Responsabilité des acteurs de la construction face aux désordres immobiliers : enjeux et implications.

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Responsabilité des acteurs de la construction face aux désordres immobiliers : enjeux et implications.

L’Essentiel : Le 5 novembre 2015, Monlogement 27 et Siloge ont acquis un ensemble immobilier auprès de la Sci Exelsia, divisé en trois lots. Les travaux de construction ont été confiés à Sogea, avec une livraison en juin 2017. Cependant, des désordres ont été constatés, entraînant une expertise judiciaire en septembre 2018. En février 2021, les sociétés ont assigné Sci Exelsia et Sogea pour obtenir réparation. Le 16 mai 2022, le juge a déclaré forclose l’action contre Exelsia. Finalement, le tribunal a condamné Exelsia et Sogea à indemniser Monlogement 27 et Siloge pour les préjudices, tout en rejetant certaines demandes.

Acquisition de l’ensemble immobilier

Le 5 novembre 2015, la société Secomile, devenue Monlogement 27, et la société Siloge, bailleurs sociaux, ont acquis un ensemble immobilier à usage d’habitation auprès de la Sci Exelsia. Cet ensemble, situé à l’angle de deux adresses, est divisé en trois lots de volume, dont le lot n°1 a été acquis par Monlogement 27 et le lot n°2 par Siloge. Le lot n°3, comprenant des parties communes, appartient au syndicat des copropriétaires.

Intervention des entreprises et livraison

La Sci Exelsia a confié les travaux de construction à la société Sogea nord ouest, ainsi qu’à d’autres entreprises pour la maîtrise d’œuvre et les études techniques. La livraison des biens immobiliers a eu lieu les 28 et 29 juin 2017.

Constatation des désordres et expertise judiciaire

Suite à des désordres affectant l’immeuble, Monlogement 27 et Siloge ont demandé une expertise judiciaire, ordonnée le 5 septembre 2018. Le rapport de l’expert a été déposé le 28 octobre 2020, révélant des problèmes de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire.

Assignation en justice

Le 11 et 15 février 2021, les sociétés Monlogement 27, Siloge, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre ont assigné la Sci Exelsia, Sogea et leur assureur, la société Sma, pour obtenir réparation des préjudices liés aux désordres. Les défenderesses ont appelé en garantie d’autres entreprises impliquées dans le projet.

Décisions du juge de la mise en état

Le 16 mai 2022, le juge de la mise en état a déclaré forclose l’action des sociétés demanderesses contre Exelsia sur la base de l’article 1642-1 du code civil et a joint les instances relatives aux appels en garantie.

Demandes des parties

Les demandeurs ont sollicité la condamnation solidaire des sociétés Exelsia et Sogea à verser des indemnités pour les travaux de remise en état, la surconsommation de gaz, et d’autres préjudices. En réponse, Exelsia et Sogea ont demandé le débouté des demandes et la condamnation des sociétés demanderesses au paiement des soldes des contrats de vente.

Arguments des défenderesses

Les défenderesses ont soutenu que les désordres étaient apparents à la réception des travaux et que les réserves formulées ne constituaient pas des obstacles à la garantie décennale. Elles ont également contesté la responsabilité des autres entreprises impliquées dans le projet.

Jugement du tribunal

Le tribunal a condamné in solidum les sociétés Exelsia et Sogea à indemniser les sociétés Siloge et Monlogement 27 pour les préjudices liés aux désordres. Il a également rejeté les demandes d’indemnisation pour la surconsommation de gaz et a statué sur les demandes reconventionnelles des défenderesses. Les sociétés Exelsia et Sogea ont été condamnées aux dépens de l’instance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les implications de l’article 1646-1 du Code civil dans cette affaire ?

L’article 1646-1 du Code civil stipule que « le vendeur d’un immeuble est tenu de garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose vendue ». Dans le cadre de cette affaire, les sociétés Monlogement 27 et Siloge invoquent cet article pour obtenir réparation des désordres affectant l’immeuble qu’elles ont acquis.

En effet, les demandeurs soutiennent que les désordres de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire rendent l’immeuble impropre à sa destination, ce qui constitue un vice caché.

Il est important de noter que pour que la garantie des vices cachés s’applique, il faut que les défauts soient antérieurs à la vente et non apparents lors de la réception des travaux.

Dans ce cas, les sociétés défenderesses, Exelsia et Sogea, contestent l’application de cet article en arguant que les désordres étaient apparents lors de la réception des travaux, ce qui pourrait exclure leur responsabilité.

Comment l’article 1792 du Code civil s’applique-t-il à la responsabilité décennale dans cette affaire ?

L’article 1792 du Code civil dispose que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître de l’ouvrage des désordres qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ».

Dans cette affaire, les sociétés Monlogement 27 et Siloge invoquent cet article pour engager la responsabilité décennale des sociétés Exelsia et Sogea.

Les demandeurs soutiennent que les désordres affectant le chauffage et l’eau chaude sanitaire compromettent la destination de l’immeuble, justifiant ainsi l’application de la garantie décennale.

Les défenderesses, quant à elles, soutiennent que les désordres étaient connus et réservés lors de la réception, ce qui pourrait limiter leur responsabilité en vertu de cet article.

Quelles sont les conséquences de la forclusion de l’action fondée sur l’article 1642-1 du Code civil ?

L’article 1642-1 du Code civil précise que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents ». Dans cette affaire, le juge a déclaré forclose l’action des sociétés demanderesses à l’encontre de la société Exelsia sur ce fondement.

Cette forclusion signifie que les sociétés Monlogement 27 et Siloge ne peuvent plus revendiquer de réparations pour des vices qui auraient pu être constatés lors de la réception des travaux.

Cela a des conséquences significatives sur leur capacité à obtenir réparation, car cela limite les fondements juridiques sur lesquels elles peuvent s’appuyer pour réclamer des indemnités.

Les défenderesses peuvent ainsi arguer que les désordres étaient apparents et que les demandeurs ont manqué à leur obligation de signaler ces vices lors de la réception.

Comment l’article 700 du Code de procédure civile est-il appliqué dans ce jugement ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. Dans cette affaire, le tribunal a condamné in solidum les sociétés Exelsia et Sogea à verser une indemnité de 20 000 euros aux sociétés Monlogement 27 et Siloge en vertu de cet article.

Cette indemnité vise à couvrir les frais engagés par les demandeurs pour faire valoir leurs droits en justice.

Le tribunal a également condamné d’autres parties, comme la société Sma, à verser des indemnités au titre de l’article 700, ce qui montre que le juge a pris en compte les frais de procédure dans son jugement.

Cela souligne l’importance de cet article dans la répartition des frais de justice entre les parties.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ [Localité 6]

CHAMBRE CIVILE

MINUTE N° : 2024/
N° RG 21/00523 – N° Portalis DBXU-W-B7F-GNB3
NAC : 54G Demande d’exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l’ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d’un élément de construction
CIVIL – Chambre 1

JUGEMENT DU 19 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSES :

S.A. MON LOGEMENT 27 (anciennenement dénommée SECOMILE)
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés D’[Localité 6] sous le numéro: 301.898.037,
Agissant poursuites et diligences de sa Présidente en exercice,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 3]
– [Localité 6]

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU PARKING ARDECHE [Adresse 17]
Représenté par son syndic, la Société MON LOGEMENT 27
Dont le siège social est sis :
[Adresse 3]
– [Localité 6]

L’ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE ARDÉCHE [Adresse 17]
Représentée par son administrateur, la S.A MON LOGEMENT 27
Dont le siège social est sis :
[Adresse 5]
– [Localité 6]

S.A. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DU LOGEMENT DE L’EURE – SILOGE
Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés D’[Localité 6] sous le numéro: 643.650.393,
Agissant poursuites et diligences de son Président en exercice,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 8]
[Adresse 8]
– [Localité 6]

Représentés par Me Aurélie BLONDE, membre de la SELARL THOMAS-COURCEL-BLONDE, avocat au barreau de l’EURE

DEFENDERESSES :

SCI EXELSIA
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 520.238.643
Dont le siège social est sis :
[Adresse 2]
– [Localité 13]

Représentée par Me Florence MALBESIN, membre de la SCP LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES avocat au barreau de ROUEN

