Résiliation du bail et conditions d’habitabilité en cas de sinistre naturel

·

·

Résiliation du bail et conditions d’habitabilité en cas de sinistre naturel

L’Essentiel : M. [U], propriétaire, a loué son bien à M. et Mme [Y]. Suite à un effondrement de falaise, l’immeuble a été déclaré inhabitable par un arrêté municipal. Les locataires ont alors assigné leur bailleur, demandant relogement et indemnisation. En réponse, M. [U] a demandé la résiliation du bail, arguant que l’immeuble était devenu inhabitable. La cour d’appel a statué que l’immeuble avait été démoli, considérant la perte comme totale et rejetant les demandes des locataires. Cette décision a été critiquée pour avoir ignoré une contestation sérieuse sur la nature du cas fortuit, violant ainsi des articles du code civil.

Contexte de l’affaire

M. [U], propriétaire d’une maison, a loué son bien à M. et Mme [Y]. Suite à un effondrement de falaise, un arrêté municipal a déclaré l’immeuble inhabitable en raison d’un péril imminent.

Actions des locataires

Après avoir quitté la maison, M. et Mme [Y] ont assigné leur bailleur en référé. Ils ont demandé des offres de relogement, des travaux de réfection, ainsi que des provisions pour indemnisation et frais de réinstallation, en se basant sur le code de la construction et de l’habitation.

Demande reconventionnelle du bailleur

En réponse, M. [U] a demandé la résiliation du bail, invoquant l’article 1722 du code civil, arguant que l’immeuble était devenu inhabitable en raison de l’effondrement.

Arguments des locataires

Les locataires ont contesté la décision de la cour d’appel qui a ordonné la résiliation du bail. Ils ont soutenu que l’impossibilité d’utiliser le bien ne pouvait pas être considérée comme une destruction totale, et que l’arrêté de péril ne confirmait pas une inhabitation absolue.

Réponse de la Cour d’appel

La cour a statué que l’immeuble avait été démoli et rendu inhabitable à cause de l’effondrement, considérant que la perte du bien était totale. Elle a ainsi rejeté les demandes des locataires, affirmant qu’il s’agissait d’un cas fortuit.

Violation des textes

La cour d’appel a été critiquée pour avoir tranché une contestation sérieuse sur la nature du cas fortuit, ce qui a été jugé comme une violation des articles du code civil et de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 1722 du code civil concernant la résiliation du bail en cas de destruction de la chose louée ?

L’article 1722 du code civil stipule que :

« Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. »

Cet article établit donc que la résiliation du bail est automatique en cas de destruction totale de la chose louée due à un cas fortuit.

Il est important de noter que la notion de « destruction en totalité » inclut également l’impossibilité d’utiliser le bien conformément à sa destination, ou la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède la valeur du bien.

Dans le cas présent, la cour d’appel a considéré que l’immeuble était rendu inhabitable en raison de l’effondrement de la falaise, ce qui a conduit à la résiliation du bail.

Cependant, la question de savoir si la maison était réellement inhabitable de manière absolue et définitive a été contestée, ce qui soulève des interrogations sur l’application de cet article.

Comment l’article 834 du code de procédure civile s’applique-t-il dans le cadre d’une procédure en référé ?

L’article 834 du code de procédure civile dispose que :

« Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

Cet article permet donc au juge d’intervenir rapidement en cas d’urgence, afin de prendre des mesures provisoires.

Dans le contexte de l’affaire, les locataires ont assigné le bailleur en référé pour obtenir des mesures de relogement et d’indemnisation.

Cependant, la cour d’appel a jugé que la résiliation du bail était justifiée, ce qui a conduit à rejeter les demandes des locataires.

Cela soulève la question de savoir si la cour a correctement évalué l’urgence et la contestation sérieuse relative à la situation d’habitation des locataires.

Quelles sont les implications de l’arrêté municipal sur la décision de la cour d’appel ?

L’arrêté municipal n° 2021/011 du 26 février 2021 a déclaré l’immeuble en péril imminent avec danger, ce qui a conduit à des obligations pour le propriétaire.

Cet arrêté stipule que le propriétaire doit procéder à des démarches administratives et techniques pour remédier à la situation de péril, notamment en effectuant des réparations nécessaires.

Cela signifie que, bien que l’immeuble ait été déclaré inhabitable, il n’était pas nécessairement détruit de manière absolue et définitive.

