justifiée par des manquements de l’employeur. Il est donc essentiel d’examiner si les éléments présentés par Monsieur [U] justifient une telle requalification, notamment en vertu des articles L. 1232-1 et suivants du même code, qui régissent les conditions de licenciement. Quelles sont les conséquences de la déclaration d’appel de Monsieur [U] et de son traitement par la cour d’appel ?La déclaration d’appel de Monsieur [U] a été déclarée caduque par le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Metz, en application de l’article 908 du Code de procédure civile. Cet article précise que « l’appelant doit déposer ses conclusions dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel. » En l’espèce, Monsieur [K], représentant de Monsieur [U], n’a pas respecté ce délai, ce qui a conduit à la caducité de l’appel. L’article 908 souligne l’importance du respect des délais dans la procédure d’appel, et le non-respect de cette obligation entraîne des conséquences directes sur la recevabilité de l’appel. Ainsi, la cour d’appel a agi conformément à la loi en déclarant l’appel caduc, ce qui a eu pour effet de rendre le jugement du conseil de prud’hommes définitif. Quelles sont les implications de la responsabilité de Monsieur [K] en tant que défenseur syndical ?La responsabilité de Monsieur [K] en tant que défenseur syndical est régie par les articles 1991 et 1992 du Code civil. L’article 1991 stipule que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. » De plus, l’article 1992 précise que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. » Dans le cas présent, le tribunal a constaté que Monsieur [K] n’avait pas déposé les conclusions dans le délai imparti, ce qui pourrait engager sa responsabilité. Cependant, il a été établi que Monsieur [K] avait informé Monsieur [U] de la nécessité de respecter ce délai et qu’il avait été placé dans l’impossibilité de le faire en raison de la décision de Monsieur [U] de confier son dossier à un avocat. Ainsi, la responsabilité de Monsieur [K] ne peut être engagée, car il a agi avec diligence et a averti son mandant des conséquences de ses choix. Quelles sont les conséquences de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ?Les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formulées par Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] ont été rejetées par le tribunal. L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans ce cas, le tribunal a considéré que Monsieur [U] n’avait pas engagé une procédure abusive, car il n’a pas été démontré que ses actions étaient dénuées de fondement ou manifestement excessives. Ainsi, le rejet de ces demandes souligne l’importance de la bonne foi dans l’engagement de procédures judiciaires et la nécessité de prouver le caractère abusif des actions pour obtenir des dommages-intérêts. Comment le tribunal a-t-il statué sur la mise hors de cause de l’Union locale CGT ?Le tribunal a rejeté la demande de mise hors de cause de l’Union locale CGT de [Localité 3], considérant que Monsieur [K] avait reçu pouvoir de cette Union pour représenter Monsieur [U]. L’article L. 1453-4 du Code du travail précise que « le défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. » Le tribunal a donc jugé que la demande de mise hors de cause était infondée, car les éléments de preuve démontraient que Monsieur [K] avait bien agi en tant que représentant de Monsieur [U] avec l’accord de l’Union locale CGT. Cette décision souligne l’importance des mandats et des pouvoirs donnés aux défenseurs syndicaux dans le cadre des procédures judiciaires. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2025 DU 13 JANVIER 2025
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02650 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FJD2
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY,
R.G.n° 20/01263, en date du 10 novembre 2023,
APPELANT :
Monsieur [J] [U]
domicilié [Adresse 1]
Représenté par Me Alain CHARDON, substitué par Me Hélène RAYMOND, avocats au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [P] [K]
domicilié chez [Adresse 6]
Représenté par Me Damien L’HOTE, avocat au barreau de NANCY
Syndicat [5], pris en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [Adresse 4]
Représenté par Me Damien L’HOTE, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Monsieur Thierry SILHOL, Président de Chambre, chargé du rapport,
Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Laurène RIVORY ;
A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2025, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 13 Janvier 2025, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
Monsieur [J] [U] a été engagé le 27 mars 2002 en qualité de mécanicien automobile par la SAS [2].
