L’Essentiel : La résiliation d’une licence de brevet peut entraîner des conséquences juridiques significatives, notamment en matière de contrefaçon. Dans une affaire récente, un licencié a été condamné pour avoir violé les termes de son contrat en vendant des produits brevetés à une clientèle réservée au concédant. De plus, il a continué à commercialiser ces produits après l’expiration de la licence. Le tribunal a ordonné le paiement de 100.000 euros pour la marge manquée et 140.000 euros pour les bénéfices réalisés par le licencié, soulignant l’importance de respecter les obligations contractuelles en matière de propriété intellectuelle.
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Le propriétaire d’un brevet a obtenu la condamnation de l’un de ses licenciés pour violation du contrat de licence. Ledit licencié n’avait pas respecté ses obligations, en vendant les produits brevetés à la clientèle que le concédant s’était réservé. Le licencié avait également offert à la vente des produits brevetés postérieurement à l’expiration du contrat de licence (100.000 euros au titre de sa marge manquée, intérêts compris, et à 140.000 euros au bénéfice des bénéfices réalisés par le licencié). RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 1 ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2019 Numéro d’inscription au répertoire général : 13/16435 Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/04087 APPELANTS Monsieur E-F X Né le […] à […] Marié Gérant de société […] […] Représenté par Me C D de la SELARL RAMBAUD-LE-GOATER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1229 Assisté de Me Etienne AVRIL de la SELARL BOST AVRIL, avocat au barreau de LYON, toque 33 SARL SEB DIFFUSION Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT ETIENNE sous le numéro 502 622 517 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] […] Représentée par Me C D de la SELARL RAMBAUD-LE-GOATER, avocat au barreau de PARIS, toque : E1229 Assistée de Me Etienne AVRIL de la SELARL BOST AVRIL, avocat au barreau de LYON, toque 33 INTIMÉE SARL FIPROFIL Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT ETIENNE sous le numéro 393 806 666 Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège […] […] Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 Assistée de Me Franck SAUNIER-PLUMAZ de la société d’avocat NS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque 1142 COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 18 Septembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur David PEYRON, Président de chambre Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère François THOMAS, Conseiller qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON ARRÊT : *** EXPOSÉ DES FAITS Monsieur E-F X est propriétaire d’un brevet déposé le 9 novembre 2005, portant sur ‘un dispositif pour faciliter le coffrage rapide et le montage de murs, dalles, planchers et similaires’ enregistré sous le n° 05 53389 et publié sous le n° FR 2 893 058 (ci-après brevet 389), délivré le 15 février 2008. Il a également déposé le 28 novembre 2007 une demande de brevet perfectionnant le premier brevet, sous le n°’07’59362 et publié le 29 mai 2009 sous le n° FR 2 924 142 (ci-après brevet 362), délivré le 28 septembre 2012. Par contrat du 30 juillet 2007, il a donné à la société ‘Les établissements CHAPAL’ une licence d’exploitation du brevet 389 pour la fabrication des armatures de coffrage dans leur ensemble et des pièces détachées de remplacement, et pour la distribution exclusive des armatures de coffrage auprès des centrales d’achat des magasins spécialisés dans la vente des produits et d’articles du bâtiment, à l’exclusion des ventes directes aux maçons et usagers professionnels en général, dont monsieur X se réservait la clientèle. Monsieur X a estimé que ladite société n’avait pas respecté ses obligations de licencié, en vendant les produits brevetés à la clientèle qu’il s’était réservé, notamment par l’intermédiaire des sociétés SYSTEM PLUM SAS et SARL SYSTEM PLUM, devenue FIPROFIL, et a dénoncé le 3 juillet 2008, le contrat de licence. La société à responsabilité limitée FIPROFIL a notamment pour activité ‘la fabrication et la vente de cornières perforées, de crémaillères et de leurs accessoires, et plus généralement de tous ensembles de stockage, de rangement et de manutention ; la fabrication et la vente de toute pièce d’emboutissage, de découpage et d’ensemble de tôlerie’. En février 2008, monsieur X a créé la société à responsabilité limitée SEB DIFFUSION, dont il est le gérant et qui a pour activité ‘la distribution de produits et matériaux pour le bâtiment et les travaux publics’. Le 29 juillet 2008, monsieur X a conclu deux accords avec la société FIPROFIL : — le premier confiant à cette société la fabrication et la commercialisation auprès des revendeurs et négociants en matériaux de construction des produits sabots et entretoise de la marque X, – le second prévoyant que cet accord serait caduc si un contrat de licence d’exploitation du dit brevet n’était pas signé avant deux mois. Aucun contrat de licence n’a finalement été signé. Estimant que la société FIPROFIL commercialisait des produits qui constituaient une contrefaçon des brevets en cause, monsieur X l’a mise en demeure de cesser ses agissements par lettre du 16 janvier 2009. Monsieur X a consenti le 19 mai 2010 à la société SEB DIFFUSION une licence exclusive ‘de fabrication et de commercialisation des dispositifs et armatures de coffrage dans leur ensemble et des pièces détachées de remplacement, à savoir les entretoises tels que définis dans les brevets’ (n°389 et 362). A la suite de la mise en demeure du 16 janvier 2009 qui serait restée infructueuse, monsieur X et la société SEB DIFFUSION ont fait procéder, le 5 août 2010, à un procès-verbal de constat portant sur le contenu d’un colis adressé par la société FIPROFIL et la société System PLUM SAS à une société néerlandaise ANDELA, laquelle l’a remis à monsieur X sans l’ouvrir. Le 25 janvier 2011, monsieur X et la société SEB DIFFUSION ont fait réaliser une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société FIPROFIL. Par acte du 11 février 2011, ils ont assigné la société FIPROFIL devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet n°389 et, « le cas échéant », du brevet n°362, ainsi qu’en concurrence déloyale, afin d’obtenir, outre des mesures d’interdiction, de destruction et de publication, la désignation d’un expert pour déterminer leur préjudice et la condamnation de la défenderesse aux dépens, ainsi qu’à lui verser une indemnité provisionnelle. Par jugement du 31 mai 2013, le tribunal de grande instance de Paris a : en conséquence, La société SEB DIFFUSION et monsieur X ont fait appel de ce jugement, par déclaration du 6 août 2013. Par arrêt du 23 février 2016, la cour d’appel de Paris a : Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de la société Fiprofil et condamné cette société à payer la somme de 4 000 € à M. X et la société Seb diffusion, La société FIPROFIL a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt. Par arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation a : réparant l’erreur matérielle affectant l’arrêt attaqué, L’expert désigné, monsieur A Z, a rendu son rapport d’expertise le 31 juillet 2018. Par conclusions du 19 juin 2019, monsieur X et la SARL SEB DIFFUSION demandent à la cour de : S’il s’agit d’une erreur dans le dispositif, la réparer en précisant la somme de 20.000 €. Par conclusions du 1er juillet 2019, la société FIPROFIL demande à la cour de : L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2019. MOTIVATION Sur les demandes en rectification d’erreurs matérielles La Cour de cassation a notamment, dans son arrêt du 28 novembre 2018 Ladite rectification ayant été ordonnée par la Cour de cassation, il n’y a pas lieu de la rappeler dans le dispositif du présent arrêt. La Cour de cassation a précisé dans son arrêt, à propos d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de l’arrêt attaqué sur le montant des dommages et intérêts mis à la charge de la société FIPROFIL au titre de la concurrence déloyale (20.000 € dans les motifs et 30.000 € dans le dispositif), qu’il s’agissait d’une erreur matérielle pouvant être réparée selon la procédure de l’article 462 du code de procédure civile. Elle ne s’est donc pas prononcée sur ce