L’Essentiel : Le 29 novembre 2022, Madame [L] [C] a déclaré une maladie professionnelle à la CPAM de Seine-et-Marne, accompagnée d’un certificat médical pour des « troubles anxio-dépressifs réactionnels ». Après enquête, le comité régional a établi un lien entre sa pathologie et son activité professionnelle. Le 21 juillet 2023, la CPAM a décidé de sa prise en charge, mais la société [4] a contesté cette décision. Le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le principe du contradictoire, notamment en ce qui concerne les délais de consultation, et a déclaré la décision de prise en charge inopposable à la société.
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Contexte de la Déclaration de MaladieLe 29 novembre 2022, Madame [L] [C], employée de la société [4], a soumis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Seine-et-Marne une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d’un certificat médical indiquant des « troubles anxio-dépressifs réactionnels ». Enquête Administrative et Avis du ComitéSuite à cette déclaration, la CPAM a mené une enquête administrative et a consulté son médecin-conseil. Elle a ensuite saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région Île-de-France, en raison de la nature de la maladie, qui ne figurait pas dans le tableau des maladies professionnelles, avec un taux prévisible d’Incapacité Permanente Partielle (IPP) d’au moins 25%. Le 27 juin 2023, le comité a établi un lien direct entre la pathologie de Madame [L] [C] et son activité professionnelle. Décision de Prise en ChargeLe 21 juillet 2023, la CPAM a notifié à la société [4] sa décision de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C], rétroactivement à partir du 3 décembre 2021, au titre de la législation professionnelle. Recours de la Société [4]Le 21 septembre 2023, la société [4] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable. Par la suite, le 19 janvier 2024, elle a introduit un recours devant le tribunal contre la décision implicite de rejet de la commission. Audience et Demandes de la Société [4]L’affaire a été entendue lors de l’audience de mise en état le 4 juillet 2024, suivie d’une audience de plaidoirie le 12 novembre 2024. La société [4] a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, d’annuler la décision de prise en charge de la CPAM, et a soulevé des arguments concernant le non-respect du principe du contradictoire. Arguments de la CPAMEn réponse, la CPAM a demandé au tribunal de déclarer le recours de la société [4] recevable en forme mais mal fondé, soutenant que la procédure contradictoire avait été respectée et que les certificats médicaux de prolongation n’étaient pas pertinents pour la décision. Indépendance des RapportsLe tribunal a noté que les rapports entre la CPAM et l’employeur, ainsi que ceux entre la CPAM et l’assuré, sont indépendants, ce qui signifie que la décision rendue n’affecte pas les droits de l’assuré. Respect du Principe du ContradictoireLe tribunal a examiné le respect du principe du contradictoire, en se référant aux articles du code de la sécurité sociale. Il a constaté que la CPAM n’avait pas respecté les délais de consultation et d’observation requis avant la transmission du dossier au comité régional. Transmission de l’Avis du CRRMPLa société [4] a contesté le fait de ne pas avoir reçu l’avis du CRRMP avec la décision de prise en charge. Le tribunal a rappelé que la CPAM n’est pas tenue de notifier cet avis avant de prendre sa décision, mais doit informer l’employeur de la décision prise. Délai de Consultation du DossierLe tribunal a également constaté que la CPAM n’avait pas respecté le délai de 30 jours francs pour permettre à la société [4] de consulter et d’enrichir le dossier avant sa transmission au CRRMP, ce qui a violé le principe du contradictoire. Décision du TribunalEn conséquence, le tribunal a déclaré inopposable à la société [4] la décision de la CPAM du 21 juillet 2023 concernant la prise en charge de la maladie de Madame [L] [C]. La CPAM a été condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations de la CPAM en matière de respect du principe du contradictoire lors de la prise en charge d’une maladie professionnelle ?La CPAM est tenue de respecter le principe du contradictoire, qui est fondamental dans le cadre de la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles. Ce principe est notamment encadré par les articles R. 461-9 et R. 461-10 du Code de la sécurité sociale. L’article R. 461-9 stipule : « I- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L. 461-1. Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles. La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent. » Ainsi, la CPAM doit informer l’employeur de la déclaration de maladie professionnelle et lui permettre de formuler ses observations dans un délai imparti. L’article R. 461-10 précise également : « Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. » Il est donc impératif que la CPAM respecte ces délais et procédures pour garantir que l’employeur puisse faire valoir ses droits et observations, ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire en question. Quels sont les effets de la non-communication de l’avis du CRRMP à l’employeur ?La non-communication de l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) à l’employeur peut avoir des conséquences sur la validité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle. La jurisprudence a établi que la CPAM n’est pas tenue de notifier l’avis du CRRMP avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l’origine