Responsabilité engagée dans une opération immobilière contestée

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Responsabilité engagée dans une opération immobilière contestée

L’Essentiel : Dans cette affaire, un couple d’acheteurs a engagé une procédure judiciaire contre plusieurs sociétés, dont une société civile immobilière et deux sociétés par actions simplifiées. Ces sociétés étaient impliquées dans la construction et la commercialisation d’un programme immobilier. Les acheteurs ont acquis un appartement en l’état futur d’achèvement, avec l’intention de le louer dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation. En 2021, les acheteurs ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation à l’achat et ont assigné les sociétés devant le Tribunal judiciaire, demandant réparation pour le préjudice financier et moral. Le Tribunal a débouté les acheteurs de leurs demandes.

Contexte de l’Affaire

Dans cette affaire, un couple d’acheteurs, désigné comme Monsieur [H] et Madame [P], a engagé une procédure judiciaire contre plusieurs sociétés, dont la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET, et la SAS STELLIUM IMMOBILIER. Ces sociétés étaient impliquées dans la construction et la commercialisation d’un programme immobilier à [Localité 7]. Les acheteurs ont acquis un appartement en l’état futur d’achèvement, avec l’intention de le louer dans le cadre d’un dispositif de défiscalisation.

Acquisition et Financement

Les acheteurs ont signé un contrat de réservation en janvier 2004 pour un appartement et ont finalisé l’acte de vente en juillet 2004. Le bien a été financé par un prêt de 129 600 euros, et les acheteurs ont également souscrit une garantie locative pour une durée de neuf ans. L’achèvement des travaux a eu lieu en avril 2005.

Évaluation et Réclamation

En 2021, les acheteurs ont fait évaluer leur bien et ont estimé subir un préjudice en raison d’une surévaluation à l’achat. Ils ont alors mis en demeure les sociétés impliquées de les indemniser. Faute d’accord, ils ont assigné les sociétés devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux, demandant réparation pour le préjudice financier et moral.

Arguments des Parties

Les sociétés défenderesses ont contesté la recevabilité de l’action des acheteurs, invoquant la prescription. Cependant, la Cour d’appel a déclaré l’action recevable. Les acheteurs soutiennent que les sociétés ont engagé leur responsabilité civile en raison de manœuvres dolosives, notamment une présentation trompeuse de la valeur du bien et de l’effort financier à fournir. Les sociétés, quant à elles, affirment que les informations fournies étaient conformes à la réalité et que les acheteurs auraient dû se renseigner sur le marché immobilier.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a débouté les acheteurs de l’ensemble de leurs demandes, concluant qu’aucune manœuvre dolosive n’avait été établie. Il a également condamné les acheteurs à payer des frais de procédure aux sociétés défenderesses. Le Tribunal a rappelé que l’exécution provisoire de la décision était de droit, et a ordonné le recouvrement des dépens conformément à la législation en vigueur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications du dol dans cette affaire ?

Le dol est défini par l’article 1116 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, comme suit :

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

Dans cette affaire, les demandeurs, un acheteur et une vendeuse, soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL, ainsi que ses mandants, ont engagé leur responsabilité en présentant une valeur du bien surévaluée, tant à l’achat qu’à la revente.

Ils affirment que cette présentation dolosive a été déterminante pour leur consentement à l’achat. Cependant, les défenderesses, notamment la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET, contestent cette allégation, arguant qu’aucune preuve de manœuvres dolosives n’a été apportée.

Il est essentiel de noter que les demandeurs n’ont pas produit de documents prouvant une surévaluation mensongère du bien. Les évaluations fournies par des experts ne suffisent pas à établir que le prix d’achat était dolosif, car elles ne démontrent pas une différence significative par rapport aux prix du marché à l’époque de l’achat.

Quelles sont les obligations d’information et de conseil des agents immobiliers ?

L’article L. 111-1 du Code de la consommation stipule :

« Tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service. »

Dans le cadre de cette affaire, les demandeurs soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL, en tant qu’agent immobilier, avait une obligation d’information et de conseil concernant l’investissement proposé. Ils affirment que cette société les a induits en erreur sur le montant de l’effort financier et sur la valeur patrimoniale du bien.

