L’Essentiel : L’earl Couteau, exploitant un troupeau de vaches laitières, a installé en 2019 deux robots de traite Lely, alimentés en eau par un forage traité. Cependant, des mammites ont affecté le cheptel, entraînant des mesures correctives, dont l’ajout de filtres. Après avoir déclaré le sinistre à son assureur, des expertises ont révélé des dysfonctionnements liés à la qualité de l’eau. Le tribunal a reconnu la responsabilité de Lely Center et de la société Niortaise des Eaux, condamnant ces dernières à verser des dommages et intérêts, tandis que les appels des sociétés concernées ont partiellement infirmé le jugement initial.
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Contexte de l’affaireL’earl Couteau, exploitant un troupeau de vaches laitières, a décidé en 2019 d’installer deux robots de traite de la marque Lely. La commande a été passée le 15 mars 2019, et les robots ont été installés le 3 mai 2019. L’eau nécessaire à leur fonctionnement provient d’un forage sur l’exploitation, traitée par un adoucisseur et des osmoseurs fournis par la société Niortaise des Eaux. Problèmes rencontrésLes vaches traitées par les robots ont souffert de mammites, et des mesures ont été prises pour améliorer la qualité de l’eau, notamment l’installation de filtres supplémentaires en août 2020. L’adoucisseur a été remplacé à plusieurs reprises, et des problèmes de désinfection des gobelets de traite ont été constatés, entraînant des infections dans le cheptel. Déclarations et expertisesL’earl Couteau a déclaré le sinistre à son assureur, entraînant plusieurs réunions d’expertise. Des rapports d’expertise ont été rédigés, concluant à des dysfonctionnements liés à la qualité de l’eau et à des défauts de programmation des robots. L’earl Couteau a assigné plusieurs parties en justice, demandant des dommages et intérêts pour les préjudices subis. Arguments des partiesLes sociétés Lely Center et Aviva Assurances ont contesté les prétentions de l’earl Couteau, arguant que la responsabilité des dysfonctionnements ne leur incombait pas, mais plutôt à la qualité de l’eau fournie par la société Niortaise des Eaux. Cette dernière a également rejeté les accusations, affirmant que les préconisations concernant la qualité de l’eau n’avaient pas été suivies. Jugement du tribunalLe tribunal judiciaire de La Rochelle a rendu son jugement le 13 décembre 2022, déclarant le rapport d’expertise opposable à la société Niortaise des Eaux et à son assureur. Il a rejeté l’action de l’earl Couteau fondée sur la responsabilité des produits défectueux, mais a reconnu la responsabilité contractuelle et délictuelle des sociétés Lely Center et Niortaise des Eaux, les condamnant à verser des dommages et intérêts à l’earl Couteau. Appel et décisions ultérieuresLes sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard ont interjeté appel du jugement. Elles ont demandé la confirmation du rejet des demandes de l’earl Couteau sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux et ont contesté la déclaration d’opposabilité du rapport d’expertise. Le jugement a été partiellement infirmé, rejetant les demandes contre Niortaise des Eaux et Axa France Iard, tout en confirmant la responsabilité de Lely Center et de son assureur. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications de la responsabilité du fait des produits défectueux dans cette affaire ?La responsabilité du fait des produits défectueux est régie par les articles 1245 et suivants du Code civil. Selon l’article 1245, « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ». Dans cette affaire, le tribunal a rejeté l’action de l’earl Couteau fondée sur la responsabilité des produits défectueux, considérant que le dommage allégué ne pouvait pas être indemnisé sur ce fondement. En effet, le tribunal a constaté que, bien que les robots de traite aient pu être défectueux, la cause principale des mammites chez les vaches était liée à la qualité de l’eau utilisée, qui ne respectait pas les spécifications requises. Ainsi, la responsabilité du fabricant des robots n’a pas été engagée, car le dommage n’était pas directement imputable à un défaut de fabrication, mais plutôt à une mauvaise utilisation des équipements en raison de l’eau non conforme. Comment la responsabilité contractuelle a-t-elle été établie dans cette affaire ?La responsabilité contractuelle est régie par l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Dans ce cas, la société Lely Center a été jugée responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Le tribunal a constaté que la société n’avait pas correctement programmé les robots de traite, ce qui a conduit à des dysfonctionnements. De plus, l’information fournie concernant la qualité de l’eau était insuffisante, et la preuve que le suivi de cette qualité incombait à l’earl Couteau n’a pas été rapportée. Ainsi, la société Lely Center a engagé sa responsabilité contractuelle envers l’earl Couteau, car elle n’a pas respecté ses obligations contractuelles en matière de mise en service et de maintenance des robots. Quelles sont les conséquences de la responsabilité délictuelle dans cette affaire ?La responsabilité délictuelle est également abordée dans cette affaire, notamment en vertu de l’article 1240 du Code civil. Cet article stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le tribunal a déclaré que la société Niortaise des Eaux avait engagé sa responsabilité délictuelle envers l’earl Couteau en raison de la qualité insuffisante de l’eau fournie. Bien que la société Niortaise des Eaux n’ait pas été liée par un contrat avec l’earl Couteau, son rôle en tant que sous-traitant de la société Lely Center a été déterminant. Elle avait alerté sur la nécessité d’un traitement complémentaire de l’eau, mais ce traitement n’a pas été mis en œuvre à temps. Par conséquent, la société Niortaise des Eaux a été jugée responsable des conséquences dommageables résultant de son manquement à ses obligations. Comment le tribunal a-t-il évalué le préjudice subi par l’earl