S.A.S. SOGEA NORD OUEST
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 344.314.976
Dont le siège social est sis :
[Adresse 2]
– [Localité 13]

Représentée par Me Florence MALBESIN, membre de la SCP LENGLET MALBESIN ET ASSOCIES avocat au barreau de ROUEN

Société SMA SA
Ayant son siège social est sis :
[Adresse 15]
[Adresse 15]
– [Localité 12]
Agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

Représentée par Me Arnaud LABRUSSE, avocat au barreau de CAEN (avocat plaidant) et par Me Olivier JOLLY, avocat au barreau de l’EURE (avocat postulant)

APPELÉS EN GARANTIE

SASU APAVE INFRASTRUCTURES ET CONSTRUCTION FRANCE (AICF)
Venant aux droits de la société APAVE NORD OUEST
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 903.869.071
Dont le siège social est sis :
[Adresse 9]
[Localité 1]
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud NOURY,membre de la SELARL Sandrine MARIÉ avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) et par Me Laurent SPAGNOL, membre de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’EURE (avocat postulant)

S.E.L.A.F.A. ARTEFACT
Immatriculée au RCS de ROUEN sous le numéro 323.913.632
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Dont le siège social est sis :
[Adresse 10]
– [Localité 13]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au barreau de ROUEN

RG N° : N° RG 21/00523 – N° Portalis DBXU-W-B7F-GNB3 jugement du 19 novembre 2024

S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Entreprise régie par le Code des Assurances
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Dont le siège social est sis :
[Adresse 4]
– [Localité 11]

Représentée par Me Florence DELAPORTE JANNA, avocat au barreau de ROUEN

S.A.R.L. ABSCIA
Inscrite au RCS de ROUEN sous le numéro 504 223 959,
Dont le siège social est sis :
[Adresse 7]
[Adresse 7]
– [Localité 14]

Représentée par Me Laure VALLET, membre de la SELARL CAULIER VALLET, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats et du délibéré :

– Madame Marie LEFORT, Présidente,
– Madame Anne-Caroline HAGTORN, juge
– Madame Axelle DESGREES DU LOU, juge

GREFFIER : Madame Aurélie HUGONNIER

DEBATS :

En audience publique du 17 Septembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré au 19 novembre 2024.

JUGEMENT :

– au fond,
– contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort,
– mis à disposition au greffe,
– rédigé par Madame Marie LEFORT,
– signé par Madame Marie LEFORT, première vice-Présidente et Madame Aurélie HUGONNIER, greffier

Copie exécutoire délivrée le :

Copie délivrée le :

EXPOSÉS DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par actes en date du 5 novembre 2015, la société Secomile devenue la société Monlogement 27 et la société Siloge, bailleurs sociaux, ont acquis en l’état futur d’achèvement auprès de la Sci Exelsia un ensemble immobilier à usage d’habitation sis à [Localité 6], à l’angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18].

L’ensemble immobilier est divisé en 3 lots de volume.

La société Secomile (Monlogement 27) a acquis le lot de volume n°1 (bâtiment B) et la société Siloge le lot de volume n°2 (bâtiment A).

Le lot de volume n°3 qui comprend des parties communes de l’immeuble, dont le local chaufferie, appartient au syndicat des copropriétaires du Parking Ardèche [Adresse 16].

L’association syndicale libre Ardèche [Adresse 16] assure la gestion des équipements communs.

La Sci Exelsia, en sa qualité de maître de l’ouvrage, a confié les travaux de construction à la société Sogea nord ouest (ci-après la société Sogea). Les deux sociétés qui appartiennent au groupe Vinci sont assurées auprès de la société Sma.

La Sci Exelsia a également fait intervenir aux opérations de construction les sociétés suivantes :

– Artefact, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (ci-après la Maf), pour la maîtrise d’oeuvre,
– Abscia en qualité de bureau d’études techniques fluides,
– Apave en qualité de contrôleur technique.

La livraison des biens immobiliers aux acquéreurs est intervenue les 28 et 29 juin 2017.

Faisant valoir l’existence de désordres affectant l’ensemble immobilier, les sociétés Monlogement 27 et Siloge ont sollicité en référé une expertise judiciaire laquelle a été ordonnée par décision du 5 septembre 2018.

L’expert judiciaire, M. [K], a déposé son rapport le 28 octobre 2020.

C’est dans ces conditions que les sociétés Monlogement 27 et Siloge, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre ont, par actes en date des 11 et 15 février 2021 fait assigner les sociétés Exelsia et Sogea et leur assureur la société Sma devant ce tribunal, sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil et du rapport d’expertise judiciaire, aux fins d’obtenir leur condamnation à les indemniser des préjudices résultant des désordres affectant l’ensemble immobilier qu’elles ont acquis.

Les sociétés Exelsia et Sogea ont appelé en garantie les sociétés Artefact, Apave et Abscia et la Maf.

Par ordonnance en date du 16 mai 2022, le juge de la mise en état a déclaré forclose l’action des sociétés demanderesses à l’encontre de la société

Exelsia fondée sur l’article 1642-1 du code civil et a joint les instances relatives aux appels en garantie formés par les sociétés Exelsia et Sogea.

La clôture de la procédure a été prononcée le 4 mars 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 21 août 2023, les demandeurs sollicitent du tribunal, principalement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil et subsidiairement sur le fondement de l’article 1147 ancien du même code, la condamnation solidaire des sociétés Exelsia et Sogea à payer aux sociétés Monlogement 27 et Siloge les sommes suivantes :

– 327 018,75 euros (TTC) au titre des travaux de remise en état avec indexation selon l’évolution de l’indice BT 38 (indice de référence avril 2019 publié le 17 juillet 2019),

– 19 518 euros (TTC) au titre de la surconsommation de gaz, outre 271 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu’à l’expiration d’un délai de 9 mois suivant le paiement de l’indemnité relative aux travaux de remise en état,

– 50 000 euros, sauf à parfaire, au titre des préjudices financiers induits par les travaux de remise en état,

– 1 629,60 euros (TTC) au titre des travaux réalisés en cours d’expertise,

– 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance en ce compris les frais de constat du 27 septembre 2017, les dépens de la procédure de référé et les frais d’expertise judiciaire.

Ils concluent au débouté des défenderesses de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles.

Ils font valoir, sur le fondement du rapport d’expertise judiciaire, l’existence de plusieurs désordres de chauffage et de distribution d’eau chaude sanitaire (ECS) rendant l’immeuble impropre à sa destination, en ce que les températures minimales et maximales imposées par le code de la construction et de l’habitation ne sont pas respectées et que le confort normalement attendu dans un immeuble d’habitation n’est pas assuré :

– chaleur excessive dans les parties communes et défaut d’équilibrage de l’installation de chauffage dans les appartements à l’origine d’une surconsommation de gaz ;

– non conformité des canalisations d’ECS à la notice descriptive annexée aux contrats de vente, et notamment du fait de la mise en oeuvre de tubes PER (Polyéthylène Réticulé) sans barrière anti-oxygène qui entraîne une usure prématurée de l’installation de chauffage (risque d’embouage).