point. Sur cette rectification matérielle quant au montant de dommages et intérêts alloués à la société SEB DIFFUSION pour concurrence déloyale, les appelants -soit monsieur X et la société SEB DIFFUSION- avancent que, dans la mesure où la juridiction est toujours saisie de cette affaire pour la fixation du préjudice résultant de la contrefaçon du brevet de monsieur X, elle peut, dans le cadre de sa décision, corriger le montant de 20.000 euros de dommages et intérêts alloués à la société SEB DIFFUSION pour concurrence déloyale par le montant de 30.000 euros figurant dans le dispositif. La société FIPROFIL rappelle que l’arrêt du 23 février 2016 prévoit dans sa motivation que l’indemnisation de la société SEB DIFFUSION au titre de la concurrence déloyale s’élève à un montant de 20.000 €, mais que le dispositif de cette décision mentionne une somme de 30.000 €. Elle soutient que les motifs doivent prévaloir sur le dispositif, notamment car la cour, dans son analyse de la concurrence déloyale, a estimé à deux reprises le préjudice à 20.000 €. Sur ce Dans la motivation de son arrêt du 23 février 2016 consacrée à la concurrence déloyale, la cour a, au vu du comportement parasitaire subi par la société SEB DIFFUSION et de son préjudice moral subi du fait du dénigrement, indiqué ‘ que la cour estime au total son préjudice à un montant de 20 000 euros sans qu’il soit besoin d’une mesure d’expertise. Qu’il convient donc, infirmant le jugement de ce chef, de condamner la société Fiprofil à payer à la société Seb Diffusion une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ;’ Il en ressort qu’en indiquant à deux endroits, dans deux phrases qui se suivent, que le préjudice devait être fixé à 20 000 euros, dans le cadre d’une infirmation du jugement de première instance sur ce point, c’est à ce montant que la cour a entendu fixer le montant dû par la société Fiprofil. Ainsi, il convient d’ordonner la rectification du dispositif de l’arrêt du 23 février 2016 en ce qu’il y a lieu de lire ‘Condamne la société Fiprofil à payer à la société Seb Diffusion la somme de 20.000 € au titre de la concurrence déloyale’ au lieu de ‘ Condamne la société Fiprofil à payer à la société SEB Diffusion la somme de 30.000 € au titre de la concurrence déloyale’. Sur la réparation des préjudices Sur la réparation du préjudice de la société Seb Diffusion Monsieur X et la société SEB DIFFUSION soutiennent que le fait que l’objet proprement contrefaisant soit vendu à part comme un élément ou une pièce détachée n’exclut pas le ‘tout commercial’, et que l’appréciation du préjudice doit se faire au vu des circonstances. Ils ajoutent que le demandeur à l’action en contrefaçon, même s’il n’exploite pas, est privé de la redevance qu’il aurait pu percevoir en échange de l’autorisation d’exploiter. Ils sollicitent l’homologation du rapport de monsieur Z et soutiennent que le brevet 389 a été parfaitement exploité, sa commercialisation s’étant faite par une ‘modification’ légère du corps médian du sabot passant de tubulaire à plat (en U) avec entretoise équerrée plate et non tubulaire, ce afin de réaliser le même coffrage par une simplification de fabrication, soit un pliage d’une tôle plutôt que souder les deux ailes du sabot. Ils rappellent que la cour a validé la contrefaçon par équivalence de fonctions et que l’invention couvre un dispositif de serrage pour les coffrages en maçonnerie, de sorte que les ‘modifications’ réalisées compte tenu du brevet rentrent en droite ligne de son exploitation puisqu’il s’agissait de gagner du temps en évitant la soudure des ailes du sabot. Ils font état des publicités du serre-joint breveté X dans les exemplaires du journal LE MONITEUR à destination des professionnels du bâtiment, qui sont éloquentes sur l’exploitation du brevet reconnue par FIPROFIL elle-même. S’agissant des demandes indemnitaires, la société SEB DIFFUSION considère que la masse contrefaisante comprend les entretoises qui font corps avec le sabot et participent à la réalisation de l’invention brevetée, constituant ainsi des accessoires formant un ‘tout commercial’ avec les ventes des produits contrefaisants. Elle explicite le calcul de la réparation