Résolution d’un contrat de bail commercial : enjeux de preuve et de bonne foi des parties.

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Résolution d’un contrat de bail commercial : enjeux de preuve et de bonne foi des parties.

L’Essentiel : Le 28 juin 2019, la société MERKATUA, via la SAS BILTOKI, a signé un bail commercial avec la SAS TANGER MED pour un stand de 12 m², avec un loyer de 8% du chiffre d’affaires, minimum garanti de 17.400 euros par an. Le 29 juillet 2021, un commandement de payer a été délivré pour 23.143,76 euros, entraînant une assignation au tribunal. La SAS BILTOKI a demandé la résiliation du bail et l’expulsion de la SAS TANGER MED. Cependant, le tribunal a débouté la SAS BILTOKI, constatant que les paiements de la SAS TANGER MED étaient supérieurs aux montants dus.

Contexte du bail commercial

Le 28 juin 2019, la société MERKATUA, représentée par la SAS BILTOKI, a conclu un contrat de bail commercial avec la SAS TANGER MED pour la sous-location d’un stand de 12 m² dans les halles de [Localité 4]. Le loyer était fixé à 8% du chiffre d’affaires hors taxes, avec un minimum garanti de 17.400 euros par an.

Commandement de payer et assignation

Le 29 juillet 2021, la SAS BILTOKI a délivré un commandement de payer à la SAS TANGER MED pour un montant de 23.143,76 euros, invoquant la clause résolutoire. Par la suite, le 26 octobre 2021, la SAS BILTOKI a assigné la SAS TANGER MED devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et obtenir le paiement de l’arriéré locatif.

Demandes de la SAS BILTOKI

Dans ses conclusions du 28 novembre 2023, la SAS BILTOKI a demandé au tribunal de constater l’acquisition de la clause résolutoire, de prononcer la résiliation judiciaire du bail, et d’ordonner l’expulsion de la SAS TANGER MED. Elle a également sollicité le séquestre des biens présents dans les locaux et le paiement d’une indemnité d’occupation.

Arguments de la SAS BILTOKI

La SAS BILTOKI a soutenu que les arriérés de loyer étaient impayés depuis un mois après le commandement de payer, mettant en péril l’équilibre économique de la halle. Elle a également contesté les justifications de la SAS TANGER MED concernant la crise sanitaire et les problèmes de climatisation.

Demandes de la SAS TANGER MED

En réponse, la SAS TANGER MED a demandé au tribunal de débouter la SAS BILTOKI de ses demandes et a sollicité un état actualisé de la créance. Elle a également demandé la suspension des effets de la clause résolutoire, arguant qu’elle était à jour de ses paiements depuis décembre 2020 et qu’elle faisait face à des difficultés économiques.

Motivations du tribunal

Le tribunal a constaté que la SAS BILTOKI n’avait pas prouvé que les sommes réclamées étaient dues. Il a noté que la SAS TANGER MED avait effectué des paiements supérieurs au montant du loyer dû et que les charges n’avaient pas été justifiées. De plus, le tribunal a estimé que le manquement à la déclaration du chiffre d’affaires ne justifiait pas la résiliation du bail.

Décisions du tribunal

Le tribunal a débouté la SAS BILTOKI de toutes ses demandes, y compris celles relatives à l’acquisition de la clause résolutoire, à la résiliation judiciaire du bail, et au paiement des arriérés de loyers. Il a également débouté la SAS TANGER MED de ses demandes de remboursement de charges et a condamné la SAS BILTOKI aux dépens et à verser 1.500 euros à la SAS TANGER MED au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire selon l’article L145-41 du code de commerce ?

L’article L145-41 du code de commerce stipule que toute clause insérée dans un bail commercial, prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Ce commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. En l’espèce, la SAS BILTOKI a délivré un commandement de payer le 29 juillet 2021, visant la clause résolutoire pour un montant de 23.143,76 euros.

Il est établi que la SAS TANGER MED n’a pas acquitté cette somme dans le délai d’un mois suivant la délivrance du commandement. Cependant, la SAS BILTOKI doit prouver que les sommes réclamées étaient effectivement dues.