En réponse aux moyens et demandes reconventionnelles des sociétés défenderesses, ils soutiennent que :

– le tribunal n’est pas compétent pour statuer sur les irrecevabilités soulevées, les questions de compétence relevant du juge de la mise en état exclusivement ;

– les observations du BET [Z] annexées au procès-verbal de réception

et qui ont mis en évidence les désordres allégués ne constituent pas les réserves officielles faisant obstacle à l’application de la garantie décennale, dès lors que ces observations ont été refusées par la société Sogea qui n’a pas signé les feuilles du procès-verbal de réception ;

– les observations du BET [Z] ne portaient pas sur la surconsommation de gaz de l’installation, ni sur la non-conformité de certains logements au regard du code de la construction et de l’habitation, ni sur l’absence de mise en oeuvre d’une barrière anti-oxygène sur les tubes PER et d’isolation des canalisations de chauffage ;

– dans tous les cas, les désordres n’étaient pas connus dans toute leur ampleur et leurs conséquences au moment de la réception des travaux, dès lors que la surchauffe a été considérablement aggravée par le fait que les canalisations de chauffage n’étaient pas isolées, ce qui n’était pas visible à la réception puisque les canalisations étaient coulées dans les dalles ;

– subsidiairement, la responsabilité contractuelle des sociétés Exelsia et Sogea est engagée sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires et pour manquement à leur obligation de résultat de livrer un ouvrage conforme aux dispositions contractuelles :

les notices descriptives de vente ne prévoient aucun chauffage dans les locaux collectifs alors que la modification du réseau ECS et du réseau de chauffage transforment les locaux collectifs en locaux chauffés et provoquent un inconfort,
les notices descriptives de vente prévoient pour le système d’ECS la mise en oeuvre d’une gaine palière par compteur individuel alors que l’expert judiciaire a constaté un nombre réduit de gaines,
le CCTP des travaux de la société Sogea prévoit l’isolation des tubes de chauffages (article 3.2.35), ce qui n’a pas été mis en oeuvre,
les thermostats d’ambiance n’ont pas été installés au bon endroit dans les appartements, provoquant des situations d’inconfort et des surconsommations de gaz,
les barrières anti-oxygène sont prévues dans les notices descriptives de vente (article 2.9.2.2) et dans le CCTP du lot n°11 (articles 1.2.3.1, 3.2.3.5, 3.2.3.6).
S’agissant de la demande reconventionnelle en paiement formée par la société Exelsia à laquelle ils s’opposent, ils indiquent que la livraison des immeubles est intervenue avec réserves le 29 juin 2017 et que le paiement du solde du prix de vente n’est dû qu’à la levée des réserves justifiée par une attestation du maître d’oeuvre du chantier confirmée par les attestations établies par le contrôleur technique, ce dont il n’est pas justifié en l’espèce.

Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 4 décembre 2023, les sociétés Exelsia et Sogea demandent au tribunal de:

à titre principal :
– débouter les sociétés Monlogement 27 et Siloge de leurs demandes formées à leur encontre,

– condamner la société Siloge à payer à la société Exelsia la somme de 58381,86 euros au titre du solde du contrat de vente,

– condamner la société Monlogement 27 à payer à la société Exelsia la somme de 31 225,30 euros au titre du solde du contrat de vente,

– condamner solidairement les sociétés susvisées, le syndicat des copropriétaires et l’association syndicale libre à leur payer à chacune la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire :
– réduire le montant des condamnations sollicitées,

– condamner les sociétés susvisées à payer à la société Exelsia les soldes des contrats de vente pour les montants indiqués ci-avant,

– condamner la société Sma à les garantir sous réserve des franchises contractuelles applicables,

– condamner solidairement les sociétés Apave, Artefact, Abscia et la Maf à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre au profit des demandeurs, et à leur payer à chacune une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

En substance, elles soutiennent que :

– le tribunal statuera ce que de droit sur la demande fondée sur la responsabilité civile décennale, étant relevé que si des réserves ont été exprimées, il s’agissait de potentielles non conformités voire de simples interrogations sans que les acquéreurs ou le maître de l’ouvrage ne puissent à ce stade connaître les désordres dans toute leur ampleur ; qu’en outre, la surconsommation de gaz, la non-conformité de certains logements au regard du code de la construction et de l’habitation, l’absence de barrières anti-oxygène pour les tubes PER ou l’absence d’isolement des canalisations n’ont pas fait l’objet de réserves ;

– dans tous les cas, les désordres en cause se sont révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la réception ;

– elles ont un intérêt à agir à l’encontre des sociétés Apave, Artefact, Abscia et de la Maf en dépit du fait que les sociétés Monlogement 27 et Siloge ont été déclarées forcloses à agir sur le fondement de l’article 1642-1 du code civil, dès lors que les demandes sont également fondées sur la garantie décennale et la responsabilité civile de droit commun ;

– s’il était jugé que l’action en responsabilité civile décennale ne peut prospérer, aucune faute n’est établie à leur encontre :

en l’absence de dispositions contractuelles imposant un nombre déterminé de gaines techniques, le calorifugeage des canalisations et la mise en oeuvre de barrière anti-oxygène ;
en l’absence de contre-indication technique pour les procédés constructifs mis en oeuvre qui sont conformes à la pratique courante ;
les modifications intervenues en cours de chantier ont été vérifiées et validées par le maître d’oeuvre, le BET fluides et le
contrôleur technique, de sorte qu’aucune faute ne peut leur être reprochée à ce titre ;

– le cas échéant, il doit être retenu que :

la société Artefact a commis une faute dans sa mission de conception et de direction des travaux ;
la société Apave a commis une faute dans sa mission de contrôle technique ;
la société Abscia a commis une faute dans l’exercice de sa mission dès lors qu’elle a défini les éléments censés respecter les obligations en matière de réglementation technique pour le respect de la norme RT 2012 ;
– l’analyse du sapiteur sur le non respect de la norme RT 2012 est contestable, et ce d’autant que sa fiabilité est discutable compte tenu de son erreur reconnue par les demandeurs sur le montant des travaux réparatoires ;

– le montant des travaux réparatoires devra être évalué HT (soit 265 700 euros) car les sociétés demanderesses ne justifient pas qu’elles sont assujetties à la TVA ;

– certains postes de travaux réparatoires ne sont pas justifiés en leur principe (déplacement des thermostats ) et n’ont fait l’objet que d’une estimation ; les surconsommations de gaz ne sont pas établies et les pertes de loyer sont théoriques;

– les sociétés demanderesses ne peuvent à la fois solliciter le paiement des travaux de réparation et refuser dans le même temps de solder le contrat de vente.

Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 17 mai 2023 la société Sma prise en sa qualité d’assureur de responsabilité civile décennale des sociétés Exelsia et Sogea, conclut au rejet des demandes présentées à son encontre. A titre subsidiaire elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Abscia, Artefact, Apave et de la Maf à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre. En toute hypothèse, elle réclame la condamnation de tout succombant à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En substance, elle fait valoir que les désordres en cause étaient apparents à la réception du 29 juin 2017 et qu’ils ont d’ailleurs fait l’objet de réserves, de sorte que la garantie décennale n’est pas applicable. Elle soutient également que les désordres réservés ne se sont pas aggravés postérieurement à la réception.

Elle précise que :

– le procès-verbal de réception des travaux a été signé concomitamment aux procès-verbaux de livraison des immeubles au profit des sociétés Siloge et Secomile ;

– ces procès-verbaux comportaient en annexe les observations précises de M. [Z] concernant notamment les travaux de chauffage et le réseau d’ECS sur lesquelles ont porté les opérations d’expertise, de sorte que les désordres en cause étaient clairement identifiés et apparents à la réception ;

– si les sociétés demanderesses soutiennent qu’il ne peut pas être considéré que la réception est intervenue avec réserves dès lors que la société Sogea a refusé de signer les observations de M. [Z], il s’en déduit que la réception n’a pas eu lieu ce qui exclut d’autant plus l’application de la garantie décennale.

Dans leurs dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 16 juin 2023, la société Artefact et la Maf concluent au débouté des sociétés Exelsia et Sogea de leurs demandes formées à leur encontre et au débouté des autres sociétés défenderesses.

Elles sollicitent à titre reconventionnel :

– la condamnation des sociétés Exelsia et Sogea à leur payer à chacune la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée

– la condamnation in solidum des sociétés Sma, Sogea, Apave et Abscia à les garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre,

– l’application des limites de garantie de la Maf,

– la condamnation des sociétés Exelsia et Sogea à leur payer à chacune une indemnité de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance.

Pour l’essentiel, elles font valoir que :

– la société Artefact n’a eu aucune mission sur les lots litigieux (chauffage et ECS) et aucune imputabilité technique n’a été relevée à son encontre par l’expert judiciaire, la conception et l’exécution de ces lots ayant été attribuées à la société Abscia ;

– la société Artefact a dans tous les cas alerté la société Sogea sur les risques liés à la suppression d’une colonne ECS.

Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 19 avril 2023, la société Abscia demande au tribunal de débouter les sociétés Exelsia, Sogea, Apave, Artefact et Maf de leurs demandes formées à son encontre et de condamner les sociétés Exelsia et Sogea à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instances recouvrés conformément à l’article 699 du code précité.