que devrait lui verser la société FIPROFIL au titre de la perte de marge subie et des investissements économisés par cette société, outre le préjudice moral. Monsieur X détaille également ses demandes indemnitaires au titre des rémunérations perdues, de son préjudice moral et des redevances qu’il aurait dû percevoir. La société FIPROFIL conteste une collaboration frauduleuse avec la société ETABLISSEMENTS CHAPAL et soutient que ni monsieur X ni la société SEB DIFFUSION n’ont exploité le brevet 389, de sorte que c’est seulement sur la base d’une redevance que le titulaire ou le licencié du brevet peuvent être indemnisés. Elle rappelle les conditions entourant l’application de la théorie du ‘tout commercial’. Elle avance qu’à défaut d’exploitation du brevet 389, il convient d’appliquer non une perte de marge mais une redevance de licence, et que ce n’est qu’à compter du 19 mai 2010 que les actes de fabrication et de vente peuvent être considérés pour la société SEB DIFFUSION. Elle ajoute que le report des ventes au profit de la société SEB DIFFUSION ne pouvait être intégral, au vu de l’existence de concurrents proposant des solutions alternatives, mais de 50%, et soutient que l’entretoise n’est pas une pièce détachée mais une pièce interchangeable vendue séparément, ce qui influe sur le manque à gagner de la société SEB DIFFUSION. Elle conteste toute indemnisation de la société SEB DIFFUSION au titre de la marge sur bénéfice qu’elle aurait réalisée, du fait de l’absence d’exploitation du brevet 389, de sorte qu’elle ne pourrait solliciter qu’une redevance, et s’oppose à indemnisation due au titre d’un effet tremplin. Elle sollicite que monsieur X soit débouté de ses demandes au titre de l’indemnisation de son préjudice moral et de ses rémunérations perdues, faute d’éléments les établissant, et souligne que le taux de redevance qu’il devrait percevoir doit être fondé sur les seuls sabots. Sur ce L’article L615-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit que ‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée’. Il sera rappelé que monsieur X a consenti le 19 mai 2010 à sa société SEB DIFFUSION une licence exclusive de ses brevets n°389 et 362, et que l’arrêt du 23 février 2016 est définitif en ce qu’il a retenu que la société FIPROFIL avait commis des actes de contrefaçon par équivalence de la revendication 1 du brevet 389. Cet arrêt a notamment relevé que ‘dès 2007, le dispositif de coffrage breveté X était exploité sous la forme adoptée ultérieurement par le dispositif de coffrage B-Block’, et la cour relève surabondamment que l’apparition de la ligne ‘production vendue de bien’ dans les comptes de la société SEB DIFFUSION à partir de l’année 2010 correspond à la fabrication des sabots et entretoises comme le mentionne le rapport d’expertise, de sorte que la société FIPROFIL ne peut soutenir qu’elle ne saurait être condamnée que sur la base d’une redevance et non sur des marges perdues sur des ventes. S’agissant du préjudice subi par la société SEB DIFFUSION du fait des agissements contrefaisants de la société FIPROFIL, la réparation due ne peut porter que la période partant du 19 mai 2010, date à partir de laquelle la société SEB DIFFUSION a bénéficié d’une licence exclusive d’exploitation du brevet 389, et non pour la période antérieure partant le 16 janvier 2009, date de l’envoi d’une lettre de mise en demeure par monsieur X à la société FIPROFIL qui serait restée infructueuse ; la période considérée s’étend donc du 19 mai 2010 au 31 juillet 2018. Pour cette période, l’expertise retient, au titre de la marge manquée sur la perte de chiffre d’affaires de la société SEB DIFFUSION du fait de la présence sur le marché des produits contrefaisants de la société FIPROFIL, la somme de 113.675 euros sur l’activité sabots et celle de 188.580 euros sur l’activité Entretroises, soit 302.255 euros. Le prix du sabot de la société SEB DIFFUSION était de 3,71 euros en 2010 et de 3,41 euros en 2018, elle en a vendu 20850 en 2010 et 19860 pour l’année 2018 (arrêtée au mois de mai). Le prix du sabot de la société FIPROFIL était de 3,35 euros en 2010 et de 3,44 euros en 2018, elle en a vendu 2800 en 2010 et 