Responsabilité contractuelle et garanties en matière de construction immobilière

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Responsabilité contractuelle et garanties en matière de construction immobilière

L’Essentiel : La SCI LES JARDINS DE CASANOVA a construit un ensemble immobilier à [Localité 21], livrant des appartements entre le 10 et le 17 août 2017. Les acquéreurs ont constaté une surface inférieure à celle prévue et des retards de livraison, entraînant une action en justice le 6 août 2018. Après une expertise judiciaire, l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie au 30 septembre 2024. Les acquéreurs réclament des indemnités pour préjudice moral et privation de jouissance, tandis que la SCI conteste ces demandes, imputant les défauts aux maîtres d’œuvre. Le tribunal a condamné la SCI à verser des sommes aux acquéreurs.

Contexte de l’affaire

La SCI LES JARDINS DE CASANOVA a entrepris la construction d’un ensemble immobilier à [Localité 21], impliquant plusieurs entreprises, dont la SARLU ARKAD CONCEPT et la SARL VFB. Des appartements ont été vendus en l’état futur d’achèvement à plusieurs acquéreurs entre 2015 et 2016.

Livraison des appartements

Les appartements ont été livrés entre le 10 et le 17 août 2017. Cependant, les acquéreurs ont constaté que la surface des appartements était inférieure à celle prévue dans les contrats, et ils ont également signalé des retards de livraison.

Actions en justice

Le 6 août 2018, les acquéreurs ont assigné la SCI LES JARDINS DE CASANOVA en justice pour obtenir des indemnités liées à la diminution de la surface et aux retards. En réponse, la SCI a assigné en intervention forcée plusieurs entreprises impliquées dans la construction pour garantir les condamnations potentielles.

Expertise judiciaire

Le juge a ordonné une expertise judiciaire, dont le rapport a été déposé le 10 janvier 2023. L’instruction a été clôturée le 22 mai 2024, et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie au 30 septembre 2024.

Demandes des parties

Les acquéreurs ont formulé des demandes d’indemnisation, incluant des montants spécifiques pour chaque partie, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice moral et privation de jouissance. La SCI a contesté ces demandes, arguant que les défauts étaient imputables aux maîtres d’œuvre.

Conclusions des parties

Les différentes parties ont présenté leurs conclusions, avec des demandes variées allant de la reconnaissance de leur responsabilité à des demandes de garantie et d’indemnisation. La SCI a demandé à être exonérée de certaines responsabilités, tandis que les entreprises impliquées ont cherché à se défendre contre les accusations.

Décision du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement en première instance, condamnant la SCI à verser des sommes spécifiques aux acquéreurs pour la diminution du prix de vente et d’autres préjudices. Les entreprises impliquées ont également été condamnées à garantir la SCI pour certaines des condamnations prononcées.

Répartition des responsabilités

La décision a établi une répartition des responsabilités entre les différentes parties, avec des pourcentages attribués à chaque entreprise en fonction de leur implication dans les défauts constatés. Les dépens ont également été répartis selon les responsabilités respectives.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations du vendeur en matière de superficie dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) ?

La vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) est régie par les dispositions des articles 1601 et suivants du Code civil, ainsi que par l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Selon l’article 1601 du Code civil :

« La vente est un contrat par lequel l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. »

Dans le cadre d’une VEFA, le vendeur doit garantir la conformité de la chose vendue, notamment en ce qui concerne la superficie. L’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation précise que :

« Le contrat de vente d’immeuble à construire doit mentionner la superficie habitable de l’immeuble. »

En cas de non-respect de cette obligation, l’acheteur peut demander une diminution du prix de vente, conformément à l’article 1641 du Code civil, qui stipule que :

« Le vendeur est tenu de la garantie des vices cachés de la chose vendue. »

Ainsi, si la superficie livrée est inférieure à celle contractuellement prévue, l’acheteur peut obtenir une indemnisation pour le préjudice subi.

Quels sont les recours possibles en cas de retard de livraison dans une VEFA ?

Le retard de livraison dans le cadre d’une VEFA est encadré par les articles L. 271-1 et L. 271-2 du Code de la construction et de l’habitation.

L’article L. 271-2 dispose que :

« En cas de retard dans la livraison, le vendeur est tenu de verser à l’acquéreur une indemnité. »

Cette indemnité est calculée sur la base d’un pourcentage du prix de vente, généralement fixé à 1/3000ème du prix par jour de retard.

De plus, l’article 1231-1 du Code civil précise que :

« Le débiteur est tenu de réparer le préjudice causé par son inexécution. »

Ainsi, l’acheteur peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison du retard de livraison, en plus de l’indemnité prévue par la loi.

Quelles sont les conséquences juridiques d’un désistement d’instance dans une procédure judiciaire ?

Le désistement d’instance est régi par les articles 386 et 387 du Code de procédure civile.

L’article 386 stipule que :

« L’instance peut être suspendue par le désistement de l’une des parties. »

Le désistement d’instance entraîne l’extinction de l’instance, ce qui signifie que la demande est considérée comme n’ayant jamais été introduite.

Cependant, l’article 387 précise que :

« Le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action. »

Cela signifie que la partie qui se désiste peut toujours réintroduire sa demande ultérieurement, sauf si le désistement est accompagné d’une renonciation à l’action.

Quelles sont les implications de la garantie in solidum dans le cadre des condamnations pécuniaires ?

La garantie in solidum est prévue par l’article 1200 du Code civil, qui dispose que :

« Les débiteurs solidaires sont tenus de la totalité de l’obligation. »

Dans le cadre d’une condamnation in solidum, chaque débiteur est responsable de la totalité de la dette, ce qui permet au créancier de demander le paiement de la totalité de la somme due à l’un ou l’autre des débiteurs.

Cela signifie que si la SCI LES JARDINS DE CASANOVA est condamnée in solidum avec d’autres parties, elle peut être tenue de payer la totalité des sommes dues, même si d’autres débiteurs sont également responsables.

L’article 1210 du Code civil précise que :

« Le débiteur qui a payé la totalité de la dette peut se retourner contre ses co-débiteurs pour obtenir le remboursement de leur part. »

Ainsi, la garantie in solidum permet une protection accrue pour le créancier, tout en préservant les droits de recours entre débiteurs.