En substance, elle soutient que ni la preuve d’un lien d’imputabilité entre son intervention et les désordres, ni la preuve d’une faute dans l’exercice de sa mission ne sont rapportées :

– son contrat précise qu’elle n’intervient qu’en phase conception au stade du permis de construire et de la phase Dossier de consultation des entreprises (phase DCE);

– il ne lui a été confié aucune mission Visa ;

– aux termes du rapport d’expertise judiciaire les désordres en cause résultent de défauts d’exécution imputables exclusivement à la société Sogea :

ses plans prévoyaient 5 gaines techniques verticales par bâtiment alors que les plans de la société Sogea n’en comportaient plus
qu’une, la réduction des gaines ayant été effectuée par la société Sogea par mesure d’économie,

la société Sogea a posé des tubes PER non isolés, placé des thermostats d’ambiance dans les entrées et n’a pas réalisé un équilibrage correct du réseau de chauffage, alors que c’est son conseil, M. [S], qui a fait les études et le suivi d’exécution de plomberie, chauffage, VMC,
la surconsommation pour la production d’ECS résulte de la réduction du nombre de gaines techniques qui n’est imputable qu’à la société Sogea.

Dans ses dernières écritures récapitulatives notifiées par Rpva le 14 décembre 2023, la société Apave aux droits de laquelle vient désormais la société Apave infrastructure et construction France (Aicf) demande au tribunal de :

à titre liminaire,
– déclarer la société Exelsia irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir ;

à titre principal,
– constater qu’aucune demande fondée sur la responsabilité sans faute n’est dirigée à son encontre ;

– débouter les sociétés Exelsia et Sogea et toute autre partie de toutes leurs demandes dirigées à son encontre et de la mettre purement et simplement hors de cause ;

à titre subsidiaire,
– condamner in solidum les sociétés Sogea, Sma, Abscia, Artefact et la Maf à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

en tout état de cause :
– condamner in solidum les sociétés Exelsia, Sogea et tout succombant à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil.

En résumé, elle soutient que :

– les sociétés demanderesses ayant été déclarées irrecevables au titre de la garantie de parfait achèvement, les recours en garantie le sont tout autant ;

– la société Sogea ne peut fonder son recours en garantie que sur la responsabilité civile délictuelle de droit commun et aucune faute n’est établie à son encontre :

les conclusions de l’expert judiciaire sont contestables, étant précisé qu’elle n’a été attrait à la cause que postérieurement au dépôt du rapport d’expertise et qu’elle n’a pas été mise en mesure de contester les mesures effectuées,
sa mission F était limitée à la prévention des aléas techniques découlant d’un mauvais fonctionnement des installations qui s’entend de l’impossibilité pour l’installation d’atteindre les performances prévues, ce dont les désordres ne relèvent pas,
elle devait au titre de la mission F uniquement s’assurer du bon dimensionnement des ouvrages et de la réalisation d’essais de fonctionnement ce qui a été le cas, la société Sogea lui ayant communiqué un autocontrôle satisfaisant attestant ainsi d’une exécution conforme, et sur lequel elle a formulé son avis,
sa mission Th qui a pour objet de donner un avis sur le respect des prescriptions réglementaires relatives à l’isolation thermique et aux économies d’énergie ne concerne pas le confort des bâtiments et est donc étrangère aux désordres en cause ;
– toute condamnation in solidum est exclue puisque les différentes imputabilités ont été clairement distinguées par l’expert dans son rapport ; toute condamnation solidaire est également exclue dès lors que les dispositions légales en matière de responsabilité civile décennale et contractuelle ne la prévoient pas ; l’article L125-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que le contrôleur technique n’est tenu vis à vis des constructeurs qu’à concurrence de sa part de responsabilité;

– les sociétés Abscia et Artefact ont commis des fautes en n’émettant aucune réserve sur les variantes et modifications proposées par la société Sogea qui ont contribué aux désordres en cause.

SUR CE,

1.Sur les dispositions légales applicables

En application de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

Relèvent de la garantie décennale les désordres affectant un ouvrage de construction présentant le caractère de gravité requis apparus pendant le délai d’épreuve de dix ans à compter de la réception et dénoncés judiciairement avant l’expiration de ce délai.

Pour les désordres ayant fait l’objet de réserves à la réception, la garantie décennale peut s’appliquer si les désordres se sont révélés dans leur ampleur et leurs conséquences postérieurement à la réception.

Relèvent de la responsabilité de droit commun pour faute prouvée les désordres cachés au jour de la réception affectant des éléments indissociables et ne rendant pas l’ouvrage impropre à sa destination.

Les désordres apparents à la réception qui n’ont pas été réservés ne peuvent donner lieu à réparation (principe de purge).

Lorsque des réserves ont été émises à la réception et à l’expiration du délai de parfait achèvement, la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs subsiste jusqu’à la levée des réserves, l’entrepreneur demeurant soumis à son obligation de résultat

L’acquéreur d’un immeuble bénéficie des droits et actions appartenant au maître de l’ouvrage et notamment de l’action en responsabilité civile décennale

à l’encontre des constructeurs.

Par ailleurs, le vendeur d’un immeuble à construire est tenu à l’égard de l’acquéreur :
– des vices et des défauts de conformité apparents à la réception ou apparus dans le délai d’un mois après la prise de possession de l’immeuble par l’acquéreur, en application de l’article 1642-1 du code civil ;
– des défauts de conformités non apparents à la livraison, en application de l’article 1604 du code civil ;
– à compter de la réception des travaux, des obligations dont les constructeurs sont eux-mêmes tenus en application de l’article 1792 du code civil (article 1646-1 du code civil).

Sont réputés constructeurs tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ainsi que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.

Selon l’article 1792-6 du code précité, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

2.Sur les demandes des sociétés Secomile et Mon logement 27

2.1.Sur la réception des travaux

La réception des travaux détermine l’application de la garantie décennale des constructeurs dont la mise en oeuvre est sollicitée par les sociétés Siloge et Secomile.

Elle ne se confond pas avec la livraison de l’immeuble à l’acquéreur qui détermine l’application de la garantie de livraison dont est seul débiteur le vendeur de l’immeuble à l’égard de l’acquéreur, étant rappelé que les sociétés Siloge et Monlogement 27 ont été déclarées forcloses à agir à l’encontre de la société Exelsia sur ce fondement.

En l’espèce, la réception des travaux en cause est intervenue de manière expresse le 29 juin 2017 comme en atteste le procès-verbal de réception produit uniquement par la société Sma (pièce 1 Sma).

Ce procès-verbal a été établi entre la Sci Exelsia (maître de l’ouvrage), la société Artefact (maître d’oeuvre) et la société Sogea (entrepreneur) qui l’ont chacune signé.

Il ressort de la mention « réserves listées à l’annexe ci-après – 63 pages » que la réception a été prononcée avec réserves.

Ces annexes comprennent notamment les observations effectuées par le bureau d’études [Z] à la suite d’une visite sur les lieux le 19 juin 2017.

Si la société Sogea a effectivement indiqué manuscritement sur le procès-verbal de réception sous sa signature « Hors rapport B.E.[Z] », cette mention ne saurait remettre en cause l’existence d’une réception prononcée avec réserves, lesquelles relèvent de la volonté du maître de l’ouvrage et non de l’entreprise. Tout au plus, cette restriction apportée par la société Sogea peut être interprétée comme une contestation par celle-ci de la réalité et/ou de l’étendue de ces réserves.

Il y a donc lieu de considérer que la réception des travaux en cause est intervenue avec les observations du bureau d’études [Z] annexées au procès-verbal de réception du 29 juin 2017 constituent les réserves émises à la réception.

2.2.Sur les désordres, nature, origine et qualification

Les sociétés Siloge et Monlogement 27 font valoir plusieurs désordres affectant les travaux de chauffage constatés et relevés par l’expert judiciaire qu’il convient d’examiner successivement :

Température élevée dans les circulations communes

Les opérations d’expertise ont mis en évidence des températures élevées, de l’ordre de 22 à 24 °C en hiver et de 29 à 30 °Cen été, dans les deux bâtiments. L’expert judiciaire a conclu que ces températures étaient anormalement élevées au regard de la température réglementaire de 19 °C prévue dans le code de l’énergie (articles R 241-25 et suivants).

Aux termes du rapport d’expertise qui n’est pas contesté par des éléments techniques pertinents et convaincants, ces températures élevées résultent de l’émission de chaleur provoquées par les tubes de chauffage et d’eau chaude sanitaire encastrés dans les planchers.