2581 pour l’année 2018 (arrêtée au mois de mai). Le prix de l’entretoise de la société SEB DIFFUSION était de 1,01 euros en 2010 et de 0,80 euros en 2018, elle en a vendu 164800 en 2010 et 209700 pour l’année 2018 (arrêtée au mois de mai). Le prix de l’entretoise de la société FIPROFIL était de 0,71 euros en 2010 et de 0,73 euros en 2018, elle en a vendu 33055 en 2010 et 55775 pour l’année 2018 (arrêtée au mois de mai). Il ressort de l’expertise que la société SEB DIFFUSION a dû diminuer le prix unitaire de ses produits pour faire face aux produits proposés par la société FIPROFIL. Toutefois, l’expert a retenu un taux de report maximal au profit de la société SEB DIFFUSION, en considérant que la concurrence des sociétés proposant des solutions alternatives était très faible, pour les deux produits concurrents BATICHAP et FIMUREX pris en compte. Pour autant, il ressort des pièces produites qu’outre ces deux sociétés, la société POINT P propose des sabots et entretoises dans les différentes régions dans lesquelles elle distribue ses produits, et l’expert a du reste reconnu dans son rapport l’existence d’autres solutions pour le coffrage de dalles béton de meilleur marché. Il est également justifié de la présence sur le marché du produit COFRA-VIT qui contient des entretoises sécables et des sabots récupérables, proposés par la société CHAUSSON MATERIAUX, et le fait que les produits alternatifs n’utiliseraient pas les mêmes canaux de distribution ne saurait écarter leur présence sur le marché. Aussi, et même si, comme le relève l’expertise, leur présence n’a pas freiné l’activité de monsieur X et de la société SEB DIFFUSION, la présence de ces produits concurrents justifie que le taux de report appliqué soit fixé à 50%. Les pièces versées justifient également que les entretoises sont sécables et sont vendues séparément des sabots, de sorte que le consommateur de tels produits ne fera pas systématiquement l’achat de l’ensemble ‘sabot + entretoise’et pourra acquérir des entretoises seules, le sabot étant réutilisable, ce que révèlent du reste les différences de volumes de vente entre sabots et entretoises. Néanmoins, ces entretoises, dont l’arrêt du 23 février 2016 a noté qu’elles sont pourvues à leur extrémité, ‘comme la tige filetée du brevet, d’une forme en équerre pour venir prendre appui sur le moellon ou le support’, correspondent aux tiges filetées prévues par la revendication 1 du brevet 389. En ce qui concerne les bénéfices réalisés par la société FIPROFIL, l’expertise a retenu la somme de 270.706 euros au titre de la marge réalisée par cette société entre le 16 janvier 2009 et le 31 mai 2018, outre un effet tremplin s’élevant à 125.047 euros, et 56.768 euros d’économies d’investissements promotionnels qui auraient été réalisés par le contrefacteur. Cependant, il convient de réduire la marge sur bénéfices de la société FIPROFIL à la somme de 231.828 euros, afin de tenir compte de la période en cause, soit du 19 mai 2010 au 31 juillet 2018. S’agissant de l’effet tremplin, qui tend à prendre en compte les clients que la société FIPROFIL n’aurait pas attirés si elle n’avait pas proposé les produits contrefaisants, l’expert a retenu un taux de 10% du chiffre d’affaires de l’année 2010, s’atténuant de 2% par an, pour finir à 2% en 2014, année d’extinction de cet effet tremplin ; retenant un taux de marge de 36,8%, le total sur les années 2010 à 2014, dernière année au cours de laquelle cet effet a pu profiter à la société FIPROFIL, est de 125.047 euros. Toutefois, l’expert a relevé que le ratio du chiffre d’affaires contrefaisant sur le chiffre d’affaires total de cette société était surtout élevé en 2009, soit une année exclue de la période considérée s’agissant de l’indemnisation du préjudice de la société SEB DIFFUSION. S’agissant enfin des économies d’investissements que la société FIPROFIL a pu réaliser, cette société ne saurait reprocher à l’expert de n’avoir pas vérifié les données qui lui ont été communiquées, alors qu’il indique dans son rapport n’avoir pu obtenir de données sur les économies d’investissements que la société FIPROFIL a pu retirer de cette contrefaçon, de sorte qu’il a dû fonder ses