Or, le tribunal a constaté que la SAS BILTOKI n’a pas réussi à démontrer le montant exact des arriérés, ce qui a conduit à débouter sa demande d’acquisition de la clause résolutoire.

Quelles sont les obligations du preneur selon les articles 1728 et 1729 du code civil ?

Les articles 1728 et 1729 du code civil précisent les obligations du preneur. L’article 1728 énonce que le preneur est tenu de deux obligations principales :

1. D’user de la chose louée raisonnablement, suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
2. De payer le prix du bail aux termes convenus.

L’article 1729, quant à lui, permet au tribunal d’apprécier la gravité du manquement du preneur. En l’espèce, la SAS TANGER MED a été accusée de ne pas avoir déclaré son chiffre d’affaires, mais elle a régulièrement payé son loyer.

Le tribunal a donc considéré que ce manquement, bien qu’existant, n’était pas suffisamment grave pour justifier une résiliation du bail. Ainsi, la SAS BILTOKI a été déboutée de sa demande de résiliation judiciaire.

Comment se justifie la demande de paiement des arriérés de loyers et charges selon les articles 1103 et 1353 du code civil ?

L’article 1103 du code civil stipule que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1353 précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Dans cette affaire, la SAS BILTOKI a demandé le paiement des arriérés de loyers et charges, mais n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier le montant réclamé.

Le tribunal a noté que la SAS TANGER MED avait effectué des paiements supérieurs au montant dû, ce qui a conduit à la conclusion que la SAS BILTOKI n’a pas réussi à établir la créance certaine.

Ainsi, la demande de paiement des arriérés a été rejetée, car la SAS BILTOKI n’a pas prouvé le montant des sommes dues.

Quelles sont les conséquences de la défaillance de la SAS BILTOKI à prouver ses demandes ?

La défaillance de la SAS BILTOKI à prouver ses demandes a conduit à plusieurs conséquences juridiques. En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

Étant donné que la SAS BILTOKI a perdu l’instance, elle a été condamnée à payer les dépens. De plus, selon l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal a condamné la SAS BILTOKI à verser à la SAS TANGER MED une somme de 1.500 euros pour couvrir les frais irrépétibles.

Enfin, l’exécution provisoire du jugement a été maintenue, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, ce qui signifie que le jugement est exécutoire de plein droit, sauf décision contraire.

Ces éléments montrent l’importance de la preuve dans les litiges contractuels et les conséquences d’une défaillance dans ce domaine.

N° RG : N° RG 21/08574 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V5TH
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

30Z

N° RG : N° RG 21/08574 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V5TH

Minute n° 2024/00617

AFFAIRE :

S.A.S. BILTOKI

C/

S.A.S. TANGER MED

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL KPDB INTER-BARREAUX
la SELARL REINHART MARVILLE TORRE
la SELARL SELARL DUPHIL-PRUVOST AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 21 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats
Isabelle SANCHEZ Greffier, lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 19 Septembre 2024,
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement ar mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.S. BILTOKI prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Bertrand THOUNY de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG : N° RG 21/08574 – N° Portalis DBX6-W-B7F-V5TH

DEFENDERESSE :

S.A.S. TANGER MED prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Renaud PRUVOST de la SELARL SELARL DUPHIL-PRUVOST AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par contrat de bail commercial du 28 juin 2019, la société MERKATUA, aux droits de laquelle vient la SAS BILTOKI, locataire principal, a donné en sous-location à la SAS TANGER MED un local situé au sein des halles de [Localité 4] constitué d’un stand d’une surface d’environ 12m2, pour l’exploitation d’un commerce de traiteur oriental, moyennant versement d’un loyer variable égal à 8% du chiffre d’affaires hors taxes réalisé par le sous-locataire avec un loyer minimum garanti annuel de 17.400 euros hors taxes et hors charges.

La SAS BILTOKI a fait délivrer le 29 juillet 2021 à la SAS TANGER MED un commandement de payer, visant la clause résolutoire, portant sur la somme de 23.143,76 euros.