Cependant, le tribunal a constaté que l’appartement vendu correspondait à sa description dans le contrat de réservation et que les demandeurs avaient régulièrement mis leur bien en location, bénéficiant ainsi de l’avantage fiscal annoncé.

De plus, les documents remis par la société OMNIUM CONSEIL mentionnaient que le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective, ce qui implique que les acheteurs devaient être conscients des risques associés à l’investissement.

Quelles sont les conséquences de la prescription de l’action ?

L’article 1343-2 du Code civil précise :

« Le débiteur d’une obligation de payer une somme d’argent est tenu de payer des intérêts au créancier à compter de la mise en demeure. »

Dans cette affaire, les défenderesses ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Le juge de la mise en état a initialement jugé l’action prescrite, mais la Cour d’appel a infirmé cette décision, déclarant l’action recevable comme non prescrite.

Cela signifie que les demandeurs, un acheteur et une vendeuse, ont pu poursuivre leur action en justice pour obtenir réparation de leur préjudice, malgré les arguments des défenderesses concernant la prescription.

Cette décision souligne l’importance de la mise en demeure dans le cadre des obligations contractuelles et des délais de prescription, permettant aux créanciers de revendiquer leurs droits dans un délai raisonnable.

N° RG 21/04149 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQT2

7EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
7EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 FÉVRIER 2025
50F

N° RG 21/04149
N° Portalis DBX6-W-B7F- VQT2

Minute n°2025/

AFFAIRE :

[H] [X]
[P] [M] épouse [X]
C/
SCI CYRANO
SAS PROMOTION PICHET anciennement GROUPE EUROBAT
SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement OMNIUM CONSEIL

Grosse Délivrée
le :
à
Me Cécile BOULÉ
la SELAS ELIGE BORDEAUX
SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile,
Madame BOULNOIS, Vice-Président,
Madame PINAULT, Juge,

Lors des débats et du prononcé :

Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier

DÉBATS :

à l’audience publique du 26 Novembre 2024,

JUGEMENT :

Contradictoire
En premier ressort
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe

DEMANDEURS

Monsieur [H] [X]
né le 27 Mai 1966 à [Localité 10] (LOIRE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représenté par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

Madame [P] [M] épouse [X]
née le 02 Juillet 1972 à [Localité 8] (HAUTS DE SEINE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Me Thierry WICKERS de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représenté par Me Charles FREIDEL, avocat au barreau de LYON (avocat plaidant)

DÉFENDERESSES

SCI CYRANO
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS PROMOTION PICHET anciennement dénommée GROUPE EUROBAT
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS STELLIUM IMMOBILIER anciennement dénommée OMNIUM CONSEIL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Cécile BOULÉ, avocat au barreau de BORDEAUX (avocat postulant)
représentée par Me Mathieu SPINAZZE du Cabinet DECKER & Associés, avocat au barreau de TOULOUSE (avocat plaidant)

N° RG 21/04149 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VQT2

RG 21/4149

La SCI CYRANO, dont le gérant est la SAS PROMOTION PICHET (anciennement EUROBAT), a entrepris en 2002 la construction d’un programme immobilier dénommé « [Adresse 9] » à [Localité 7]. La société OMNIUM CONSEIL, appartenant au Groupe OMNIUM FINANCE, devenue ensuite la SAS STELLIUM IMMOBILIER, a procédé à la commercialisation des lots en état de futur achèvement.

Courant 2002, Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] ont rencontré Monsieur [B] [G], de la société AIDE ET CONSEIL EN CREDIT, se présentant comme « spécialiste de la défiscalisation », dont il n’est pas contesté qu’il était mandaté par la société OMNIUM CONSEIL, qui leur a présenté une opération consistant en l’acquisition d’un logement en l’état futur d’achèvement, destiné à être donné en location pendant la durée d’un dispositif de défiscalisation de type « DE ROBIEN ».

Monsieur et Madame [X] ont signé le 27 janvier 2004 avec la SCI CYRANO un contrat de réservation portant sur un appartement de type T3 d’une superficie de 57 m² et deux places de stationnement dépendant de l’ensemble immobilier dénommé « [Adresse 9] », pour un prix d’achat de 129 600 euros.

L’acte de vente en l’état futur d’achèvement a été signé le 12 juillet 2004 avec la SCI CYRANO, pour un montant de 108 361 euros HT et 129 600 euros TTC.