calculs sur les investissements équivalents réalisés par la société SEB DIFFUSION. Pour autant, il convient de limiter les dépenses promotionnelles en excluant l’année 2008 et la partie de l’année 2009 pendant laquelle la société FIPROFIL soutient, sans être contestée sur ce point, que la société SEB DIFFUSION lui passait des commandes, de sorte que sont retenues les sommes de 77.459 euros au titre de l’année 2009 et de 66.287 euros au titre de l’année 2010. Enfin, la société SEB DIFFUSION ne saurait être indemnisée pour la période précédant le 19 mai 2010, date de son contrat de licence, l’activité contrefaisante de la société FIPROFIL ne lui étant pas préjudiciable avant cette date. Au vu de ce qui précède, il convient de fixer la réparation due par la société FIPROFIL à la société SEB DIFFUSION à 100.000 euros au titre de sa marge manquée, intérêts compris, et à 140.000 euros au bénéfice des bénéfices réalisés par la société FIPROFIL et les investissements qu’elle a économisés. Il ne sera pas attribué de dommages et intérêts au titre du préjudice moral à la société SEB DIFFUSION, préjudice dont la réalité n’est en rien justifiée. S’agissant du préjudice subi par monsieur X, la contrefaçon de son brevet lui cause un préjudice moral et porte nécessairement atteinte à sa réputation, de sorte qu’il convient de l’indemniser en condamnant la société FIPROFIL à lui verser la somme de 10.000 euros à ce titre. S’agissant de son préjudice patrimonial il convient, pour la période du 16 janvier 2009 au 19 mai 2010, et au vu des développements qui précèdent et des éléments contenus dans l’expertise, de condamner la société FIPROFIL à lui verser la somme de 20.000€. Il ne peut solliciter de redevances, alors que la société SEB DIFFUSION est indemnisée au titre de sa marge manquée. Il sera débouté de sa demande au titre de la réparation de son préjudice sur les rémunérations perdues et cotisations retraite non effectuées, faute pour lui d’en justifier. Sur les autres demandes La société FIPROFIL sera déboutée de ses demandes. Le jugement du 31 mai 2013 n’a pas été contesté en ce qu’il a dit que la société SEB DIFFUSION devait à la société FIPROFIL une somme de 155 607,98 € au titre du solde restant dû pour les livraisons de sabots et entretoises mentionnées dans 17 factures entre le 21 octobre 2008 et le 23 juillet 2009. En conséquence, il convient d’ordonner la compensation entre cette créance de la société FIPROFIL sur la société SEB DIFFUSION, et les condamnations, rectifiée s’agissant de la concurrence déloyale, et prononcées s’agissant de la contrefaçon, par la présente décision à l’encontre de la société FIPROFIL au profit de la société SEB DIFFUSION. La société FIPROFIL succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens, en ce compris les frais d’expertise, ainsi qu’au versement de la somme totale de 10.000 euros à monsieur X et la société SEB DIFFUSION sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LA COUR, Ordonne la rectification du dispositif de l’arrêt du 23 février 2016 en ce qu’il y a lieu de lire ‘Condamne la société Fiprofil à payer à la société Seb Diffusion la somme de 20.000 € au titre de la concurrence déloyale’ au lieu de ‘ Condamne la société Fiprofil à payer à la société SEB Diffusion la somme de 30.000 € au titre de la concurrence déloyale’, Dit que cette décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions de l’arrêt rectifié, et notifié comme lui, Condamne la société FIPROFIL à verser à la société SEB DIFFUSION la somme de 100.000 € correspondant à la perte de marge subie comprenant intérêts moratoires, et celle de 140.000 € correspondant au bénéfice du contrefacteur et aux investissements économisés, Ordonne la compensation avec la créance d’un montant de 155 607,98 euros détenue par la société FIPROFIL sur la société SEB DIFFUSION, En conséquence, Condamne la société FIPROFIL à verser à la société SEB DIFFUSION la somme de 104 392,02 euros, Condamne la société FIPROFIL à verser à monsieur X la somme de 10.000 € à titre de préjudice moral, et celle de 20.000 € pour la réparation de son préjudice patrimonial pour période du 16 janvier 2009 au 19 mai 