L’Essentiel : Madame [F] a contracté avec la société Evasol pour une installation photovoltaïque, financée par un crédit de 16 400 euros. Suite à la liquidation judiciaire d’Evasol en 2012, elle a assigné la S.A Cofidis en 2023, demandant des réparations financières et la déchéance des intérêts. Cofidis a invoqué la prescription, arguant que Madame [F] aurait dû détecter les irrégularités dès les premières factures. Le tribunal a jugé l’action irrecevable, déclarant que les délais de prescription étaient dépassés, et a condamné Madame [F] à rembourser les frais de justice à Cofidis.
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Contexte de l’affaireA la suite d’un démarchage à domicile, [J] [C] épouse [F] a contracté avec la société Evasol pour l’installation d’une installation photovoltaïque, pour un montant de 17 000 euros. Le financement a été réalisé par un crédit affecté de 16 400 euros souscrit auprès de la société Groupe Sofemo, remboursable en 180 mensualités. Liquidation judiciaire de la société EvasolLa société Evasol a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Lyon en septembre 2012, et la procédure a été clôturée en septembre 2016 pour insuffisance d’actif. La société Groupe Sofemo a ensuite fusionné avec Cofidis. Assignation de la S.A CofidisEn juillet 2023, [J] [C] épouse [F] a assigné la S.A Cofidis pour engager sa responsabilité et obtenir des réparations financières, tout en demandant la privation de sa créance de restitution du capital emprunté. L’affaire a été mise en délibéré pour une audience de plaidoiries prévue en septembre 2024. Demandes de Madame [F]Madame [F] a demandé au juge de déclarer ses demandes recevables, de reconnaître une faute de la S.A Cofidis dans le déblocage des fonds, et de condamner cette dernière à lui verser des sommes pour le capital emprunté et les intérêts payés. Elle a également demandé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et des dommages pour préjudice moral. Arguments de la S.A CofidisLa S.A Cofidis a soulevé une fin de non-recevoir pour prescription, arguant que Madame [F] aurait dû connaître les irrégularités dès la réception des premières factures. Elle a également contesté avoir commis une faute dans le déblocage des fonds, affirmant que l’attestation de livraison acceptée par Madame [F] prouvait l’exécution conforme des travaux. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que l’action en responsabilité fondée sur le dol était prescrite, car Madame [F] aurait dû se rendre compte de la tromperie dès la première facture de revente d’électricité. De plus, l’action pour faute dans le déblocage des fonds était également prescrite, le délai de prescription ayant commencé à courir au moment du déblocage des fonds. Conséquences de la décisionEn conséquence, le tribunal a déclaré Madame [F] irrecevable dans ses demandes, l’a déboutée de ses demandes au titre des frais non répétibles, et l’a condamnée à payer à la S.A Cofidis une somme pour les frais de justice. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’action en responsabilité engagée par Madame [F] contre la S.A Cofidis ?L’action en responsabilité engagée par Madame [F] contre la S.A Cofidis repose sur deux fondements principaux : le dol et la faute dans le déblocage des fonds. Concernant le dol, Madame [F] soutient avoir été trompée par la société Evasol lors de la conclusion du contrat de vente, en raison des promesses de rentabilité et d’autofinancement de l’installation photovoltaïque qui ne se sont pas réalisées. Elle invoque également une faute de la S.A Cofidis pour avoir consenti un crédit sans vérifier la régularité du contrat de vente, ce qui aurait contribué à son préjudice. L’article 1116 du Code civil stipule que « le dol est une cause de nullité du contrat ». Ainsi, si le dol est prouvé, cela pourrait entraîner la nullité du contrat de prêt. En ce qui concerne la faute dans le déblocage des fonds, Madame [F] fait valoir que la S.A Cofidis aurait dû vérifier la conformité du bon de commande aux exigences du Code de la consommation, notamment en matière de démarchage à domicile. L’article L. 221-1 du Code de la consommation impose au professionnel de fournir des informations claires et précises au consommateur, ce qui inclut la vérification des documents contractuels. En somme, l’action de Madame [F] repose sur des allégations de dol et de manquement aux obligations d’information et de vérification de la part de la S.A Cofidis. Quel est le point de départ du délai de prescription pour l’action en responsabilité ?Le point de départ du délai de prescription pour l’action en responsabilité est un élément crucial dans cette affaire. Selon l’article 2224 du Code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Dans le cas présent, la S.A Cofidis soutient que le délai de prescription a