Responsabilité des copropriétaires face aux troubles causés par des installations vétustes

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Responsabilité des copropriétaires face aux troubles causés par des installations vétustes

L’Essentiel : Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] a assigné M. [J], M. [K] et la société Sedgwick devant le tribunal judiciaire de Paris pour des travaux de réparation des équipements sanitaires de M. [J], suite à des dégâts des eaux affectant l’appartement des époux [N]. Le tribunal a ordonné à M. [J] de réaliser les réparations dans un délai d’un mois, sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard. Les demandes contre M. [K] ont été rejetées, le tribunal considérant qu’il n’était pas responsable de l’état des sanitaires. M. [J] a également été condamné aux dépens.

Contexte de l’affaire

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] a assigné en référé M. [J], M. [K] et la société Sedgwick devant le tribunal judiciaire de Paris. Les demandeurs ont sollicité des mesures urgentes concernant des travaux de réparation des équipements sanitaires de l’appartement de M. [J], en raison de dégâts des eaux ayant affecté l’appartement des époux [N].

Demandes des demandeurs

Les demandeurs ont demandé au tribunal d’ordonner à M. [J] de réaliser des travaux de réparation à ses frais, de justifier ces travaux par la fourniture de factures et d’attestations d’assurance, et d’assortir ces injonctions d’une astreinte de 500 euros par jour de retard. Ils ont également demandé à M. [K] de cesser d’utiliser les équipements sanitaires de son appartement jusqu’à la réalisation des travaux, avec une astreinte similaire.

Arguments de la défense

M. [J] a contesté les demandes, arguant que l’article 873 du code de procédure civile n’était pas applicable et que les dégâts provenaient des parties communes, ce qui ne l’engageait pas. M. [K], bien qu’absent, a indiqué qu’il était locataire et n’était pas responsable de l’état des sanitaires, ayant cessé de les utiliser depuis un an.

Constatations du tribunal

Le tribunal a examiné les pièces produites, notamment des constats de dégâts des eaux et des rapports d’expertise. Il a constaté que les installations sanitaires de M. [J] étaient vétustes et causaient des dégradations dans l’appartement des époux [N]. L’architecte a recommandé des travaux de remise en état.

Décision du tribunal

Le tribunal a ordonné à M. [J] de réaliser les travaux de réparation dans un délai d’un mois, sous peine d’astreinte de 100 euros par jour de retard. Les demandes contre M. [K] ont été rejetées, le tribunal considérant qu’il n’était pas responsable de l’état des sanitaires. M. [J] a été condamné aux dépens et à verser 2.000 euros au syndicat des copropriétaires.

Exécution de la décision

La décision a été rendue exécutoire de plein droit, permettant ainsi au syndicat des copropriétaires de faire valoir ses droits rapidement. Le tribunal a précisé que la liquidation de l’astreinte ne serait pas réservée et a rejeté le surplus des demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de M. [J] en matière de travaux de réparation des équipements sanitaires ?

M. [J] est tenu d’effectuer tous travaux de réparation des équipements sanitaires desservant les lots de copropriété dont il est propriétaire, conformément à l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire.

Cette obligation repose sur l’article 835 du code de procédure civile, qui stipule que le président peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est précisé que M. [J] doit réaliser ces travaux à ses frais et par les entreprises de son choix, et justifier de leur réalisation en fournissant au syndic les factures et attestations d’assurance des entreprises.

En cas de non-respect de cette injonction, une astreinte de 100 euros par jour de retard sera appliquée, ce qui est également prévu par l’article 835, permettant au juge d’ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Quelles sont les conséquences de la vétusté des installations sanitaires sur la responsabilité de M. [J] ?

La vétusté des installations sanitaires de l’appartement de M. [J] constitue un trouble manifestement illicite, engageant sa responsabilité en tant que propriétaire.

Selon l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire doit user de ses parties privatives sans porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Dans ce cas, les dégradations causées par les installations vétustes de M. [J] ont entraîné des dégâts des eaux dans l’appartement de M. et Mme [N], ce qui justifie l’injonction de travaux à sa charge.

M. [J] ne peut pas se soustraire à sa responsabilité en arguant que les dégâts proviennent des parties communes, car la vétusté de ses installations menace également les parties communes et les autres copropriétaires.

Quelles sont les implications pour M. [K] en tant que locataire concernant l’utilisation des sanitaires ?

M. [K], en tant que locataire, ne peut pas être interdit d’utiliser les sanitaires de son appartement, car il n’est pas responsable de leur état de vétusté.

L’ordonnance précise que les sanitaires doivent être remis en état afin que M. [K] puisse en disposer, car le logement ne répond pas aux critères d’un logement décent.