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COUR D’APPEL DE PARIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
de BOBIGNY

AFFAIRE N° RG 18/08875 – N° Portalis DB3S-W-B7C-SCJH
N° de MINUTE : 24/00690
Chambre 6/Section 5

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2024

Madame [B], [X], [Z] [I]
[Adresse 4]
[Localité 18]

Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R]
[Adresse 4]
[Localité 18]

Monsieur [S], [K] [A]
[Adresse 9]
[Localité 6]

Madame [O] [L]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 15]

Ayant tous pour Avocat :

Me Armelle BENALI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0918

DEMANDEURS

C/

La S.A.M SOCIETET MUTUELLE D’ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP)
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Localité 11]
représentée par Me Bruno PHILIPPON, la SCP d’Avocat BOUSSAGEON-GUITARD-PHILIPPON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0055
La S.A.R.L.U ARKAD CONCEPT
[Adresse 14]
[Localité 12]
représentée par Me Pierre ELMALIH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0006

La S.A.M MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS (MAF) es qualité d’assureur de la société ARKAD CONCEPT
[Adresse 5]
[Localité 10]
représentée par Me Pierre ELMALIH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0006

La S.C.I. LES JARDINS DE CASANOVA
[Adresse 1]
[Localité 19]
représentée par Me Olivier LIGETI, ALMATIS A.A.R.P.I, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0560

La S.A.R.L ARKAD +
[Adresse 2]
[Localité 16]
non comparante

La SA AXA FRANCE IARD
[Adresse 7]
[Localité 17]
non comparante

DEFENDEURS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré

Président : Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente
Assesseurs : Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge
Monsieur François DEROUAULT, Juge

Assistés aux débats : Madame Reine TCHICAYA, Greffier

DÉBATS

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 30 Septembre 2024 du tribunal judiciaire de Bobigny, tenue par Madame Charlotte THIBAUD, Présidente de la formation de jugement, et Messieurs David BRACQ-ARBUS et François DEROUAULT juges, assistés de Mme Madame Reine TCHICAYA, greffier.

Madame Charlotte THIBAUD, Présidente a rédigé le jugement rendu.

À l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.

JUGEMENT

La présente décision est prononcée publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, signée par Madame Charlotte THIBAUD, assistée de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI LES JARDINS DE CASANOVA a fait construire en qualité de maître d’ouvrage un ensemble immobilier d’habitation et de commerce dénommé « LES JARDINS DE CASANOVA » sis [Adresse 20] à [Localité 21].

Pour ce faire sont notamment intervenues à l’opération de construction :
la SARLU ARKAD CONCEPT en charge d’une mission de maîtrise d’œuvre de conception et assurée auprès de la SAM Mutuelle des architectes français (ci-après la MAF) ; la SARL ARKAD + en charge d’une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution et assurée auprès de la SA AXA FRANCE IARD ; la SARL VFB en charge du lot n°1 « gros œuvre » et assurée auprès de la SAM SMABTP.
Madame [B] [I], Monsieur [S] [A], Madame [O] [L] et Madame [M] [U] divorcée [R] ont acquis auprès de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, selon actes authentiques de vente en l’état futur d’achèvement respectivement du 28 juillet 2015, du 12 août 2015, du 21 octobre 2015 et du 11 avril 2016, des appartements au sein d’un immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 21] (93).

Les livraisons des différents appartements sont intervenues :
– le 10 août 2017 pour Madame [O] [L] ;
– le 11 août 2017 pour Madame [B] [I] ;
– le 16 août 2017 pour Monsieur [S] [A] ;
– le 17 août 2017 pour Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R].

Se plaignant de ce que la surface des appartements livrés soit inférieure à celle contractuellement prévue ainsi que d’un retard de livraison, Madame [B] [I], Monsieur [S] [A], Madame [O] [L] et Madame [M] [U] divorcée [R], ont, par acte d’huissier de justice délivré le 6 août 2018, assigné la SCI LES JARDINS DE CASANOVA devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’obtenir sa condamnation à les indemniser au titre du défaut de contenance et au titre du retard de livraison.

Par actes d’huissier de justice en date des 22 et 26 novembre 2019, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a fait assigner en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Bobigny la SAM SMABTP en sa qualité d’assureur de la SARL VFB ainsi que la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MAF, aux fins de les condamner à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées contre elle dans le cadre de la présente procédure.

Par actes d’huissier de justice en date du 21 février 2022, la SARLU ARKAD CONCEPT a fait assigner en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Bobigny la SARL ARKAD + ainsi que son assureur la SA AXA FRANCE IARD aux fins de les voir condamnées à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées contre elle dans le cadre de la présente procédure.

Ces trois procédures ont été jointes sous le numéro RG 18-8875.

Par ordonnance en date du 28 octobre 2021, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [J] [V].

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 10 janvier 2023.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 mai 2024 et l’affaire a été renvoyée pour être plaidée à l’audience du 30 septembre 2024.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 16 avril 2024, les consorts [I]-[U]-[R]-[L]-[A] demandent au tribunal de:

« 1.- Acter le désistement de ses demandes par Monsieur [A] et de son acceptation pure et simple par la SCI LES JARDINS DE CASANOVA.

2.- Condamner la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à :
-Mme [B] [I], la somme de 20.636,46 € avec intérêts au taux légal à compter du 28/07/2015
-Mme [O] [L], la somme de 11.553,62 € avec intérêts au taux légal à compter du 21/10/2015.
-Mme [M] [U] ayant pour nom d’usage [R], la somme de 18.356,07 € avec intérêts au taux légal à compter du 11/04/2016.

Condamner in solidum la société ARKAD CONCEPT et son assureur, la MAF, à garantir les condamnations, en principal et intérêts légaux, qui seront mises à la charge de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à hauteur d’une perte de chance qui ne saurait être inférieure à 90 % du montant des condamnations à intervenir à ce titre et, subsidiairement qui sera fixée à 80% des condamnations.

Condamner in solidum la société ARKAD CONCEPT et son assureur, la MAF, à s’acquitter de leurs condamnations, en principal et intérêts, exclusivement entre les mains de [B] [I], [O] [L] et [M] [U] ayant pour nom d’usage [R].

3.- Condamner in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la société ARKAD CONCEPT et son assureur, la MAF, à payer, à titre de dommages et intérêts, à :
-Mme [B] [I], les sommes de 357,42 € et 300,00 € ;
-Mme [O] [L], la somme de 200,11 € et 140,00 € ;
-Mme [M] [U] ayant pour nom d’usage [R], la somme de 317,92 € et 90,00€.

Subsidiairement, Condamner in solidum la société Arkad Concept et son assureur, la Maf, à garantir la SCI Les Jardins de Casanova à hauteur d’une perte de chance qui ne saurait être inférieure à 90% et, subsidiairement, à 80%.

Assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

4.- Condamner la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Mme [U] ayant pour nom d’usage [R], à titre de dommages et intérêts :

-En réparation de son préjudice moral : la somme de 10.000 € ;

-En réparation de la privation de jouissance de son appartement :
À titre principal la somme de 6.774,19 €,
À titre subsidiaire : 6.193,55 €,
Et plus subsidiairement : celle de 5.500,00 €.
Assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
5.- Condamner in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la société ARKAD CONCEPT et son assureur, la MAF, à payer en application de l’article 700 du CPC :
▪ 4.400 € à [B] [I]
▪ 4.400 € à [O] [L]
▪ 6.550 € à [M] [U] ayant pour nom d’usage [R].