professionnelle de la maladie. En effet, la seule obligation de la CPAM est d’informer l’employeur de la décision prise, comme le stipule l’article R. 461-10 : « La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis. » Ainsi, l’absence de transmission de l’avis du CRRMP ne constitue pas en soi un motif d’inopposabilité de la décision de prise en charge, à condition que l’employeur ait eu la possibilité de faire valoir ses observations dans les délais impartis. Cependant, si l’employeur n’a pas été mis en mesure de formuler ses observations en raison d’une violation du principe du contradictoire, cela peut entraîner l’inopposabilité de la décision de la CPAM, comme cela a été jugé dans l’affaire en question. Comment la CPAM doit-elle gérer le délai de consultation du dossier avant la transmission au CRRMP ?La gestion du délai de consultation du dossier avant la transmission au CRRMP est régie par l’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale, qui précise les modalités de cette consultation. Cet article stipule que : « La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. » Durant les 30 premiers jours, les parties peuvent consulter et compléter le dossier, et durant les 10 jours suivants, elles peuvent encore consulter le dossier et formuler des observations. Il est crucial que la CPAM respecte ces délais, car un délai franc signifie que le jour de l’événement qui fait courir le délai n’est pas compté, ainsi que le dernier jour du délai. Cela signifie que le délai de consultation ne peut commencer qu’à partir du lendemain de la réception de la notification. Dans l’affaire en question, la CPAM a notifié à l’employeur un délai de consultation qui ne lui a en réalité laissé que 26 jours, au lieu des 30 jours francs requis. Cela constitue une violation des droits de l’employeur et du principe du contradictoire, entraînant l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Quelles sont les conséquences de la violation du principe du contradictoire dans le cadre de la prise en charge d’une maladie professionnelle ?La violation du principe du contradictoire dans le cadre de la prise en charge d’une maladie professionnelle peut avoir des conséquences significatives sur la validité de la décision de la CPAM. Lorsque le principe du contradictoire n’est pas respecté, cela signifie que l’employeur n’a pas eu l’opportunité de faire valoir ses observations et de compléter le dossier avant la prise de décision. Cela est en contradiction avec les exigences des articles R. 461-9 et R. 461-10 du Code de la sécurité sociale, qui garantissent à l’employeur le droit d’être informé et de participer à la procédure. Dans l’affaire examinée, le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas respecté le délai de consultation de 30 jours francs, ce qui a conduit à la décision suivante : « Il y a lieu de déclarer inopposable à la société [4] la décision de la CPAM du 21 juillet 2023 de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle. » Ainsi, la conséquence directe de la violation du principe du contradictoire est l’inopposabilité de la décision de prise en charge, ce qui signifie que l’employeur n’est pas lié par cette décision et peut contester la prise en charge de la maladie professionnelle. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PÔLE SOCIAL
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JUGEMENT DU 07 JANVIER 2025
N° RG 24/00160 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X6VL
DEMANDEUR :
S.A.S. [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Julien TSOUDEROS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me TAN
DEFENDERESSE :
CPAM DE SEINE-ET-MARNE
Service contentieux
[Localité 3]
dispensée de comparaître
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur : Anne JALILOSSOLTAN, Assesseur du pôle social collège employeur
Assesseur : Samuel GAILLARD, Assesseur du pôle social collège salarié
Greffier
Christian TUY,
DÉBATS :
A l’audience publique du 12 novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 07 Janvier 2025.
Le 29 novembre 2022, Madame [L] [C], salariée de la société [4], a adressé à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de SEINE ET MARNE une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d’un certificat médical initial en date du 29 novembre 2022 mentionnant : » troubles anxio-dépressif réactionnel « .
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a diligenté une enquête administrative, sollicité l’avis de son médecin-conseil puis a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région ILE DE FRANCE s’agissant d’une maladie hors tableau avec un taux prévisible d’IPP d’au moins 25%.
Par un avis du 27 juin 2023, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région ILE DE FRANCE a retenu un lien direct et essentiel entre la pathologie présentée et l’activité professionnelle de Madame [L] [C].
Par courrier du 21 juillet 2023, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a notifié à la société [4] une décision de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle.
Le 21 septembre 2023, la société [4] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.
Par lettre recommandée expédiée le 19 janvier 2024, la société [4] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 4 juillet 2024, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 12 novembre 2024.
Lors de celle-ci, la société [4], par l’intermédiaire de son conseil, s’est référée à sa requête initiale à laquelle il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.