commencé à courir dès la première ou la deuxième facture de production d’électricité, ce qui aurait permis à Madame [F] de constater les irrégularités et les mensonges concernant la rentabilité de l’installation. Cependant, Madame [F] argue que ce n’est qu’à la date de l’expertise réalisée le 31 mai 2022 qu’elle a eu une connaissance effective de la rentabilité de son installation. Le tribunal a conclu que la découverte du dol devait être considérée comme acquise dès la réception de la première facture de revente d’électricité, qui date de l’année suivant la signature du contrat. Ainsi, le point de départ du délai de prescription pour l’action en responsabilité est fixé à la date de la première facture, ce qui rend l’action introduite le 27 juillet 2023 prescrite. Quelles sont les conséquences de la prescription sur les demandes de Madame [F] ?La prescription a des conséquences directes sur les demandes de Madame [F]. En vertu de l’article 2224 du Code civil, si l’action est prescrite, cela entraîne l’irrecevabilité de la demande. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que l’action en responsabilité fondée sur le dol était prescrite, car elle a été introduite plus de cinq ans après la date de la première facture de revente d’électricité. De plus, la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels est également prescrite, car elle a été introduite plus de cinq ans après la signature du contrat de crédit le 23 septembre 2010. En conséquence, le tribunal a déclaré Madame [F] irrecevable en ses demandes, ce qui signifie qu’elle ne peut pas obtenir réparation pour les préjudices qu’elle allègue avoir subis. L’article 696 du Code de procédure civile stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, ce qui a également été appliqué dans ce cas, condamnant Madame [F] à payer les dépens de l’instance. Quels articles du Code de la consommation sont pertinents dans cette affaire ?Plusieurs articles du Code de la consommation sont pertinents dans cette affaire, notamment en ce qui concerne les obligations d’information et de protection des consommateurs lors de contrats conclus à distance ou par démarchage à domicile. L’article L. 221-1 du Code de la consommation impose au professionnel de fournir des informations claires et précises au consommateur, notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service proposé. Cet article est crucial car il établit les obligations de la S.A Cofidis en matière d’information lors du déblocage des fonds pour le contrat de vente. De plus, l’article L. 221-5 précise que le professionnel doit remettre au consommateur un document écrit contenant les informations essentielles relatives au contrat, ce qui inclut la vérification de la régularité du bon de commande. Ces dispositions visent à protéger le consommateur contre les pratiques commerciales trompeuses et à garantir une transparence dans les transactions. Dans le cadre de cette affaire, la non-conformité du bon de commande aux exigences du Code de la consommation pourrait constituer un manquement aux obligations de la S.A Cofidis, renforçant ainsi les arguments de Madame [F]. |
de LILLE
[Localité 2]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/10619 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XXQT
JUGEMENT
DU : 25 Novembre 2024
[J] [H] épouse [F]
C/
S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 25 Novembre 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
Mme [J] [H] épouse [F], demeurant [Adresse 4]
représentée par Représentant : Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
ET :
DÉFENDEUR(S)
S.A. COFIDIS VENANT AUX DROITS DU GROUPE SOFEMO, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Xavier HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 30 Septembre 2024
Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 25 Novembre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Magali CHAPLAIN, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG : 23/10619 PAGE
A la suite d’un démarchage à domicile, suivant bon de commande du 23 septembre 2010, [J] [C] épouse [F] a contracté auprès de la société Evasol une prestation relative à la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque pour un montant total de 17 000 euros toutes taxes comprises (TTC).
L’acquisition a été financée le même jour au moyen d’un crédit affecté souscrit par [J] [C] épouse [F] auprès de la société anonyme Groupe Sofemo d’un montant de 16 400 euros, remboursable en 180 mensualités de 158,82 euros, avec assurance facultative, au taux contractuel annuel de 4,99 % l’an, après un différé de 360 jours.
Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 25 septembre 2012, la société Evasol a été placée en liquidation judiciaire et par jugement du 7 septembre 2016, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d’actif.