Contrairement à ce qui est soutenu, ce désordre a fait l’objet d’une réserve à la réception puisqu’il est relevé dans le rapport du bureau d’études [Z] du 19 juin 2017 qui indique notamment : « la circulation sera surchauffée par la présence de nombreux tubes en dalle ECS à 55 °C (12 tubes au droit de la gaine technique ) et chauffage (12 tubes au droit de la gaine technique) » – pièce 7 demandeurs – pièce 4 Exelsia-Sogea – pièce 1 Sma –

Les sociétés Siloge et Monlogement 27 ne peuvent prétendre que le désordre n’était pas réservé puisqu’elles ont émis cette même réserve au procès-verbal de livraison de l’immeuble en joignant à cet effet le rapport [Z] et qu’elles ont indiqué à la société Exelsia dans leurs courriers accompagnant le retour du procès-verbal de livraison, « je vous informe que la société (Secomile/Siloge) formule une réserve pouvant constituer un vice apparent concernant la chaleur importante émanant du seul réseau d’eau chaude sanitaire dans les parties communes pour le moment (…) ».

Si elles font également valoir que le désordre s’est révélé dans son ampleur et ses conséquences, force est de relever que les termes généraux employés dans le rapport [Z] qui évoque le phénomène de surchauffe pour tout l’immeuble et provenant du réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire dans son ensemble, décrivent un désordre d’ampleur que le rapport d’expertise judiciaire n’a fait que confirmer quant à ses causes et conséquences.

Le désordre qui a été réservé à la réception et n’a pas évolué dans son ampleur et conséquences depuis celle-ci ne peut donc être qualifié de nature décennale quand bien même il rendrait l’ouvrage impropre à sa destination.

Il s’agit d’un désordre réservé à la réception qui ne peut non plus être qualifié de désordre intermédiaire.

Température insuffisante ou trop élevée dans les logements

Les opérations d’expertise ont mis en évidence une température insuffisante dans certaines chambres ou séjour des logements (entre 17,5 °C et 18,6 °C) ou trop élevée dans les entrées et salles de bain (entre 22 et 24 °C).

L’expert judiciaire a conclu que ces températures étaient anormales au regard de la température réglementaire de 19 °C prévue dans le code de l’énergie (articles R 241-25 et suivants) et dan le code de la construction et de l’habitation (article R131-20).

Aux termes du rapport d’expertise qui n’est pas contesté par des éléments techniques pertinents et convaincants, ce désordre résulte principalement des canalisations sous plancher qui produisent de la chaleur bien supérieure aux déperditions des pièces concernées (surchauffe due aux tuyaux encastrés), lesdites canalisations étant par ailleurs constituées de tubes PER non isolés. Le désordre résulte également de la mauvaise implantation des thermostats d’ambiance dans les entrées surchauffées qui fausse la régulation, et de l’absence d’équilibrage du débit de fluide dans les radiateurs.

Le phénomène de surchauffe résultant des tubes de chauffage sous plancher a fait l’objet d’une réserve à la réception puisqu’il est indiqué dans le rapport [Z] :
– la nécessité de réaliser l’équilibrage du réseau de chauffage et d’obtenir le plan d’équilibrage du réseau chauffage ;
– la nécessité de terminer le calorifuge dans les gaines techniques des réseaux de chauffage.

Comme indiqué précédemment, il n’apparaît pas que ce désordre réservé en des termes généraux ait évolué dans son ampleur et ses conséquences depuis la réception. Le désordre ne peut donc être qualifié de décennal et, ayant été réservé à la réception, il ne peut non plus être qualifié d’intermédiaire.

Surconsommation d’énergie pour la production d’eau chaude sanitaire

Ce désordre résulte, selon l’expert judiciaire, de l’augmentation importante de la longueur des réseaux pour le type de distribution choisi.

En effet, la mise en oeuvre d’une seule colonne technique au lieu des 5 prévues, associée à des canalisations encastrées sous le plancher de chaque logement multiplie la longueur des tuyaux.

Ce désordre, qui est en lien avec les deux désordres précédents, a été réservé à la réception puisque le rapport [Z] mentionne la présence de nombreux tubes en dalle alors qu’il était normalement prévu 5 colonnes ECS par cage d’escalier.

Le désordre ayant été réservé à la réception, il ne peut être qualifié de nature décennale quand bien même il rendrait l’ouvrage impropre à sa destination, ni d’intermédiaire.

Tubes PER sans barrière anti-oxygène

L’expert judiciaire a relevé, et cela n’est pas contesté, que les tubes PER mis en oeuvre pour le réseau de chauffage ne sont pas équipés de barrière anti-oxygène, contrairement à ce qui était prévu au CCTP du lot chauffage.

Ce défaut est de nature à causer un risque d’embouage.

Si les sociétés Siloge et Monlogement 27 soutiennent qu’il s’agit d’un désordre de nature décennale, il convient de relever qu’aucun dommage actuel et certain n’est caractérisé puisque l’embouage du réseau n’a pas été constaté, l’expert judiciaire n’ayant évoqué que l’existence d’un risque.

Le désordre ne saurait donc être qualifié de décennal ni d’intermédiaire.

Il s’agit d’un défaut de conformité au CCTP susceptible d’engager la responsabilité contractuelle des constructeurs.

2.3.Sur les responsabilités

Sur la responsabilité de la société Exelsia

L’ensemble des désordres en cause n’étant pas de nature décennale, la responsabilité de la société Exelsia, en sa qualité de vendeur réputé constructeur ne peut être engagée de plein droit conformément à l’article 1792 du code civil.

Sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun qui suppose la caractérisation d’un manquement à ses obligations contractuelles en sa qualité de vendeur à l’égard des acquéreurs demandeurs, étant rappelé que ces derniers ont été déclarés forclos à agir sur le fondement de la garantie des désordres apparents à la livraison dont ils bénéficient en application de l’article 1642-1 du code civil.

L’existence d’un manquement imputable à la société Exelsia ne peut être appréciée qu’au regard de ses obligations nées du contrat de vente de l’immeuble.

Les sociétés Siloge et Monlogement 27 font valoir que les désordres en cause caractérisent un défaut de conformité à la notice descriptive de l’immeuble annexée aux contrats de vente.

Aux termes des deux contrats de vente du 5 novembre 2015, la société Exelsia s’est engagée à effectuer les travaux de parachèvement prévus dans les notices descriptives annexées et à mener ces travaux selon les règles de l’art de telle manière qu’ils soient achevés dans les meilleurs délais et conformément au permis de construire (page 28 du contrat Siloge et pages 27-28 du contrat Secomile).

Pour rappel, les désordres de surchauffe dans les parties communes, de température anormale dans les logements et de surconsommation d’énergie pour la production d’eau chaude résultent de la mise en oeuvre, pour les réseaux de chauffage et d’eau chaude sanitaire, de canalisations sous plancher, lesdites canalisations étant pour partie constituées de tubes PER non isolés.

L’expert judiciaire a relevé (tout comme le bureau d’études [Z]) à l’analyse des différentes pièces du marché de travaux, que le projet de construction et le CCTP du lot chauffage-plomberie prévoyaient un réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire constitué de 5 gaines techniques verticales par cage d’escalier afin que les réseaux soient situés au plus près de la distribution des logements, de manière à éviter les surchauffes et déperditions. Par ailleurs, la mise en oeuvre de tubes PER isolés est prévue au CCTP du lot chauffage-plomberie. Or, les 5 gaines techniques prévues ont été supprimées et remplacées par une seule gaine technique et la mise en place des canalisations sous le plancher de chaque logement.

Les travaux réalisés ne sont donc pas conformes au projet de construction ni au CCTP.

Contrairement à ce que soutient la société Exelsia, la mise en oeuvre de gaines techniques verticales pour le réseau de chauffage et d’eau chaude est indiquée dans les notices descriptives :

« 5.2 Chauffage, eau chaude
(…)

5.2.1.5 Colonnes montantes
Colonnes montantes de chauffage et eau chaude sanitaire en gaine palière.

5.2.2.5 Colonnes montantes
Natures, sections et parcours dans les gaines techniques palières selon étude et normes. Protection des colonnes contre le gel, la condensation et les déperditions thermiques par calorifuge. »

Si le nombre de colonnes (ou gaines) n’est pas précisément indiqué, les notices prévoient plusieurs gaines palières alors qu’une seule n’a été réalisée, et dans tous les cas, il n’est pas prévu de réseau par canalisations encastrées sous plancher ni l’éventualité d’un remplacement du procédé constructif.