Couteau ?L’évaluation du préjudice est essentielle dans ce type d’affaire. L’expert de la société Aviva Assurances a évalué le préjudice total de l’earl Couteau à 222 597,05 €, comprenant des pertes de marge pour les campagnes 2019 et 2020, ainsi que l’achat de vaches. Le tribunal a confirmé le montant de la réclamation de 185 497,54 € HT, qui correspondait au préjudice évalué par l’expert. Il a été établi que la société Lely Center n’avait pas contesté le montant de cette estimation, et le tribunal a jugé que le préjudice allégué était justifié, indépendamment du fait que l’exploitation comptait désormais 135 vaches au lieu de 140. Quelles sont les implications des articles 699 et 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?Les articles 699 et 700 du Code de procédure civile traitent des dépens et des frais irrépétibles. L’article 700 stipule que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans cette affaire, le tribunal a condamné in solidum la société Lely Center et la société Aviva Assurances à verser à l’earl Couteau une somme de 3 000 € au titre de l’article 700. Cependant, il a également décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer ces dispositions au profit des autres défenderesses, à savoir la société Niortaise des Eaux et son assureur, en raison de l’absence de faute de leur part. Ainsi, les implications des articles 699 et 700 ont conduit à une répartition des frais entre les parties, en tenant compte des responsabilités respectives établies par le tribunal. |
N° RG 23/00223 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXCA
SA AXA
SAS NIORTAISE DES EAUX
C/
S.A. ABEILLE ASSURANCES IARD & SANTE
S.A.S. LELY CENTER
EARL COUTEAU
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00223 – N° Portalis DBV5-V-B7H-GXCA
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 décembre 2022 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.
APPELANTES :
SA AXA
[Adresse 5]
[Localité 8]
SAS NIORTAISE DES EAUX
[Adresse 4]
[Localité 6]
ayant toutes les deux pour avocat Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEES :
S.A. ABEILLE ASSURANCES IARD & SANTE anciennement dénommée SA AVIVA ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 9]
S.A.S. LELY CENTER
[Adresse 10]
[Adresse 10],
[Localité 7]
Me Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS
EARL COUTEAU
[Adresse 1]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Régis SAINTE MARIE PRICOT de la SELARL ACTE JURIS, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Octobre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller qui a présenté son rapport
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
L’earl Couteau exploite un troupeau de vaches laitières, élevées en ‘aire paillée’.
Courant 2019, elle a décidé de s’équiper de deux robots de traite. Le bon commande à la société Lely Center des robots de marque Lely, modèle A5, est en date du 15 mars 2019. La facture est en date du 26 mars 2019, d’un montant hors taxes de 250.000 €. Les robots ont été installés le 3 mai 2019.
L’eau nécessaire au fonctionnement des installations est issue d’un forage réalisé sur l’exploitation. Un adoucisseur fourni à la société Lely Center par la société Niortaise des Eaux qui l’a installé et deux osmoseurs traitent l’eau en provenance du forage. La facture de la société Niortaise des Eaux est en date du 7 mai 2019.
Un contrat de maintenance en date du 21 mai 2020 a été conclu entre l’earl Couteau et la société Lely Center.
Les animaux traits par les robots ont souffert de mammites.
Courant août 2020 ont été installés en sortie de l’osmoseur des filtres supplémentaires afin que l’eau alimentant les robots ait une connectivité inférieure à 50 µs (micro siemens).
L’adoucisseur a été remplacé par un adoucisseur d’occasion le 28 mai 2020, puis par un adoucisseur neuf le 18 août suivant.
Courant septembre 2020, le système ‘Pura’ de désinfection par vapeur des gobelets de traite dont était équipé le robot et qui n’était pas activé en usine, l’a été par un technicien intervenu pour le compte de l’installateur.
L’earl Couteau a déclaré le sinistre à son assureur de protection juridique. Des réunions d’expertise se sont tenues les 16 octobre, 18 décembre 2020 et 4 mars 2021. Un ‘procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages’ a été dressé en présence des représentants des sociétés précitées et a été signé des experts commis par leurs assureurs, [J] [F], [T] [B] et [L] [K].
L’expert missionné par la société Pacifica, assureur de l’earl Couteau, a rédigé un rapport. Celui du cabinet Ledenmat & Cerutti commis par la société Aviva Assurances, assureur de la société Lely Center, est en date du 14 décembre 2020.
Par acte des 20 mai et 18 juin 2021, l’earl Couteau a assigné devant le tribunal judiciaire de La Rochelle la société Lely Center et la société Aviva Assurances son assureur, la société Niortaise des Eaux et la société Axa France Iard son assureur. Elle a demandé de les condamner in solidum au paiement à titre principal de la somme de 185.497,54 € à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis en raison des dysfonctionnements des robots de traite.
Les sociétés Lely Center et Aviva Assurances ont conclu au rejet des prétentions formées à leur encontre aux motifs que :
– la société Lely Center n’était pas le fabricant des robots ;
– les dysfonctionnements constatés n’étaient pas imputables à l’installateur, ceux-ci ayant eu pour cause la mauvaise qualité de l’eau alimentant les robots, qualité sur laquelle l’earl Couteau devait veiller.
Subsidiairement, elles ont sollicité la garantie de la société Niortaise des Eaux et de son assureur, l’eau traitée ayant selon elles été d’une qualité insuffisante.
Les sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard ont conclu au rejet des demandes formées à leur encontre. Elles ont exposé que les préconisations de la société Niortaise des Eaux adressées à la société Lely Center avec laquelle elle avait seule contracté, n’avaient pas été suivies.
