Résiliation judiciaire du contrat de travail

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Résiliation judiciaire du contrat de travail

La salariée peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l’employeur d’une gravité suffisante pour rendre la poursuite de la relation impossible. Si la demande est accueillie, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. C’est seulement s’il ne l’estime pas fondée qu’il doit statuer sur le licenciement.

La date d’effet de la résiliation est fixée au jour de la décision qui la prononce si à cette date le contrat n’a pas déjà été rompu et si le salarié est toujours au service de son employeur.

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 10 MAI 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/07590 – N° Portalis DBVK-V-B7D-ONA3

N°23/781

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 06 NOVEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN – N° RG 17/00177

APPELANTE :

GIE [D] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Merryl SOLER, avocat plaidant au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame [S] [G]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître David DUPETIT de la SCP GIPULO – DUPETIT – MURCIA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/019397 du 18/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 21 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Philippe CLUZEL greffier

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [G] a été embauchée par le GIE [D] [K] ‘ château Planères en qualité de traductrice selon contrat de travail à durée déterminée du 6 novembre 2012 au 22 novembre 2012.

Le 1er avril 2014, Mme [G] est embauchée selon contrat à durée indéterminée par le GIE [D] [K] en qualité d’assistante administrative et commerciale export, à temps complet, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1970€, outre un commissionnement sur les ventes réalisées en Chine.

Le 17 décembre 2015, le GIE [D] [K] convoque Mme [G] à un entretien préalable au licenciement le 30 décembre 2015.

Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan le 21 décembre 2015, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur pour travail dissimulé et harcèlement moral ainsi que le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.

Le 5 janvier 2016, le GIE [D] [K] notifie son licenciement à Mme [G].

Par jugement rendu le 6 novembre 2019, le conseil de prud’hommes de Perpignan a :

Requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 23 novembre 2012 ;

Ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 5 janvier 2016 ;

Requalifié le licenciement de Mme [G] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné le GIE [D] [K] à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

12048€ à titre d’indemnité de travail dissimulé ;

12048€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

3212,80€ à titre d’indemnité de congés payés sur la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 ;

602,40€ à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

Débouté Mme [G] de ses autres demandes ;

Condamné le GIE [D] [K] à remettre à Mme [G] les documents sociaux rectifiés sans astreinte ;

Condamné le GIE [D] [K] à payer à Mme [G] la somme de 1000€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné le GIE [D] [K] aux dépens de première instance ;

Ordonné l’exécution provisoire de la décision à hauteur du tiers des sommes prononcées ;

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.

*

Le GIE [D] [K] a interjeté appel de ce jugement le 22 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 16 février 2023, elle demande à la cour de :

Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes ;

Condamner Mme [G] à lui verser la somme de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

*

Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 15 février 2023, Mme [G] demande à la cour de :

A titre principal,

Débouter le GIE [D] [K] de ses demandes visant à reconnaître que les seules tâches accomplies entre le 23 novembre 2012 et le 31 mars 2014 consistaient en de simples travaux de traduction épisodiques sous un statut d’auto-entrepreneur ;

Juger que son contrat à durée déterminée s’est poursuivi à son terme sans signature d’avenant ;

Condamner le GIE [D] [K] à lui remettre les bulletins de salaire correspondant à la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 ;

Condamner le GIE [D] [K] à procéder au paiement des charges sociales mentionnées sur les bulletins ainsi établis et à en justifier dans le délai d’un mois suivant l’arrêt à intervenir ;

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, à la date d’effet de la lettre de licenciement soit le 6 février 2016 ;

Condamner le GIE [D] [K] à lui verser les sommes suivantes :

-12048€ au titre du travail dissimulé ;

-24096€ à titre d’indemnité de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ;

-3212,80€ brut à titre d’indemnité de congés payés sur la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 ;

-602,40€ brut à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

-891€ à titre d’arriéré de commissions ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que les faits évoqués ne justifient pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur,

Juger que les faits visés par l’employeur dans la lettre de licenciement sont soit prescrits, soit non établis, soit mensongers ;

Juger que le licenciement de Mme [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamner le GIE [D] [K] à lui verser les sommes suivantes :

-12048€ au titre du travail dissimulé ;

-24096€ à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

-3212,80€ à titre d’indemnité de congés payés sur la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 ;

-602,40€ brut à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

-891€ à titre d’arriéré de commissions ;

Condamner le GIE société [D] [K] à lui remettre un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et un bulletin de salaire rectificatif, tenant compte du dispositif du jugement à intervenir, sous astreinte définitive de 150€ par jour, suivant le 15ème jour de la signification du jugement à intervenir ;

Condamner le GIE [D] [K] à lui payer une indemnité de 3000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, en cause d’appel ;

Condamner le GIE [D] [K] aux entiers dépens d’instance.