La société Groupe Sofemo a fait l’objet d’une fusion absorption par la société anonyme Cofidis (ci-après désignée la S.A Cofidis).
Par exploit du 27 juillet 2023, [J] [C] épouse [F] a fait assigner la S.A Cofidis devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir engager sa responsabilité et d’obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes d’argent avec privation de sa créance de restitution du capital emprunté.
L’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024, lors de laquelle les parties, représentées par leurs conseils respectifs ont accepté l’application de l’article 446-2 du code de procédure civile et l’établissement d’un calendrier de procédure. L’audience de plaidoiries a été fixée au 30 septembre 2024.
A cette audience, les parties, représentées par leur conseil respectif, se sont expressément référées à leurs conclusions déposées et visées par le greffier à l’audience.
Aux termes de ses dernières écritures, Madame [F] demande au juge des contentieux de la protection de :
déclarer ses demandes recevables,
A titre principal :
déclarer que la S.A Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, a commis une faute dans le déblocage des fonds à son préjudice et qu’elle doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté,condamner la S.A Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo, à lui verser les sommes suivantes au titre des fautes commises :16 400 euros correspondant au montant du capital emprunté, en raison de la privation de sa créance de restitution,12 187,60 euros correspondant au montant des intérêts conventionnels et frais payés par elle en exécution du prêt souscrit,
A titre subsidiaire :
prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l’encontre de la société Cofidis venant aux droits du Groupe Sofemo et la condamner en conséquence à lui payer l’ensemble des intérêts versés par elle au titre de l’exécution normale du contrat de prêt affecté,
en tout état de cause :
débouter la S.A Cofidis de ses demandes,condamner la S.A Cofidis à lui payer les sommes de 5 000 euros au titre du préjudice moral et de 4000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
En réponse à la fin de non-recevoir soulevée en défense, elle fait valoir que le point de départ du délai de prescription n’est pas fixé au jour de la signature des contrats mais au jour où le titulaire du droit d’agir a connu les irrégularités et manœuvres dénoncées lui permettant d’agir ou aurait dû les connaître; que s’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, ce point de départ ne peut être fixé à la date de la seule connaissance du dommage mais à celle à laquelle elle a eu ou aurait dû avoir non seulement connaissance du dommage, dans toute son ampleur, mais également du fait générateur de responsabilité. S’agissant du fait générateur de responsabilité, elle estime qu’elle ne pouvait pas avoir connaissance du manquement de la banque à son obligation d’information et d’alerte sur la régularité du bon de commande puisque cette obligation est précisément faite à celle-ci pour pallier l’ignorance du consommateur en la matière, notamment s’agissant des vices pouvant affecter le contrat de vente. Elle ajoute que les irrégularités du bon de commande consistant en des mentions absentes ne pouvaient ressortir de la « seule lecture » des documents contractuels, sauf à exiger de l’emprunteur qu’il procède à une analyse approfondie du contrat que seul un professionnel ou un sachant peut réaliser, et qu’elle n’était donc pas en mesure de déterminer, au moment de la signature du bon de commande, l’existence d’irrégularités. Elle soutient que la Cour de cassation a récemment jugé que la reproduction des dispositions du code de la consommation, même lisible, dans le bon de commande, ne permet pas d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat. Enfin, elle considère qu’il appartient à la SA Cofidis d’apporter la preuve de la connaissance par elle des irrégularités dès la date de signature du contrat de vente. Elle en conclut que la prescription doit être écartée par souci d’efficacité et d’effectivité du droit de la consommation. Enfin, sur le fondement de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme, elle fait valoir que le principe d’égalité des armes impose de garantir aux parties un droit d’agir ou de se défendre dans les mêmes conditions notamment face à la prescription. Elle estime que si le banquier est recevable à agir pendant toute l’exécution du contrat de prêt pour obtenir le paiement des sommes échues impayées, elle doit également l’être même si le contrat a été souscrit il y a plusieurs années.