Par jugement du 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué en ces termes :
‘DÉCLARE le rapport d’expertise amiable opposable à la Sas Niortaise des Eaux et la Sa Axa France Iard ;
REJETTE l’action de l’Earl Couteau fondée sur la responsabilité des produits défectueux ;
DÉCLARE fondées les actions de l’Earl Couteau fondées sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle ;
CONDAMNE in solidum la Sas Lely Center et la Sa Aviva Assurances d’une part, la Sas Niortaise des Eaux et la Sa Axa France Iard d’autre part à verser à l’Earl Couteau la somme de 185 497,54 € (cent quatre vingt cinq mille quatre cent quatre vingt dix sept euros et cinquante quatre centimes) outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice;
DÉCLARE la Sa Aviva Assurances et la Sa Axa France Iard fondées à opposer à l’ Earl Couteau la franchise stipulée au contrat d’assurance;
ORDONNE, dans leurs rapports entre la Sas Lely Center et la Sas Niortaise des Eaux, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens;
DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes;
CONDAMNE in solidum la Sas Lely Center, la Sa Aviva Assurances, la Sas Niortaise. des Eaux et la Sa Axa France Iard à verser à 1’Earl Couteau la somme de 3000 (trois mille euros) au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la Sas Lely Center, la Sa Aviva Assurances, la Sas Niortaise des Eaux et la Sa Axa France Iard ;
CONDAMNE in solidurn la Sas Lely Center, la Sa Aviva Assurances la Sas Niortaise des Eaux et la Sa Axa France Iard aux dépens;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit’.
Il a considéré que :
– les rapports d’expertise se corroboraient entre eux et étaient dès lors opposables à la société Niortaise des Eaux et son assureur ;
– si le produit était défectueux au sens des articles 1245 et suivants du code civil, le dommage allégué ne pouvait toutefois pas être indemnisé sur ce fondement ;
– la société Lely Center avait engagé sa responsabilité contractuelle, les robots ayant été mal programmés, l’information ayant été insuffisante s’agissant de la qualité de l’eau et la preuve que le suivi de cette qualité incombait à la demanderesse n’étant pas rapportée ;
– la société Niortaise des Eaux avait engagé sa responsabilité délictuelle envers l’earl Couteau, l’eau traitée ayant été d’une qualité insuffisante ;
– ces sociétés étaient dès lors tenues in solidum de l’indemnisation du préjudice subi par l’earl Couteau, tel qu’évalué par les experts d’assurance.
Par déclaration reçue au greffe le 23 janvier 2023, les sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, elles ont demandé de :
‘Vu les articles 1245 et suivants du code civil,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu l’article 16 du code de procédure civile,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
A titre principal :
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a rejeté l’action de l’EARL COUTEAU sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
INFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré le rapport d’expertise amiable opposable à la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD et dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD
En conséquence et statuant à nouveau :
DECLARER inopposable le rapport d’expertise amiable produit par l’EARL COUTEAU à la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD
DEBOUTER l’EARL COUTEAU de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD en l’absence de preuve de la responsabilité de la Société NIORTAISE DES EAUX,
DEBOUTER la Société LELY CENTER et la compagnie AVIVA ASSURANCES de leur demande en garantie dirigée à l’encontre de la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD à hauteur de 50%,
CONDAMNER l’EARL COUTEAU à régler à la Société NIORTAISE DES EAUX et à la Société AXA France IARD la somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel
CONDAMNER l’EARL COUTEAU aux entiers dépens de première instance et d’appel
A titre subsidiaire :
INFIRMER le jugement en ce qu’il a :
-déclaré fondées les actions de l’EARL COUTEAU fondées sur la responsabilité contractuelle et délictuelle
-condamné in solidum la SAS LELY CENTER et la SA AVIVA ASSURANCES d’une part, la SAS NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD d’une part, à verser à l’EARL COUTEAU la somme de 185.497,54 € outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, en réparation du préjudice
-ordonné, dans les rapports entre la SAS LELY CENTER et la SAS NIORTAISE DES EAUX, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens
-condamné in solidum la SAS LELY CENTER, la SA AVIVA ASSURANCES, la SAS NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD à verser à l’EARL COUTEAU la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile
-dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la SAS NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD
-condamné in solidum la SAS LELY CENTER, la SA AVIVA ASSURANCES, la SAS NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD aux dépens
En conséquence et statuant à nouveau :
DECLARER l’EARL COUTEAU mal fondée en ses demandes dirigées à l’encontre la Société NIORTAISE DES EAUX et AXA France IARD,
DEBOUTER l’EARL COUTEAU de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD en l’absence de preuve de la responsabilité de la Société NIORTAISE DES EAUX,
DEBOUTER la Société LELY CENTER et la compagnie AVIVA ASSURANCES de leur demande en garantie dirigée à l’encontre de la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société AXA France IARD à hauteur de 50%,
CONDAMNER l’EARL COUTEAU à régler à la Société NIORTAISE DES EAUX et à la Société AXA France IARD la somme de 2.500,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 4.000,00 € au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel
CONDAMNER l’EARL COUTEAU aux entiers dépens de première instance et d’appel
A titre infiniment subsidiaire :
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a ordonné, dans les rapports entre la SAS LELY CENTER et la SAS NIORTAISE DES EAUX, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens
CONFIRMER le jugement en ce qu’il a déclaré la Société AXA France IARD fondée à opposer à l’EARL COUTEAU la franchise stipulée à son contrat d’assurance
En conséquence :
OPERER un partage de responsabilité par moitié entre la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société LELY CENTER dans les rapports entre ces deux coobligées,
LIMITER la garantie des assureurs respectifs de la Société NIORTAISE DES EAUX et la Société LELY CENTER à hauteur de 50 % chacun,
CONDAMNER ainsi la Société NIORTAISE DES EAUX et son assureur AXA France IARD dans la limite de 50% des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens
CONDAMNER également la Société LELY CENTER et son assureur AVIVA à hauteur de 50 % des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens
DECLARER la Société AXA France bien fondée à opposer à l’EARL COUTEAU ainsi qu’à son assuré sa franchise contractuelle de 3.500,00 € au titre de la garantie des dommages immatériels non consécutifs’.