Monsieur et Madame [X] ont confié à la société OMNIUM GESTION un mandat de gestion locative du bien et ont souscrit auprès de la MUTUELLE DE L’ALLIER ET DES REGIONS FRANCAISES une garantie locative pour une durée de 9 ans.

Le bien a été financé à hauteur de 129 600 euros, soit en totalité, par un prêt souscrit auprès du Crédit Mutuel, pour une durée de 20 ans, dont les remboursements mensuels étaient de 838,85 euros.

L’achèvement des travaux a eu lieu le 06 avril 2005.

En 2021, Monsieur et Madame [X] ont fait évaluer leur bien. Estimant subir un préjudice lié à une surévaluation du bien à l’achat, il ont mis en demeure la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET, gérant de la SCI CYRANO, et la société STELLIUM IMMOBILIER de les indemniser.

Faute d’accord, ils ont fait assigner au fond devant le Tribunal judiciaire de Bordeaux par acte des 03 et 05 mai 2021, la SCI CYRANO, la SAS PROMOTION PICHET et la SAS STELLIUM IMMOBILIER aux fins de solliciter une indemnisation.

Les sociétés STELLIUM IMMOBILIER, CYRANO et PROMOTION PICHET ont saisi le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Par ordonnance en date du 17 juin 2022, le juge de la mise en état a jugé prescrite l’action du demandeur. Par un arrêt en date du 04 mai 2023, la Cour d’appel de Bordeaux a infirmé les ordonnances et a déclaré l’action recevable comme non prescrite.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2024, Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] demandent au Tribunal de :
Vu les dispositions des anciens articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1998 et 1382 du Code civil dans la version antérieure à l’ordonnance numéro 2016–131 du 10 février 2016, Vu l’article 1343–2 du code civil, Vu les dispositions des articles L.111–1, L.120–1, L.121–1 et L.121–29 du Code de la consommation, dans leur version en vigueur au moment des faits,
CONSTATER que les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET, et STELLIUM IMMOBILIER ont engagé leur responsabilité civile à leur égard ;
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 155.000 €, au titre de la réparation du préjudice financier subi découlant de la perte de chance de ne pas investir dans le programme « [Adresse 9] »,
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 12.000,00 €, au titre de la réparation du préjudice moral subi,
ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts légaux sur la totalité des sommes et faire application de l’article 1343–2 du Code civil concernant la capitalisation des intérêts.
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER à leur payer la somme de 5.000 € au titre des frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER in solidum les sociétés SCI CYRANO, PROMOTION PICHET et STELLIUM IMMOBILIER aux entiers dépens.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 octobre 2024, la SAS STELLIUM IMMOBILIER demande au Tribunal de :
Vu les articles 1130, 1132, 1231-1 du Code civil, Vu l’article L121-3 du Code de la consommation,
DEBOUTER les époux [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions formulées à l’encontre de la société STELLIUM IMMOBILIER comme infondées et injustifiées,
CONDAMNER les époux [X] à payer à la société STELLIUM IMMOBILIER, la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance.

Suivant dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2024, la SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET demandent au Tribunal de :
DEBOUTER Monsieur et Madame [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions
CONDAMNER Monsieur et Madame [X] à verser à la S.C.I CYRANO et à la société PROMOTION PICHET une somme de 2500 euros par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Monsieur et Madame [X] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocat, sur ses affirmations de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2024.

Pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur le dol :

Monsieur et Madame [X] font valoir que la responsabilité de la société OMNIUM CONSEIL, de la SCI CYRANO, son mandant, et de la SAS PROMOTION PICHET est engagée sur le fondement du dol par une présentation dolosive de la valeur du bien, surévalué, tant à l’achat qu’à la revente, par l’affirmation trompeuse de ce que le bien avait fait l’objet d’une étude de marché et par une présentation trompeuse de l’effort financier à fournir dans le cadre de l’opération de défiscalisation, et que l’ensemble de ces éléments a été déterminant pour leur consentement.

La société STELLIUM IMMOBILIER fait valoir qu’elle est intervenue en tant qu’agent immobilier, que les obligations de l’agent immobilier sont distinctes de celles du conseiller financier ou du conseiller en patrimoine, que la présentation du bien était conforme à sa réalité, la simulation présentée n’ayant pas de caractère contractuel, et qu’il n’y a pas de dol concernant une éventuelle surévaluation du bien qui n’est par ailleurs pas établie.