Sur le fond, elle fait d’abord valoir que la banque a commis une faute en finançant un contrat dont la conclusion a été obtenue par dol, comme en atteste le report de 12 mois des échéances de remboursement confortant la présentation faite par le vendeur selon laquelle l’installation était autofinancée. Elle soutient que l’installation ne satisfait pas aux promesses de rendement qui lui ont été faites, comme le prouve l’étude qu’elle a faite réaliser démontrant que pour amortir le coût de l’installation, une durée de 21 ans d’utilisation est nécessaire. Elle estime avoir été trompée par le vendeur qui lui aurait dit que l’installation lui permettrait de réaliser des économies d’énergie substantielles. Elle indique que cette promesse de rentabilité résulte d’une part des documents contractuels puisque le vendeur lui a présenté une série de documents commerciaux et fait des promesses permettant de réaliser des économies d’énergie mais aussi divers avantages permettant de réduire le coût de l’installation.
D’autre part, elle estime que cette promesse de rentabilité procède de la nature même de la chose vendue puisque ce type d’installation disgracieuse n’est pas acquise à des fins purement écologiques ou esthétiques mais dans un but de rentabilité qui est donc un élément déterminant du consentement, étant entré dans le champ contractuel.
Enfin, elle souligne que cette promesse de rentabilité est mensongère puisque le rendement des panneaux photovoltaïques ne permet pas de couvrir les échéances du prêt, et ce alors que la société venderesse ne peut ignorer que l’installation litigieuse ne produira jamais les valeurs annoncées. Elle considère que la société Evasol utilise ainsi des pratiques déloyales et trompeuses, constitutives de manœuvres dolosives, puisque c’est en pleine conscience qu’elle, comme la société Cofidis, lui a fait souscrire des contrats, alors que l’opération ne pouvait pas lui permettre d’autofinancement ou ne serait-ce que des économies d’énergie.
Elle fait valoir ensuite que la banque a commis une faute en débloquant les fonds alors qu’à la simple lecture du contrat de vente, elle aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation et aurait dû relever les anomalies du bon de commande avant de se dessaisir du capital prêté. Elle considère qu’il appartenait à la SA Cofidis de l’alerter sur les irrégularités affectant le contrat de vente ainsi que sur les conséquences financières de l’opération envisagée.
La S.A Cofidis sollicite du juge des contentieux de la protection de :
déclarer Madame [F] prescrite, irrecevable et à titre subsidiaire mal fondée en ses demandes ;en conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause :
condamner Madame [F] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;rappeler l’exécution provisoire de droit.
Au soutien de sa fin de non-recevoir, au visa de l’article 2224 du code civil, elle considère que l’action en responsabilité de la banque fondée sur le dol est prescrite en ce que Madame [F] s’est nécessairement aperçue des mensonges de la société dès réception de la première facture ou a minima de la deuxième facture de production d’énergie. Elle ajoute que l’emprunteuse n’apporte pas la preuve que des promesses d’autofinancement de l’installation ont été faites. Elle expose en outre que la requérante est encore prescrite en sa demande indemnitaire fondée sur la faute dans le déblocage des fonds en ce qu’elle n’a pas agi dans les cinq ans de la signature de l’attestation de livraison le 27 août 2014 ou des premières mensualités de remboursement du prêt en 2015, dates auxquelles les fonds étaient nécessairement débloqués. Elle fait valoir enfin que la demande de déchéance du droit aux intérêts est également prescrite pour ne pas avoir été introduite dans les cinq ans suivant la signature du contrat de prêt.
Elle conteste avoir commis une faute dans le déblocage des fonds et rappelle les avoir débloqués à la remise d’une attestation de livraison acceptée sans réserve par l’emprunteuse. Elle ajoute que cette attestation, précise et dénuée d’ambiguïté, mentionne la réalisation de tous les travaux et prestations accessoires et lui laissait légitimement présumer une exécution conforme au bon de commande, en ce compris le raccordement au réseau électrique.