Le 14 novembre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Longwy d’une demande tendant à ce que sa démission soit requalifiée en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’au paiement de diverses sommes d’un montant total de 58849 euros au titre de la rupture du contrat de travail.
Statuant le 17 juin 2019, cette juridiction a débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juillet 2019 déposée par son représentant, Monsieur [K], défenseur syndical, Monsieur [U] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 18 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Metz a, en application de l’article 908 du code de procédure civile, déclaré l’appel caduc, faute pour l’appelant d’avoir déposé ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
Le 6 novembre 2020, Monsieur [U] a fait assigner Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] devant le tribunal judiciaire de Val de Briey aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 58849 euros au titre du préjudice résultant d’une perte d’une chance.
Statuant le 10 novembre 2023, ce tribunal a :
– déclaré recevable l’action de Monsieur [U] à l’encontre de Monsieur [K] et de l’Union locale CGT de [Localité 3],
– débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté Monsieur [K] et l’Union locale de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné Monsieur [U] à payer à Monsieur [K] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [U] à payer à l’Union locale CGT de [Localité 3] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Monsieur [U] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu, s’agissant de la mise hors de cause de l’Union locale CGT de [Localité 3], qu’il résultait des éléments de preuve versés aux débats que Monsieur [K] a reçu pouvoir de cette Union pour assister et représenter Monsieur [U] devant la cour d’appel, qu’il s’est constitué sur papier à entête de l’Union locale CGT de [Localité 3] et qu’il a été nécessairement inscrit, en application de l’article L. 1453-4 du code du travail, sur la liste des défenseurs syndicaux arrêtée par l’autorité administrative sur proposition de l’Union locale. Il en a déduit que la demande de mise hors de cause devait être rejetée et que l’action engagée par Monsieur [U] à l’encontre de l’Union locale CGT devait être déclarée recevable.
Sur la responsabilité civile de l’Union locale CGT [Localité 3] et de Monsieur [K], le tribunal a relevé, au visa des articles 1991 et 1992 du code civil et des dispositions du code du travail régissant l’appel des décisions rendues par le conseil de prud’hommes, que Monsieur [K], qui échoue à démontrer qu’il ne représentait pas Monsieur [U] devant la cour d’appel de Nancy, avait commis une faute en ne remettant pas ses conclusions dans le délai de trois mois imparti à l’article 908 du code de procédure civile. En revanche, le tribunal a considéré que Monsieur [U] s’est borné à produire les conclusions qui avaient été déposées devant la cour d’appel et que, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, ce seul document n’est pas de nature à établir l’existence du préjudice découlant d’une perte d’une chance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel, sous la forme électronique, le 18 décembre 2023, Monsieur [U] a relevé appel de ce jugement.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel, sous la forme électronique le 26 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [U] demande à la cour de :
– déclarer Monsieur [U] recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit,
– infirmer le jugement rendu le 10 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Val de Briey en ce qu’il a :
– débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes.
– condamné Monsieur [U] à payer à Monsieur [P] [K] la somme de 1000 euros et à l’Union locale CGT de [Localité 3] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné Monsieur [U] aux entiers dépens de la procédure.
Statuant à nouveau,
– condamner Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] in solidum, à payer à Monsieur [U] la somme de 55906,55 euros en réparation du préjudice subi au titre de la perte de chance,
– débouter Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] de leurs demandes,
– condamner Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] in solidum, à payer à Monsieur [U] la somme de5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’appel,
– condamner Monsieur [P] [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] in solidum aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel, sous la forme électronique le 17 juin 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l’Union locale CGT de [Localité 3] et Monsieur [K] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la recevabilité de la procédure à l’encontre de l’Union locale CGT de [Localité 3],
– mettre l’Union locale CGT de [Localité 3] hors de cause,
– infirmer la décision entreprise de (sic) ce qu’elle a retenu la faute de Monsieur [K] dans la défense des intérêts de Monsieur [U],
– confirmer la décision entreprise quant au surplus et notamment quant à l’absence de démonstration de l’existence d’un préjudice au titre d’une perte de chance,
Et en toute hypothèse,
– débouter Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Monsieur [U] à payer en cause d’appel à :
– l’Union locale CGT de [Localité 3] 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Monsieur [K] 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et à chacun d’eux une somme de 3000 euros pour procédure abusive,
– condamner Monsieur [U] aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de Maître L’Hôte pour ceux d’appel et Maître Mallet pour ceux de première instance.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 30 juillet 2024.