Elles ont exposé que :
– la société Niortaise des Eaux avait, à la demande de la société Lely Center, procédé à l’analyse de l’eau devant desservir les robots de traite ;
– cette société avait dès février 2019 préconisé un traitement complémentaire au filtrage par osmose inversée, à savoir une filtration à lit mélangé ;
– cette société était intervenue à plusieurs reprises en garantie sur l’adoucisseur, qui avait été remplacé ;
– le filtre supplémentaire qui avait été préconisé avant même l’installation des robots de traite, avait été posé en août 2020 par la société Lely Center.
Elles ont conclu à la confirmation du jugement du chef du rejet des demandes présentées sur le fondement de la garantie des produits défectueux.
Elles ont maintenu que le rapport établi par le cabinet Terrexpert missionné par l’assureur de protection juridique de l’earl Couteau, que ne corroborait aucun autre élément de preuve, était insuffisant pour engager sa responsabilité. Elles ont ajouté que le rapport de l’expert missionné par l’assureur de la société Lely Center avait été établi en suite des mêmes opérations d’expertise.
Elles ont contesté toute faute de nature délictuelle et toute imputabilité du dommage aux motifs que :
– l’installateur n’avait pas activé le système de désinfection des gobelets des trayeurs par rinçage à l’eau chaude ;
– ce système n’avait pas fonctionné en raison de la mauvaise qualité de l’eau ayant alimenté les robots de traite, les cartouches déminéralisantes préconisées n’ayant été installées par la société Lely Center que tardivement ;
– sa prestation s’était limitée à l’installation de l’adoucisseur.
Elles ont conclu subsidiairement à un partage de responsabilité. La société Axa France Iard s’est prévalue de la franchise stipulée au contrat d’assurance.
L’earl Couteau a conclu par écritures notifiées par voie électronique le 20 juillet 2023.
Par ordonnance du 5 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré ces conclusions irrecevables, comme n’ayant pas été remises dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023, les sociétés Lely Center et Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva Assurances ont demandé de :
‘Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du code civil,
Vu les rapports d’expertises amiables contradictoire communiqués,
Vu le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et évaluation des dommages signé par l’ensemble des parties
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’action de l’EARL COUTEAU sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré le rapport d’expertise amiable opposable à la société NIORTAISE DES EAUX et à la SA AXA France IARD.
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’un partage de responsabilité à hauteur de 50% a été ordonné entre LELY CENTER et la société NIORTAISE DES EAUX.
A défaut, dire et juger bien fondée la société LELY CENTER et la société ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la SA AVIVA ASSURANCES à être relevées indemnes et garanties des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre par la société NIORTAISE DES EAUX et son assureur AXA, à hauteur 50% conformément à la répartition des responsabilités retenue par les experts amiables aux termes du procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et évaluation des dommages signé par l’ensemble des parties.
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré la société ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la SA AVIVA ASSURANCES fondée à opposer à l’EARL COUTEAU la franchise stipulée au contrat d’assurance qui, pour rappel, est la suivante :
– Une franchise de 500 € au titre des dommages matériels et immatériels consécutifs
– Une franchise de 3.000 € au titre des dommages immatériels consécutifs
Y ajoutant,
Condamner tout succombant à régler à la société LELY CENTER et la société ABEILLE IARD & SANTE venant aux droits de la SA AVIVA ASSURANCES la somme de 4.000 chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Condamner tout succombant aux entiers dépens mais dire que conformément à l’article 699 du Code de Procédure Civile, la condamnation aux dépens sera prononcée avec distraction au profit de Maître M. [H], avec le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle aura fait l’avance sans en avoir reçu provision’.
Elles ont conclu à la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté les demandes présentées à leur encontre sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Elles ont soutenu que la société Niortaise des Eaux avait manqué à ses obligations en n’ayant :
– pas veillé à la production d’une eau présentant les qualités nécessaires au bon fonctionnement des robots de traite ;
– diagnostiqué que tardivement que la conductivité de l’eau en sortie de l’adoucisseur était trop importante pour être traitée par l’osmoseur.
Elles ont ajouté :
– qu’il incombait contractuellement à l’earl Couteau de veiller à la bonne qualité de l’eau alimentant les robots de traite ;
– l’earl Couteau avait souhaité utiliser de l’eau provenant d’un forage alors qu’il était recommandé d’utiliser de l’eau de ville.
Elles ont contesté l’évaluation faite par l’earl Couteau de son préjudice, faisant observer que l’objectif de 140 vaches à la traite n’était pas loin d’être atteint, l’exploitation en comptant 135 désormais.
Elles ont sollicité la garantie de la société Niortaise des Eaux et de son assureur, la responsabilité de cette première étant selon elles engagée, l’adoucisseur ayant insuffisamment réduit la teneur en calcaire de l’eau.