La SCI CYRANO et la SAS PROMOTION PICHET font valoir qu’aucune mise en cause de la responsabilité de la SAS PROMOTION PICHET n’est démontrée, que la société STELLIUM IMMOBILIER n’était pas le mandataire de la SCI CYRANO au sens du code de la consommation et que, si elle est considérée comme un mandataire, elle est tenue par les limites de son mandat d’agent immobilier. Elles soutiennent en outre que le bien livré était conformé aux engagements contractuels de la SCI CYRANO, qu’une surévaluation originelle du bien n’est pas démontrée de même qu’aucun préjudice et que l’acquéreur normalement diligent est en mesure de s’informer sur la valeur du bien immobilier acquis.

En application de l’article 1116 du code civil dans sa version en vigueur avant l’ordonnance du 10 février 2016, applicable en l’espèce, l’ensemble des contrats ayant été conclus avant son entrée en vigueur le 1er octobre 2016, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
L’un des documents à en tête d’OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’ils ont été remis à Monsieur et Madame [X] dans le cadre de la présentation de l’opération, mentionne sous un titre « notre engagement » : « le groupe OMNIUM FINANCE a pour ambition de mettre à disposition des particuliers désireux d’optimiser leur situation financière et fiscale des solutions intégrées de patrimoine, au travers d’une offre globale de services complémentaires liées à l’achat et à la vie d’un produit de placement » et sous un paragraphe « solutions immobilières » : « le pôle produits immobiliers propose une gamme de biens immobiliers à usage locatif, développée grâce

à une parfaite maîtrise des différentes lois de défiscalisation (…). Leur réalisation est confiée soit à un promoteur partenaire soit au promoteur interne du groupe (…). Le pôle administration de biens prend le relais en assurant tous les services de gestion de la vie de votre bien immobilier (…) ».
Monsieur et Madame [X] produisent en outre un document qui semble être un prospectus comportant pour seule mention « utilisez l’argent de vos impôts pour vous bâtir un capital » et les coordonnées de Monsieur [B] [G] et un second document à en-tête de A2C, ce qui correspond au logo de la société AIDE ET CONSEIL EN CREDIT, daté du 09 octobre 2002 et mentionnant le nom de Monsieur [X], intitulé « déduction fiscale » qui consiste en un tableau du montant déductible des impôts sur une période de 15 ans pour un achat de 129 020 euros et qui conclut à un gain fiscal de 28 142,65 euros sur 9 ans, 32 364,04 euros sur 12 ans et 36 585, 44 euros sur 15 ans, outre un document toujours à en tête de A2C où Monsieur [G] apparaît comme « spécialiste de la défiscalisation ».
Il en résulte que l’acquisition du bien par Monsieur et Madame [X], quand bien même la société OMNIUM CONSEIL n’exerçait qu’une activité d’agent immobilier, répondait à la recherche pour ceux-ci d’effectuer un placement rentable financièrement, recherche de la rentabilité financière qui a été un critère déterminant de leur consentement.
Monsieur et Madame [X] font valoir que dès l’origine cette rentabilité financière était vouée à l’échec dans la mesure où le prix d’achat du bien a été surévalué de même que le prix envisageable à la revente.
Il convient en premier lieu de souligner qu’ils ne produisent aucun document susceptible de leur avoir été remis par Monsieur [G] et/ou la société OMNIUM CONSEIL, qui présenterait une quelconque simulation de gain personnalisée à l’issue de la revente du bien ou une estimation personnalisée de la valeur du bien au fil des années ou à l’issue des périodes de défiscalisation.
Ils produisent un document intitulé « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » qui fait état concernant la Dordogne et précisément [Localité 7] d’un coût de 1 480 euros le mètre carré pour un logement neuf collectif de standing « moyen » et d’un coût de 590 à 1 320 euros le mètre carré de revente d’un bien immobilier ancien collectif de moins de 10 ans d’un état « moyen » à « normal ». Néanmoins, le même document mentionne un coût de 2 220 euros le mètre carré pour un logement collectif neuf d’état «S » pour standard ou standing et de 1 840 euros le mètre carré pour un immeuble neuf collectif de type « N », normal ou encore un coût de revente de 1 700 euros le mètre carré pour un logement ancien collectif de type standard de moins de 10 ans.
Monsieur et Madame [X] versent en outre aux débats une évaluation réalisée par Monsieur [J] [U] du Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale de l’appartement en 2004 était de 1700 euros le m carré, soit 91 800 euros ajustés à 90 000 euros (en réalité 96 900 euros : 57 m² x 1 700 euros, étant souligné que si la surface de 57 m² est décrite dans le contrat de réservation comme approximative, l’évaluation de la surface réalisée par Monsieur [U] résulte également d’approximations, les pièces étant décrites avec des surfaces d’ « environ » x m²).