L’audience de plaidoirie a été fixée au 21 octobre 2024 et le délibéré au 13 janvier 2025.
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [U] le 26 juillet 2024 et par Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] le 17 juin 2024,
Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 30 juillet 2024,
Sur la mise hors de cause de l’Union locale CGT de [Localité 3]
Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge « doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »
En l’occurrence, il est demandé la « mise hors de cause » de l’Union locale CGT de [Localité 3] au motif qu’il n’existe aucun lien juridique entre Monsieur [K] et elle. L’Union locale CGT soutient que la circonstance que Monsieur [K] a adhéré au syndicat CGT ne saurait suffire à engager la responsabilité de ce syndicat à l’occasion d’une instance prud’homale. Elle fait valoir, en outre, que le document dont Monsieur [U] se prévaut pour prétendre que Monsieur [K] aurait reçu pouvoir de l’Union locale CGT de [Localité 3] n’est ni daté ni signé et que, en tout état de cause, ce mandat ne vise que la représentation ou l’assistance de Monsieur [U] devant le conseil de prud’hommes de [Localité 3].
Cela étant, cette demande de « mise hors de cause », qui est dépourvue de toute portée juridique, ne constitue ni une fin de non-recevoir pour défaut de qualité à défendre au sens des articles 32 et 122 du code de procédure civile ni une demande au fond.
Contestant la possibilité d’imputer à l’Union locale CGT de [Localité 3] les manquements reprochés à Monsieur [K], les intimés opposent, en réalité, à Monsieur [U] un moyen de défense au fond. Dès lors, il doit être apprécié avec les autres moyens de défense invoqués par les intimés pour contester le bien-fondé de la demande en réparation d’une perte d’une chance présentée par Monsieur [U].
Sur le bien-fondé de la demande en réparation d’une perte de chance
A l’appui de son appel, Monsieur [U] fait valoir que la responsabilité de Monsieur [K] est établie dès lors que celui-ci n’a déposé de conclusions devant la cour d’appel que le 22 novembre 2019 alors que le délai de trois mois prescrit à l’article 908 du code de procédure civile était expiré depuis le 23 octobre précédent.
Il ajoute qu’il n’est pas démontré que Monsieur [K] aurait déposé son mandat ou aurait été déchargé de celui-ci pendant ce délai et que ce n’est que le 16 décembre 2019 que son nouveau représentant, Maître [D], s’est constitué devant la cour d’appel de Nancy.
Il précise que, à supposer que Monsieur [K] aurait déposé son mandat, il appartenait à celui-ci de le lui indiquer ainsi que de l’informer de son obligation d’avoir à constituer un avocat pour le représenter et qu’à défaut de conclure avant le 24 octobre 2019, l’appel serait considéré comme caduc. Il observe qu’aucune de ces diligences n’a été effectuée.
Monsieur [U] soutient que le défenseur syndical étant tenu d’une obligation de résultat, la seule expiration du délai pour conclure suffit à engager sa responsabilité.
Il considère qu’il ressort des faits clairement établis et non contestables présentés au soutien de ses prétentions que les manquements qu’il reprochait à son employeur justifiaient la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il en déduit que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Longwy avait toutes les chances d’être réformé par la cour d’appel. En conséquence, il s’estime bien fondé à réclamer, au titre de la perte d’une chance, 95% des demandes indemnitaires qui n’ont pu être soumises à la cour d’appel.
Pour leur part, les intimés font valoir que, au mois de septembre 2019, Monsieur [U] est venu reprendre son dossier pour le confier à Maître [T], avocat, et que Monsieur [K] l’a averti de la nécessité de déposer des conclusions avant le 24 octobre 2019.