6.- Condamner in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la société ARKAD CONCEPT et son assureur, la MAF, en tous les dépens lesquels comprendront les frais de l’expertise judiciaire, qui resteront à sa charge et autoriser Maître Armelle BENALI, Avocat, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l’avance en application des dispositions de l’article 699 du CPC.

7.- Débouter les parties adverses de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, contraires aux intérêts de [B] [I], [O] [L] et [M] [U] ayant pour nom d’usage [R].

8.- Ordonner la capitalisation de tous les intérêts de retard.

9.- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.»

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 16 mai 2024, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA demande au tribunal de :

« DONNER ACTE à la SCI LES JARDINS DE CASANOVA de ce qu’elle accepte le désistement
d’instance et d’action de Monsieur [A] ;
DEBOUTER les Madame [I], Madame [R] et Madame [L] de leurs demandes indemnitaires au titre des retards de livraison ;
RESTREINDRE le montant des restitutions à la part qui excède le taux contractuel de tolérance de 3% au plus des superficies et des cotes exprimées par les plans ;
JUGER que les défauts de consistance des appartements des requérants sont le fait du maître d’oeuvre de conception, du maître d’oeuvre d’exécution et de l’entreprise en charge du gros oeuvre ;
JUGER que la société ARKAD CONCEPT a manqué à ses obligations contractuelles en commettant des erreurs de conception ;
JUGER que la société VFB a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas les plans
d’exécution ;
JUGER que la société ARKAD PLUS ARCHITECTURE a manqué à ses obligations contractuelles dans le suivi et la direction des travaux ;
En conséquence,
CONDAMNER in solidum les sociétés ARKAD CONCEPT, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, la SMABTP, la société ARKAD PLUS ARCHITECTURE et AXA France IARD à garantir intégralement la SCI LES JARDINS DE CASANOVA de toutes les réclamations de Madame [I], Madame [R] et Madame [L] et de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre et au profit de celles-ci ;
JUGER qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire ;
CONDAMNER in solidum les sociétés ARKAD CONCEPT, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, SMABTP et la société ARKAD PLUS ARCHITECTURE et AXA France IARD à verser à la SCI LES JARDINS DE CASANOVA chacune la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER in solidum les sociétés ARKAD CONCEPT, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, la SMABTP et la société ARKAD PLUS ARCHITECTURE et AXA France IARD aux entiers dépens.»

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 12 mars 2024, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF demandent au tribunal de :
« A titre principal,
Juger que la société ARKAD CONCEPT n’a commis aucune faute ;
Mettre hors de cause la société ARKAD CONCEPT ainsi que la MAF ;

A titre subsidiaire,
Réduire les prétentions des demandeurs à l’indemnisation de la surface manquante en tenant compte de la tolérance de 3%.

A titre infiniment subsidiaire,
Condamner in solidum les sociétés ARKAD PLUS, AXA son assureur, la SMABTP, assureur de VFB, et la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, à relever et garantir indemne la MAF ainsi que la société ARKAD CONCEPT de toute condamnation à leur encontre.

Condamner in solidum tout succombant à verser à la société ARKAD CONCEPT ainsi qu’à la MAF la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Débouter l’ensemble des parties de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la société ARKAD CONCEPT et de la MAF ;

Condamner tout succombant aux dépens »

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 12 octobre 2023, la SAM SMABTP demande au tribunal de :

« DECLARER irrecevables les prétentions de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA en raison du défaut de fondement en fait et en droit de ses prétentions émises à l’encontre de la SMABTP.

Vu les dispositions des articles 10.2.2 et 41.7 des Conditions Générales de la Police CAP 2000 fixant des exclusions de garantie opposables,
REJETER les demandes de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA ou toute autre partie car les garanties de la police CAP 2000 ne peuvent pas être mobilisées.

En tout état de cause et subsidiairement, DEBOUTER la SCI LES JARDINS DE CASANOVA de ses demandes présentées à l’encontre de la SMABTP, faute d’administration de la preuve d’une quelconque faute imputable à la société VFB.

DEDUIRE les prétentions des demandeurs à l’indemnisation de la surface manquante en tenant compte de la tolérance de 3%.

Encore plus subsidiairement, DIRE et JUGER la SMABTP recevable à opposer les limites des garanties et en particulier, la franchise contractuelle liée à une garantie facultative.

Encore plus subsidiairement, vu l’article 1240 du Code Civil, CONDAMNER la société ARKADE CONCEP à garantir la SMABTP de toute demande en principal, frais et accessoires, présentée à son encontre.

CONDAMNER la SCI LES JARDINS DE CASANOVA ou tous succombants à verser à la SMABTP une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens qui seront recouvrés par Maître Bruno PHILIPPON, Avocat et ce, en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile. ».

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Assignée selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, la SARL ARKAD + n’a pas constitué avocat.

Assignée par remise à personne habilitée, la SA AXA France IARD n’a pas constitué avocat.

La décision a été mise en délibéré au 25 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire

Aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Or ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater», « dire», «juger » ou «donner acte», en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d’emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que le tribunal n’y répondra qu’à la condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs, sauf à statuer sur les demandes des parties tendant à « dire et juger » lorsqu’elles constituent un élément substantiel et de fond susceptible de constituer une prétention (2ème Civ., 13 avril 2023, pourvoi n° 21-21.463).

En outre, la « mise hors de cause » ne correspond en soi juridiquement ni à une prétention ni à un moyen de défense. Dépourvue de portée juridique en elle-même, elle ne peut être que la conséquence d’un rejet des demandes au fond ou de leur irrecevabilité, l’examen d’une exception de procédure relevant pour sa part exclusivement de la compétence du juge de la mise en état conformément à l’article 771 du code de procédure civile. L’analyse des arguments de tous défendeurs conditionne ainsi tant la qualification de ses moyens au sens de l’article 12 du code de procédure civile que le stade de leur examen.

Sur le rabat de l’ordonnance de clôture

Il résulte de l’application combinée des dispositions des articles 802 et 803 du code de procédure civile qu’aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, après l’ordonnance de clôture, laquelle peut néanmoins être révoquée, d’office ou à la demande des parties – par conclusions dûment signifiées ou notifiées –, s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue. La constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

En l’espèce, à l’audience du 30 septembre 2024, le conseil de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture du 22 mai 2024 afin de régulariser la signification de ses dernières conclusions récapitulatives aux parties défaillantes, ladite signification ayant eu lieu postérieurement à l’ordonnance de clôture.

En l’absence d’opposition des parties, il convient de faire droit à la demande, de recevoir les conclusions signifiées aux parties défaillantes, et de prononcer la clôture des débats à la date de l’audience.

Sur le désistement d’instance de Monsieur [K] [A]

L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance, auquel cas le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action mais seulement extinction de l’instance conformément à l’article 398 de ce code.

L’article 395 du même code ajoute que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, sauf si ce dernier n’a encore présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.