Par acte délivré le 26 octobre 2021, la SAS BILTOKI a fait assigner la SAS TANGER MED devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, et prononcer sa condamnation au paiement de l’arriéré locatif.

La clôture est intervenue le 03 juillet 2024 par ordonnance du juge de la mise en état du même jour.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, la SAS BILTOKI sollicite du tribunal de :

à titre principal, constater, à compter du 30 août 2021, l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail commercial conclu le 18 juin 2019, et la résolution du bail,à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire du bail,en tout état de cause :ordonner l’expulsion immédiate de la société TANGER MED et de tous occupants de son chef, ainsi que l’évacuation des meubles présents dans les lieux sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, au besoin avec le concours de la force publique,ordonner le séquestre de tous matériels, marchandises et objets se trouvant dans les locaux à l’endroit qu’il plaira à la société BILTOKI, aux frais avancés de la société TANGER MED,fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société TANGER MED à compter du 30 août 2020 à la somme journalière de 93,55 euros hors taxes outre les intérêts, droits et charges y afférentscondamner à titre provisionnel la société TANGER MED à lui payer la somme de 56.496,91 euros TTC au titre des arriérés de loyers et charges arrêtés au 28 novembre 2023, à parfaire au jour de l’audience, avec intérêts de droit à compter de l’assignation, somme incluant le dépôt de garantie,condamner la société TANGER MED à lui payer la somme de 6.779,63 euros à titre d’intérêts contractuels de retard, débouter la société TANGER MED de l’intégralité de ses demandes,condamner la société TANGER MED au paiement des dépens, en ce compris les frais des commandements à hauteur de 131,70 euros,condamner la société TANGER MED à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande principale tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, la SAS BILTOKI fait valoir, sur le fondement de l’article L145-41 du code de commerce et de l’article 20 du bail, que les causes du commandement de payer délivré le 29 juillet 2021 sont restées impayées un mois après sa délivrance.
Pour s’opposer à la demande de la SAS TANGER MED tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire, la SAS BILTOKI expose l’accumulation des arriérés depuis l’arrivée dans les lieux, que la locataire ne semble pas susceptible d’apurer. Elle ajoute que ces manquements mettent en péril l’équilibre économique de la halle, la société BILTOKI se trouvant progressivement dans l’impossibilité de payer son propre loyer, l’ensemble des commerçants risquant de perdre leurs stands en cas de résiliation du bail principal. Elle soutient que la SAS TANGER MED ne peut se prévaloir de la crise sanitaire, la demande n’étant pas fondée juridiquement, et les arriérés ayant été accumulés à une période distincte de celle au cours de laquelle des restrictions ont existé. Enfin, selon elle, les problèmes de climatisation, dont le preneur se prévaut, datent de l’été 2019, période de rodage des matériels de la halle ouverte au mois de décembre 2018.

A l’appui de sa demande subsidiaire tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du bail, la SAS BILTOKI soutient, au visa des articles 1217, 1227, 1728 et 1729 du code civil, que la société TANGER MED ne satisfait pas à son obligation principale en ne réglant pas les loyers et les charges du local, ni à son obligation déclarative de son chiffre d’affaires. Selon elle, le montant de la dette locative démontre à elle seule la gravité du manquement de la société preneuse, le loyer n’étant pas acquitté depuis l’entrée dans les lieux.

Au soutien des demandes accessoires à la résiliation du bail du fait de l’acquisition de la clause résolutoire ou prononcée par la juridiction, la société BILTOKI expose que la société TANGER MED est occupante sans droit ni titre, ce qui doit conduire à prononcer son expulsion sous astreinte, et à fixer une indemnité d’occupation, calculée en tenant compte du préjudice effectivement subi par le bailleur et correspondant à la valeur locative des locaux, l’article 20 du bail fixant cette indemnité d’occupation journalière à deux fois le montant du loyer journalier hors taxes, TVA en plus, soit la somme journalière de 93,55€.