2010, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, Condamne la société FIPROFIL au versement de la somme totale de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance – en ce compris les frais d’expertise-, dont le recouvrement direct sera prononcé au profit de la SELARL RAMBAUD ‘ D, représentée par Maître D, avocat sur son affirmation de droit. LE PRÉSIDENT LE GREFFIER |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre Monsieur E-F X et la société FIPROFIL ?L’affaire concerne une violation de contrat de licence et des actes de contrefaçon de brevets. Monsieur E-F X, propriétaire d’un brevet pour un dispositif de coffrage, a accordé une licence d’exploitation à la société FIPROFIL. Cependant, cette dernière a vendu des produits brevetés à des clients que Monsieur X s’était réservés, et a continué à vendre ces produits après l’expiration du contrat de licence. Cette situation a conduit Monsieur X à dénoncer le contrat de licence et à intenter une action en justice pour contrefaçon et concurrence déloyale. Le tribunal a d’abord statué en faveur de Monsieur X, mais la société FIPROFIL a contesté cette décision, entraînant plusieurs recours et expertises pour évaluer les préjudices subis par les parties. Quelles ont été les décisions du tribunal de grande instance de Paris en première instance ?Le tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement le 31 mai 2013, qui a comporté plusieurs décisions clés. Il a déclaré irrecevable la demande en nullité du brevet n° FR 07 59362 et a rejeté la demande en contrefaçon du brevet n° FR 05 53389. Cependant, il a reconnu que la société FIPROFIL avait commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société SEB DIFFUSION, condamnant FIPROFIL à verser 50 000 € en réparation. En parallèle, le tribunal a également ordonné une compensation entre les créances des deux sociétés, ce qui a conduit à une condamnation de SEB DIFFUSION à payer 105 607,98 € à FIPROFIL. Quels ont été les résultats de l’appel interjeté par Monsieur X et la société SEB DIFFUSION ?En appel, la cour d’appel de Paris a infirmé partiellement le jugement du tribunal de grande instance le 23 février 2016. Elle a reconnu que la société FIPROFIL avait commis des actes de contrefaçon par équivalence du brevet n° FR 05 53389. La cour a condamné FIPROFIL à verser à Monsieur X une provision de 30 000 € pour son préjudice, et a ordonné la confiscation et destruction des armatures de coffrage contrefaisantes. De plus, elle a ordonné une expertise pour évaluer le préjudice subi par Monsieur X et la société SEB DIFFUSION, tout en confirmant certaines décisions du tribunal de première instance. Quels préjudices ont été reconnus et quelles indemnités ont été accordées ?La cour a reconnu plusieurs préjudices subis par Monsieur X et la société SEB DIFFUSION. Pour la société SEB DIFFUSION, le tribunal a fixé la réparation à 100 000 € pour la perte de marge subie, ainsi qu’à 140 000 € pour les bénéfices réalisés par FIPROFIL grâce à la contrefaçon. Monsieur X a également été indemnisé pour son préjudice moral à hauteur de 10 000 € et pour son préjudice patrimonial à hauteur de 20 000 € pour la période du 16 janvier 2009 au 19 mai 2010. Ces décisions ont été prises en tenant compte des expertises et des éléments de preuve présentés lors des audiences. Quelles ont été les conséquences de la décision de la Cour de cassation ?La Cour de cassation, par son arrêt du 28 novembre 2018, a rejeté le pourvoi de la société FIPROFIL, confirmant ainsi les décisions de la cour d’appel. Elle a également réparé une erreur matérielle dans le dispositif de l’arrêt du 23 février 2016, en précisant que la date de référence pour certains actes de contrefaçon devait être le 19 mai 2010 et non le 19 mai 2009. Cette décision a renforcé la position de Monsieur X et de la société SEB DIFFUSION, en validant les indemnités qui leur avaient été accordées et en confirmant la reconnaissance des actes de contrefaçon par la société FIPROFIL. La société FIPROFIL a été condamnée à payer les frais d’expertise et les dépens, consolidant ainsi la victoire des plaignants dans cette affaire complexe. |
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