Par ailleurs, ce procédé constructif pour le réseau de distribution d’eau chaude sanitaire est indiqué dans les dispositions qui concernent les aménagements des logements individuels :

« 2.9.2 Equipements sanitaires et plomberie
(…)
2.9.2.2. Distribution d’eau chaude collective et comptage
(…)
La distribution intérieure à chaque logement sera réalisée en tubes PER, avec une barrière anti-oxygène, depuis le module de distribution en gaine palière » (pièce 2 demandeurs).

Au surplus, les notices descriptives indiquent que « le bâtiment sera conforme à la réglementation thermique RT2012 », ce qui n’a pas été atteint au vu des désordres en cause qui conduisent à un inconfort thermique non conforme aux températures réglementaires prévues.

Enfin, il est expressément indiqué que les tubes PER sont équipés d’une barrière anti-oxygène.

Le réseau mis en oeuvre et l’utilisation de tubes PER non équipés de barrière anti-oxygènes ne sont donc pas conformes aux notices descriptives de l’immeuble annexées aux contrats de vente.

La société Exelsia a ainsi commis un manquement à son obligation de délivrance conforme et sa responsabilité contractuelle est engagée, étant relevé qu’il n’est pas démontré que les modifications constructives en cause résultent d’une demande des acquéreurs, les plans d’exécution produits à cet effet par la société Exelsia (pièce 15 Exelsia) n’établissant aucunement cette affirmation.

Sur la responsabilité de la société Sogea

Il est constant que la société Sogea a réalisé l’ensemble des travaux relatifs au réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire et qu’elle est liée contractuellement avec la société Exelsia par un contrat de louage d’ouvrage.

Les désordres en cause ayant été réservés à la réception et n’étant pas qualifiés de nature décennale, sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, l’entreprise de travaux étant tenue à une obligation de résultat tant que les réserves n’ont pas été levées.

Les acquéreurs de l’ouvrage bénéficiant des droits et actions du maître de l’ouvrage, ils sont fondés à rechercher la responsabilité de la société Sogea sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

En l’espèce, la persistance des désordres réservés qui ont été constatés au cours de l’expertise judiciaire montrent qu’ils n’ont pas été repris.

Aux termes du rapport d’expertise judiciaire et à l’examen des pièces du marché, il s’avère que les travaux réalisés par la société Sogea ne sont pas conformes aux plans et au CCTP établis par le BET fluides, la société Abscia, qui prévoyaient :

– la mise en oeuvre de 5 gaines techniques montantes par bâtiment ;
– l’utilisation de tubes PER de chauffage isolés et équipés de barrière anti-oxygène;

Au surplus, le CCTP auquel était soumis la société Sogea prévoyait la conformité des travaux à la norme RT 2012 qui n’a pas été atteinte au vu de l’inconfort thermique constaté.

Par ailleurs, l’expert judiciaire a relevé que l’implantation des thermostats d’ambiance dans les entrées des logements, qui a contribué au désordre de températures anormales dans les logements, n’était pas conforme aux règles de l’art.

Enfin, le mauvais équilibrage voire l’absence d’équilibrage du débit de fluide dans les radiateurs, qui a également contribué au désordre de température anormale dans les logements, montre que le résultat normalement attendu n’est pas atteint.

Aussi, le manquement de l’entreprise à son obligation de résultat de réalisation de travaux conformes à son marché, aux prescriptions techniques applicables et aux règles de l’art est établi.

La responsabilité de la société Sogea est donc engagée.

Ayant concouru à la réalisation des mêmes désordres, les sociétés Exelsia et Sogea seront tenues in solidum à réparation (et non solidairement en l’absence de solidarité des constructeurs prévue par une disposition contractuelle ou légale).

2.4.Sur la garantie de la société Sma

Il est constant que la société Sma est l’assureur de responsabilité civile décennale des sociétés Exelsia et Sogea et qu’elle ne garantit pas les désordres résultant de leur responsabilité civile professionnelle.

L’ensemble des désordres en cause n’étant pas de nature décennale, la garantie de la société Sma n’est pas due et les demandes formées à son encontre seront rejetées.

2.5.Sur les préjudices

La victime est en droit d’obtenir la réparation intégrale des préjudices personnellement subis et résultant directement des désordres et/ou manquements en cause, sans qu’il résulte pour elle ni perte ni profit.

Préjudice matériel

Ce préjudice englobe le coût des travaux de reprise des désordres réservés et les frais annexes nécessaires à leur exécution. Ils comprennent également les frais de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires.

Les frais d’investigations réalisées pour déterminer l’origine des désordres sont directement liés à ceux-ci et doivent être pris en compte dans le préjudice.

Les améliorations qui ne sont pas nécessaires à la réparation du dommage doivent rester à la charge du maître de l’ouvrage.

Aux termes du rapport d’expertise judiciaire l’ensemble du réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire doit être repris, avec la suppression des réseaux PER entre les gaines techniques et les collecteurs logement, et la création de colonnes montantes raccordées aux dits collecteurs.

Les nouveaux réseaux devront également être calorifugés et équipés de barrière anti-oxygène.

Aucune des parties n’a fourni de devis de travaux en expertise.

Une évaluation a été effectuée par le sapiteur et a été validée par l’expert judiciaire.

Il est constant que les travaux de reprise ont ainsi été évalués à la somme totale de 265 700 euros HT.

Les sociétés défenderesses critiquent ce montant, soutenant qu’il est empirique et qu’il ne repose sur aucun métrage, outre le fait que le réseau de chauffage ne présente aucun désordre.

Toutefois, comme relevé précédemment, ni le réseau de chauffage ni celui d’eau chaude sanitaire ne sont conformes aux notices de vente, aux plans et au CCTP.

Par ailleurs, les sociétés Exelsia et Sogea qui sollicitent la suppression de certains postes retenus ainsi que la réduction d’une somme de 140 430 euros, ne produisent aucun devis ni audit ou note technique au soutien de leurs prétentions. De surcroît, il n’apparaît pas qu’elles aient discuté au cours des opérations d’expertise les postes qu’elles remettent en cause.

Dès lors que l’analyse du sapiteur, validée par l’expert judiciaire, est particulièrement détaillée et que l’ensemble du réseau est à reprendre, la somme de 265 700 euros HT est justifiée.

S’agissant de travaux d’ampleur, le montant doit être augmenté du coût de l’assurance dommages-ouvrage, justement évalué par les demanderesses à 2,5 % du montant HT des travaux, et des frais de bureau d’études techniques, justement évalués par les demanderesses à 5 % du montant HT des travaux.

Soit une somme totale de 285 627,50 euros HT (265 700 + 6 642,50 +
13 285).

L’indexation du montant des travaux sur l’évolution de l’indice BT38 relatif aux travaux de plomberie sanitaire n’est pas contestée. Il sera fait application de cet indice entre la date du rapport d’expertise qui évalue les travaux, soit le 28 octobre 2020, et la date du présent jugement.

Les sociétés demanderesses justifient qu’en leur qualité de bailleur social elles sont assujetties à la TVA (pièce 27 – extrait du bulletin officiel des finances publiques impôts).

Le montant retenu sera donc augmenté de la TVA applicable au jour du présent jugement.

Les sociétés Exelsia et Sogea seront condamnées in solidum au paiement de cette somme au bénéfice des sociétés Monlogement 27 et Siloge unies d’intérêt.

Coût de déplacement des thermostats d’ambiance et de l’équilibrage de l’installation de chauffage

Pour rappel, la mauvaise implantation des thermostats d’ambiance et le défaut d’équilibrage de l’installation de chauffage résultent d’un manquement de la société Sogea à son obligation de résultat et de conformité aux prescriptions du CCTP, et ont contribué au désordre de température anormale dans les logements.

Le sapiteur, non contredit par l’expert judiciaire, n’a pas inclus les réparations nécessaires dans les travaux de reprise du réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire.