Au soutien de sa demande en paiement de l’arriéré de loyer, charges et du dépôt de garantie, la SAS BILTOKI fait valoir, sur le fondement des articles 1103, 1728 et 1353 du code civil, qu’elle rapporte la preuve du montant de l’arriéré qui ne donne lieu à aucune contestation, la société TANGER MED ne démontrant pas avoir réalisé le paiement allégué de 1.740 euros.
Elle prétend qu’en violation des dispositions de l’article 9.1 du contrat de bail, le montant du dépôt de garantie, qui s’élève à 1.450 euros, n’a jamais été payé par la société preneuse, et que l’article 20 du bail prévoit par ailleurs que cette somme reste acquise au bailleur à titre de premiers dommages et intérêts, sans qu’elle ne puisse être considérée comme une clause pénale au caractère manifestement excessif compte tenu du montant de l’arriéré.
En réponse à la contestation des charges formée par la société TANGER MED, la société BILTOKI prétend que celle-ci n’apporte aucun fondement chiffré des charges qu’elle s’estimerait en droit de ne pas régler, alors que l’article 8.4 du bail lui impose le remboursement des charges communes et privatives. Elle soutient que la société TANGER MED dispose du détail des charges poste par poste des régularisations réalisées trimestriellement.
Concernant les frais d’installation contestés par le preneur pour un montant de 9.915,67 euros, la société BILTOKI fait valoir qu’ils sont sans rapport avec le montant du loyer, s’agissant de frais refacturés qui ont constitué une aide lors de l’installation de la société TANGER MED pour l’aménagement du stand afin de permettre une installation plus rapide, l’article 10.2.1 du contrat de sous location prévoyant que ces travaux d’aménagement du stand seraient à la charge du preneur.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 6.779,63 euros, la société BILTOKI fait valoir que l’article 8.6 du bail prévoit une majoration de 12% en cas de recouvrement poursuivi par un huissier de justice.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2023, la SAS TANGER MED demande au tribunal :

à titre principal, de débouter la société BILTOKI de l’ensemble de ses demandes,à titre subsidiaire de :condamner la société BILTOKI à produire, le cas échéant, un état actualisé de sa créance expurgée des charges non justifiées et des frais de travaux d’installation indus,suspendre les effets de la clause résolutoire en lui accordant un délai de grâce de deux ans de report des sommes dues,modérer la clause pénale manifestement excessive stipulée à l’article 8.6 du bail et la fixer à 1 euro,en toute hypothèse de :condamner la société BILTOKI à lui rembourser l’ensemble des charges locatives non régulièrement justifiées,condamner la société BILTOKI au paiement des dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,écarter l’exécution provisoire du jugement en cas de condamnation. Pour contester la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire et celle de paiement au titre des loyers et charges formée par le bailleur, la SAS TANGER MED expose, au visa des articles 9 du code de procédure civil et 1353 du code civil, que la société BILTOKI est défaillante à rapporter la preuve des sommes réclamées. Ainsi, pour les loyers, elle expose que les différents paiements effectués n’ont pas été imputés sur le décompte. De même, concernant les charges, elle prétend que la société BILTOKI est défaillante à produire l’état des comptes, le relevé produit n’étant pas accompagné de justificatifs et ne libérant donc pas le bailleur de son obligation de justifier des charges qu’il entend refacturer. Elle soutient notamment l’existence d’une double facturation de l’assurance, du montant élevé du poste relatif au traitement des déchets, d’une facturation de prestations de communication et d’animations qui ne sont pas mentionnées dans le contrat de bail, et d’une facturation de son site internet. Elle ajoute que la clé de répartition des charges varie selon les charges. Elle réclame donc le remboursement par compensation avec sa dette locative de l’ensemble des provisions sur charge versées depuis son entrée dans le local. S’agissant de la somme de 9.915,67 euros réclamée par le bailleur au titre des travaux, elle conteste devoir cette somme au motif que l’art 10.2 du bail prévoit que le sous-locataire s’engage à effectuer les travaux d’aménagement des locaux, et il n’a jamais été convenu que la société BILTOKI réalise des prestations à ce titre et les mette ensuite à sa charge.