Elle demande au tribunal de :
– Déclarer son recours recevable et bien fondé,
– Déclarer inopposable à la société la décision de CPAM de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle,
– En conséquence, annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Elle soutient le non-respect du principe du contradictoire en ce que :
° la CPAM ne lui a pas transmis l’avis du CRRMP avec la décision dont il est le fondement et la motivation,
° la CPAM ne lui a pas permis de disposer du délai de 30 jours pour consulter et enrichir le dossier avant transmission du dossier au CRRMP conformément aux dispositions de l’article R 461-10 du code de la sécurité sociale,
° le dossier soumis à la consultation était incomplet comme ne comprenant pas les certificats médicaux de prolongation en violation de l’article R 441-13 du code de la sécurité sociale,
° la saisine du CRRMP est irrégulière en l’absence de preuve de l’évaluation d’un taux prévisible d’IPP d’au moins 25% et de communication du rapport d’évaluation de ce taux visé à l’article D 461-29 du code de la sécurité sociale.
En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE a sollicité une dispense de comparution et déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions.
Elle demande au tribunal de :
– Déclarer le recours de l’employeur recevable en la forme mais le dire mal fondé,
– Débouter la société [4] de son recours,
– Déclarer opposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie de Madame [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle.
Elle soutient en substance que la procédure contradictoire des articles R 461-9 et R 461-10 du code de la sécurité sociale a été respectée ; que les certificats médicaux de prolongation sont indifférents à la prise de décision ; la détermination du taux prévisible d’IPP relève de la seule compétence de son médecin conseil et l’employeur ne justifie pas avoir sollicité la communication du rapport d’évaluation du taux prévisible d’IPP.
Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/ employeur.
Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM.
En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.
Sur le respect du principe du contradictoire
L’article R. 461-9 du code de la sécurité sociale énonce :
» I- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L. 461-1.
Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.
La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent.
II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.
La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.
III.- A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »
L’article R. 461-10 du même code dispose :
» Lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.
À l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.
La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis « .
Sur la transmission de l’avis du CRRMP joint à la décision de prise en charge
La société [4] fait grief à la CPAM de n’avoir pas reçu communication de l’avis du CRRMP du 27 juin 2023 avec la décision de prise en charge du 21 juillet 2023 de la maladie professionnelle de Madame [C].
La jurisprudence constante de la Cour de Cassation pose que la mise à disposition du dossier à la victime et à l’employeur n’est soumise à aucune forme particulière et que la seule obligation de la CPAM est d’informer l’employeur dans les conditions posées aux articles R.461-9 et R 461-10 du code de la sécurité sociale sus-visés.
Par ailleurs, de jurisprudence constante de la Cour de Cassation, la CPAM n’est pas tenue de notifier l’avis du comité, qui s’impose à elle, avant de prendre sa décision de reconnaissance ou de rejet de l’origine professionnelle de la maladie mais seulement de notifier immédiatement cette décision. Et la CPAM n’a pas l’obligation de joindre à la décision de prise en charge notifiée à l’employeur, l’avis conforme du CRRMP.
Comme le rappelle la CPAM, l’inopposabilité sanctionne uniquement une méconnaissance du principe du contradictoire résultant de ce que l’employeur n’a pas été mis en mesure de faire valoir utilement ses observations pendant les délais réglementaires, ce qui n’est pas le cas de l’absence de transmission de l’avis du CRRMP avec la décision de prise en charge qui ne fait aucun grief à l’employeur, les voies de recours lui étant ouvertes.
Ce moyen d’inopposabilité, non fondé, devra dès lors être rejeté.
Sur le délai de consultation du dossier avant sa transmission au CRRMP
La société [4] fait grief à la CPAM de n’avoir pas respecté le délai de consultation/observation devant être laissé à l’employeur avant la transmission du dossier au CRRMP, n’ayant pas bénéficié du délai effectif de 30 jours.
La CPAM estime que le délai d’instruction de 120 jours court à compter de la saisine du CRRMP, soit de l’envoi aux parties du courrier les informant de la saisine du CRRMP et des dates d’échéance, et que la première période de 40 jours qui se décompose en deux phases de 30 jours et de 10 jours, débute à compter de la même date, soit du courrier de saisine du CRRMP, pour se terminer par la transmission effective du dossier définitif au comité.
Elle ajoute que la phase d’enrichissement du dossier, commune aux parties, n’a pas pour but de garantir le contradictoire mais de constituer le dossier complet à soumettre du CRRMP, le point de départ du délai de 40 jours devant être identique aux deux parties.
Elle ajoute également que le contradictoire est respecté par la mise à disposition du dossier complet pendant 10 jours franc avant sa transmission effective au CRRMP.
Elle estime donc que le contradictoire a été respecté dès lors que l’employeur a été mis en mesure, avant la transmission au CCRMP, de prendre connaissance des éléments du dossier.