La société Abeille Iard & Santé s’est prévalue des franchises stipulées à son profit.
L’ordonnance de clôture est du 6 juin 2024.
SUR LA RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
Il n’a pas été interjeté appel de ce chef du jugement.
SUR LES DEMANDES FORMEES A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE LELY CENTER
L’article 1353 du code civil dispose que :
‘Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
L’article 9 du code de procédure civile rappelle que : ‘Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’.
La société Lely Center et l’earl Couteau sont liées par un contrat de louage d’ouvrage.
Le premier juge a constaté que le contrat de vente conclu entre l’earl Couteau et la société Lely Center n’avait pas été produit, seul l’ayant été le bon commande. Devant la cour, aucune des parties n’a produit ce document. La facture de la société Lely Center établie à l’intention de l’earl Couteau n’a de même pas été produite. La relation contractuelle n’est toutefois pas contestée.
La société Lely Center s’engageait, en contrepartie du paiement du prix par l’earl Couteau, à livrer les robots de traite et les matériels nécessaires à leur fonctionnement, puis les installer dans les règles de l’art afin qu’ils fonctionnent ainsi que convenu.
Le ‘procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages’ signé des experts missionnés par les assureurs de l’earl Couteau, de la société Lely Center et de la société Niortaise des Eaux, non contesté, mentionne que :
‘Historique
[…]
03/05/2019 : installation de 2 robots de traite par ARP LELY CENTER + une adoucisseur fourni par NIORTAISE DES EAUX (entreprise sous traitante). Un contrat d’entretien des robots de traite ont été formalisés entre ARP LELY CENTER et EARL COUTEAU (3 interventions par an avec contrôle de la qualité de l’eau);
21/05/2019 : mise en route des robots de traite. L’adoucisseur est en place. Il n’y a pas eu d’établissement de contrat de maintenance entre NIORTAISE DES EAUX et ARP LELY CENTER.
24 et 31/05/ 2019 : visites post-installation des robots de traite par SAS LELY CENTER ;
27/05/2019 : mise en service de l’adoucisseur de type PALACE DUO MINI 2X6litres par NIORTAISE DES EAUX ;
[…]
12 / 2019 et 01/2020 : des problèmes apparaissent sur le système PURA. NIORTAISE DES EAUX sollicitée par ARP LELY CENTER intervient à de nombreuses reprises
[…]
09/01/2020 : remplacement de l’adoucisseur par modèle de prêt (ECOWATER 14 litres) muni d’un compteur afin de connaître la consommation d’eau.
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28/05/2020 : mise en place d’un adoucisseur d’occasion de type INFINITY 25 litres (1643 jours de fonctionnement) ;
Entre 07 et 08/2020 : de nombreuses interventions sont sollicitées sur le système PURA consécutives à une mauvaise qualité d’eau alimentaire ; découverte de problèmes de membranes de l’osmoseur sur PURA suite au changement d’adoucisseur.
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18/08/2020 : remplacement de l’adoucisseur INFINITY 25 litres par ECOWATER 14 litres.
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09/2020 : contrôles renforcés mis en place par ARP LELY CENTER à raison de 1 intervention par semaine : contrôle du système PURA (présence de calcaire), qualité de l’eau avant et après adoucisseur, osmoseur (teneur en CL, conductivité). Aucune anomalie n’est à déplorer depuis.
Le 11/09/2020, un consultant élevage de SAS LELY CENTER a constaté un défaut de mise en oeuvre de la désinfection vapeur des gobelets (PURA) lorsque une vache en mammite (infectée par staphylocoque) est admise dans le robot en vue d’une traite.
Dés lors, le programme préconisé par le fabricant et en place dans le robot à la mise en service n’engendre seulement qu’un rinçage local à l’eau froide durant 3′ des circuits de lait suite après le passage de l’animal (rapport du 11/09/2020). Ce défaut de désinfection des gobelets entre le passage de 2 vaches dont la première est contaminée étant susceptible d’engendrer une contamination de la vache saine, le fabricant LELY France est mis en cause.
CIRCONSTANCES DU SINISTRE
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Procédure de traite / nettoyage désinfection :
Les vaches passent en moyenne 2,6 fois par jour par le robot de traite. Chaque robot est prévu pour 70 vaches à raison de 130 traites/jour/robot Le fonctionnement est assuré 24h/24.
Le branchement des gobelets sur les trayons (mamelles) est automatique.
Après la traite, les gobelets sont désinfectés à la vapeur (système PURA).
Le système est par ailleurs nettoyé 3 fois par jour par circulation d’eau avec un produit désinfectant (acide/base) dans tout le réseau de production.
[…]
Système de désinfection vapeur PURA :
Le système PURA de désinfection vapeur des gobelets est une option souvent choisie par les clients car elle effectue une désinfection entre chaque traite (chaque vache). Ce système nécessite une certaine qualité d’eau (eau déminéralisée) ou dureté de l’eau à 0.
Après analyse physicochimique de l’eau de puisage disponible sur l’exploitation par NIORTAISE DES EAUX, le choix a été fait d’installer un adoucisseur d’eau fourni et entretenu par cette société afin d’abaisser le titre Hydrotimétrique (TH) ou dureté de l’eau à O. En outre un filtre osmoseur est installé dans le robot LELY afin d’abaisser la résistivité de l’eau alimentant le système PURA sous 50 µs (micro siemens) selon spécification LELY. Aucune analyse bactériologique n’a été réalisée.
