Responsabilité de l’État lors d’une interpellation : Questions / Réponses juridiques

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Responsabilité de l’État lors d’une interpellation : Questions / Réponses juridiques

Le 2 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a ordonné l’évacuation d’une faculté occupée par des étudiants. Lors de l’interpellation de M. [Y] le 9 mai, une grenade de désencerclement a explosé, blessant M. [Y] et deux policiers. Une enquête a conclu à une explosion accidentelle. M. [Y] a demandé une indemnisation, et le tribunal a reconnu une faute lourde de l’État, condamnant ce dernier à indemniser M. [Y] à hauteur de 50%. L’État a fait appel, contestant la responsabilité, tandis que M. [Y] a formé un appel incident pour l’usage disproportionné de la force.. Consulter la source documentaire.

Quelle est la compétence des juridictions judiciaires dans ce litige ?

La compétence des juridictions judiciaires est établie par l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, qui stipule que « l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ».

Ce litige relève donc des juridictions de l’ordre judiciaire, car M. [Y] a subi des dommages lors de son interpellation, qui a eu lieu dans le cadre d’une action de police judiciaire, conformément à l’article 14 du code de procédure pénale.

Il est important de noter que la responsabilité de l’État ne peut être engagée que pour des actes relatifs au fonctionnement du service public de la justice, et non pour des actes d’organisation, qui relèvent des juridictions administratives.

Ainsi, la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l’action en responsabilité engagée par M. [Y] contre l’État est confirmée, car les faits reprochés concernent le fonctionnement du service public de la justice.

Quelles sont les conditions pour établir une faute lourde de l’État ?

L’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire précise que « sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ».

Pour établir une faute lourde, il faut démontrer une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. Cela a été confirmé par la jurisprudence, notamment par la décision de la Cour de cassation du 23 février 2001.

Dans le cas présent, le tribunal a retenu que l’État a commis une faute lourde en raison de l’irrégularité dans le port et le transport d’une grenade à main de désencerclement (GMD) par un policier, ce qui a conduit à l’explosion de l’engin et aux blessures de M. [Y].

Il a été établi que le policier a agi dans des conditions de sécurité insuffisantes et que les règles de sécurité relatives à l’utilisation de la GMD n’ont pas été respectées, ce qui constitue un fonctionnement défectueux du service public de la justice.

Comment la responsabilité de M. [Y] a-t-elle été évaluée dans ce litige ?

Le tribunal a initialement jugé que M. [Y] avait commis une faute qui a participé à la survenance de ses dommages, à hauteur de 50%. Cependant, cette évaluation a été contestée en appel.

Il est important de noter que la faute de M. [Y] résidait dans la dégradation d’une caméra de surveillance, mais il n’a pas été prouvé que cette infraction ait eu un lien de causalité direct avec les blessures subies lors de son interpellation.

Les témoignages recueillis n’ont pas établi que M. [Y] se soit montré violent avant son interpellation. Au contraire, il a été démontré qu’il a été extrait du groupe sans difficulté, et que la violence est survenue uniquement lors de son interpellation.

Ainsi, la cour a infirmé la décision du tribunal concernant la responsabilité de M. [Y], concluant que l’État est seul responsable des préjudices subis par M. [Y], car aucune preuve d’une faute causale de sa part n’a été rapportée.

Quelles sont les implications de l’usage de la grenade de désencerclement dans ce contexte ?

L’usage de la grenade de désencerclement (GMD) est encadré par des règles strictes, comme le stipule l’annexe IV de l’instruction du 2 septembre 2014, qui précise que la GMD est une arme de force intermédiaire, dont l’utilisation doit être justifiée par des circonstances spécifiques telles que la légitime défense ou le maintien de l’ordre.

Dans cette affaire, il a été établi que les conditions d’usage de la GMD n’étaient pas réunies lors de l’interpellation de M. [Y]. Le policier a transporté la grenade dans sa poche de pantalon, ce qui constitue une violation des règles de sécurité.

L’explosion de la GMD a causé des blessures à M. [Y], et le lien de causalité entre l’usage irrégulier de cette arme et les blessures subies a été clairement établi. Cela a conduit à la conclusion que l’État a engagé sa responsabilité pour faute lourde en raison de l’usage inapproprié de la GMD dans le cadre d’une interpellation judiciaire.

Quelles sont les conséquences de la décision de la cour d’appel sur les demandes d’indemnisation ?

La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal en ce qui concerne la responsabilité de l’État, mais a infirmé la décision relative à la faute de M. [Y], établissant que l’État est seul responsable des préjudices subis par M. [Y].

En conséquence, M. [Y] a droit à une indemnisation complète pour ses préjudices, sans réduction de 50% pour sa propre faute. La cour a également ordonné une expertise avant dire droit sur la réparation, ce qui signifie que le montant exact de l’indemnisation sera déterminé ultérieurement.

De plus, la cour a réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles de première instance et a condamné l’agent judiciaire de l’État aux dépens d’appel, ce qui implique que l’État devra couvrir les frais de la procédure d’appel.

Ainsi, la décision de la cour d’appel a des implications significatives pour M. [Y], qui est désormais en position de recevoir une indemnisation complète pour les blessures subies lors de son interpellation.


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