L’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs impose au bailleur de délivrer un logement en bon état d’usage et de réparation.

Ainsi, M. [K] a le droit d’utiliser les équipements sanitaires, et il n’y a pas de trouble manifestement illicite à son encontre, contrairement à M. [J], dont la responsabilité est engagée.

Quelles sont les conséquences financières pour M. [J] et M. [K] suite à cette décision ?

M. [J] est condamné aux dépens de la présente instance, ce qui signifie qu’il devra payer les frais de justice engagés par le syndicat des copropriétaires.

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, M. [J] est également condamné à verser la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires pour couvrir les frais de l’instance.

Les demandes dirigées contre M. [K] ont été rejetées, ce qui signifie qu’il ne sera pas tenu de payer de frais ou d’indemnités au syndicat des copropriétaires.

M. [J] doit donc assumer l’intégralité des conséquences financières de cette décision, en raison de sa responsabilité en tant que propriétaire des installations sanitaires défectueuses.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/54986 – N° Portalis 352J-W-B7I-C45ZZ

N° : 10

Assignation du :
30 Mai 2024, 06 et 21 Juin 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 novembre 2024

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Larissa FERELLOC, Greffier.

DEMANDEURS

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la société Cabinet N & H IMMOBILIER
C/O le Cabinet N & H IMMOBILIER
[Adresse 4]
[Localité 5]

Madame [X] [E] épouse [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]

Monsieur [O] [N]
[Adresse 3]
[Localité 5]

tous représentés par Maître Jacqueline AUSSANT, avocat au barreau de PARIS – #E1638

DEFENDEURS

Monsieur [S] [J]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Laurent MEILLET de l’AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #A0428

Monsieur [F] [K]
[Adresse 3]
[Localité 5]

non représenté

La Société SEDGWICK en la personne de sa mandataire, la société CLC INTERNATIONAL ASSURANCES, groupe DIOT-SIACI
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]

non représentée

DÉBATS

A l’audience du 23 Octobre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Larissa FERELLOC, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte des 30 mai, 6 et 21 juin 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] et M. et Mme [N] ont assigné en référé M. [J], M. [K] et la société Sedgwick devant le président du tribunal judiciaire de Paris afin de voir, sur le fondement des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile :
– ordonner à M. [J], dans le mois de la signification de l’ordonnance à intervenir, de :
effectuer tous travaux de réparation, à ses frais, de l’ensemble des équipements sanitaires desservant les lots de copropriété dont il est propriétaire, afin que lesdits équipements sanitaires soient conformes aux règles de l’art et ce, par les entreprises de son choix ;en justifier par la fourniture au syndic des factures desdites entreprises ainsi que de leur attestation d’assurance en cours de validité ; – assortir l’injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;
– ordonner à M. [K], dès la signification de l’ordonnance, de cesser immédiatement d’utiliser l’ensemble des équipements sanitaires de l’appartement qui lui est loué (alimentation en eau et évacuations) tant que les travaux nécessaires n’auront pas été intégralement réalisés, dans les règles de l’art ;
– assortir cette injonction d’une astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;
– dire que le président se réservera la liquidation des astreintes ;
– dire que l’ordonnance sera déclarée commune à la société Sedgwick en sa qualité d’assureur de responsabilité civile de M. [J] ;
– condamner M. [J] et M. [K] à payer au syndicat des copropriétaires, chacun d’eux, la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [J] et M. [K], in solidum entre eux, aux dépens de la présente instance avec faculté de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’audience du 23 octobre 2024, les demandeurs ont maintenu leurs demandes dans les termes de leur assignation.

M. [J] a conclu oralement au rejet des demandes, faisant valoir que l’article 873 du code de procédure civile, visé dans l’assignation, n’était pas applicable devant le président du tribunal judiciaire et qu’en conséquence, la demande ne reposait sur aucun fondement juridique, que la demande d’astreinte n’était pas limitée dans le temps et que les dégâts des eaux provenaient des parties communes et non des parties privatives, de sorte que sa responsabilité n’était pas engagée.

M. [K], régulièrement cité, n’a pas comparu mais a écrit en indiquant que, gravement malade, il avait un rendez-vous médical l’empêchant de se présenter à l’audience. Il a précisé qu’il était locataire et n’était donc pas responsable de l’état des sanitaires de son logement, ajoutant qu’il avait totalement cessé de les utiliser depuis un an, ce qui était très préjudiciable pour lui. Il a toutefois pris acte de la visite récente d’un architecte chargé d’évaluer les travaux à réaliser.

La société Sedgwick, régulièrement assignée, n’a pas comparu.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation et à la note d’audience pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens.