Or, Monsieur et Madame [X] ont acquis leur appartement de 57 m² pour un coût hors taxe de pour un montant de 108 361 euros HT, soit 1 901 euros le mètre carré, et de 129 600 euros TTC, soit alors 2 273,68 euros le mètre carré.
Dès lors, le coût se situe dans des « fourchettes » proches de la « cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2004 » produite et la seule évaluation du Cabinet MAURIG est insuffisante à établir que le coût du bien a été surévalué à l’achat de manière dolosive.
Quant à la brochure de présentation du bien de la SCI CYRANO qui indique que « le Domaine « [Adresse 9] » offre aux investisseurs l’opportunité d’un placement idéal, sûr et rentable à court terme, gage d’un niveau de défiscalisation performant, tout en constituant à long terme un patrimoine immobilier sécurisant », il s’agit d’une brochure publicitaire destinée à favoriser la commercialisation d’un bien qui ne peut être considéré en soi comme une présentation surévaluée du bien constitutive de manoeuvres dolosives.
De surcroît, Monsieur et Madame [X], acheteurs normalement diligents, pouvaient, comme ils l’ont fait d’ailleurs ultérieurement, se renseigner par eux-même sur l’état du marché immobilier à [Localité 7], ces informations n’étant pas dissimulées et étant accessibles.
S’agissant de la valeur du bien immobilier à la revente à l’issue de la période de défiscalisation, tel qu’indiqué ci-dessus, Monsieur et Madame [X] ne produisent aucune simulation personnalisée selon laquelle une valeur à la revente aurait été promise comme au moins équivalente à celle de l’achat ou comme comportant une plus value.
Ils versent aux débats un avis en date du 23 mars 2021 rédigé par la SARL DREISKI GESTION IMMOBILIERE 24, qui estime, à partir d’une simple visite, la valeur vénale à la revente du bien entre 52 000 et 60 000 euros.
Ils se prévalent de l’évaluation réalisée par le Cabinet MAURIG d’expertises immobilières aux termes de laquelle la valeur vénale actuelle (au 17 juin 2024) de leur appartement, parking extérieurs compris, est de 75 600 euros pour 54 m² sur la base de 1 400 euros le mètre carré (donc 79 800 euros pour une surface de 57 m²) selon la méthode de la « superficie utile pondérée » et de 66 666 euros ajustée à 65 000 euros selon la « méthode dite du revenu » prenant en compte la valeur locative, pour conclure à une valeur vénale moyenne de 70 000 euros. Monsieur [U] fait référence à la bonne situation de la résidence mais à un état d’entretien général moyen de la résidence et à des logements inadaptés au changement climatique.
La fiche 21 à en-tête de OMNIUM FINANCE dont il n’est pas contesté qu’elle a été remise à Monsieur et Madame [X] dans le cadre de la présentation de l’opération et qui concerne spécifiquement la revente du bien indique « l’immobilier a toujours été pour les Français une valeur refuge par excellence, même s’il subit de faibles fluctuations à la hausse ou à la baisse ; par exemple ; si nous prenons une hypothèse de revente identique au prix d’achat soit de 60 000 euros, avec le produit de la revente, vous soldez votre financement pour un montant de 34 000 euros, vous dégagez donc un capital net d’impôt de 26 000 euros. Pour cet exemple, nous sommes partis de l’hypothèse de revente identique au prix d’achat mais dans la réalité, votre bien connaîtra probablement une revalorisation (…). En tout état de cause, le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective. Nous pouvons simplement affirmer : que la conjecture est