*

Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 février 2023 fixant la date d’audience au 14 mars 2023.

*

MOTIFS :

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée :

L’article L1242-12 du Code du travail prévoit que «le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée déterminée.».

L’article L1243-11 du Code du travail précise également que «lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.».

Dans le cas où un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, selon l’article L1245-2 du Code du travail, à une indemnité de requalification à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

L’article L.8221-6 du Code du travail prévoit une présomption simple de non-salariat à l’égard des personnes physiques inscrites aux différents registres et répertoires professionnels. L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

En l’espèce, Mme [G] sollicite la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 23 novembre 2012 au motif qu’au terme de son contrat à durée déterminée conclu avec le GIE [D] [K] elle a continué d’exercer une prestation de travail dans un lien de subordination juridique permanente, sous couvert de facturation de prestations au titre de son statut d’auto-entrepreneur, jusqu’à son embauche en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2014.

Le GIE [D] [K] reconnaît que Mme [G] exerçait sur la période concernée une prestation de travail en l’échange d’une rémunération, mais conteste le lien de subordination existant entre elle et Mme [G].

Au soutien de sa prétention, Mme [G] produit aux débats des attestations de clients du GIE [D] [K], des captures d’écran de l’interface administrateur du site Internet de la société, plusieurs factures, des échanges de mail ainsi qu’un document intitulé «cadre de collaboration Asie».

Les attestations ne permettent pas d’apporter la preuve que Mme [G] travaillait en permanence au sein de l’entreprise, dans la mesure où les clients ne pouvaient personnellement constater ce fait.

Les captures d’écran de l’interface administrateur du site Internet du GIE [D] [K] démontrent que Mme [G] avait les droits suffisants, avec son propre identifiant, pour créer et publier des articles sur le site concernant tant des actualités classiques à destination de tous que des informations à destination des clients chinois. Elle a publié entre le 28 mars 2013 et le 5 février 2014 un total de 14 articles, continuant par la suite lors de son embauche en contrat à durée indéterminée.

Dans le courriel daté du 24 novembre 2012, M. [D] remercie notamment Mme [G] pour les recherche effectuées, en émettant une appréciation sur leur qualité : «c’est bien». M. [D] donne également son accord pour relancer un client, donne des directives à Mme [G] sur la procédure à suivre pour ce faire, en précisant la marge de négociation dont celle-ci dispose.

Dans le courriel daté du 9 décembre 2012 (un dimanche), M. [D], gérant du GIE [D] [K], adresse à Mme [G] le planning de la semaine : finir les remerciements de la tournée Chine, passer un coup de téléphone à certains clients, relancer un client, préparer les présentations de la société sur différents supports, visualiser des DVD, sélectionner des photos, les organiser dans un support publicitaire et les transmettre à certains clients, répondre à un client sur une question de vin non conforme et organiser un dossier avec les nouveaux prospects par pays et zones.

Ces courriels justifient de l’exercice d’un pouvoir de direction et de contrôle de M. [D] sur Mme [G], postérieurement au terme du contrat à durée déterminée qui liait les parties.

Le document «cadre de collaboration Asie» explique notamment que pendant une période de «formation complète sur 18 mois financée par GIE [D] et [K]», Mme [G] utilisera sa micro-entreprise «pour facturer une prestation exclusive au Gie [D] et [K]» et «au bout de la période de formation, ou aussitôt si les objectifs sont atteints, [S] devient définitivement salariée Assistante Export du Gie [D] et [K]». Il en résulte que le GIE [D] [K] prévoyait de mettre en place une mise à l’essai de Mme [G] pendant une période, prévoyant notamment que celle-ci travaillera exclusivement pour lui sur cette période. Il prévoyait également un accompagnement de la part de M. [D] sur différents aspects du métier ainsi que des formations externes ponctuelles, ceci impliquant que Mme [G] ne serait pas indépendante sur les tâches que le GIE lui demanderait d’accomplir.

Si le GIE [D] [K] soutient que ce document a été volé par Mme [G] dans l’ordinateur de M. [D] pendant son absence, il n’en apporte pas la preuve et n’en conteste pas les termes. Le GIE se contente d’indiquer que ce document, destiné à ses actionnaires, n’avait aucune valeur contractuelle pour Mme [G].

Toutefois, bien que ce document ne constitue pas un contrat établi entre Mme [G] et le GIE [D] [K], il vient éclairer la cour sur les intentions du GIE à l’égard de Mme [G] et contredire l’affirmation de celui-ci selon laquelle sur cette période les tâches accomplies par Mme [G] ne consistaient qu’en de simples travaux de traduction épisodiques.

Par ailleurs, le fait que Mme [G] utilise son propre ordinateur avec clavier à caractères chinois ne suffit pas à écarter le lien de subordination existant entre elle et le GIE [D] [K] dans la mesure où Mme [G] est soumise aux directives du GIE et où le GIE lui a fourni une adresse électronique avec son nom de domaine.

Dès lors, un faisceau suffisant d’indices est réuni pour permettre à Mme [G] de caractériser le lien de subordination dans lequel elle se trouvait lors de la réalisation de la prestation de travail pour le GIE [D] [K] à compter du 23 novembre 2012 et ainsi de renverser la présomption simple de non-salariat que faisait peser sur elle les dispositions de l’article L.8221-6 du Code du travail.

Par conséquent, en l’absence de contrat écrit, la relation de travail existant entre le GIE [D] [K] et Mme [G] du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme [G] sollicite le versement d’une indemnité de congés payés sur la période concernée. Il n’est pas contesté que sur la période de décembre 2012 à mars 2014 la société [D] [K] a versé la somme de 18247€ à Mme [G]. Le salaire mensuel brut de référence de Mme [G] donc s’élève sur cette période (16 mois au total, diminué de 4 mois de congé maternité, soit 12 mois de travail) à la somme de (18247/12), soit 1520,60€.

Le congé maternité ouvre droit aux congés payés, de sorte qu’il doit être réintégré dans le cadre du calcul de l’indemnité de congés payés. Dès lors, Mme [G] est fondée à solliciter la somme de (1520,60x16x10%), soit 2432,96€ à titre d’indemnité de congés payés. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le paiement des charges sociales :

Mme [G] sollicite la preuve du versement par l’employeur des charges sociales dues sur la période aux organismes sociaux compétents.

Le GIE [D] [K] sera condamné à justifier à Mme [G] du paiement des charges sociales afférentes à la relation de travail, sans qu’il y ait lieu à prononcer une astreinte. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de travail dissimulé :

L’article L 8221-5 du Code du travail dispose que «est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

«1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

«2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

«3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.»

L’article L 8223-1 du Code du travail dispose que «en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.».

En l’espèce, Mme [G] sollicite le versement de la somme de 12048€ à titre d’indemnité de travail dissimulé au motif qu’elle a travaillé sans être déclarée par le GIE [D] [K] du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014.

En ce qui concerne l’élément matériel du délit de travail dissimulé, il est caractérisé par le fait que Mme [G] a travaillé sans contrat de travail pour le GIE [D] [K] du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014.

En ce qui concerne l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé, il est caractérisé par le fait que le GIE [D] [K] a décidé de recourir aux services de Mme [G] dans le cadre d’une facturation par le biais de sa micro-entreprise, alors même que l’employeur avait connaissance de ce que la salariée effectuait déjà son travail sous la supervision de M. [D].

Par conséquent, les éléments matériel et intentionnel du délit de travail dissimulé sont caractérisés.

Au dernier état des relations, la rémunération mensuelle brute de Mme [G] s’élevait à la somme de 2008€, de sorte que le GIE [D] [K] devra lui verser la somme de (2008×6), soit 12048€ à titre d’indemnité de travail dissimulé. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Mme [G] a sollicité lors de la saisine du conseil de prud’hommes de Perpignan le 21 décembre 2015 la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le 5 janvier 2016, la société [D] [K] a notifié son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception à Mme [G].

La salariée peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas de manquement de l’employeur d’une gravité suffisante pour rendre la poursuite de la relation impossible. Si la demande est accueillie, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. C’est seulement s’il ne l’estime pas fondée qu’il doit statuer sur le licenciement.

La date d’effet de la résiliation est fixée au jour de la décision qui la prononce si à cette date le contrat n’a pas déjà été rompu et si le salarié est toujours au service de son employeur.

En l’espèce, Mme [G] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux motifs qu’elle a travaillé sans être déclarée sur la période de décembre 2012 à mars 2014, d’une part, et qu’elle a été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son employeur d’autre part.

En ce qui concerne le travail dissimulé, il a été démontré qu’il était établi, de sorte que ce grief est fondé.

En ce qui concerne le harcèlement moral, Mme [G] soutient qu’elle a subi les faits suivants:

refus de communication l’empêchant d’effectuer normalement ses tâches de travail ;

comportement méprisant, voire violent, ayant donné lieu à un dépôt de plainte ;

retrait des fonctions essentielles dans le cadre de l’export de vins ;

refus de régulariser l’accord sur le commissionnement par voie d’avenant ;

retard dans le paiement du salaire.

S’agissant du refus de communication, Mme [G] soutient que M. [D], supérieur hiérarchique et gérant du GIE [D] [K], ne répondait plus à ses courriels, ce qui l’empêchait de répondre aux attentes des clients. Au soutien de cette affirmation, Mme [G] produit des échanges de courriels avec M. [D] au sujet d’envoi d’échantillons, de plaintes de clients et de gestion de commandes. S’il apparaît que certaines fois M. [D] répond à Mme [G], cette réponse est à certaines occasions tardive (un mois après la première demande) et la salariée se plaint à de nombreuses reprises de ne pas avoir de réponse de son supérieur hiérarchique dans les temps requis pour traiter la demande. Dès lors, il est établi un certain refus de communication de M. [D] envers Mme [G].

S’agissant du comportement violent de M. [D], Mme [G] justifie de ce qu’elle a déposé plainte à l’encontre de M. [D] pour harcèlement moral. Dans cette plainte, elle relate les faits suivants : «le 2 octobre 2015, je me trouvais dans mon bureau qui est à proximité de celui de M. [D]. M. [D] a eu une altercation verbale avec deux de ses associés dans son bureau. Je n’ai pas entendu ce qu’il se disait dans le bureau. A un moment donné, M. [D] est rentré dans mon bureau en donnant un coup de pieds dans la porte pour l’ouvrir. Il s’est approché de moi en levant sa main comme s’il allait me frapper. Il n’a rien dit. J’ai alors baissé la tête pour me protéger. Il ne m’a pas frappé. Lorsque j’ai relevé la tête, il sortait de mon bureau et il m’a insulté de «putain de chinoise» qu’il m’a dit qu’une fois. Il était énervé. En partant, il a même cassé les bouteilles de vin rouge qui se trouvaient sur l’escalier à la sortie de mon bureau.». Dès lors, il est établi que M. [D] a eu un comportement violent à l’égard de Mme [G].

S’agissant du retrait des fonctions essentielles dans le cadre de l’export de vins, Mme [G] soutient que M. [D] a confié ces fonctions à une nouvelle employée qui n’avait pas compétence pour le faire.

Toutefois, Mme [G] produit aux débats des courriels du mois de septembre 2015 dans lesquels elle écrit que suite à l’arrêt maladie d’une salariée, Mme [L] [V] elle a repris un certain nombre de ses fonctions de manière temporaire et qu’elle est heureuse que depuis le mois d’août une nouvelle salariée, Mme [N] [W], ait été embauchée pour remplacer [L]. Mme [G] produit également des courriels dans lesquels M. [D] adresse des demandes à Mme [W] concernant certains clients, entre octobre et décembre 2015.

Il en résulte que Mme [W] a repris les fonctions de Mme [V] et non celles de Mme [G]. De plus, Mme [G] ne démontre pas que les demandes que M. [D] adresse à Mme [W] étaient initialement exercées par elle. Dès lors, ce fait n’est pas établi.

S’agissant du refus de régulariser l’accord sur le commissionnement par voie d’avenant, Mme [G] produit un courriel du 14 septembre 2015 dans lequel elle demande à M. [D] la conclusion d’un avenant sur la modification de sa rémunération ainsi que la formalisation de l’ajout de certaines missions.

Toutefois, elle n’apporte aucun élément permettant de justifier du refus du GIE [D] [K] de régulariser cet avenant, de sorte que le fait n’est pas établi.

S’agissant du retard dans le paiement du salaire, Mme [G] fait valoir que l’employeur ne lui a toujours pas réglé certaines commissions dont le paiement a été sollicité par courriel le 23 novembre 2015 concernant trois clients pour un montant total de 891€. Mme [G] produit aux débats le courriel de demande ainsi que les bulletins de paie qui ne font état d’aucun paiement de commissions après cette date, de sorte que le fait est établi.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que les faits relatifs au refus de communication, au comportement méprisant voire violent et au retard dans le paiement du salaire sont établis. Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L 1152’1 du Code du travail.

Dès lors, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ces décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le GIE [D] [K] conteste les affirmations de Mme [G] s’agissant du refus de communication et du comportement de M. [D] en affirmant que la salariée n’en rapporte pas la preuve.

L’employeur souligne que M. [D] a été placé en arrêt maladie à compter du 30 novembre 2015, raison pour laquelle il ne pouvait répondre aux sollicitations de Mme [G].

Toutefois, certaines demandes de Mme [G] auxquelles il n’a pas été répondu ont été émises au mois d’octobre 2015, de sorte que cet argument est inopérant.

En ce qui concerne le retard dans le paiement du salaire, l’employeur n’apporte aucun moyen de fait ni de droit pour contester ces faits.

Dès lors, l’employeur ne produit aucun élément permettant de justifier que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, de sorte que le grief tendant à l’existence d’une situation de harcèlement moral est fondé.

En conséquence, les griefs soutenus à l’appui de la demande de résiliation judiciaire, à savoir le travail dissimulé et le harcèlement moral, sont fondés. Il s’agit de manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite de la relation de travail, de sorte que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 5 janvier 2016. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Au jour de la rupture, Mme [G] était âgée de 31 ans et avait une ancienneté de 3 ans, 1 mois et 29 jours (3,16 années) dans une entreprise de moins de 11 salariés. Il n’est pas contesté que son salaire mensuel de référence s’élève à la somme brute de 2008€.

En vertu des articles L.1235-3 et L.1235-5 du Code du travail, Mme [G] est fondée à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu à appliquer une somme plancher. Mme [G] sollicite à ce titre le versement de la somme de 24096€, correspondant à douze mois de salaire. La salariée ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière postérieure à la rupture du contrat de travail. Son préjudice sera souverainement évalué à la somme de 6000€. Le GIE [D] [K] sera condamné à lui verser cette somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé de ce chef.

En vertu de l’article R.1234-2 du Code du travail, Mme [G] était fondée à percevoir une indemnité de licenciement égale à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, soit la somme de (2008/5×3,16), soit 1269,05€. Il résulte du bulletin de salaire du mois de février 2016 que la salariée a perçu la somme de 736,46€ à titre d’indemnité de licenciement, de sorte que le GIE [D] [K] devra lui verser la somme de 532,59€ à titre de complément d’indemnité de licenciement. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le rappel de commissions :

Mme [G] sollicite le versement de la somme de 891€ à titre de rappel de commissions sur les ventes effectuées sur les commandes «[O]» (56,40€), «Malaisie» (22,20€) et «[C]» (812,40€).

Il a été démontré que ces sommes étaient dues à Mme [G] de sorte que le GIE [D] [K] sera condamné à lui verser la somme de 891€ à titre de rappel de commissions. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux :

Mme [G] sollicite la remise par le GIE [D] [K] sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement (sic) à intervenir du certificat de travail, de l’attestation Pôle emploi et du bulletin de salaire rectificatif conformes à la présente décision.