Ils affirment que malgré les demandes réitérées de Monsieur [K] auprès de cet avocat, il n’a pu disposer en temps utile des écritures et des pièces. Ils ajoutent que ce n’est qu’après l’expiration du délai de trois mois que l’épouse de Monsieur [U] est venue lui demander d’apposer son cachet et sa signature sur les conclusions avant de repartir avec celles-ci. Ils observent que les conclusions d’appel ont été déposées, hors délai, par cet avocat, qui s’est constitué devant la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy, et que Monsieur [K] n’a pas eu la possibilité de déposer lui-même ces écritures.
Ils en déduisent que Monsieur [K] a été démis de son mandat ou a été, à tout le moins, placé dans l’impossibilité de remplir celui-ci.
Ils soutiennent que Monsieur [U] ne démontre pas avoir été privé d’une chance d’obtenir gain de cause devant la cour d’appel. A cet égard, ils relèvent que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que Monsieur [U] ne démontrait aucun des éléments allégués au soutien de sa demande de prise d’acte de rupture du contrat de travail et exerçait une activité concurrentielle à l’employeur, a débouté Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Ils soulignent que Monsieur [U] a fait citer son ancien employeur ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de Moselle devant la juridiction correctionnelle aux fins d’obtenir, sur l’action civile, la même somme que celle qu’il réclame devant la juridiction civile. Enfin, ils observent que selon cette citation, Monsieur [U] occupait effectivement une activité chez un autre employeur.
* * *
D’abord, l’article 1991, alinéa 1er, du code civil prévoit que le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.
Aux termes de l’article 1992 du même code, « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire. »
Ensuite, il ressort des articles L. 1453-1 A, 2°, et R.1461-2 du code du travail que devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale, les parties doivent être représentées par un avocat ou un défenseur syndical. Selon l’article L. 1453-4, alinéa 1er de ce code, le défenseur syndical exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. Le défenseur syndical exerce ses fonctions à titre gratuit, l’employeur étant, en vertu de l’article L. 1453-6 du même code, remboursé par l’Etat des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l’exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants.
Enfin, aux termes de l’article 411 du code de procédure civile, « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. » Il résulte des articles 412 et 413 du code de procédure civile que la mission d’assistance en justice, qui découle du mandat de représentation, emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l’obliger.
En l’espèce, il est constant que Monsieur [K] a représenté Monsieur [U] devant la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy dans le litige opposant celui-ci à la société [2].
Dans le cadre de cette représentation, Monsieur [K] a déposé, le 23 juillet 2019, une déclaration d’appel enregistrée au greffe le 24 juillet suivant et s’est constitué pour Monsieur [U].
La société [2] n’ayant pas constitué avocat, le greffe de la chambre sociale de la cour d’appel a adressé, le 27 août 2019 à Monsieur [K] un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel. Cette signification a été effectuée le 13 septembre 2019.
Des conclusions d’appel mentionnant que Monsieur [U] était représenté par Monsieur [K] et signées par celui-ci ont été reçues à la cour d’appel le 22 novembre 2019.
Le 16 décembre 2019, Maître [Z] [D] s’est constitué en lieu et place de Monsieur [K].
Selon ordonnance du 18 décembre 2019, le président de la chambre sociale de la cour d’appel de Nancy a, sur le fondement de l’article 908 du code de procédure civile, déclaré caduque la déclaration d’appel au motif que l’appelant n’avait déposé ses conclusions au greffe que le 22 novembre 2019 alors qu’il avait interjeté appel le 23 juillet précédent.
En l’état de ces éléments, il apparaît que Monsieur [K] agissait encore en qualité de représentant de Monsieur [U] à la date du dépôt des conclusions d’appel. En conséquence, il ne peut être considéré que son mandat avait été révoqué à cette date.
Il résulte également de ces éléments que si Monsieur [K] a régulièrement fait enregistrer une déclaration d’appel et s’est acquitté de l’obligation de signification de celle-ci prévue à l’article 902 du code de procédure civile, il n’a pas déposé de conclusions dans le délai de trois mois prescrit à l’article 908 de ce code.
Cela étant, il convient de vérifier si cette mauvaise exécution du mandat de représentation est de nature à engager la responsabilité de Monsieur [K].