L’article 399 du même code précise enfin que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

En l’espèce, Monsieur [K] [A] se désiste de son instance à l’égard de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, laquelle l’accepte expressément, de sorte que le désistement d’instance de Monsieur [K] [A] est parfait.

Par conséquent, il y a lieu de constater l’extinction de l’instance de Monsieur [K] [A] à l’égard de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA.

Sur la recevabilité des demandes des consorts [I]-[L]-[U]-[R] tendant garantie la SCI LES JARDINS DE CASANOVA des condamnations prononcées à son encontre et à leur bénéfice

L’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article 31 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En application de ces textes, « nul ne plaide par procureur », c’est-à-dire que l’on ne peut agir en justice que pour défendre son intérêt personnel et on ne peut donc pas agir en défense des intérêts d’autrui.

En l’espèce, les consorts [I]-[L]-[U]-[R] sollicitent que la SARLU ARKAD CONCEPT et la SAM MAF soit condamnées à garantir la SCI LES JARDINS DE CASANOVA de toutes condamnations prononcées à son encontre au titre du défaut de contenance.

Or, les consorts [I]-[L]-[U]-[R] n’ont pas qualité pour formuler une telle demande, seule la SCI LES JARDINS DE CASANOVA peut effectuer des appels en garantie.

Par voie de conséquence, les demandes des consorts [I]-[L]-[U]-[R] tendant à obtenir que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA soit garantie de toutes les condamnations prononcées à son encontre au titre des défaut de contenance affectant leurs appartements respectifs seront déclarées irrecevables.

Sur la demande de la SAM SMABTP tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA en raison du défaut de fondement en fait et en droit des prétentions émises à son encontre

En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer :
1° sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
6° sur les fins de non-recevoir.

En l’espèce, la SAM SMABTP demande au tribunal de déclarer irrecevables les prétentions de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA en raison du défaut de fondement en fait et en droit de ces prétentions.

Le défaut de fondement en fait et en droit est une exception de procédure sanctionnée par la nullité de l’assignation ou des conclusions, qui en l’espèce ne sont pas demandée et non une fin de non-recevoir tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable en ses demandes.

En tout état de cause, à défaut d’avoir spécifiquement adressé des conclusions d’incident au juge de la mise en état, seul compétent pour statuer, cette demande est désormais irrecevable.

Sur les demandes indemnitaires des consorts [I]-[U]-[R]-[L]-[A]

S’agissant du défaut de contenance

Par application de l’article 1603 du code civil, le vendeur d’un immeuble a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend.

En vertu de l’article 1616 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer la contenance telle qu’elle est portée au contrat, sous les modifications ci-après exprimées.

L’article 1617 du même code dispose que si la vente d’un immeuble a été faite avec indication de la contenance, à raison de tant la mesure, le vendeur est obligé de délivrer à l’acquéreur, s’il l’exige, la quantité indiquée au contrat. Et, si la chose ne lui est pas possible, ou si l’acquéreur ne l’exige pas, le vendeur est obligé de souffrir une diminution proportionnelle du prix.

L’article 1622 du même code ajoute que l’action en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l’acquéreur, doivent être intentées dans l’année, à compter du jour du contrat, à peine de déchéance.

En l’espèce, aux termes de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 28 juillet 2015 entre la SCI LES JARDINS DE CASANOVA et Madame [B] [I], cette dernière a acquis notamment le lot n°105, au sein de l’ensemble immobilier en copropriété [Adresse 3], correspondant à un appartement au rez-de-chaussée du bâtiment B et d’une superficie de 70,70 m² habitable selon les plans annexés.

Selon l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 11 avril 2016 entre la SCI LES JARDINS DE CASANOVA et Madame [M] [U] ayant comme nom d’usage [R], cette dernière a acquis notamment le lot n° 12 de l’ensemble immobilier en copropriété [Adresse 3], correspondant à un appartement au 4ème et 5ème étage du bâtiment A et d’une superficie de 100.10 m² habitables selon les plans annexés.

Aux termes de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu le 21 octobre 2015 entre la SCI LES JARDINS DE CASANOVA et Madame [O] [L], cette dernière a acquis notamment la lot n°101 de l’ensemble immobilier en copropriété [Adresse 3], correspondant à un appartement au rez-de-chaussée du bâtiment B et d’une superficie de 43,05 m² habitables selon les plans annexés.

Chacun de ses actes authentique de vente prévoit que : « La consistance des fractions vendues et du bâtiment dans son état futur d’achèvement est définie et figurée :
Pour ce qui concerne les fractions divises, par le plan coté de l’appartement, lequel comporte l’indication des surfaces de chacune des pièces et dégagements et qu’il est annexé au présent acte après visa des parties et mention par le notaire. Sont également demeurés annexés les plans cotés du ou s’il y a lieu des lots annexes. Il est convenu que des différences de TROIS POUR CENT (3%) au plus des superficies et des cotes exprimées par les plans seront tenues pour admissibles et ne pourront fonder aucune réclamation, les différences sont calculées local par local. (…) ».

Il résulte de l’expertise judiciaire qui n’est contestée par aucune des parties que :

– l’appartement de Madame [B] [I] présente une surface réelle de 65,7 m² habitables, soit une différence de 7,0721 % ;

– l’appartement de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] présente une surface réelle de 95,31 m² habitables, soit une différence de 4,7952 % ;

– l’appartement de Madame [O] [L] présente une surface réelle de 40,4 m² habitables, soit une différence de 6,0395 %.

Ainsi, il est suffisamment démontré que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a livré aux consorts [I]-[L]-[U]-[R] des appartements dont la superficie habitable est inférieure de plus de 3% à celle contractuellement prévue, de sorte qu’elle doit être condamnée à une diminution du prix de vente.

Contrairement aux affirmations de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA et conformément aux dispositions de l’article 1617 du code civil précité, si la superficie est inférieure soit de plus d’un vingtième à celle exprimée dans l’acte, soit de plus d’un autre pourcentage contractuellement arrêté entre les parties, le vendeur supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure.

Dès lors, la diminution du prix de vente que doit supporter la SCI LES JARDINS DE CASANOVA doit être calculée par rapport à la totalité de la surface manquante et après déduction du prix du parking sur le prix de vente conformément à la méthode proposée par l’expert judiciaire.

Aucune des parties ne produit d’élément technique nouveau permettant de remettre en cause cette évaluation.

Par conséquent, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA sera condamnée à payer au titre de la diminution du prix de vente :
– à Madame [B] [I] la somme de 20.636,46 € = (291.801 € x 7,0721 %) ;
– à Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 18.356,07 € = (382.801€ x 4,7952 %) ;
– à Madame [O] [L] la somme de 11.553,62 € = (191.301,08 € x 6.0395%).

Ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

Les demandes des consorts [I]-[L]-[U]-[R] tendant à voir condamner in solidum la société ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF à garantir la SCI LES JARDINS DE CASANOVA des condamnation prononcées contre elle au titre d’un défaut de contenance, étant irrecevables, il y a lieu de débouter les consorts [I]-[L]-[U]-[R] de leur demande tendant à voir condamner in solidum la société ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF à s’acquitter de leurs condamnations exclusivement entre les mains des consorts [I]-[L]-[U]-[R].

S’agissant des frais notariés

Sur la responsabilité de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA

Les acquéreurs ne peuvent obtenir de leurs vendeurs, en raison de la différence de superficie, une autre indemnité que celle résultant de la diminution du prix, sauf à démontrer une faute de la part de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise judiciaire du 10 janvier 2023, que les différences de superficie sont dues :
au manque de mise à jour des plans de vente ou à l’absence d’annexion aux actes des mises à jours des plans de vente ; à des problèmes de réalisation en cours de chantier.
Ni l’expertise judiciaire, ni aucune des pièces versées aux débats ne permet d’établir que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, maître d’ouvrage dont aucune des parties n’allègue, ni ne soutient qu’elle serait un professionnel de la construction, a été informée avant la signature des actes de vente des mises à jour des plans de vente.

Contrairement aux affirmations des consorts [I]-[L]-[U]-[R], il n’appartenait pas à la SCI LES JARDINS DE CASANOVA de s’informer de l’éventualité d’une modification des plans de vente ou du déroulé du chantier, mais à ses cocontractants en charge de l’établissement des plans et d’une mission de suivi de chantier de l’informer des modifications et difficultés.

Néanmoins, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA n’a pas respecté son obligation contractuelle de livrer un bien conforme à une certaine superficie, ce qui constitue une inexécution contractuelle ouvrant droit à réparation.

Sur la responsabilité de la SARLU ARKAD CONCEPT

Aux termes de l’article 1382 dans sa version applicable au présent litige, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer et à ce titre, le tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (C. Cass. Ass. Plén. 06 octobre 2006 pourvoi n°05-13.255 ; C. Cass. Ass. Plén. 13 janvier 2020 pourvoi n° 17-19.963 ; C. Cass. Com 3 juillet 2024

En application de ce texte, il incombe au demandeur de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Le maître d’œuvre doit concevoir un projet réalisable tenant compte des différentes contraintes. Ainsi, sur la base d’un avant-projet définitif approuvé, le maître d’œuvre détermine tous les éléments techniques de la construction sous la forme d’un cahier des clauses techniques particulières permettant aux entrepreneurs consultés de définir sans ambiguïté la nature, la qualité, la quantité et les limites de leurs prestations.

En qualité de professionnel, le maître d’œuvre est responsable de la qualité de son projet. Lors de l’élaboration de son projet, s’il doit tenir compte des souhaits de son client, il est également tenu d’une obligation générale de conseil lui imposant d’attirer l’attention de son client sur les conséquences techniques de ses choix.

En l’espèce, il résulte du contrat de maîtrise d’œuvre de conception conclu le 18 novembre 2014, que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a confié à la SARLU ARKAD CONCEPT notamment une mission PV (dossier de plan de vente) ainsi que les dossiers de projet de conception générale et les dossiers de consultation des entreprises donc en ce compris les plans marchés.

Or, aux termes de son rapport du 10 janvier 2023, l’expert judiciaire relève que :

-s’agissant de l’appartement de Madame [I], le plan annexé à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement est daté du 17 avril 2014 et présente une différence de contenance avec le plan marché de conception du 20 mai 2015, sans que la SARLU ARKAD CONCEPT ne démontre avoir informé ou attiré l’attention du maître d’ouvrage sur cette différence, ce alors que Madame [I] a acquis son appartement le 28 juillet 2015 soit postérieurement, de sorte que ce dernier plan aurait pu y être annexé ;

-s’agissant de l’appartement de Madame [U] ayant pour nom d’usage [R], le plan annexé à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement est daté du 16 février 2015 et présente une différence de contenance le plan marché de conception du 20 mai 2015, sans que la SARLU ARKAD CONCEPT ne démontre avoir informé ou attiré l’attention du maître d’ouvrage sur cette différence, ce alors que Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] a acheté son appartement le 11 avril 2016, de sorte que le plan du 20 mai 2015 aurait pu y être annexé ;

-s’agissant de l’appartement de Madame [L], le plan annexé à l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement est daté du est daté du 10 décembre 2014 et présente une différence de contenance avec les plans marchés de conception successivement modifiés par la SARLU ARKAD CONCEPT le 20 mai 2015 et les 10 et 14 septembre 2015, sans que cette dernière ne démontre avoir informé ou attiré l’attention du maître d’ouvrage sur cette différence, ce alors que Madame [L] a acquis son appartement le 21 octobre 2015, de sorte que le plan du 15 septembre 2015 aurait pu y être annexé ;

Aucune des parties ne produit d’élément technique nouveau permettant de remettre en cause les analyses de l’expert.
Peu importe que le seuil de tolérance n’ait pas été dépassé au stade de la conception, dans la mesure où ces premiers dépassements dont la SARLU ARKAD CONCEPT est responsable ont nécessairement concouru et permis la totalité du dépassement.

Dans ces conditions, la SARLU ARKAD CONCEPT a commis une faute contractuelle à l’égard de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, laquelle a eu pour conséquence directe une évaluation et un paiement des frais notariés supérieurs à ce qu’ils auraient dû être au regard de la surface habitable réelle des appartements livrés.

Aux termes de son rapport du 10 janvier 2023, l’expert judiciaire évalue le trop versé au titre des frais notariés de la manière suivante :

– s’agissant de Madame [B] [I], à la somme de 357,42 € (20.636,46 € x 1,732 %) ;

– s’agissant de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R], à la somme de 317,92 € (18356,07 € x 1,732 %) ;

– s’agissant de Madame [O] [L], à la somme de 200,11 € (11.553,62 € x 1,732%).

Aucune des parties ne produit d’élément technique nouveau permettant de remettre en cause cette évaluation.

Toutefois, les débours effectués au titre des droits de mutation donnent lieu à restitution par l’administration fiscale en application de l’article 1961 du code général des impôts et ne constituent donc pas un préjudice indemnisable, seuls les émoluments du notaire doivent être remboursés soit d’après l’expert judiciaire 0,909 % du prix de vente.

Ainsi le trop versé au titre des frais notariés se calcul de la manière suivante :

– s’agissant de Madame [B] [I], à la somme de 187,58 € (20.636,46 € x 0,909 %) ;

– s’agissant de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R], à la somme de 166,85 € (18.356,07 € x 0,909 %) ;

– s’agissant de Madame [O] [L], à la somme de 105,02 € (11.553,62 € x 0,909%).

En conséquence, ces sommes seront retenues.

Sur la garantie de la MAF en sa qualité d’assureur de la SARLU ARKAD CONCEPT

L’article L124-3 alinéa 1er du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Les parties responsables disposent de ce même droit d’action directe contre les assureurs des co-responsables. Chaque partie dispose ensuite d’un recours contre son propre assureur sur un fondement purement contractuel.

En l’espèce, il est établi que la MAF est l’assureur de la SARLU ARKAD CONCEPT selon police n°158866/B et elle n’oppose aucune exclusion de garantie, de sorte qu’elle doit sa garantie aux consorts [I]-[L]-[U]-[R].

En conséquence, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF seront condamnés in solidum, au titre des frais notariés, à payer à :

– madame [B] [I] la somme 187,58 € ;

– madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 166,85 € ;

– madame [O] [L] la somme de 105,02 €.

Ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

S’agissant des frais d’établissement des diagnostics

La demande à ce titre sera rejetée en ce qu’il s’agit de frais irrépétibles.

S’agissant des retards de livraison

L’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article 1611 du code civil dispose que, dans tous les cas, en ce compris celui de la vente d’immeuble à construire prévu par l’article 1601-1 du même code, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

En l’espèce, en signant l’acte authentique de vente du 11 avril 2016 prévoyant une livraison au plus tard le 31 mars 2017, Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] a accepté cette date, sans possibilité de se prévaloir des stipulations contraires du contrat de réservation.

La livraison est intervenue le 17 août 2017, avec 139 jours de retard (4 mois, 2 semaines et 3 jours).

Parmi les causes légitimes de suspension du délai de livraison prévues par le contrat figurent notamment :
– « intempéries au sens de la réglementation des travaux sur les chantiers de bâtiment » ;
– « retard provenant de la défaillance d’une entreprise (la justification de la défaillance pouvant être fournie par le VENDEUR à l’ACQUEREUR, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le Maître d’œuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant) » ;
– les « retards entraînés par la recherche et la désignation d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante et à l’approvisionnement du chantier par celle-ci ».

Il est enfin précisé que : « Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du BIEN d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation du chantier.

Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une de ces circonstances sera apportée par le VENDEUR à l’acquéreur par une lettre du Maître d’œuvre. »

Sur ce, si l’existence d’intempéries ou de défaillances d’entreprises impliquées dans les opérations de construction n’est pas contestable, force est de constater que la SCI Les Jardins de Casanova, qui ne produit aucune lettre du maître d’œuvre, ne se plie pas au formalisme probatoire exigé par la clause, de sorte qu’elle ne saurait s’en prévaloir

Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] est donc fondée à solliciter l’indemnisation des préjudices découlant des 139 jours de retard ainsi caractérisés, étant observé que le contrat de vente en l’état futur d’achèvement ne prévoit aucune clause pénale sur ce point.

En l’occurrence, Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] explique et justifie avoir d’abord été domiciliée dans un appartement dont elle était propriétaire d’une surface de 26,21 m² jusqu’à sa vente le 18 juillet 2017 avant d’être hébergée à titre gratuit chez des amis.

Ainsi, les conditions de jouissance des logements occupés successivement durant le temps d’inoccupation du bien litigieux, un duplex de près de 96 m², ont été moins bonnes que si la demanderesse avait pu bénéficier de son bien à la date convenue. Elle a donc subi un préjudice de jouissance qui ne peut toutefois être évalué sur la pleine valeur locative de l’appartement livré avec retard, mais seulement sur une fraction, en l’espèce la moitié, soit la somme de 2.851,20 €, calculée comme suit :

– loyer de référence selon la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement : 13,2 €/m² (pièce demanderesse n°69) ;

– loyer mensuel pour l’appartement dont la demanderesse a été privée 1.267,2 € (13,2 € x 96 m²) ;

– 1.267,2 €/ 2 = 633,60 € x 4,5 mois de retard = 2851,2 €

De plus, le préjudice moral résultant de l’état d’expectative et le stress considérable dans lequel Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] s’est trouvée quant à l’incertitude de la livraison et les difficultés pour trouver un logement temporaire pour elle et sa fille de neuf ans, organiser leurs déménagements successifs, devoir emprunter de l’argent à une amie, mais encore des nombreuses démarches justifiées au dossier dont elle a dû prendre l’initiative, sera entièrement réparé par une indemnité de 6.000 €.

En conséquence la SCI LES JARDINS DE CASANOVA sera condamnée à payer à Madame [U] ayant pour nom d’usage [R] les sommes suivantes :
2851,20 € au titre de son préjudice de jouissance ; 10.000 € au titre de son préjudice moral.
Ces sommes seront augmentées des intérêts au taux légal à compter de la présente décision conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil.

Sur la capitalisation des intérêts

Conformément à l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

La capitalisation est de droit quand elle est sollicitée, de sorte qu’elle sera ordonnée et s’appliquera dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil précité.

Sur les appels en garantie de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA

Aux termes de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

A l’encontre de la SARLU ARKAD CONCEPT et de son assureur la MAF

Ainsi qu’il a déjà été démontré précédemment, la SARLU ARKAD CONCEPT a manqué à ses obligations contractuelles en établissant des plans marchés comportant une différence de contenance avec les plans annexés aux actes authentiques sans en avoir avertie la SCI LES JARDINS DE CASANOVA.

La SARLU ARKAD CONCEPT ne démontre même pas avoir transmis les différents plans marchés à la SCI LES JARDINS DE CASANOVA.

Néanmoins, la restitution de la partie du prix à laquelle un contractant est condamné ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie (3ème civ. 8 novembre 2006 pourvoi n°05-16.948, Bull. 2006, III, n°222 ; 3ème civ. 28 janvier 2015 pourvoi n°13-27.397, Bull, 2015, III, n°9), de sorte que la SARLU ARKAD CONCEPT sera condamnée à garantir la SCI LES JARDINS DE CASANOVA que des condamnations intervenues à son encontre au titre de l’indemnisation des frais notariés et du préjudice moral

Par ailleurs, il est établi que la MAF est l’assureur de la SARLU ARKAD CONCEPT selon police n°158866/B et elle n’oppose aucune exclusion de garantie.

Il en résulte que la MAF doit sa garantie à la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, tiers lésé, en application de l’article L 124-3 du code des assurances, sauf en ce qui concerne la diminution du prix de vente qui n’est pas un préjudice indemnisable, étant précisé que les garanties s’appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l’application de franchises par assuré et par sinistre, dont les montants sont fixés aux termes des conditions particulières de la police. En effet, les limites du contrat d’assurance, soit le plafond de garantie et la franchise, sont opposables au tiers lésé, s’agissant d’une garantie facultative.

En outre, les appels en garantie de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à l’encontre de la SARL ARKAD+ et de la SA AXA FRANCE IARD seront rejetées s’agissant de l’indemnisation des préjudices découlant du retard de livraison, faute de démonstration d’une faute des parties à l’instance en lien avec ce retard.

