L’Essentiel : Le juge des référés a été saisi concernant un litige entre les auteurs de la série « Les Minijusticiers » et la société Futurikon, suite à une résiliation de contrat pour inexécution de la clause de reddition de comptes. Mediatoon Distribution, en tant que distributeur, a demandé le placement sous séquestre des redevances d’exploitation. Le tribunal a ordonné aux parties de rencontrer un médiateur pour tenter de résoudre le conflit. En raison de contestations sérieuses sur les obligations contractuelles, le juge a rejeté les demandes de provision des auteurs et de Futurikon, tout en ordonnant le séquestre des sommes dues.
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Le juge des référés peut constater la résolution de la convention des parties par le jeu d’une clause claire et précise qui ne soulève aucune contestation sérieuse mais le juge du fond est seul compétent si la constatation de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations se heurte à une contestation sérieuse.
En l’espèce, l’inexécution de la clause de reddition de comptes à l’origine de la mise en jeu de la clause résolutoire du contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle est contestée par la société Futurikon, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé sur la constatation de celle-ci. L’alinéa 2 de l’article 835 du code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Il est constamment jugé que le distributeur est tenu, comme le producteur, au paiement de la rémunération forfaitaire des auteurs, qui bénéficient contre lui d’une action directe. Pour autant cette action est limitée à leur créance sur le producteur qui n’est pas connue et est l’objet d’un litige avec ce dernier qui soutient que l’avance versée à la signature du contrat couvre la totalité des droits d’auteurs à ce jour. En toute hypothèse, les auteurs n’ont pas vocation à percevoir l’ensemble des recettes d’exploitation de la série animée adaptée de leur œuvre. En la cause, les auteurs de la série Les Minijusticiers ont cédé les droits d’adaptation audiovisuelle à la société Futurikon, qui a ensuite confié la distribution à la société Mediatoon distribution. Suite à des différends et à une résiliation du contrat par les auteurs, Mediatoon distribution a demandé en référé le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la série. La société Futurikon a contesté cette demande, affirmant que les sommes lui étaient dues et que la résiliation du contrat relevait du juge du fond. Les auteurs ont également demandé la résiliation du contrat avec Futurikon et le paiement des redevances qui leur sont dues. Le juge des référés a ordonné aux parties de rencontrer un médiateur pour tenter de trouver une solution négociée. REPUBLIQUE FRANÇAISE 7 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris RG n° 24/54169 TRIBUNAL
JUDICIAIRE DE PARIS ■ N° RG 24/54169 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5AWR N° : 5/MC Assignation du : [1] [1] 3 Copies exécutoires ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ par Irène BENAC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Marion COBOS, Greffier. S.A. MEDIATOON DISTRIBUTION représentée par Maître Hervé LEHMAN de la SCP AVENS, avocat au barreau de PARIS – #P0286 DEFENDEURS S.A. FUTURIKON représentée par Maître Pierre GIOUX de la SELARL LEXMEDIA, avocat au barreau de PARIS – #J0140 Madame [F] [B] représentée par Maître Delphine KERBOUCHE, avocat postulant au barreau de PARIS – D1390 et par Maître Oriane PICARD de L’AARPI WILLOW AVOCATS, avocat plaidant au barreau de Paris – D1985 Monsieur [M] [Y] dit [X] représentée par Maître Delphine KERBOUCHE, avocat postulant au barreau de PARIS – D1390 et par Maître Oriane PICARD de L’AARPI WILLOW AVOCATS, avocat plaidant au barreau de Paris – D1985 DÉBATS A l’audience du 26 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Présidente, assistée de Marion COBOS, Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties comparantes, EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] et M. [Y] (ci-après les auteurs) sont les co-auteurs de livres pour enfant intitulés Les Minijusticiers et ils en ont cédé les droits d’adaptation audiovisuelle à la société Futurikon par contrat du 20 décembre 2006, amendé par avenants des 7 novembre 2012 (pour une saison 2) et du 23 mai 2016 (pour une saison 3). A l’appui de sa demande, elle fait valoir qu’elle se trouve au centre d’un conflit qu’elle ne peut trancher, que son offre du 17 mai 2024 de séquestre conventionnel a été refusée et que la menace explicite de résiliation de son contrat par la société Futurikon constitue une urgence et un dommage imminent justifiant le référé. Elle soutient que :- sa créance sur la société Mediatoon distribution est certaine, liquide et exigible et, en refusant de payer la facture de n°2404023 du 22 avril 2024 d’un montant de 73.544,45 euros, celle-ci a manqué à ses obligations contractuelles; Par conclusions signifiées le 25 juin 2024 et soutenues oralement à l’audience, Mme [B] et M. [Y] demandent au juge des référés de :À titre principal : Ils soutiennent que :- vu la résiliation de plein droit du contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle du 20 décembre 2006 et ses avenants au 2 janvier 2023, il n’existe aucun litige quant à la propriété des redevances de distribution relatives à la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers arrêtées au 31 décembre 2023 et à venir qui justifierait un placement sous séquestre ; L’audience a eu lieu le 26 juin 2024. Au regard de l’intérêt des parties à déboucher rapidement sur une solution librement négociée et confidentielle, le juge des référés leur a enjoint de rencontrer un médiateur aux fins d’information sur l’objet et le déroulement d’une médiation avant le 26 juillet 2024. MOTIVATION