Sur ce point, il ressort de deux attestations circonstanciées délivrées les 24 novembre 2020 et 14 juin 2024 par Monsieur [M] [L], qui précise assurer l’accueil du public dans les locaux de l’Union locale CGT et travailler dans la même pièce que Monsieur [K], que, au mois de septembre 2019, Monsieur [U] « est venu réclamer à Monsieur [K] son dossier prud’homal, conclusions et pièces en déclarant que Maître [T], dont le cabinet est à Luxembourg, prendrait en charge son affaire et serait mieux défendu, d’autant plus que son épouse est la soeur de Maître [T], elle travaille avec Maître [T] ».
Indiquant avoir assisté à cette scène, Monsieur [L] ajoute que Monsieur [K] a remis à Monsieur [U] son dossier en déclarant qu’il dégagerait toute responsabilité si le dossier ne lui était pas remis avant le 24 octobre 2019, notamment en cas de caducité.
Monsieur [L] atteste également que Monsieur [K] a appelé à plusieurs reprises Maître [T] pour réclamer le dossier de Monsieur [U] afin d’éviter cette caducité.
Par ailleurs, en réponse à un courriel du 22 février 2020 dans lequel Monsieur [K] indiquait qu’il avait vainement demandé à Maître [T] de lui faire retour des pièces et conclusions que Monsieur [U] lui avait reprises, Maître [D], collaborateur de Maître [T], a admis, tout en soulignant que Monsieur [K] était personnellement et directement l’interlocuteur de la cour d’appel, que le cabinet de Maître [T] était chargé de la rédaction des conclusions.
Enfin, il n’est pas sérieusement contesté que Monsieur [K] n’a obtenu le retour de ces écritures que la dernière semaine de novembre, soit postérieurement à l’expiration du délai de trois mois.
Il découle de ces éléments, qui ne sont pas remis en cause par l’examen des autres pièces de la procédure, que Monsieur [U], qui a fait le choix de confier la rédaction de ses conclusions d’appel à un avocat, a demandé à Monsieur [K] de lui remettre son dossier, que Monsieur [K] a averti Monsieur [U] et cet avocat à plusieurs reprises de la nécessité de déposer des conclusions dans le délai de trois mois et que, en dépit de ses demandes réitérées, Monsieur [K] n’a pu obtenir en temps utile le retour de ce dossier.
Il en résulte que Monsieur [K], qui s’est acquitté de ses obligations d’information et de diligence, a été, en outre, placé, par le fait de son mandant, dans l’impossibilité de déposer des conclusions dans le délai de trois mois imparti par l’article 908 du code de procédure civile, en sorte que sa responsabilité ne peut être engagée. Dès lors, la demande de condamnation in solidum de celui-ci et de l’Union locale CGT de [Localité 3] au paiement de dommages-intérêts pour perte d’une chance doit être rejetée.
En conséquence, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, étant observé que si Monsieur [K] et l’Union locale CGT demandent l’infirmation de ce jugement en ce qu’elle a retenu la faute de Monsieur [K], le tribunal n’a pas statué sur ce point dans le dispositif de sa décision.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive
Monsieur [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3] ne démontrant pas le caractère abusif de la procédure engagée contre eux par Monsieur [U], il convient de rejeter les demandes formées de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [U] aux dépens et à payer à Monsieur [K] et à l’Union locale CGT de [Localité 3] chacun, la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant à hauteur de cour, Monsieur [U] doit supporter les dépens d’appel.
Enfin, l’équité commande de condamner Monsieur [U] à payer à Monsieur [K] et à l’Union locale CGT de [Localité 3] chacun, la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement prononcé le 10 novembre 2023 par le tribunal judiciaire de Val de Briey en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette les demandes en paiement d’une somme pour procédure abusive formées par Monsieur [P] [K] et l’Union locale CGT de [Localité 3],
Condamne Monsieur [J] [U] à payer à Monsieur [P] [K] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [J] [U] à payer à l’Union locale CGT de [Localité 3] la somme de 1500 euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [J] [U] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en dix pages.
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