En cas d’alimentation en eau à minéralisation hors spécifications, la création de dépôts calcaires dans le système PURA peuvent être à l’origine de dysfonctionnements après seulement 2 ou 3 jours. Selon déclaration de l’exploitant, ces pannes surviennent parfois aléatoirement et ne sont pas relevées par l’ordinateur de traite.
En cas de problème de contamination sur le cheptel, une transmission de cellules (staphylocoques) de vache en vache lors des opérations de traite est accrue s’il y a dysfonctionnement du système DURA (défaut de vapeur par exemple)’.
Les experts ont convenu, au paragraphe ’causes du sinistre’, que :
‘CAUSES DU SINISTRE (mis à jour suite à la réunion du 08/12/2020)
A ce stade des investigations, la cause majeure d’infection de nombreuses vaches du cheptel de l’EARL COUTEAU est recherchée dans :
– le défaut de fonctionnement récurrent de la désinfection des gobelets par système vapeur PURA suite à l’alimentation des robots avec une eau de qualité non conforme (Taux de Solides Dissous / conductivité trop élevée) jusqu’au 13/08/2020;
– le défaut de mise en oeuvre du rinçage eau chaude et de la désinfection des gobelets par système vapeur PURA après le passage d’une vache contaminée à la mise en service jusqu’au 12/09/2020″.
Le rapport de l’expert missionné par la société Aviva Assurances, assureur de la société Lely Center, est en date du 14 décembre 2020. Les appelantes ne soutiennent pas que ce rapport leur serait inopposable ou serait sans force probante. L’expert, [J] [F], a repris dans son rapport les termes du procès-verbal précité. Au paragraphe ‘éléments de responsabilité – recours’ de son rapport, il a notamment indiqué que :
‘La responsabilité de l’Assuré est recherchée en qualité de fournisseur titulaire d’un marché de louage d’ouvrage ayant réalisé les travaux d’installation et de maintenance depuis la mise en service, et pour avoir commis une prétendue faute en relation de causalité avec les dommages.
En l’état actuel de nos informations, la responsabilité de celui-ci paraît partiellement engagée. En effet, la programmation du robot à la mise en service n’a pas pris en compte les options relatives au rinçage à l’eau chaude ainsi qu’au système de désinfection vapeur PURA qui (dont) le fonctionnement systématique n’a pas été programmé, notamment après une traite dont le lait
est séparé. Il demeure toutefois à déterminer si cette programmation relève du fabricant (LELY France) ou de l’installateur (ARP LELY CENTER)
Cependant, de nombreux dysfonctionnement du système de désinfection vapeur sont à imputer à une qualité physicochimique d’eau alimentaire non conforme qui demeure de la responsabilité de l’EARL COUTEAU et de NIORTAISE DES EAUX qui a défini le système de traitement de l’eau de forage.
Responsabilités relatives à la qualité de l’eau alimentaire
Les spécifications de l’eau requises validées par L’EARL COUTEAU en date du 14/01/2019 sont définies dans le cahier des charges LELY (manuel de l’opérateur chapitre 3.6.2.1 pages 3.8 et 3.9 qui rappelle ce qui suit :
Lely Industries N.V. n’est en aucun responsable et ne couvre sous aucune garantie les dommages dus à l’utilisation avec les robots d’eau (à l’intérieur comme à l’extérieur) ne répondant pas aux spécifications Lely.
Le contrat de vente établi entre ARP LELY CENTER et l’EARL COUTEAU en date du 09/01/2019 mentionne :
Le client devra s’assurer que l’eau qui alimente le système de traite automatisé Lely Astronaut AS présente les qualités physico chimiques adéquates au bon fonctionnement du système (pH, dureté, turbidité…). Il est vivement conseillé de faire analyser cette eau et le cas échéant de procéder à l’installation d’un système correctif (filtres, adoucisseur…)
Malgré de nombreuses interventions de NIORTAISE DES EAUX, la qualité d’eau requise par les spécifications LELY n’a été atteinte qu’à partir du 13/08/2020 suite à l’installation par NIORTAISE DES EAUX d’une cartouche déminéralisante en sortie d’adoucisseur sur chaque robot.
Le contrat de maintenance » MASTER » des robots de traite signé le 21/05/2020 entre EARL COUTEAU et ARP LELY CENTER décrit les services d’entretien et de maintenance à titre préventif et correctif
[…]
Il ressort des différents contrats que la responsabilité de contrôle continu des paramètres d’eau d’alimentation du robot est dévolue au client dans le contrat de vente. La qualité de l’eau alimentaire des robots LELY est contractuelle entre EARL COUTEAU (le client) et ARP LELY CENTER.
Malgré la recommandation d’utilisation de l’eau de ville, L’EARL COUTEAU a fait le choix de traiter l’eau de forage pour alimenter les robots de traite (document du 14/02/2019 relatif aux spécifications d’eau alimentaire signé par EARL COUTEAU)
Si ARP LELY CENTER a facturé l’installation de traitement de l’eau de forage à EARL COUTEAU, c’est NIORTAISE DES EAUX qui a défini le système de traitement à mettre en place (adoucisseur dans un premier temps auquel n’a été adjoint une cartouche déminéralisante pour l’alimentation de chaque robot qu’à partir du 13/08/2020.
Le contrat de maintenance des robots de traite ne couvre pas la maintenance de l’installation de traitement de l’eau de forage (adoucisseur, filtres…).
Dés lors, nous pourrions invoquer une répartition des responsabilités sur les bases suivantes :
– 50 % pour ARP LELY CENTER (ou LELY France selon responsabilité de programmation du robot),
– 50 % pour NIORTAISE DES EAUX à laquelle l’EARL COUTEAU a confié le traitement de l’eau d’alimentation des robots de traite’.