1 . Sur le placement sous séquestre L’article 1961, 2°, du code civil prévoit que le juge peut ordonner le séquestre d’une chose mobilière “dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes.” Le rejet de son offre de consignation du 17 mai 2024 et la menace explicite de résiliation de son contrat par la société Futurikon caractérisent une urgence et un dommage imminent justifiant le référé. Considérant que, quoiqu’elle la conteste, la société Futurikon n’a pas saisi la justice d’une action contre la résiliation de plein droit mise en jeu par les auteurs de sorte que les restitutions qui en découlent ne sont pas déterminées. Il y a donc lieu faire droit à la demande et d’ordonner le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers, en exécution de son obligation de paiement au titre du contrat du 25 septembre 2015 la liant à la société Futurikon et de dire que le versement sur ce séquestre est libératoire de son obligation de paiement à l’égard de la société Futurikon. Le juge des référés peut constater la résolution de la convention des parties par le jeu d’une clause claire et précise qui ne soulève aucune contestation sérieuse mais le juge du fond est seul compétent si la constatation de l’inexécution par l’une des parties de ses obligations se heurte à une contestation sérieuse. La demande de Mme [B] et M. [Y] de versement d’une provision correspondant à la totalité des recettes de distribution de la saison 3 de la série Les Minijusticiers se heurte à une contestation sérieuse et est rejetée, de même que celle tendant à la condamnation de la société Futurikon de leur communiquer tous les contrats qu’elle a conclus avec les ayants-droits de la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers . Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [B] et M. [Y] ont fait jouer la clause résolutoire prévue au contrat du 20 décembre 2006 à effet du 2 janvier 2023. Les défendeurs succombent mais les dépens de l’instance seront entièrement mis à la charge de la société Futurikon au regard de sa contestation passive de la résiliation de son contrat intervenue depuis plus de 18 mois et à l’origine du présent litige. PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort , Désignons en qualité de séquestre Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du barreau de Paris à l’effet de recevoir les sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série Les Minijusticiers par la société Mediatoon distribution en exécution de son obligation de paiement au titre du contrat du 25 septembre 2015 et ses avenants la liant à la société Futurikon, à compter de celles objet de la facture n°2404023 du 22 avril 2024 et les redevances ultérieures, jusqu’à décision judiciaire ou accord des parties sur leur sort ; Rejetons la demande de provision de la société Futurikon ; Disons n’y avoir lieu à référé sur la constatation de la mise en jeu de la clause résolutoire du contrat du 20 décembre 2006 entre Mme [B] et M. [Y] et la société Futurikon ; Rejetons la demande de provision de Mme [B] et M. [Y] et leur demande de condamnation de la société Futurikon à leur communiquer tous les contrats qu’elle a conclus avec les ayants-droits de la saison 3 de la série audiovisuelle d’animation Les Minijusticiers ; Condamnons la société Futurikon aux dépens de l’instance ; Rejetons les demandes de la société Futurikon et de Mme [B] et M. [Y] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 07 août 2024 Le Greffier, Le Président, Marion COBOS Irène BENAC |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le rôle du juge des référés dans cette affaire ?Le juge des référés a pour rôle principal de statuer rapidement sur des demandes urgentes lorsque l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans cette affaire, il a été saisi pour constater la résolution d’un contrat et pour ordonner le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la série « Les Minijusticiers ». Il peut également accorder des provisions au créancier lorsque l’obligation est claire. Cependant, si la constatation de l’inexécution d’une obligation est contestée, comme c’est le cas ici avec la société Futurikon, le juge des référés ne peut pas se prononcer sur cette question et doit laisser le soin au juge du fond de trancher le litige. Quelles sont les principales contestations soulevées par les parties ?Les principales contestations dans cette affaire concernent la résiliation du contrat de cession de droits d’adaptation audiovisuelle entre les auteurs et la société Futurikon. Les auteurs, Mme [B] et M. [Y], soutiennent avoir résilié le contrat pour inexécution de l’obligation de reddition de comptes, tandis que Futurikon conteste cette résiliation, affirmant que les conditions pour la mettre en œuvre ne sont pas réunies. De plus, la société Mediatoon distribution, qui est au centre du conflit, a demandé le placement sous séquestre des sommes dues, arguant qu’elle ne peut pas déterminer les montants à verser aux auteurs en raison de l’incertitude sur les droits d’exploitation. Futurikon, de son côté, affirme que la résiliation du contrat ne lui est pas opposable et que les sommes dues relèvent uniquement de son contrat avec Mediatoon. Quel a été le jugement rendu par le juge des référés ?Le juge des référés a ordonné le placement sous séquestre des sommes dues au titre des redevances d’exploitation de la saison 3 de la série « Les Minijusticiers ». Il a considéré qu’il existait une incertitude sur la propriété des fonds en raison des contestations entre les parties, justifiant ainsi le séquestre. En revanche, il a rejeté les demandes de provision formulées par la société Futurikon ainsi que celles des auteurs, Mme [B] et M. [Y]. Le juge a également décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé sur la constatation de la mise en jeu de la clause résolutoire, laissant cette question au juge du fond. Quelles sont les implications de la décision du juge des référés pour les parties impliquées ?La décision du juge des référés a des implications significatives pour toutes les parties. Pour Mediatoon distribution, le placement sous séquestre des sommes dues lui permet de se protéger contre d’éventuelles réclamations contradictoires des auteurs et de Futurikon, en garantissant que les fonds seront disponibles pour régler le litige une fois qu’il sera tranché. Pour Futurikon, le rejet de sa demande de provision signifie qu’elle ne pourra pas récupérer immédiatement les sommes qu’elle estime lui être dues, ce qui pourrait affecter sa trésorerie. Enfin, pour les auteurs, le rejet de leur demande de communication des contrats et de provision indique qu’ils devront attendre une décision du juge du fond pour obtenir des clarifications sur leurs droits et les montants qui leur sont dus. |
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