Il est de droit que la salariée puisse disposer de ces documents, de sorte que le GIE [D] [K] devra remettre à Mme [G], sans qu’il soit fait droit à sa demande d’astreinte, les documents sociaux susvisés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Le GIE [D] [K], qui succombe, sera tenu aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement rendu le 6 novembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Perpignan en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 23 novembre 2012, en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, en ce qu’il a condamné le GIE [D] [K] à verser à Mme [G] la somme de 12048€ à titre d’indemnité de travail dissimulé et la somme de 1000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance, et en ce qu’il a ordonné la remise des documents sociaux sans astreinte, et l’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau ;

Condamne le GIE [D] [K] à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

-2432,96€ à titre d’indemnité de congés payés sur la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014 ;

-6000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-532,59€ à titre de complément d’indemnité de licenciement ;

-891€ à titre de rappel de commissions ;

Condamne le GIE [D] [K] à justifier à Mme [G] du paiement des charges sociales afférentes à la période du 23 novembre 2012 au 31 mars 2014, sans qu’il y ait lieu à prononcer une astreinte ;

Y ajoutant ;

Condamne le GIE [D] [K] à verser à Mme [G] la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne le GIE [D] [K] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Questions / Réponses juridiques

Quel est le contexte de l’affaire jugée par la Cour d’Appel d’Orléans ?

L’affaire concerne un litige entre Madame [F] [J] épouse [Z] et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) du Loir et Cher.

Elle a été portée devant la Cour d’Appel d’Orléans suite à une décision du Pôle social du Tribunal judiciaire de Blois, datée du 29 octobre 2021.

La CPAM a réclamé un indu d’indemnités journalières d’un montant de 14 450,80 euros à Mme [Z],

au motif qu’elle avait exercé une activité indépendante de chambres d’hôtes pendant son arrêt de travail, ce qui est prohibé par la législation en vigueur.

Quelles étaient les décisions prises par le tribunal de première instance ?

Le tribunal judiciaire de Blois a rendu plusieurs décisions importantes dans son jugement du 29 octobre 2021.

Il a ordonné la jonction des deux procédures, déclarant les prétentions de Mme [Z] recevables.

Il a également déclaré que l’indu d’indemnités journalières réclamé par la CPAM était bien fondé pour la période allant du 26 janvier 2016 au 26 novembre 2017.

De plus, le tribunal a rejeté la contestation de la pénalité de 1 500 euros infligée à Mme [Z] et l’a condamnée à rembourser la somme de 14 450,80 euros, ainsi qu’une pénalité de 1 496,20 euros.

Quels étaient les arguments de Mme [Z] dans son appel ?

Dans son appel, Mme [Z] a formulé plusieurs demandes à la Cour.

Elle a soutenu qu’elle n’avait exercé aucune activité rémunérée durant son arrêt de travail et a demandé à ce que la somme due soit limitée à 7 958,09 euros.

Elle a également contesté la pénalité de 1 500 euros, demandant son annulation, et a sollicité une indemnité de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Mme [Z] a fait valoir que son mari gérait l’activité de chambres d’hôtes et qu’elle n’y participait qu’occasionnellement.

Quels étaient les arguments de la CPAM dans cette affaire ?

La CPAM a demandé à la Cour de débouter Mme [Z] de toutes ses demandes et de confirmer la décision du tribunal de première instance.

Elle a soutenu que Mme [Z] avait exercé une activité non autorisée pendant la période où elle bénéficiait d’indemnités journalières, ce qui est prohibé par l’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale.

La CPAM a également souligné que les arrêts de travail de Mme [Z] ne mentionnaient aucune autorisation d’exercer une activité de chambre d’hôtes, et que des contrôles avaient révélé l’existence de cette activité.

Quelle a été la décision finale de la Cour d’Appel d’Orléans ?

La Cour d’Appel d’Orléans a confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois.

Elle a validé le montant de l’indu d’indemnités journalières de 14 450,80 euros et la pénalité de 1 500 euros infligée à Mme [Z].

La Cour a également décidé de débouter chacune des parties de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et a condamné Mme [Z] aux dépens.

Cette décision souligne la gravité des faits reprochés à Mme [Z] concernant l’exercice d’une activité non autorisée pendant son arrêt de travail.


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