Les rapports des autres experts d’assurance n’ont pas été produits aux débats. Le premier juge en a fait le rappel. S’agissant des causes du dysfonctionnement de l’installation, ces rapports de sont pas contraires à celui précédemment rappelé.
Ces rapports se corroborant entre eux, il n’y a pas lieu d’écarter celui produit devant le premier juge par l’earl Couteau. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Le dysfonctionnement des robots de traite a ainsi pour cause l’utilisation, dès l’origine, d’une eau d’une qualité insuffisante.
La société Lely Center, seule contractante de l’earl Couteau, était en charge de la mise en oeuvre de l’ensemble de l’installation incluant non seulement les robots de traite, mais aussi l’adoucisseur et l’osmoseur. Il lui appartenait de vérifier ou faire vérifier lors de l’installation que l’eau que délivraient ces derniers appareils était conforme à ses exigences de qualité. Il n’en est pas justifié.
Il est par ailleurs établi et non contesté que le système ‘Pura’, mentionné sur la facture de la société Lely Industries N.V. à l’intention de la société Lely Center (‘Pura : Yes Pura (prestige)’) n’a été activé que tardivement, en septembre 2020, alors qu’il aurait dû l’être dès l’installation des robots de traite.
Ces manquements constituent des fautes de la société Lely Center engageant sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’earl Couteau.
En page 20 de son rapport, l’expert d’assurance a estimé que :
‘Malgré la recommandation d’utilisation de l’eau de ville, L’EARL COUTEAU a fait le choix de traiter l’eau de forage pour alimenter les robots de traite (document du 14/02/2019 relatif aux spécifications d’eau alimentaire signé par EARL COUTEAU)’.
La société Lely Center ne justifie pas de cette obligation mise à la charge de sa cocontractante. Elle a par ailleurs alimenté l’installation par une eau qu’elle savait provenir d’un forage, sans justifier avoir préalablement mis en garde sa cocontractante.
Aucune faute de nature à limiter le droit à indemnisation de l’earl Couteau ne peut dès lors être retenue.
SUR LES DEMANDES FORMEES A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE NIORTAISE DES EAUX
Cette société a, en qualité de sous-traitant de la société Lely Center, fourni et installé un adoucisseur.
Elle n’est pas liée par contrat avec l’earl Couteau.
L’inexécution par une partie de ses engagements contractuels constitue à l’égard des tiers au contrat une faute de nature délictuelle, dont elle doit réparation des conséquences dommageables.
Le bulletin d’analyse de l’eau du forage réalisée par la société Niortaise des Eaux à la demande de la société Lely Center mentionne en seconde page, au paragraphe ‘ Observations / Préconisations’ que :
‘1- Eau très dure présentant un ph proche de l’équilibre, nécessitant un adoucissement par rapport
2- au process Lely.
3- Eau fortement minéralisée nécessitant un traitement complétnentaire (complémentaire) (filtration à lit mélangé) au
4- processus d’osmose inverse afin d’obtenir une qualité d’eau
5 -Absence de traces de fer et présence de nitrates > valeur de potabilité’. .
La société Niortaise des Eaux a ainsi attiré l’attention de sa cocontractante sur l’insuffisance de l’osmoseur et la nécessité de compléter ce filtrage par un traitement complémentaire.
Ce filtrage supplémentaire n’a pas été installé par la société Lely Center.
La société Niortaise des Eaux a postérieurement établi à l’intention de l’earl Couteau deux devis d’installation de ce filtrage (n° 0000355277 en date du 30 décembre 2019 et n° 0000367366 en date du 15 juillet 2020).
L’expert missionné par la société Aviva Assurances a indiqué en page 12 de son rapport que :
‘Il est apparu que la qualité d’eau après traitement par adoucisseur NIORTAISE DES EAUX (entrée robot) puis osmoseur n’atteignait pas la spécification de 50 µS/cm (micro siemens par centimètre) requise à l’entrée du système PURA. C’est l’installation de cartouches de résines déminéralisantes à lits mélangés en sortie d’adoucisseur qui a permis d’obtenir une conductivité
de l’eau
En page 13, il a ajouté que :
‘Le 13/08/2020, NIORTAISE DES EAUX effectue pour la 3ème fois un diagnostic relevant la conductivité en sortie d’adoucisseur. Il est relevé une conductivité de 740 µS/cm en sortie d’osmoseur du robot n°01 pour 920 µS/cm en entrée et conclut à un mauvais fonctionnement de la membrane de l’osmoseur. Après vérification, celle-ci est endommagée et inopérante. Le rapport d’intervention NIORTAISE DES EAUX du 13/08/2020 indique : » mis en place un préfiltre F43 avec une cartouche déminéralisée pour pallier à ce dysfonctionnement ‘ Matériel offert, vu avec M. [G] compte tenu de nos nombreuses interventions sur l’osmose. »
Concernant le robot n°02, Il est relevé une conductivité de 59 µS/cm en sortie d’osmoseur du robot n°01 (lire 02) pour 920 µS/cm en entrée. Le rapport d’intervention NIORTAISE DES EAUX du 13/08/2020 indique : » Afin de respecter la spécification des robots LELY (
Conclusion
Malgré les dysfonctionnement répétés des robots LELY, NIORTAISE DES EAUX ne s’est pas préoccupé de la spécification relative à la conductivité de l’eau à fournir au robot LELY (
Pour pallier à la conductivité trop élevée liée à une teneur en sodium importante en sortie de l’adoucisseur (elle-même liée à la dureté de l’eau de forage très élevée), NIORTAISE DES EAUX a fini par installer une cartouche déminéralisante en sortie de chaque adoucisseur le13/08/2020″.