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aujourd’hui particulièrement favorable, qu’il existe une sortie évidente : revente à 9, 12 ou 15 ans au locataire grâce au prêt transmissible pour un montant de remboursement équivalent au loyer (…), que l’immobilier a toujours été un placement refuge des français et qu’il s’agit de l’avis des experts, du meilleur moyen de protéger son argent de l’érosion monétaire (…). La revente n’est qu’une possibilité ».
Ainsi, il ne peut être affirmé, alors que le marché immobilier est par nature aléatoire, ce que tout acquéreur même profane n’ignore pas, que leur attention a été attirée sur ce caractère aléatoire, caractère aléatoire d’ailleurs démontré par la différence entre les deux évaluations dont ils se prévalent établie pour l’une en 2021 et pour l’autre en 2024, qu’aucune simulation comportant un prix de revente n’est produite, et alors qu’il appartenait en outre à Monsieur et Madame [X] d’entretenir leur bien, qu’il leur a été assuré que la revente de ce bien se ferait au moins à son prix d’achat voire avec une plus-value. De plus, cette revente n’était qu’une possibilité parmi d’autres, Monsieur et Madame [X] pouvant rester propriétaires de leur bien et continuer à en percevoir les loyers. Enfin, ils ont fait le choix de financer entièrement l’acquisition du bien par un emprunt, ce qui rendait d’autant plus aléatoire la constitution d’un capital avant remboursement total de l’emprunt. Ainsi, aucune manœuvre dolosive n’est établie concernant une présentation surévaluée de la valeur du bien à la revente.
Monsieur et Madame [X] font également valoir que l’effort financier de l’investissement leur a été présenté de manière trompeuse. Ils affirment que « conformément à la méthode de vente de la société STELLIUM IMMOBILIER (OMNIUM CONSEIL), le commercial leur a précisé que leur effort financier serait de l’ordre de 200 euros ». Ils ne produisent aucune simulation qui leur aurait été remise concernant cet effort financier. Ils se prévalent d’un document intitulé « les 12 maillons Robien » qui mentionne de manière générale le gain fiscal et la possibilité de dégager un capital en cas de revente à l’issue d’un délai de 15 ans, la garantie locative, les frais de gestion, les charges de copropriété et la taxe foncière, précisant qu’ils sont déductibles de revenus locatifs.
Ils s’appuient en outre sur un bilan financier de l’opération réalisé par leurs soins qui fait apparaître un total de charges d’un montant de 219 330,83 euros sur une période de 17 ans comprenant les échéances du prêt, les « charges » et la taxe foncière, et un total de revenus de 121 230,58 euros comprenant 84 643,43 euros de loyers et 36 587,15 euros d’avantage fiscal (avantage fiscal qui est la reprise de l’estimation faite par la société AIDE ET CONSEIL EN CREDIT), soit un coût financier au final de 98 100,25 euros sur la période et une moyenne d’effort financier de 481 euros mensuels sur 17 ans.
Cependant, Monsieur et Madame [X] ne peuvent prétendre qu’ils ignoraient totalement que devenant propriétaires, ils seraient tenus au paiement de la taxe foncière et de charges, outre qu’ils ne justifient pas de l’effort financier qui leur a été présenté ni de la réalité du gain fiscal obtenu alors qu’ils considèrent celui-ci comme conforme à ce qui leur a été annoncé, que les charges sont de surcroît mentionnées sur la plaquette de présentation du dispositif et qu’elles sont susceptibles d’être déduite des ressources. Ainsi, ils n’établissent pas qu’une présentation dolosive de l’effort financier à fournir a été effectuée.