En réponse à la demande au titre des pénalités de retard, la SAS TANGER MED fait valoir, au visa de l’article 1231-5 code civil, que les dispositions de l’article 8.6 du contrat de bail visent à évaluer forfaitairement et par avance des dommages et intérêts en cas d’inexécution de ses obligations par le sous-locataire, ce qui constitue donc une clause pénale. Or, elle soutient être à jour de ses loyers depuis le mois de décembre 2020, ce qui doit conduire à retenir que la pénalité de 12% est excessive.

Au soutien de sa demande subsidiaire tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire, la SAS TANGER MED fait valoir, sur le fondement des articles L145-41 alinéa 2 code de commerce et 1343-5 code civil, en premier lieu être un débiteur de bonne foi, qu’elle s’efforce de régler les sommes dues, et est à jour du paiement depuis décembre 2020. Elle expose en second lieu être un débiteur malheureux en ce qu’elle rencontre des difficultés indépendantes de sa volonté, notamment le dysfonctionnement du système de climatisation ayant entraîné une perte significative de chiffre d’affaires lors de l’été 2019, lequel n’a été réparé que plusieurs mois plus tard, et ce de manière imparfaite dès lors que des dysfonctionnements persistent. Elle expose également avoir subi les restrictions liées au mesures prises pour lutter contre l’épidémie de COVID.

A titre infiniment subsidiaire, pour s’opposer à la demande subsidiaire du bailleur de résiliation du bail, la SAS TANGER MED soutient, au visa de l’article 1729 du code civil lequel offre au tribunal un pouvoir d’appréciation de la gravité du manquement, qu’elle est un débiteur de bonne foi qui s’efforce de satisfaire régulièrement à ses obligations, en réglant son loyer depuis décembre 2020, et qui supporte des difficultés économiques liés aux deux épisodes indépendants de sa volonté, le dysfonctionnement du système de climatisation et l’épidémie de covid, ce qui ne permet pas de caractériser l’existence d’un manquement grave justifiant la résiliation du bail.

Si le tribunal faisait droit aux demandes formées à son encontre, la société TANGER MED demande de voir écarter l’exécution provisoire, incompatible avec la nature de l’affaire.

MOTIVATION

Sur la demande tendant à la résiliation du bail

En vertu de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire

En vertu de l’article L145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En l’espèce, la SAS BILTOKI a fait délivrer le 29 juillet 2021 un commandement de payer la somme de 23.143,76 euros correspondant au montant des loyers et charges pour la période comprise entre le mois de février 2019 et le mois de juillet 2021. Il est joint à ce commandement de payer les factures établies reprenant pour chaque mois le montant du loyer minimal garanti à hauteur de 1.450 euros, outre des provisions sur charges pour un montant de 675 euros. Il n’est pas contesté que la SAS TANGER MED ne s’est pas acquittée du paiement de ces sommes dans le délai d’un mois suivant la délivrance du commandement.

Toutefois, la SAS BILTOKI, qui supporte la charge de la preuve du bienfondé de sa demande, est défaillante à démontrer que les sommes ainsi réclamées étaient effectivement dues par la SAS TANGER MED.

Ainsi, concernant le montant du loyer principal, celui-ci s’élève à la somme annuelle de 17.400 euros hors taxes et hors charges, soit la somme mensuelle de 1.450 euros.
Dès lors, pour la période concernée par le commandement de payer à savoir la période de 27 mois comprise au regard des décomptes produits entre le mois de mai 2019 et le mois d’août 2021, la somme totale de 39.150 euros.
Or, d’une part le tribunal ne peut que constater qu’il est réclamé l’exécution du paiement du loyer depuis le mois de mai 2019, alors que le contrat a été conclu au mois de juin 2019 et que sa date de prise d’effet exacte n’y est pas mentionnée.
En outre, et en tout état de cause, il résulte du décompte produit par la SAS BILTOKI que pour la période comprise entre le 10 mai 2019 et le 09 juillet 2021 le montant total des paiements effectués par la SAS TANGER MED (hors régularisation de charges) a été de 49.162,04 euros. En effet, si les prélèvements effectués étaient systématiquement rejetés, il sera en revanche constaté la réalisation de paiements par virements de montants variables durant cette période.
Il en résulte donc, au regard du montant payé supérieur au montant dû, que la SAS TANGER MED s’est bien acquittée du montant du loyer de base.