En l’espèce, par un courrier recommandé de la CPAM du 7 avril 2023, réceptionné le 13 avril 2023, la CPAM a informé la société [4] :
– de la transmission de la demande de maladie professionnelle de Madame [L] [C] au CRRMP chargé de rendre un avis sur le lien entre la maladie et son activité professionnelle ;
– de la possibilité de consulter et compléter le dossier directement en ligne jusqu’au 7 mai 2023 ;
– de la possibilité de formuler des observations, sans communication de nouvelles pièces, jusqu’au 19 mai 2023 ;
– que la décision après avis du CRRMP sera adressée au plus tard le 7 août 2023.
Il ressort des dispositions sus-visées que les parties disposent, en cas de saisine du CRRMP, d’une procédure d’instruction complémentaire de 120 jours francs en plus du délai d’instruction initial pour permettre au CRRMP saisi de rendre un avis sur le lien entre la pathologie et le travail.
La caisse doit mettre le dossier à la disposition des parties pendant un délai de 40 jours franc : durant les 30 premiers jours, les parties, la caisse et son service médical peuvent consulter et compléter le dossier, et, durant les 10 jours suivants, les parties peuvent encore consulter le dossier et formuler des observations.
Ce n’est qu’à l’issue de cette période de consultation du dossier de 40 jours que le CRRMP peut commencer à examiner la situation de l’assuré sur la base du dossier complété.
Un délai franc se définit comme un délai dans lequel on ne compte ni le jour de l’événement qui le fait courir (dies a quo) ni le jour qui d’après la stricte durée du délai devrait être le dernier (dies ad quem), de telle sorte que le jour suivant est encore par faveur dans Ie délai.
C’est la définition retenue par la circulaire CNAM du 9 août 2019 qui rappelle les règles de
computation des jours francs en précisant que » le délai se compte à compter du lendemain de l’acte ou de I’évènement conditionnant le départ du délai. Lorsqu’une formalité est à accomplir dans un délai franc, celle-ci doit être accomplie au plus tard le jour suivant l’expiration du délai ainsi compté. Si ce jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est reporté au jour ouvrable suivant « .
Ainsi, le délai franc ne peut en toute hypothèse courir à compter de la date figurant sur le courrier de notification de la période de consultation et d’observation de 40 jours, sauf à. nécessairement priver les parties du bénéfice de l’entier délai qui leur est accordé par la réglementation.
Le délai n’est un délai utile qu’autant que l’intéressé en a connaissance.
ll court donc à compter du lendemain de la réception du courrier de notification.
En l’espèce, le courrier de la CPAM du 7 avril 2023 de transmission de la demande de maladie professionnelle au CRRMP a été reçu par l’employeur le 13 avril 2023.
Dès lors, en fixant une date limite de consultation et d’enrichissement du dossier que jusqu’au 7 mai 2023, alors que la société [4] n’a reçu le courrier que le 13 avril 2023, la CPAM n’a matériellement donné de façon effective à la société [4] qu’un délai de 26 jours au lieu des 30 jours francs minimum requis aux termes des dispositions de l’article R.461-10 du code de la sécurité sociale.
Il ressort de ces éléments que le dossier a été transmis au CRRMP sans laisser à l’employeur le temps imparti par l’article R.461-10 précité pour formuler préalablement ses observations et enrichir le dossier.
Il importe peu que la clôture de l’instruction ait été fixée au 19 mai 2023, soit 40 jours après la réception de la notification des délais.
Dès lors, la CPAM a manifestement violé le principe du contradictoire.
En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres demandes et moyens, il y a lieu de déclarer inopposable à la société [4] la décision de la CPAM du 21 juillet 2023 de prise en charge de la maladie hors tableau de Madame [L] [C] du 3 décembre 2021 au titre de la législation professionnelle.
Sur les dépens
La CPAM, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE le recours formé par la société [4] recevable,
DIT que le principe du contradictoire durant la procédure d’instruction du dossier n’a pas été respecté,
DIT en conséquence que la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE en date du 21 juillet 2023 de prise en charge de la pathologie de [L] [C] du 3 décembre 2021au titre de la législation professionnelle est inopposable à la société [4],
INVITE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE à fournir toutes les instructions utiles à la CARSAT en vue de la rectification du taux de cotisations AT/MP de la société [4],
CONDAMNE la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de SEINE ET MARNE aux dépens de l’instance,
DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties conformément à l’article R.142-10-7 du Code de la Sécurité Sociale par le greffe du Pôle social du Tribunal de judiciaire de Lille.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du Pôle social du Tribunal judiciaire de Lille les jours, mois et an que dessus.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Christian TUY Fanny WACRENIER
Expédié aux parties le :
– 1 CE à Me TSOUDEROS
– 1 CCC à [4] et à la CPAM de Seine et Marne
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