MOTIFS

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Au cas présent, les demandeurs ont cité dans leur assignation l’article 873 du code de procédure civile, applicable devant le tribunal de commerce, mais dont les dispositions sont identiques à celles de l’article 835 du même code. Ils ont en outre, dans le dispositif de leur assignation, visé les articles 834 et 835 du même code, de sorte que M. [J] a été informé du fondement juridique des demandes.

En tout état de cause, il n’a pas soulevé la nullité de l’assignation pour vice de forme ni aucune autre sanction liée à un éventuel défaut de fondement juridique des demandes.

La circonstance que l’astreinte ne soit pas délimitée dans le temps n’est pas davantage une cause de nullité de l’assignation ou un motif de rejet des demandes, le juge pouvant d’office ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision et en fixer librement le montant et la durée.

Il ressort par ailleurs des pièces produites par les demandeurs, notamment le constat amiable de dégât des eaux du 2 janvier 2023, le rapport de M. [T], architecte, du 15 décembre 2023, et le procès-verbal de constat du 7 mai 2024, que les époux [N] sont propriétaires d’un appartement au 5ème étage de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] et qu’un dégât des eaux s’est produit dans cet appartement, en provenance du logement situé au-dessus, appartenant à M. [J] et loué à M. [K].

Il résulte du procès-verbal de constat produit que le plafond de l’appartement de M. et Mme [N] a subi des dégradations importantes.

L’architecte a constaté, le 15 décembre 2023, dans le studio de M. [J] situé au 6ème étage, que l’évier était fuyard et qu’un dysfonctionnement du sanibroyeur avait provoqué un débordement de la cuvette des WC, l’appareil étant vétuste et hors service. Il a estimé que l’installation sanitaire devait être remise en état, conformément à la réglementation.

M. [J] ne justifie d’aucune réparation depuis lors, alors qu’il loue son studio à M. [K].

Par lettre du 12 février 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble a vainement mis en demeure M. [J] de faire réaliser les travaux de remise en état des installations sanitaires de son appartement.

Aux termes de l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

En l’espèce, la vétusté des installations sanitaires de l’appartement de M. [J], qui menace de nouveaux débordements et dégâts des eaux les lots des copropriétaires voisins mais également les parties communes, caractérise un trouble manifestement illicite auquel il doit être mis fin.

Il lui sera donc enjoint sous astreinte d’effectuer à ses frais les travaux de réparation de l’ensemble des équipements sanitaires desservant les lots de copropriété dont il est propriétaire, afin de les mettre en état de fonctionnement normal et en conformité avec la réglementation.

En revanche, il ne saurait être interdit à M. [K], locataire, d’utiliser ses sanitaires, lesquels doivent au contraire être immédiatement remis en état afin qu’il puisse en disposer, le logement ne répondant manifestement pas aux critères d’un logement décent. En outre, M. [K] n’est nullement responsable de l’état de vétusté des installations sanitaires de son appartement. Aucun trouble manifestement illicite n’est donc caractérisé le concernant.

Il n’y a pas lieu pour le juge des référés de se réserver la liquidation de l’astreinte ni de déclarer l’ordonnance commune à la société Sedgwick, en qualité d’assureur de M. [J], cette qualité ne résultant d’aucune des pièces produites. En tout état de cause, la société Sedgwick a été assignée de sorte que la présente décision lui est opposable, sans qu’il ne soit nécessaire de la lui déclarer « commune ».

Sur les frais et dépens

M. [J], partie perdante, sera tenu aux dépens.

Il sera par suite condamné à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes dirigées contre M. [K] étant rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Ordonnons à M. [J], dans le mois de la signification de la présente ordonnance, de :

effectuer tous travaux de réparation, à ses frais et par les entreprises de son choix, de l’ensemble des équipements sanitaires desservant les lots de copropriété dont il est propriétaire, afin de mettre ces équipements en état de fonctionnement normal et en conformité avec la réglementation applicable ;justifier de ces travaux par la communication au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] des factures des entreprises ainsi que de leur attestation d’assurance en cours de validité ;
Disons que cette injonction sera assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance et pendant un délai de quatre mois, à l’issu duquel il sera à nouveau statué sur l’astreinte ;

Rejetons les demandes dirigées contre M. [K] ;

Disons n’y avoir lieu de nous réserver la liquidation de l’astreinte ;

Rejetons le surplus des demandes ;

Condamnons M. [J] aux dépens, avec faculté de recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Le condamnons à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejetons le surplus des demandes fondées sur ces dispositions ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 21 novembre 2024

Le Greffier, Le Président,

Larissa FERELLOC Rachel LE COTTY


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