L’Essentiel : La société Promo Ouest Immobilier, assurée par Allianz IARD, a entrepris en 2009 la construction d’un ouvrage collectif, perturbant le tirage de la cheminée de M. et Mme [R]. Malgré les recommandations d’un expert pour rehausser les conduits de cheminée, le promoteur n’a pas effectué les travaux nécessaires. M. et Mme [R] ont alors assigné le promoteur et son assureur en indemnisation pour le trouble de voisinage subi. La cour d’appel a constaté que le promoteur, conscient des risques, avait délibérément choisi de ne pas agir, caractérisant ainsi une faute dolosive et justifiant le rejet de la demande de garantie de l’assureur.
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Contexte de l’affaireLa société Promo Ouest Immobilier, assurée par Allianz IARD, a entrepris en 2009 la construction d’un ouvrage collectif de plusieurs étages, ce qui a perturbé le tirage de la cheminée de la maison voisine de M. et Mme [R]. Expertise et constatationsUn expert, désigné suite à un référé préventif, a alerté le promoteur sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [R] pour éviter des problèmes de tirage. Malgré ces recommandations, le promoteur n’a pas effectué les travaux nécessaires. Réclamation des voisinsM. et Mme [R] ont subi un trouble anormal de voisinage, notamment l’impossibilité d’utiliser leur cheminée d’agrément. Ils ont donc assigné le promoteur et son assureur en indemnisation pour le préjudice subi. Arguments du promoteurLe promoteur a contesté la décision de la cour d’appel qui a mis hors de cause son assureur. Il a soutenu que la cour n’avait pas prouvé la volonté de causer le dommage, arguant que la faute intentionnelle ne pouvait être établie simplement par la connaissance des risques. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a constaté que le promoteur avait eu connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement et qu’il avait délibérément choisi de ne pas les réaliser. Elle a jugé que ce refus caractérisait une faute dolosive, justifiant ainsi le rejet de la demande de garantie de l’assureur. Conclusion de la courLa cour a conclu que le promoteur ne pouvait pas bénéficier de son contrat d’assurance en raison de sa faute dolosive, ayant agi en connaissance des conséquences dommageables de son inaction. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la définition de la faute intentionnelle selon l’article L. 113-1 du code des assurances ?La faute intentionnelle, selon l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, est définie comme la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu, et non simplement de créer le risque de ce dommage. Cet article stipule que l’assureur n’est pas tenu de garantir l’assuré en cas de faute intentionnelle. Ainsi, pour établir une faute intentionnelle, il est nécessaire de prouver que l’assuré avait l’intention de causer le dommage, ce qui implique une volonté délibérée et consciente des conséquences de ses actes. Dans le cas présent, la cour d’appel a retenu que le promoteur avait connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement des conduits de cheminée, mais cela ne suffit pas à établir qu’il avait l’intention de causer le dommage. Quelles sont les implications de la faute dolosive selon l’article L. 113-1 du code des assurances ?La faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, se réfère à un acte délibéré de l’assuré, commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables. Cet article précise que l’assureur n’est pas tenu de garantir l’assuré en cas de faute dolosive, ce qui signifie que si l’assuré agit en connaissance de cause des conséquences de ses actes, il ne pourra pas bénéficier de la couverture d’assurance. Dans l’affaire en question, la cour d’appel a conclu que le promoteur avait refusé délibérément de réaliser les travaux nécessaires, en ayant conscience des conséquences dommageables de son inaction. Cette constatation a permis à la cour de justifier le rejet de la demande de garantie de l’assureur. Quelles sont les conditions de validité des clauses d’exclusion selon l’article L. 112-4 du code des assurances ?L’article L. 112-4, alinéa 2, du code des assurances stipule que les clauses d’exclusion doivent être mentionnées en caractères très apparents pour être valables. Cela signifie que l’assuré doit être clairement informé des exclusions de garantie, afin de pouvoir en prendre connaissance et en tenir compte lors de la souscription de son contrat d’assurance. Dans le cas présent, la société Promo ouest immobilier a contesté la validité des clauses d’exclusion en arguant qu’elles n’étaient pas stipulées en caractères très apparents. La cour d’appel, en ne recherchant pas si ces clauses étaient effectivement mentionnées de manière suffisamment visible, a pu priver sa décision de base légale. Quelles sont les exigences pour qu’une clause d’exclusion soit considérée comme formelle et limitée ?Pour qu’une clause d’exclusion soit considérée comme formelle et limitée, elle doit être rédigée de manière précise et ne pas laisser place à l’ambiguïté. L’article L. 113-1 du code des assurances exige que les clauses d’exclusion soient claires et spécifiques, afin que l’assuré puisse comprendre exactement ce qui est exclu de la garantie. Dans l’affaire en question, la société Promo ouest immobilier a soutenu que la clause d’exclusion relative aux dommages résultant de troubles de voisinage n’était pas formelle et limitée. La cour d’appel aurait dû examiner cette question pour déterminer si la clause respectait les exigences légales, ce qui n’a pas été fait, privant ainsi sa décision de base légale. |
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 621 F-D
Pourvoi n° C 23-15.803
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
La société Promo ouest immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-15.803 contre l’arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d’appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [Y] [E], domicilié [Adresse 5], venant aux droits de Mme [W] [T], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Artec Ingénierie,
2°/ à M. [C] [R],
3°/ à Mme [K] [S], épouse [R],
tous domiciliés [Adresse 3],
4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2],
6°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Brillet, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société Promo ouest immobilier, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l’audience publique du 15 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Brillet, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Promo ouest immobilier du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. [E], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Artec ingéniérie, M. et Mme [R], la Mutuelle des architectes français et la société Gan assurances.
2. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 13 décembre 2022), courant 2009, la société Promo ouest immobilier (le promoteur), assurée par la société Allianz IARD (l’assureur), a fait réaliser un ouvrage collectif de plusieurs étages conduisant à une perturbation du tirage de la cheminée de la maison voisine de M. et Mme [R].
3. Pendant l’exécution des travaux, l’expert désigné à la suite d’un référé préventif a appelé l’attention du promoteur, dans un pré-rapport puis dans son rapport définitif, sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison de M. et Mme [R] d’une certaine hauteur par rapport au faîtage de l’ouvrage en construction.
4. Se plaignant d’un trouble anormal de voisinage, résultant notamment de l’impossibilité d’utiliser leur cheminée d’agrément, M. et Mme [R] ont, après expertise, assigné le promoteur et son assureur en indemnisation de leur préjudice.
Enoncé du moyen
5. Le promoteur fait grief à l’arrêt de mettre hors de cause son assureur et de rejeter les demandes tendant à ce qu’il soit condamné à le garantir de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre, alors :
« 1°/ que la faute intentionnelle de l’assuré suppose la volonté de causer le dommage tel qu’il est survenu et pas seulement d’en créer le risque ; qu’en se bornant à retenir que la société Promo ouest immobilier avait pleinement connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement des conduits de cheminée pour en déduire que son assureur ne pouvait pas couvrir le risque ainsi pris délibérément par elle en connaissance de cause, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à établir la volonté de la société Promo ouest immobilier de causer le dommage tel qu’il s’est réalisé, en violation de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances ;
2°/ que la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, et non avec la seule conscience du risque d’occasionner le dommage ; qu’en retenant que l’assureur ne pouvait pas couvrir le risque pris délibérément par la société Promo ouest immobilier en connaissance de cause dès lors que celle-ci avait pleinement connaissance de la nécessité des travaux de rehaussement des conduits de cheminée et qu’il était certain qu’un dommage résulterait de la poursuite de la promotion de l’ouvrage sans purge préalable des non-conformités signalées, après avoir relevé que l’assuré avait fait inscrire dans les actes de cession des lots une servitude permettant la mise en uvre et l’entretien de cheminées au bénéfice des fonds voisins dont celui des époux [R] et avait proposé des solutions post-travaux de rehaussement des cheminées qui s’étaient révélées inapplicables en raison notamment de leur caractère aléatoire, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à établir la conscience de la société Promo ouest immobilier du caractère inéluctable des conséquences dommageables de ses actes, ne se confondant pas avec la conscience du risque d’occasionner le dommage, en violation de l’article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances susvisé ;
3°/ que les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; qu’en l’espèce, la société Promo ouest immobilier faisait valoir que la clause d’exclusion prévue à l’article 6.1 des dispositions spéciales de la police d’assurance, excluant du périmètre de la garantie « les dommages intentionnellement causés ou provoqués par vous-même », ne pouvait être regardée comme ayant été stipulée en caractères très apparents ; qu’en déboutant la société Promo ouest immobilier de ses demandes dirigées à l’encontre de l’assureur, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ladite clause était stipulée en caractère très apparent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 112-4, alinéa 2, du code des assurances ;
4°/ qu’en toute hypothèse les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; qu’en l’espèce, la société Promo ouest immobilier faisait valoir que la clause d’exclusion prévue à l’article 6.26 des dispositions spéciales de la police d’assurance, excluant du périmètre de la garantie « les dommages résultant de troubles de voisinage par le simple fait de l’implantation de l’ouvrage, de ses dimensions, de sa structure ou de ses installations provisoires », ne pouvait être regardée comme ayant été stipulée en caractères très apparents ; qu’à supposer même qu’elle se soit fondée sur cette clause d’exclusion pour débouter la société Promo ouest immobilier de ses demandes dirigées à l’encontre de son assureur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause était stipulée en caractère très apparent, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 112-4, alinéa 2, du code des assurances ;
5°/ qu’en toute hypothèse une clause d’exclusion n’est valable qu’à la condition d’être formelle et limitée ; qu’en l’espèce, la société Promo ouest immobilier faisait valoir que la clause d’exclusion prévue à l’article 6.26 des dispositions spéciales de la police d’assurance, excluant du périmètre de la garantie « les dommages résultant de troubles de voisinage par le simple fait de l’implantation de l’ouvrage, de ses dimensions, de sa structure ou de ses installations provisoires », ne pouvait être regardée comme formelle et limitée ; qu’en déboutant la société Promo ouest immobilier de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Allianz IARD, sans se prononcer, comme elle y était pourtant invitée, sur le caractère non formel et limité de cette clause d’exclusion, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 113-1 du code des assurances. »
6. La cour d’appel a constaté, d’une part, que le pignon de grande hauteur de la construction nouvelle dépassait très largement les orifices extérieurs des trois boisseaux de cheminée de la maison de M. et Mme [R], d’autre part, que, dans son rapport d’expertise préventive, l’expert avait appelé l’attention du promoteur sur la nécessité de rehausser les conduits de cheminée de la maison voisine, en soulignant que la mise en place d’une rehausse sur une souche de cheminée était une technique bien connue et maîtrisée par des entreprises qualifiées, et qu’aucun professionnel de la construction ne pouvait ignorer le litige à naître né de l’absence de modification de la hauteur de celle-ci.
7. Elle a relevé que le promoteur, dont elle a souverainement retenu qu’il avait eu pleinement connaissance de la nécessité de ces travaux de rehaussement dès le dépôt de ce rapport, avait néanmoins livré l’immeuble sans résoudre cette difficulté, s’étant borné, cinq ans plus tard, à proposer, durant les opérations d’expertise, deux solutions palliatives, techniquement et juridiquement non réalisables.
8. Ayant ainsi fait ressortir que le refus délibéré du promoteur de faire réaliser les travaux préconisés, avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, caractérisait sa faute dolosive, elle en a exactement déduit, sans retenir la faute intentionnelle ni être tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu’il ne pouvait prétendre au bénéfice de son contrat d’assurance.
9. La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision.
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