La société Niortaise des Eaux n’a été en charge que de la fourniture et de l’installation d’un adoucissseur. Aucun élément des débats n’établit que l’adoucisseur fourni et installé à été à l’origine des dysfonctionnements des robots de traite.
Elle avait, dès avant l’exécution par la société Lely Center de sa prestation au profit de l’earl Couteau, alerté l’installateur sur la nécessité d’un filtrage supplémentaire qui n’a été mis en oeuvre que tardivement.
L’expert d’assurance n’a pas qualifié fautives les interventions de la société Niortaise des Eaux sur l’adoucisseur.
Ainsi, la société Niortaise des Eaux :
– a mis en garde la société Lely Center sur la nécessité d’un filtrage supplémentaire ;
– a postérieurement rappelé, par l’émission de devis, cette nécessité ;
– n’a pas commis de faute lors de l’installation de l’adoucisseur, puis lors de ses interventions en garantie.
En l’absence de faute, sa responsabilité ne peut pas être engagée.
La société Axa France Iard, assureur de la société Niortaise des Eaux, n’est par voie de conséquence pas tenue de garantir son assurée.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il condamné la société Niortaise des Eaux et la société Axa France Iard in solidum avec la société Lely Center .
SUR LE PREJUDICE
L’expert de la société Aviva Assurances a évalué comme suit le préjudice de l’earl Couteau : ‘La réclamation de l’EARL COUTEAU est constitué par le préjudice total constitué des pertes 2019 et 2020 auquel s’ajoute l’achat de 58 vaches laitières » pleines prêtes à vêler » devant intervenir début 2021 et la perte de marge relative à la vente de réforme’.
Il a établi le tableau suivant :
Type de chiffrage
Libellé
Euros HT
% TVA
Euros TTC
Conséquences
matérielles
Perte de marge atelier
campagne 2019
5 706,98
20,00
6 848,38
Conséquences
matérielles
Perte de marge atelier
campagne 2020
37 405,56
20,00
44 886,67
Conséquences
immatérielles
Achat 58 vaches pleines
prêtes à vêler
139 200,00
20,00
167 040,00
Conséquences
immatérielles
Perte de marge vente vaches
réforme
3 185,00
20,00
3 822,00
TOTAL
222 597,05
Il a conclu en page 22 de son rapport que : ‘Un recours d’un montant de 185 497,54 € HT va vous être présenté correspondant au préjudice de l’EARL COUTEAU’.
Il n’a pas contesté le montant de la réclamation de l’earl Couteau, se limitant à soutenir un partage de responsabilité entre la société Lely Center et la société Niortaise des Eaux.
La société Lely Center n’établit pas le caractère erroné de cette estimation. Il est indifférent que l’exploitation compte désormais 135 vaches à la traite sur un objectif de 140 pour en déduire que le préjudice allégué est moindre.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu’il a condamné la société Lely Center au paiement de la somme de 185.497,54 €.
SUR LA GARANTIE DE LA SOCIETE ABEILLE ASSURANCES IARD & SANTE (AVIVA ASSURANCES)
Cet assureur ne conteste pas le principe de sa garantie.
Il se prévaut des franchises stipulées au paragraphe ‘Responsabilité civile après livraison’, en page 3/6 des conditions particulières du contrat en date du 27 mars 2019 souscrit par la société ARP Lely Center.
L’application de ces franchises n’est pas contestée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
SUR LES DEPENS
La charge des dépens de première instance et d’appel incombe in solidum à la société Lely Center et à la société Abeille Assurances Iard & Santé.
Le jugement sera réformé sur ce point
SUR LES DEMANDES PRESENTEES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié :
– l’indemnité due sur ce fondement par la société Lely Center et son assureur au profit de l’earl Couteau ;
– n’y avoir lieu de faire application de ces dispositions au bénéfice des autres défenderesses.
Il sera pour les motifs qui précèdent infirmé en ce qu’il a condamné sur ce fondement les sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard.
Les circonstances de l’espèce ne justifient pas de faire droit aux demandes de ces dernières présentées de ce chef devant la cour.
statuant dans les limites de l’appel interjeté, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du 13 décembre 2022 du tribunal judiciaire de La Rochelle sauf en ce qu’il :
– déclare fondée l’action de l’earl Couteau fondée sur la responsabilité délictuelle ;
– condamne in solidum société Niortaise des Eaux et la société Axa France Iard à verser à l’earl Couteau la somme de 185.497,54 € outre les intérêts au taux légal à compter du jugement ;
– déclare la société Axa France Iard fondée à opposer à l’earl Couteau la franchise stipulée au contrat d’assurance ;
– ordonne, dans leurs rapports entre les sociétés Lely Center et Niortaise des Eaux, un partage de responsabilité à hauteur de 50 % des sommes dues en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens ;
– déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
– condamne in solidum la société Niortaise des Eaux et la société Axa France Iard à verser à 1’earl Couteau la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamne in solidurn les sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard aux dépens ;
et statuant à nouveau de ces chefs d’infirmation,
REJETTE les demandes formées à l’encontre des sociétés Niortaise des Eaux et Axa France Iard ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Lely Center et Abeille Iard & Santé venant aux droits de la société Aviva Assurances aux dépens d’appel ;
REJETTE les demandes présentées devant la cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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