Enfin, elle fait valoir que Madame [F] ne démontre pas avoir subi de préjudice, dès lors que l’installation fonctionne, produit de l’électricité et génère des revenus. Elle ajoute en toute hypothèse que le montant du préjudice ne peut être équivalent au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat principal et qu’il est apprécié souverainement par les juges du fond. Elle fait remarquer que la demanderesse conservera le bénéfice de l’installation compte tenu de la liquidation judiciaire du vendeur et que le prix de la centrale photovoltaïque est déjà amorti par les revenus tirés des panneaux depuis plusieurs années et du crédit d’impôt.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
La S.E.L.A.R.L MJ ET ASSOCIES, es qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L B.E.S, n’a pas comparu et ne s’est pas faite représenter.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :
Sur l’action en responsabilité fondée sur le dol :
Madame [F] soutient qu’elle a été trompée par la société Evasol lors de la conclusion du contrat de vente au motif que les performances énergétiques et la rentabilité de l’installation qu’elle lui avait promises ne sont pas atteintes, que l’installation ne s’autofinance pas dans la mesure où les revenus liés à la revente d’électricité ne couvrent pas les mensualités d’emprunt, qu’elle n’a pas été informée des variations de productivité lié à l’ensoleillement, ces éléments qui relèvent des caractéristiques essentielles d’une installation photovoltaïque étant nécessairement entrés dans le champs contractuel.
Elle invoque une faute de la société Cofidis pour avoir participé au dol en consentant un crédit à partir d’imprimés-type délivrés aux démarcheurs et en instaurant un différé de paiement de douze mois pour augmenter la croyance en l’existence d’un système auto-financé.
La banque lui oppose la prescription affectant ces demandes, ayant selon elle couru depuis la première voire la deuxième facture de production.
Le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de la banque pour participation aux manœuvres dolosives ayant affecté le contrat principal doit être fixé à la date d’émission de la première facture de vente d’électricité.
Madame [F] fait valoir que la première facture de production d’électricité ne lui permettait pas de vérifier le fonctionnement de l’installation dans des conditions de production optimales en l’absence de toute information sur la productivité donnée par le vendeur avant la signature du contrat.
Elle verse aux débats une expertise réalisée le 31 mai 2022 par la société Pôle Expert Nord Est qui conclut que le rendement financier théorique moyen de l’installation photovoltaïque ne permet pas de couvrir la mensualité du prêt. Elle estime que ce n’est qu’à la date de cette expertise qu’elle a eu une connaissance effective et concrète de la rentabilité de son installation.
Toutefois, d’une part, il ne résulte pas de l’examen du bon de commande, qui a seul valeur contractuelle, la preuve d’une promesse de rentabilité voire d’autofinancement du vendeur à l’égard de l’acquéreur dans le cadre de son démarchage. D’autre part, si Madame [F] allègue qu’il appartenait au vendeur de lui présenter la rentabilité de son produit, et de l’en informer exactement, ce en quoi ce dernier a été défaillant, mais alors que la rentabilité de l’installation n’était pas intégrée au champ contractuel, force est de constater que la requérante pouvait parfaitement se rendre compte, bien avant la réalisation de l’expertise le 31 mai 2022, par un simple calcul du coût annuel du crédit et en le comparant au montant de la première facture annuelle de revente d’électricité, que l’installation ne pourrait pas s’autofinancer.
La découverte du dol allégué doit en effet être considérée comme acquise dès la réception de la première facture de revente d’électricité qui date en principe de l’année suivant la signature du contrat d’achat avec ERDF, cette première facture révélant au consommateur la rentabilité de l’installation et les économies d’énergie générées par elle. Or, en l’espèce Madame [F] verse les factures de revente d’électricité pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2022. Elle pouvait donc se rendre compte de la tromperie du vendeur sur la rentabilité et l’autofinancement de l’installation dès la première facture émise le 1er avril 2011.
Par suite, en l’absence de contestation quant au fonctionnement et au raccordement de l’installation, il y a lieu de considérer que l’action en responsabilité fondée sur le dol introduite le 27 juillet 2023 est prescrite.
Sur l’action en responsabilité fondée sur la faute dans le déblocage des fonds pour défaut de vérification de la régularité du contrat principal et non vérification de l’exécution complète du contrat :
Selon l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Aux termes de l’article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
Madame [F] n’agit pas en nullité de la vente de l’installation photovoltaïque acquise selon bon de commande régularisé le 23 septembre 2010 de sorte que l’argumentation qu’elle développe relativement à la confirmation d’un acte nul est inopérante.