Il y a donc lieu de retenir le montant des réparations nécessaires pour remédier aux manquements de la société Sogea qui sera seule tenue à indemnisation de ce chef.

Ces travaux ont été évalués à la somme totale de 10 500 euros HT et non à la somme de 11 500 euros HT reportée par l’expert dans son rapport (cf rapport sapiteur page 17 – pièce 14 Exelsia Sogea).

Cette somme de 10 500 euros HT sera retenue et sera indexée sur l’évolution de l’indice BT38 entre le 28 octobre 2020 et la date du présent jugement et augmentée de la TVA applicable au jour du présent jugement.

Préjudices immatériels

Surconsommation de gaz

Si l’expert judiciaire a confirmé l’existence d’une surconsommation d’énergie provoquée par les déperditions et la surchauffe engendrées par le réseau de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire, les sociétés demanderesses se fondent sur l’évaluation théorique effectuée par le sapiteur, mais ne justifient pas du préjudice financier qu’elles ont réellement subi. En effet, elles ne produisent aucun budget prévisionnel sur lequel elles auraient évalué la consommation d’énergie ni le montant des dépenses qu’elles ont dû assumer, et l’évaluation du sapiteur n’est pas fondée sur ces éléments.

Leur demande à hauteur de 19 518 euros TTC à parfaire jusqu’à la réalisation des travaux sera donc rejetée.

Mobilisation des équipes et perte de loyers

Les sociétés demanderesses sollicitent l’indemnisation de ces coûts induits par les travaux réparatoires et réclament une somme forfaitaire de 50000 euros pour faire face aux recherches d’entreprise de travaux, à la souscription d’une assurance dommages-ouvrage, aux négociations avec les locataires pour permettre l’accès à leurs logements, à la modification des contrats de location suite aux modifications constructives, et à leur représentation pour la surveillance des travaux.

Toutefois, cette somme n’est justifiée par aucune pièce.

Le préjudice allégué sera requalifié en préjudice moral résultant des

perturbations et contraintes provoquées par les travaux réparatoires qui sont d’une ampleur certaine et qui affecteront l’ensemble de l’immeuble lequel est occupé par de nombreux locataires.

Le préjudice moral ainsi requalifié sera, au vu des éléments susvisés, justement évalué à la somme de 20 000 euros au paiement de laquelle les sociétés Exelsia et Sogea seront condamnées in solidum.

Frais engagés pour l’expertise judiciaire

La société Monlogement 27 justifie avoir engagé la somme de 1 129,60 euros TTC au titre d’un sondage réalisé dans la dalle béton pour les besoins de l’expertise judiciaire (pièce 21)

Ces frais ne sauraient rester à sa charge alors qu’ils sont en lien avec les désordres en cause.

En revanche la somme de 500 euros réclamée au titre de la réfection de sol n’est justifiée par aucune pièce. Cette demande sera donc rejetée.

Les sociétés Exelsia et Sogea seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 1 129,60 euros TTC.

3.Sur les recours en garantie

Dès lors que la responsabilité des sociétés Exelsia et Sogea a été retenue sur le fondement de leur responsabilité contractuelle de droit commun pour laquelle l’action n’a pas été déclarée prescrite, leurs recours en garantie sont recevables.

Les sociétés Exelsia et Sogea ont formé un recours en garantie à l’égard des constructeurs intervenus dans les travaux en cause, les sociétés Artefact, Abscia et Apave. Ces constructeurs ont également formé des recours en garantie à l’encontre des sociétés Exelsia et Sogea et entre eux.

Dans leurs relations, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives.

La société Exelsia ayant la qualité de maître de l’ouvrage, sa faute n’est caractérisée que si elle s’est immiscée dans les travaux défectueux ou si elle en a accepté les risques.

La faute des constructeurs s’apprécie au regard de leur champ d’intervention et de l’étendue de leur mission, l’architecte, le bureau d’études techniques et le contrôleur technique n’étant tenus qu’à une obligation de moyens alors que l’entrepreneur est soumis à une obligation de résultat. Ils sont tous astreints à un devoir d’information et de conseil notamment sur la nature des travaux à réaliser.

Pour rappel, les désordres en cause portent sur l’inconfort thermique et le défaut de performance énergétique causés par le procédé constructif du réseau de chauffage et d’eau chaude sanitaire mis en oeuvre (réalisation d’une seule colonne montante par bâtiment et ensemble des canalisations en PER non isolées et encastrées sous le plancher de chaque logement). La mise en oeuvre de ce procédé n’était pas prévue dans le projet de construction initial (en ce compris les notices descriptifs des contrats de vente) ni dans le CCTP du lot chauffage-plomberie.

Au vu du rapport d’expertise judiciaire et des pièces du marché :

– les travaux en cause ont été réalisés par la société Sogea qui n’a pas respecté le CCTP de son marché de travaux contrairement à ses obligations contractuelles ; au surplus, il apparaît qu’elle a conclu un contrat de « prestations intellectuelles » avec un sous-traitant pour « l’étude et le suivi de la réalisation jusqu’à la réception des lots plomberie, chauffage et VMC suivant le CCTP lot n°13 en adéquation avec les notices de vente (…) », de sorte qu’elle a décidé d’assurer elle-même la direction, le suivi et la bonne exécution de ses travaux ; sa faute est donc caractérisée ;

– il n’apparaît pas que la société Exelsia ait donné des instructions particulières aux différents constructeurs pour procéder à la modification du procédé constructif du réseau initialement prévu ni qu’elle ait été informée des conséquences des modifications intervenues par rapport au marché et au CCTP de la société Sogea; par ailleurs, la société Sogea a de son propre chef recouru à un sous-traitant pour l’étude et le suivi de ses travaux ; au surplus, la société Exelsia a émis des réserves à la réception pour les désordres en cause, ce qui exclut une connaissance et une acceptation des risques liés aux modifications du réseau effectuées en violation du CCTP ;

– la société Abscia en sa qualité de BET fluides a réalisé les plans techniques et le CCTP du lot chauffage plomberie qui n’ont pas été respectés par la société Sogea; elle n’était pas chargée d’une mission de direction et de suivi des travaux (cf page 4 du contrat), de sorte que les désordres qui résultent d’une exécution non conforme à ses prescriptions techniques ne lui sont pas imputables ;

– si la société Artefact en sa qualité de maître d’oeuvre investi d’une mission complète était chargée de la conception avec notamment le visa des plans d’exécution des entreprises, ainsi que de la direction et du suivi de l’ensemble des travaux de construction de l’immeuble, sans exclusion de certains lots comme le lot chauffage-plomberie (l’exclusion concerne uniquement l’élaboration des plans de BET qui ne sont pas en cause), la société Sogea a assuré elle-même le suivi et la réalisation de ses propres travaux en recourant à un sous-traitant pour ce faire; au surplus, la société Artefact, a relevé dans ses comptes rendus de chantier la suppression d’une colonne montante pour la distribution d’eau chaude sanitaire (pièces 2 et 3 ARTEFACT) et a surtout émis des réserves à la réception sur les désordres en cause, ce qui exclut la caractérisation d’un manquement à sa mission de suivi de l’exécution des travaux et à son devoir de conseil ;

– la société Apave reconnaît que sa mission F (fonctionnement des installations) implique pour elle de s’assurer que l’installation de chauffage telle que conçue et réalisée permet de chauffer les logements et d’obtenir les températures de consignes et qu’il lui incombait à cet effet de vérifier le dimensionnement de l’installation ainsi que la réalisation des essais de fonctionnement par les entreprises ; si son rapport final de contrôle technique du 9 mars 2018 est sans observation quant à l’installation de chauffage, alors qu’un avis aurait dû être émis sur le phénomène de surchauffe et d’inconfort thermique provoqué par la configuration du réseau, la société Apave justifie néanmoins qu’elle a, au cours de ses rapports d’examen, sollicité à plusieurs reprises la transmission par Sogea de ses notes de calculs et qu’elle a émis des observations à la suite d’une attestation d’autocontrôle, de sorte qu’il ne peut être retenu à son encontre un manquement dans l’exercice de sa mission F, étant par ailleurs soumise aux documents communiqués par les entreprises ou le maître de l’ouvrage ;

S’agissant de sa mission Th (isolation thermique et économies d’énergie), la société Apave reconnaît qu’elle doit donner un avis sur la capacité de l’ouvrage à satisfaire aux prescriptions réglementaires visées notamment aux articles R111-

6 et R131-26 du code de la construction et de l’habitation (désormais abrogés) ; pour rappel, l’article R111-6 disposait précisément que « les équipements de chauffage du logement permettent de maintenir à 18 °C la température au centre des pièces du logement. Ils comportent des dispositifs de réglage automatique du chauffage qui permettent notamment à l’occupant d’obtenir une température inférieure à 18°C », et l’article R131-26 faisait référence à l’amélioration de la performance énergétique par le maintien d’une consommation d’énergie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire notamment en dessous du seuil réglementaire ou par application d’une solution technique adaptée ; or, le réseau mis en oeuvre par la société Sogea contrevient à ces objectifs d’amélioration et de performance énergétique, et la société Apave n’a formulé aucune observation ni recommandation de ce chef tant dans ses rapports établis en cours de travaux ni dans son rapport final ; la société Apave a donc commis un manquement dans l’exercice de sa mission ayant contribué aux désordres, engageant ainsi sa responsabilité.