A l’encontre de la SARLU ARKAD+ et de son assureur la SA AXA FRANCE IARD 

A l’occasion de sa mission de direction et de surveillance des travaux, pèse sur le maître d’œuvre une obligation de moyens de sorte qu’il revient au maître d’ouvrage non seulement de démontrer sa défaillance dans la direction de l’exécution des travaux, mais également le lien de causalité entre cette défaillance et le préjudice allégué.

Cette obligation de surveillance qui incombe au maître d’œuvre ne lui impose pas une présence constante sur le chantier et ne se substitue pas à celle que l’entrepreneur doit exercer sur son personnel. En effet, les missions de l’architecte, maître d’œuvre d’exécution, ne peuvent être confondues avec celles d’un chef de chantier ou d’un conducteur de travaux.

En revanche, le maître d’œuvre qui, lors de contrôles sur le chantier, constate une mauvaise exécution des travaux, ne remplit pas sa mission s’il se contente de les signaler. Il doit en effet prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

En l’espèce, il résulte du contrat de maîtrise d’œuvre conclu le 16 mars 2015, que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a confié à la SARL ARKAD+ une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution comprenant :
– une mission VISA (Analyse des études d’exécution par les entreprises au projet de conception) ;
– une mission DET (Direction de l’exécution des contrats travaux) ;
– une mission OPC (Ordonnancement Pilotage Coordination) ;
– une mission AOR (Assistance aux opérations de Réception des travaux) en cas de réserves, assistance aux levées des réserves ;
– une mission DOE (Dossier des ouvrages exécutés).

Aux termes de son rapport du 10 janvier 2023 l’expert judiciaire relève :

– s’agissant de l’appartement de Madame [B] [I], une perte de 2,05m² par rapport au plan marché de conception du 20 mai 2015 dont 1,3 m² qui sont dus à la nouvelle réduction de la dimension Nord-Sud et 0,75 m² qui sont dus à des écarts de réalisation en de nombreux endroits ;

– s’agissant de l’appartement de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R], un écart de 24 cm au 4ème étage et 28 cm au 5ème étage dans la dimension Ouest-Est ainsi que des petits écarts de 6 cm à de nombreux endroits entre le plan marché de conception du 20 mai 2015 et les mesures effectuées sur place ;

– s’agissant de l’appartement de Madame [O] [L], une perte à l’exécution par rapport au plan marché de conception de septembre 2015 de 5 cm dans la dimension Nord-Sud et de 3 cm dans la dimension Ouest-Est outre de petits écarts de réalisation en de nombreux points.

La multiplication des défauts d’exécution, leur localisation à plusieurs endroits de la construction, ainsi que l’absence de tout compte-rendu de chantier, de tout compte-rendu des réunions, démontrent que la SARL ARKAD+ n’a pas assuré avec vigilance un suivi suffisant du chantier, en effet elle aurait dû déceler dans le cadre de l’examen des travaux en cours de chantier les nombreux défauts d’exécution et formuler les demandes de reprise immédiates lors des réunions de chantier.

Dans ces conditions, il est suffisamment démontré que la SARL ARKAD+ n’a pas mis en œuvre tous les moyens que lui imposait sa mission de surveillance et d’exécution des travaux et ses manquements ont contribué à la réalisation du préjudice, à savoir une diminution de la surface habitable au-delà du seuil de tolérance contractuel de 3%, de sorte qu’elle sera condamnée à garantir la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à l’exception de la condamnation à payer une diminution du prix de vente qui n’est pas un préjudice indemnisable (3ème civ. 8 novembre 2006 pourvoi n°05-16.948, Bull. 2006, III, n°222 ; 3ème civ. 28 janvier 2015 pourvoi n°13-27.397, Bull, 2015, III, n°9).

Par ailleurs, il résulte des pièces versées aux débats que la SARL ARKAD+ est assurée auprès de la SA AXA FRANCE IARD selon contrat n°5693420104 à effet du 1er janvier 2013 au titre de sa responsabilité civile décennale découlant des articles 1792 et 1792-2 du code civil, qu’elle peut encourir en sa qualité de constructeur telle que visée au 1er alinéa de l’article 1792-1 du même code, pour les travaux de construction soumis à l’obligation d’assurance.

Or, en l’espèce aucun désordre de nature décennale, c’est-à-dire rendant l’ouvrage impropre à sa destination ou portant atteinte à sa solidité, n’affectant l’ouvrage à la construction duquel la SARLU ARKAD+ a concouru, la SA AXA FRANCE IARD ne doit pas sa garantie à son assuré et par voie de conséquence, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA sera déboutée de ses demandes à ce titre.

En outre, les appels en garantie de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à l’encontre de la SARL ARKAD+ et de la SA AXA FRANCE IARD seront rejetées s’agissant de l’indemnisation des préjudices découlant du retard de livraison, faute de démonstration d’une faute des parties à l’instance en lien avec ce retard.

A l’encontre de la SAM SMABTP en sa qualité d’assureur de la SARL VFB

Il convient tout d’abord d’établir la responsabilité de la SARL VFB pour pouvoir examiner l’éventuel engagement de la garantie de son assureur.

En application de l’article 1231-1 du code civil, l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat à l’égard de son co-contractant, qui emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, y compris en cas de non réalisation du résultat contractuellement fixé.

En l’espèce, il résulte de l’ordre de service de marché n°1 en date du 28 juillet 2015, que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA a confié à la SARL VFB le lot n°1 « gros œuvre » pour un montant de 1.632.000 € HT.

Il ressort par ailleurs de l’attestation d’assurance du 13 décembre 2014 que, pour l’année 2015, la SARL VFB a souscrit une police d’assurance n°1247000/001 452556 auprès de la SAM SMABTP garantissant sa responsabilité en cas de dommages matériels à l’ouvrage après réception ainsi que sa responsabilité civile en cours de travaux ou après travaux.

Ni le rapport d’expertise judiciaire, ni aucun autre document versé aux débats ne permet d’établir que la SARL VFB a mal réalisé les prestations mise à sa charge selon l’ordre de marché n°1 du 28 juillet 2015, de sorte qu’il n’est pas suffisamment démontré qu’elle a manqué à ses obligations contractuelles.

La responsabilité de son assuré n’étant pas engagée, la SAM SMABTP ne doit pas sa garantie.

En conséquence, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA sera déboutée de tous ses appels en garantie à son encontre.

Au regard de ce qui précède, la SARLU ARKAD CONCEPT, la MAF et la SARL ARKAD+ seront condamnées in solidum à garantir intégralement la SCI LES JARDINS DE CASANOVA des condamnation intervenues à son encontre au bénéfice des consorts [I]-[L]-[U]-[R] à l’exception de celle au titre de la diminution du prix.

Sur les appels en garantie de la SARLU ARKAD CONCEPT et de son assureur la MAF

Il est de principe que dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil s’agissant des locateurs d’ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1231-1 du code civil s’ils sont contractuellement liés.

La SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF n’expliquent, ni ne justifient d’une faute commise par la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, de sorte qu’elles seront déboutées de leurs appels en garanties à son encontre.

En outre, comme il a été précédemment développé, aucune faute de la SARL VFB n’est suffisamment démontrée, de sorte que son assureur ne doit pas sa garantie et par voie de conséquence, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF seront déboutées de leurs appels en garantie à son encontre.

De plus, ainsi qu’il a déjà été retenu, la SA AXA FRANCE IARD dont il est uniquement établi qu’elle est l’assureur décennal de la SARLU ARKAD+, ne doit pas sa garantie, faute de désordre de nature décennal en l’espèce.

En revanche, au regard des fautes respectives de la SARL ARKAD+ et de la SARLU ARKAD CONCEPT telles que précédemment caractérisées, de condamner la SARL ARKAD+ à garantir à hauteur de 50 % la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la MAF des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice des consorts [I]-[L]-[U]-[R] à l’exception de celle au titre de la diminution du prix.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Succombants, la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT, la SAM MAF et la SARL ARKAD+ seront condamnées in solidum aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et avec distraction au profit de Maître Armelle BENALI et Maître Bruno Philippon pour ceux dont ils ont fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au regard des circonstances de l’espèce, il convient de fixer la charge finale des dépens comme suit :
– la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MAF : 50 % ;
– la SARL ARKAD+ : 50 %.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.).

Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, l’équité commande de condamner in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT, la SAM MAF et la SARL ARKAD+ à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile pré-cité à :
– madame [B] [I] la somme de 4400 € en ce compris les frais de diagnostic ;
– madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 6.550 € en ce compris les frais de diagnostic ;
– madame [O] [L] la somme de 4.400 € en ce compris les frais de diagnostic ;
– la SAM SMABTP la somme de 1000 €.

Au regard des circonstances de l’espèce, il convient de fixer la charge finale des frais irrépétibles comme suit :
– la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MAF : 50 % ;
– la SARL ARKAD+ : 50 %.

En revanche, il n’apparaît pas inéquitable de débouter les autres parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, compte tenu des circonstances, de la nature de l’affaire et de l’issue du litige, il n’apparaît pas nécessaire d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE la révocation de l’ordonnance de clôture du 22 mai 2024 ;

REÇOIT les conclusions signifiées aux parties défaillantes par la SCI LES JARDINS DE CASANOVA postérieurement au 22 mai 2024 ;

ORDONNE la clôture de l’instruction au 30 septembre 2024 ;

CONSTATE l’extinction de l’instance de Monsieur [K] [A] à l’encontre de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de Madame [B] [I], de Madame [O] [L] et de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] tendant à obtenir que la SCI LES JARDINS DE CASANOVA soit garantie de toutes les condamnations prononcées à son encontre au titre des défaut de contenance affectant leurs appartements respectifs situés [Adresse 4] ;

DÉCLARE irrecevable la demande de la SAM SMABTP tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions de la SCI LES JARDINS DE CASANOVA en raison du défaut de fondement en fait et en droit des prétentions émises à son encontre ;

CONDAMNE la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Madame [B] [I] la somme de 20.636,46 € (vingt mille six cent trente-six euros et quarante-six centimes) au titre de la diminution du prix de vente ;

CONDAMNE la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 18.356,07 € (dix-huit mille trois cent cinquante-six euros et sept centimes) au titre de la diminution du prix de vente ;

CONDAMNE la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Madame [O] [L] la somme de 11.553,62 € (onze mille cinq cent cinquante-trois euros et soixante-deux centimes) au titre de la diminution du prix de vente ;

CONDAMNE in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à Madame [B] [I] la somme 187,58 € (cent quatre-vingt-sept euros et cinquante-huit centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, au titre des frais notariés;
CONDAMNE in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 166,85 € (cent soixante-six euros et quatre-vingt-cinq centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, au titre des frais notariés ;

CONDAMNE in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à payer à Madame [O] [L] la somme de 105,02 € (cent-cinq euros et deux centimes) augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, au titre des frais notariés ;

CONDAMNE la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 2851,20 € (deux mille huit cent cinquante et un euros et vingt centimes) au titre de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la SCI LES JARDINS DE CASANOVA à payer à Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 6.000 € (six mille euros) au titre de son préjudice moral ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE in solidum la SARLU ARKAD CONCEPT, son assureur la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS et la SARL ARKAD+ à garantir intégralement la SCI LES JARDINS DE CASANOVA des condamnations intervenues ci-dessus au bénéfice de Madame [B] [I], de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] et de Madame [O] [L] au titre des frais notariés ;

CONDAMNE in solidum la SARLU ARKAD CONCEPT, son assureur la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS et la SARL ARKAD+ à garantir intégralement la SCI LES JARDINS DE CASANOVA des condamnations intervenues ci-dessus au bénéfice de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] au titre de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral ;

CONDAMNE in solidum la SARL ARKAD+ à garantir la SARLU ARKAD CONCEPT et la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à hauteur de 50 % des condamnation intervenues à leur encontre au bénéfice de Madame [B] [I], de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] et de Madame [O] [L] au titre des frais notariés ;

CONDAMNE in solidum la SARL ARKAD+ à garantir la SARLU ARKAD CONCEPT et la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS à hauteur de 50 % des condamnation intervenues à leur encontre au bénéfice de Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] au titre de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral ;

CONDAMNE in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT, la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS et la SARL ARKAD+ aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire et avec distraction au profit de Maître Armelle BENALI et Maître Bruno Philippon pour ceux dont ils ont fait l’avance, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

DIT que la charge finale des dépens sera répartie au prorata des responsabilités suivantes :
– la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MAF : 50 % ;
– la SARL ARKAD+ : 50 %.

CONDAMNE in solidum la SCI LES JARDINS DE CASANOVA, la SARLU ARKAD CONCEPT, la SAM MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS et la SARL ARKAD+ à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à :
Madame [B] [I] la somme de 4400 € (quatre mille quatre cent euros) en ce compris les frais de diagnostic ; Madame [M] [U] ayant pour nom d’usage [R] la somme de 6.550 € (six mille cinq cent cinquante euros) en ce compris les frais de diagnostic ; Madame [O] [L] la somme de 4.400 € (quatre mille quatre cent euros) en ce compris les frais de diagnostic ; La SAM SMABTP la somme de 1000 € (mille euros) ;
DIT que la charge finale l’indemnité due au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera répartie au prorata des responsabilités suivantes :
– la SARLU ARKAD CONCEPT et son assureur la SAM MAF : 50 % ;
– la SARL ARKAD+ : 50 %.

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir lieu à l’écarter ;

DÉBOUTE les parties de l’ensemble de leurs autres fins, moyens, demandes et prétentions.

La minute a été signée par Madame Charlotte THIBAUD, Vice-Présidente, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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