Madame [F] agit en responsabilité contre le banquier dispensateur de crédit à qui elle reproche d’avoir commis une première faute en débloquant les fonds alors que le bon de commande était affecté d’irrégularités au regard des règles du code de la consommation applicables au démarchage à domicile et une seconde faute en ayant débloqué les fonds sans avoir vérifié l’exécution complète du contrat.
Le dommage résultant de la faute de la banque dans le déblocage des fonds sans avoir vérifié la régularité formelle du contrat de vente et son exécution complète, à la supposer avérée, consiste pour l’emprunteur à devoir rembourser le crédit suite au déblocage fautif des fonds.
Nonobstant l’obligation de vérification de la régularité du contrat financé au moyen du crédit affecté pesant sur la société Groupe Sofemo, aux droits de laquelle vient la S.A Cofidis, le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la libération des fonds ou au plus tard, en l’absence de connaissance de la date de déblocage des fonds par Madame [F], au jour du paiement de la première échéance de remboursement.
Ensuite, le principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’obligation de l’Union européenne, lequel impose uniquement que les dispositions du droit interne ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne. Or, le point de départ du délai de prescription ainsi fixés au vu des pièces aux débats et la durée du délai de prescription ne portent pas atteinte au principe d’effectivité des droits du consommateur issus du droit de l’obligation de l’Union européenne.
S’agissant de l’atteinte alléguée au principe de l’égalité des armes garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’obligation principale de la banque tenant à la remise des fonds a été exécutée en une seule fois lors du déblocage des fonds et seule l’obligation de remboursement contractée en contrepartie par Madame [F] est échelonnée dans le temps. La fixation du point de départ du délai de forclusion de l’action en paiement de la banque au 1er incident de paiement non régularisé s’explique ainsi par l’échelonnement de l’obligation de remboursement pesant sur l’emprunteur. En revanche, la banque a exécuté son obligation principale en une fois lors du déblocage des fonds, de sorte que le point de départ de l’action en responsabilité litigieuse est fixé à la date du déblocage qui constitue la date de réalisation du dommage. Enfin le délai de prescription de l’action en responsabilité n’est opposable que lorsque l’emprunteur agit pas voie d’action et non lorsqu’il agit par voie d’exception en réponse à une demande en paiement de la banque.
L’atteinte au principe de l’égalité des armes n’est donc pas caractérisée.
Sur ce, il ressort de l’historique de compte produit par la SA Cofidis que la libération des fonds est intervenue le 17 février 2011.
L’action en responsabilité introduite le 27 juillet 2023, soit plus de 5 années après le déblocage des fonds, est donc prescrite.
En toutes hypothèses, à supposer que Madame [F] n’ait pas eu connaissance du déblocage des fonds, l’action a été introduite plus de 5 années après le paiement de la première mensualité intervenu le 15 février 2012 selon le tableau d’amortissement et l’historique de compte versés aux débats.
Sur l’action aux fins de prononcé de la déchéance du droit aux intérêts :
Madame [F] a la qualité de demandeur principal dans la présente instance et aucune demande en paiement au titre du contrat de crédit affecté n’est formée à leur encontre par la S.A Cofidis.
L’action tendant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts se prescrit par cinq ans à compter de l’acceptation de l’offre de prêt.
La demande aux fins de déchéance du droit aux intérêts contractuels est donc également prescrite pour avoir été introduite plus de cinq après la signature du contrat de crédit le 23 septembre 2010.
En conséquence, il y a lieu de déclarer [J] [F] irrecevable en ses demandes.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, [J] [H] épouse [F], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens et sera, en conséquence, déboutée de sa demande au titre des frais non répétibles.
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie qui succombe ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En l’espèce, [J] [H] épouse [F] sera condamnée à payer à la S.A. Cofidis une somme de 700 euros à ce titre.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement sera assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DECLARE [J] [H] épouse [F] irrecevable en ses demandes ;
DEBOUTE [J] [H] épouse [F] de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [J] [H] épouse [F] à payer à la S.A. Cofidis la somme de 700 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [J] [H] épouse [F] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
LE GREFFIER LE JUGE
D. AGANOGLU M.CHAPLAIN
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