S’agissant des charges prétendument impayées, la SAS BILTOKI produit les factures adressées à la SAS TANGER comprenant le montant de la provision sur charges à hauteur de 675 euros par mois. Elle produit également des factures de régularisation des charges locatives. Toutefois, si l’article 8 du contrat de bail stipule que le preneur est tenu de payer une quote-part des charges avec une actualisation des comptes à chaque fin de trimestre, il convient de constater que le bailleur se contente de produire lesdites factures, sans y adjoindre de justificatif de la réalité des dépenses supportées, ni expliciter la clé de répartition des charges entre les divers commerçants exploitants au sein de la halle de [Localité 4], alors que chacun n’exploite qu’une surface limitée. Dès lors, s’il est constant que la SAS TANGER MED est contractuellement redevable du paiement des charges, le tribunal ne peut que constater la défaillance de la SAS BILTOKI à démontrer le montant effectivement dû par la sous-locataire, et que cette carence ne peut fonder une demande d’acquisition de la clause résolutoire, laquelle impose de démontrer l’existence d’une créance certaine.

S’agissant des frais d’installation, la société BILTOKI produit au soutien de sa demande en paiement une facture du 8 février 2019 d’un montant de 9.915,67 euros portant sur l’installation d’une enseigne, de lampes, luminaires, d’un mur faïence et de l’électricité du stand. Cependant, l’article 10.2.1 du contrat de bail stipule que le sous-locataire procédera à l’aménagement des locaux loués en conformité avec le cahier des charges techniques. Il ne prévoit donc pas la facturation de travaux réalisés par le locataire principal. Or, la société BILTOKI ne démontre pas que ces travaux facturés auraient été effectués à la demande de la SAS TANGER MED ou pour son compte. Dès lors, à supposer que des frais ont été effectivement supportés par le locataire principal pour le compte du sous-locataire, il lui appartenait de prévoir dans le contrat de sous-location de manière expresse la prise en charge par le sous-locataire, ce qui n’est pas le cas, étant au surplus relevé que le locataire a été contractuellement tenu au paiement d’un droit d’entrée d’un montant de 60.000 euros TTC. En outre, cette facture a été établie au mois de février 2019, date à laquelle le contrat n’était pas encore en cours, laissant subsister un doute sur la réalisation des travaux par le locataire à la demande du sous-locataire.

Enfin, concernant le montant du dépôt de garantie, il n’est pas contesté par le preneur qu’il était contractuellement prévu par l’article 9.1 du bail, et que le contrat de bail prévoit en son article 20 qu’il restera acquis à la société BILTOKI en cas de mise en œuvre de la clause résolutoire. Toutefois, il résulte du décompte réalisé précédemment que la SAS TANGER MED s’est acquittée entre le 10 mai 2019 et le 09 juillet 2021 d’une somme totale de 49.162,04 euros alors que le montant du loyer dû hors charges sur cette période était de 42.050 euros. Aucun élément ne permet donc de démontrer que le solde du paiement réalisé n’aurait pas été affecté par la SAS BILTOKI au règlement du montant du dépôt de garantie.

Par conséquent, au regard de ces éléments, faute pour la SAS BILTOKI de justifier de manière effective du montant réclamé dans le commandement de payer délivré le 29 juillet 2021, il convient de la débouter de sa demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail

En vertu de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : […] /- provoquer la résolution du contrat ;/ […]
L’article 1227 du code civil dispose que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Selon l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales : / 1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ; / 2° De payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, la SAS TANGER MED satisfait à son obligation de payer le loyer principal, dès lors qu’il résulte du décompte produit par la SAS BILTOKI que depuis le mois de mars 2019 elle s’est acquittée du paiement de la somme totale (hors régularisation de charges) de 103.708,19 euros, alors que le loyer garanti dû était pour la totalité de la période de 54 mois (de mai 2019 à novembre 2023) d’un montant de 78.300 euros (1.450 euros par mois).