Au regard de ces éléments, aucune faute n’est caractérisée à l’encontre des sociétés Exelsia, Abscia et Artefact et les fautes respectives des sociétés Sogea et Apave seront fixées dans une proportion de 90 % pour la société Sogea et dans une proportion de 10 % pour la société Apave.

Ainsi, le recours en garantie des sociétés Exelsia et Sogea ne pourra s’exercer qu’à l’encontre de la société Apave et dans la limite de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts, dépens et frais irrépétibles, et la société Apave sera déboutée de ses recours en garantie formés à l’encontre des sociétés Sma, Abscia, Artefact et de la Maf.

La société Apave n’étant pas condamnée à paiement à l’égard des demanderesses principales les sociétés Siloge et Monlogement 27 ni à l’égard des autres défenderesses appelées en garantie par les sociétés Exelsia et Sogea, sa demande tendant à voir condamner la société Sogea à la garantir des condamnations prononcées à son encontre est sans objet.

4.Sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Exelsia

Il est constant que les sociétés Siloge et Monlogement 27 ne se sont pas acquittées du solde de 1 % du prix de vente compte tenu des réserves qui n’étaient pas levées.

Dès lors que le présent jugement a statué sur le sort de ces réserves et qu’il a mis à la charge de la société Exelsia le montant des réparations, le solde du prix de vente est dû ou doit être déduit du montant des réparations, sauf à ce que les sociétés Siloge et Monlogement 27 soient doublement indemnisées.

En conséquence, la société Siloge sera condamnée à payer à la société Exelsia la somme de 58 381,86 euros, et la société Monlogement 27 la somme de 31 225,30 euros, au titre du solde du prix de vente de l’immeuble.

5.Sur la demande reconventionnelle de la société Artefact et de la Maf au titre de la procédure abusive

Le seul fait que la responsabilité de la société Artefact ait été écartée ne suffit pas à considérer que le recours en garantie intenté à son encontre par les sociétés Exelsia et Sogea est abusif, qui implique que soit rapportée la preuve de l’intention de nuire de celui qui a intenté une procédure manifestement infondée.

Il sera notamment relevé que la société Artefact est intervenue sur le

chantier de construction en cause et que dans le cadre d’une action en garantie décennale initiée par les propriétaires de l’immeuble acquis en l’état futur d’achèvement sa responsabilité peut être engagée de plein droit, sans qu’il soit besoin de caractériser l’existence d’une faute à son encontre. Par ailleurs, si l’expert judiciaire n’a pas retenu la responsabilité technique de la société Artefact, ses conclusions peuvent être soumises à discussion devant le tribunal qui n’est pas lié par celles-ci.

Aussi, en l’absence de preuve de l’intention de nuire des sociétés Exelsia et Sogea à l’encontre de la société Artefact ni du caractère manifestement infondé de leurs recours en garantie, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Artefact sera rejetée.

6.Sur les dépens et les indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Exelsia et Sogea qui succombent principalement à l’instance seront condamnées in solidum aux dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et les dépens de l’instance en référé, les frais de constat d’huissier étant pris en compte dans les frais irrépétibles.

Il serait inéquitable que les sociétés Monlogement 27 et Siloge supportent les frais irrépétibles qu’elles ont engagés pour la présente instance.

Parties perdantes, les sociétés Exelsia et Sogea seront condamnées in solidum à leur payer une indemnité de 20 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et seront déboutées de leurs demandes fondées de ce chef.

La société Apave sera condamnée à garantir les sociétés Exelsia à hauteur de 10 % de ces condamnations au titre des dépens et frais irrépétibles.

Les sociétés Exelsia et Sogea qui ont été déboutées de leur demande de garantie par la société Sma et de leurs recours en garantie à l’encontre des sociétés Abscia et Artefact et de la Maf, seront également condamnées à supporter une partie des frais irrépétibles de ces autres parties défenderesses.

Ainsi, les sociétés Exelsia et Sogea seront condamnées in solidum à payer à la société Sma et à la société Abscia chacune une indemnité de 3 000 euros, et à la société Artefact et la Maf unies d’intérêt une indemnité de 3 000 euros.

La société Apave sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et il n’y a pas lieu de la condamner à payer une indemnité de ce chef au profit des sociétés Exelsia et Sogea.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt les sommes suivantes en réparation de leurs préjudices résultant des désordres de chauffage et d’eau chaude sanitaire affectant l’immeuble sis [Adresse 16] et [Adresse 18] à [Localité 6] (27) :

285 627,50 euros H.T. au titre des travaux de reprise du réseau de

chauffage et d’eau chaude sanitaire,
20 000 euros au titre du préjudice moral
1 129,60 euros T.T.C. au titre des frais d’investigations

CONDAMNE la société Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt la somme de 10 500 euros H.T. en réparation du préjudice matériel résultant du défaut d’implantation des thermostats d’ambiance et du défaut d’équilibrage du débit du fluide des radiateurs de l’immeuble sis [Adresse 16] et [Adresse 18] à [Localité 6] (27),

DIT que les sommes exprimées H.T. seront indexées sur l’évolution de l’indice du coût de la construction BT38 entre le 28 octobre 2020 et la date du présent jugement et augmentées de la T.V.A. applicable au jour du présent jugement,

REJETTE la demande indemnitaire au titre de la surconsommation de gaz,

REJETTE toute demande formée à l’encontre de la société Sma,

CONDAMNE la société Apave infrastructures et construction france à garantir les sociétés Exelsia et Sogea à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre en principal, intérêts, frais irrépétibles et dépens,

DEBOUTE les sociétés Exelsia et Sogea de leurs recours en garantie à l’égard des sociétés Sma, Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,

DEBOUTE la société Apave infrastructures et construction france de ses recours en garantie formé à l’égard des sociétés Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,

DECLARE sans objet le recours en garantie formé par la société Apave infrastructures et construction france à l’encontre de la société Sogea,

DECLARE sans objet les recours en garantie des sociétés Sma, Abscia, Artefact et de la Mutuelle des architectes français,

CONDAMNE la société Siloge à payer à la société Exelsia la somme de 58 381,86 euros au titre du solde du prix de vente de l’immeuble sis angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18] à [Localité 6] (27), lot de volume n°2,

CONDAMNE la société Monlogement 27 à payer à la société Exelsia la somme de 31 225,30 euros au titre du solde du prix de vente de l’immeuble sis angle du [Adresse 16] et de la [Adresse 18] à [Localité 6] (27), lot de volume n°1,

DEBOUTE la société Artefact et la Mutuelle des architectes français de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest aux dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise et les dépens de l’instance en référé avec droit de recouvrement direct au profit des avocats des parties conformément à l’article 699 du Code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer aux sociétés Siloge et Monlogement 27 unies d’intérêt une indemnité de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les sociétés Exelsia et Sogea nord ouest à payer

à la société Sma, à la société Artefact et son assureur la Mutuelle des architectes français unies d’intérêt, et à la société Abscia, à chacune une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les sociétés Exelsia, Sogea nord ouest et Apave infrastructures et construction france de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire,

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente et le greffier.

Le greffier, La Présidente,

Aurélie HUGONNIER Marie LEFORT


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