Si par ailleurs dans les documents présentés en vue de la vente, sont mentionnées des études de marché, ces études de marché ne font pas référence au coût du bien mais à la location de celui-ci et à l’évaluation des loyers. Monsieur et Madame [X] ne contestent pas avoir mis leur bien régulièrement en location depuis l’achat et ne produisent aucun élément démontrant que le montant du loyer escompté n’a pas été atteint, l’évaluation de la société DREISKI réalisée en 2021 mentionnant un appartement occupé pour un loyer mensuel charges comprises de 393,56 euros et le rapport de Monsieur [U] un appartement également occupé par un locataire et une valeur locative de 480 euros par mois. Enfin, la brochure de OMNIUM FINANCE se contente de mentionner que l’évaluation des loyers est faite «à partir d’une étude de marché précise, réalisée auprès de professionnels partenaires locaux ou dans la presse locale » et que « sont pris en compte notamment la situation de la résidence, le choix des matériaux, le type de logement et bien entendu le marché locatif local » et Monsieur et Madame [X] ne démontrent pas que ces allégations sont mensongères et/ou relèvent de manœuvres, le marché locatif local apparaissant au final comme ayant été pris en compte. Ainsi, aucune présentation dolosive de l’évaluation du marché locatif n’a été faite alors qu’aucune étude de marché n’est mentionnée quant à la valeur du bien à l’achat et/ou à sa revente.
Au final, Monsieur et Madame [X] ne rapportent pas la preuve de l’existence de manœuvres dolosives imputables à la société OMNIUM CONSEIL, à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET, que ce soit une surévaluation mensongère du bien à l’achat et à la revente, une présentation fausse de l’effort financier à fournir ou une allégation fausse d’études de marché, alors qu’ils ont par ailleurs régulièrement mis leur bien en location et régulièrement bénéficié de l’avantage fiscal lié à celle-ci.
Sur le devoir d’information, de conseil et de mise en garde :
Monsieur et Madame [X] soutiennent que la société OMNIUM CONSEIL qui a proposé une opération de défiscalisation devait assumer une obligation d’information et de conseil relativement à l’investissement proposé.
L’article L. 111-1 du code de la consommation en vigueur au moment des faits dispose que tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
L’agent immobilier est tenu à un devoir de conseil qui suppose d’attirer l’attention du mandant ou du cocontractant sur les avantages et les inconvénients de l’opération envisagée et de lui indiquer le choix le plus opportun. Le devoir de conseil se prolonge en une obligation de mise en garde du client. En outre, l’agent immobilier spécialisé dans l’immobilier de placement est tenu d’informer les investisseurs éventuels sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu’il leur propose ainsi que sur les risques qui lui sont associés, et peuvent être le corollaire des avantages annoncés (1ère Civ, 02 octobre 2013, n°12-20.504).
Monsieur et Madame [X] font valoir que la société OMNIUM CONSEIL les a induits en erreur sur le montant de l’effort financier généré par l’opération et sur la valeur patrimoniale du bien vendu, a ainsi commis un manquement à son devoir d ‘information, de conseil et de mise en garde, manquement qui engage son mandant, la SCI CYRANO.

Il n’est pas contesté que l’appartement vendu correspond à sa description telle qu’elle est effectuée dans le contrat de réservation. En outre, tel que rappelé ci-dessus, l’appartement a été régulièrement loué et Monsieur et Madame [X] ne contestent pas avoir bénéficié de l’avantage fiscal annoncé.
Pour le surplus, il n’est pas établi que le prix du bien a été surévalué à l’achat et la constitution d’un capital présentée en cas de revente n’est qu’une hypothèse favorable alors que les documents remis par la société OMNIUM CONSEIL mentionnent que le prix de revente d’un bien immobilier reste du domaine de la prospective.
Enfin, s’agissant de l’effort financier, Monsieur et Madame [X] ne démontrent pas que la société OMNIUM CONSEIL a manqué à son devoir d ‘information et de conseil en la matière, les charges étant mentionnées dans les documents remis et aucune simulation n’étant produite.
Dès lors, il n’est établi ni que la société OMNIUM CONSEIL ni que son mandant, la SCI CYRANO ou encore la SAS PROMOTION PICHET, ont manqué à un devoir d’information, de conseil et de mise en garde vis-à-vis de Monsieur et Madame [X].
En conséquence, Monsieur et Madame [X] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes.
Sur les demandes annexes :
Partie perdante, Monsieur et Madame [X] seront condamnés aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Au titre de l’équité, ils seront condamnés à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le même fondement.
L’exécution provisoire de droit aux termes de l’article 514 du code de procédure civile sera rappelée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal,

DÉBOUTE Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] de l’ensemble de leurs demandes.

CONDAMNE Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] à payer à la SAS STELLIUM IMMOBILIER la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] à payer à la SCI CYRANO et à la SAS PROMOTION PICHET la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE Monsieur [H] [X] et Madame [P] [M] épouse [X] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

La présente décision est signée par Madame MURE, Vice-Président, Président de la 7e Chambre Civile et par Monsieur ROUCHEYROLLES, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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