Mme [U] [S] a investi 160 460 euros sur des plateformes de trading en ligne, démarchée par plusieurs sociétés de courtage. Face à l’impossibilité de retirer ses fonds, elle a déposé une plainte pour escroquerie en avril 2015. En mars 2023, le tribunal de Troyes a condamné le Crédit Agricole à lui verser 46 278 euros pour perte de chance, mais la banque a interjeté appel, arguant que l’action était prescrite. La cour a finalement infirmé le jugement, considérant que le Crédit Agricole n’avait pas manqué à son obligation de vigilance, et a débouté Mme [S] de toutes ses demandes.. Consulter la source documentaire.
|
Quelle est la durée de prescription applicable à l’action en responsabilité contre le Crédit Agricole ?L’article 2224 du Code civil stipule que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Dans le cadre de l’action en responsabilité pour manquement aux devoirs d’information, de conseil et de vigilance du banquier, la prescription est également de cinq ans. Ce délai commence à courir à partir de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime. En l’espèce, il a été établi que Mme [S] a déposé plainte pour escroquerie le 14 avril 2015. Aucune preuve n’a été fournie pour démontrer qu’elle avait connaissance du caractère frauduleux des placements avant cette date. Ainsi, le délai de prescription n’a pu commencer à courir qu’après le 14 avril 2015, rendant l’action engagée par Mme [S] le 20 août 2019 recevable. Le Crédit Agricole a-t-il manqué à son devoir de vigilance ?L’article 1231-1 du Code civil précise que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. » Dans cette affaire, le Crédit Agricole a agi en tant que simple service payeur des opérations bancaires. Il n’a pas proposé le produit d’investissement et n’est donc pas tenu à un devoir de conseil. La jurisprudence établit que le banquier a un devoir de non-ingérence dans les affaires de son client, sauf en cas d’anomalies apparentes. Il a été constaté que les opérations de Mme [S] n’ont pas révélé d’anomalies manifestes, car son compte restait largement créditeur et les virements étaient proportionnés à ses avoirs. De plus, les virements vers des comptes bulgares ne constituent pas une anomalie apparente, car ils sont effectués dans l’espace européen. Ainsi, le Crédit Agricole n’a pas manqué à son devoir de vigilance, et sa responsabilité n’est pas engagée. La décharge de responsabilité signée par Mme [S] a-t-elle un impact sur sa demande ?La décharge de responsabilité signée par Mme [S] le 24 octobre 2014 est un élément important à considérer. Bien que Mme [S] ait signé cette décharge, elle a continué à effectuer des virements, ce qui démontre qu’elle était consciente des risques associés à ses investissements. La jurisprudence indique que la décharge de responsabilité ne peut pas être utilisée pour prouver un manquement à l’obligation de vigilance de la banque avant cette date. En effet, Mme [S] a effectué un virement de 7 200 euros le même jour, ce qui montre qu’elle n’a pas été dissuadée par la décharge. Ainsi, cette décharge ne peut pas être invoquée pour établir que le Crédit Agricole aurait dû intervenir avant cette date. Quels sont les critères pour établir une perte de chance dans ce litige ?La notion de perte de chance est souvent utilisée dans les litiges en matière de responsabilité. Pour qu’une perte de chance soit reconnue, il faut prouver qu’il existait une chance réelle et sérieuse d’éviter le dommage, et que cette chance a été compromise par le manquement de la partie responsable. Dans le cas présent, Mme [S] soutient qu’elle a subi une perte de chance de ne pas réaliser les opérations litigieuses. Cependant, le tribunal a constaté que sa persistance à investir dans des placements atypiques, même après avoir déposé plainte, démontre que sa chance de renoncer était nulle. Il est donc difficile d’établir que le Crédit Agricole aurait pu influencer sa décision d’investir, rendant la demande de perte de chance peu fondée. Quelles sont les conséquences financières pour Mme [S] suite à la décision de la cour ?La cour a infirmé le jugement de première instance, déboutant Mme [S] de l’intégralité de ses demandes. Elle a également été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais liés à la procédure. En outre, la cour a condamné Mme [S] à verser 2 000 euros au Crédit Agricole sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui prévoit que « la partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Ces conséquences financières soulignent l’importance de la responsabilité personnelle dans les investissements et les décisions financières. |
Laisser un commentaire