Comme retenu précédemment, la SAS BILTOKI ne démontrant pas le montant des charges effectivement dues, par la production des justificatifs des dépenses et de la clé de répartition appliquée entre les différents preneurs au sein de la halle, par la société TANGER-MED, sous locataire, il ne peut être caractérisé de manquement grave de la part de cette dernière dans le fait de ne pas s’être acquittée du paiement intégral des charges.

De même, comme statué précédemment, aucun manquement ne peut être retenu au titre du dépôt de garantie, en l’absence d’imputation précise des sommes effectivement réglées par la SAS TANGER MED, ni au titre des frais d’installation dont il n’est pas démontré qu’ils étaient contractuellement à la charge du sous-locataire, ou qu’un engagement de paiement avait été effectivement souscrit par celui-ci.

Enfin, s’il n’est pas contesté par la SAS TANGER-MED que celle-ci méconnaît son obligation de déclarer son chiffre d’affaires au bailleur, il convient de souligner que celle-ci s’acquitte régulièrement de son loyer, de sorte que ce seul manquement ne peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier une résiliation du bail.

Par conséquent au regard de l’ensemble de ces éléments, faute pour le locataire principal de justifier du montant des sommes dues par le sous-locataire, il convient de débouter la SAS BILTOKI de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du bail, et des demandes accessoires relatives à l’expulsion et à la clause pénale.

Pour les mêmes raisons, la SAS BILTOKI sera déboutée de sa demande en paiement des sommes relatives à l’arriéré de loyers et de charges arrêté au 28 novembre 2023, dont le montant n’est pas établi par les pièces produites.

Sur la demande reconventionnelle relative au remboursement des charges locatives

En vertu de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. / Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’ordonner la communication d’un nouveau décompte par la SAS BILTOKI. En effet celle-ci a eu la possibilité, depuis la précédente procédure engagée devant le juge des référés qui lui avait opposer l’existence d’une contestation sérieuse à la suite de la délivrance d’un premier commandement de payer compte tenu notamment des difficultés relatives au calcul des loyers et des charges, de transmettre des décomptes et des justificatifs précis relatifs aux charges

Par ailleurs, le tribunal constate que la demande formulée par la SAS TANGER-MED aux fins de remboursement de l’ensemble des charges locatives non justifiées n’est ni déterminée faute d’être chiffrée, ni déterminable dès lors qu’elle se contente d’allégations générales. Ainsi, il sera relevé qu’elle n’établit pas, alors qu’elle a réalisé des paiements réguliers, à tout le moins de décompte précis de la nature des charges et des sommes qu’elle pense devoir et de celles qu’elle estime ne pas être justifiées. En effet, si la SAS TANGER-MED soutient avoir réglé des charges au-delà du montant qu’elle aurait dû devoir, il lui appartient d’en faire le décompte et de préciser les sommes indues, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Par conséquent, au regard de ces éléments, il convient de débouter la SAS TANGER-MED de ses prétentions au titre du remboursement des charges.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Les conditions dans lesquelles il peut être mis à la charge d’une partie qui bénéficie de l’aide juridictionnelle tout ou partie des dépens de l’instance sont fixées par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.

En l’espèce, la SAS BILTOKI, demanderesse, et perdant la présente instance, il convient de la condamner au paiement des dépens.

Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : / 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;[…] /Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent. / […]

En l’espèce, la SAS BILTOKI, tenue au paiement des dépens, sera condamnée à payer à la SAS TANGER-MED la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles dont elle supporte la charge.

Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire du jugement est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute la SAS BILTOKI de sa demande tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire ;

Déboute la SAS BILTOKI de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du bail ;

Déboute la SAS BILTOKI de sa demande en paiement des arriérés de loyers et charges ;

Déboute la SAS TANGER-MED de ses demandes relatives au remboursement des charges ;

Condamne la SAS BILTOKI au paiement des dépens ;

Condamne la SAS BILTOKI à payer à la SAS TANGER-MED la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS BILTOKI de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement assorti de l’exécution provisoire de droit ;

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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