La cour d’appel a interprété la situation comme une destruction totale, mais les locataires ont contesté cette interprétation en se basant sur l’arrêté municipal.

Ainsi, la question se pose de savoir si la cour a correctement pris en compte les implications de cet arrêté dans sa décision de résiliation du bail.

CIV. 3

FC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 janvier 2025

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 8 F-D

Pourvoi n° Z 23-13.247

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025

1°/ Mme [K] [E], épouse [Y],

2°/ M. [B] [Y],

tous deux domiciliés chez M. [Z] [E] [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 23-13.247 contre l’arrêt rendu le 9 janvier 2023 par la cour d’appel de Bordeaux (1ère chambre civile), dans le litige les opposant à M. [M] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. et Mme [Y], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [U], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 9 janvier 2023), rendu en référé, propriétaire d’une maison d’habitation, M. [U] (le bailleur) l’a donnée en location à M. et Mme [Y] (les locataires).

2. A la suite de l’effondrement de la falaise surplombant la maison donnée à bail, un arrêté municipal de péril imminent avec danger a été pris et l’immeuble a été déclaré inhabitable.

3. Après avoir quitté les lieux, les locataires ont assigné le bailleur en référé aux fins de le voir condamner sous astreinte à leur présenter des offres de relogement ou d’hébergement en application des articles L. 521-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, à réaliser des travaux de réfection ainsi qu’à leur verser des provisions à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice et au titre de leurs frais de réinstallation.

4. Le bailleur a demandé, à titre reconventionnel, que la résiliation de plein droit du bail soit ordonnée sur le fondement de l’article 1722 du code civil.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

5. Les locataires font grief à l’arrêt d’ordonner, en application de l’article 1722 du code civil, la résiliation du bail conclu entre les parties au 26 février 2021 et de rejeter toutes leurs demandes, alors :

« 5°/ que si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; que doit être assimilée à la destruction en totalité de la chose louée l’impossibilité absolue et définitive d’en user conformément à sa destination ou la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur ; qu’en énonçant qu’il était « constant que l’arrêté de péril a[vait] été pris parce que l’immeuble a[vait] été démoli et ainsi rendu inhabitable du fait de l’effondrement de la falaise le surplombant et non en raison de son état intrinsèque de dégradation », sans constater que c’est de façon absolue et définitive que la maison de M. et Mme [Y] était inhabitable, la cour d’appel a violé l’article 1722 du code civil, ensemble les articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

6°/ que si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; que doit être assimilée à la destruction en totalité de la chose louée l’impossibilité absolue et définitive d’en user conformément à sa destination ou la nécessité d’effectuer des travaux dont le coût excède sa valeur ; qu’en énonçant qu’il était « constant que l’arrêté de péril a[vait] été pris parce que l’immeuble a[vait] été démoli et ainsi rendu inhabitable du fait de l’effondrement de la falaise le surplombant et en raison de son état intrinsèque de dégradation », cependant que l’arrêté de péril pris à la suite de l’effondrement constatait uniquement « un péril imminent avec danger de la propriété » et prescrivait au propriétaire de la parcelle sur laquelle vivaient les époux [Y] de procéder à un certain nombre de « démarches administratives et techniques en vue de résorber cette situation de péril imminent avec danger, notamment par […] la réparation de la bâtisse en vue de s’assurer qu’elle ne menace pas ruine et dans l’éventualité où elle devrait être à nouveau habitée, engager l’ensemble des travaux nécessaires », ce qui excluait que la maison qu’habitaient M. et Mme [Y] ait été de façon absolue et définitive inhabitable, la cour d’appel a violé l’arrêté municipal n° 2021/011 du 26 février 2021, ensemble les articles 834 et 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1722 du code civil et 834 du code de procédure civile :

6. Selon le premier de ces textes, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail.

7. Aux termes du second, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

8. Pour ordonner la résiliation du bail au 26 février 2021 et rejeter les demandes des locataires, l’arrêt retient qu’il est constant que l’immeuble loué a été démoli et ainsi rendu inhabitable du fait de l’effondrement de la falaise le surplombant, de sorte que sa perte par cas fortuit est totale.

9. En statuant ainsi, la cour d’appel, qui a tranché une contestation sérieuse relative à la caractérisation d’un cas fortuit, a violé les textes susvisés.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon