Résiliation de bail et régularisation des obligations locatives : un équilibre précaire.

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Résiliation de bail et régularisation des obligations locatives : un équilibre précaire.

L’Essentiel : M. [G] a consenti un bail commercial à la société SJR le 21 mars 2022, avec un loyer annuel de 11.140 euros HT/HC. En septembre 2023, il a délivré un commandement de payer de 3.189,02 euros, invoquant la clause résolutoire. En février 2024, M. [G] a assigné la société en référé pour obtenir son expulsion. Lors de l’audience de décembre 2024, la dette de SJR était réduite à 1.046 euros, et la société a fourni une garantie conforme. Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, mais a accordé un délai de quinze mois pour le paiement, rejetant les demandes d’expulsion.

Constitution du bail commercial

M. [G] a consenti un bail commercial à la société SJR le 21 mars 2022, pour des locaux situés à [Adresse 3], avec un loyer annuel de 11.140 euros HT/HC, payable trimestriellement et d’avance.

Commandements de payer

Le 21 septembre 2023, M. [G] a délivré à la société SJR un commandement de payer de 3.189,02 euros en principal, en se basant sur la clause résolutoire du contrat de bail. Un second commandement a été délivré le 4 décembre 2023, demandant la remise de la garantie à première demande stipulée dans le bail.

Assignation en référé

Le 16 février 2024, M. [G] a assigné la société SJR devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion de la société, ainsi que le paiement de diverses sommes provisionnelles liées aux loyers et charges impayés.

État de la dette et garanties

Lors de l’audience du 18 décembre 2024, M. [G] a indiqué que la dette de la société SJR avait diminué à 1.046 euros, avec un chèque prévu pour encaissement le 20 décembre 2024. La société SJR a confirmé ce montant et a demandé le rejet de la demande d’expulsion, arguant que la garantie fournie par la banque n’était pas conforme.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire avait été acquise aux dates prévues, mais a également noté que la société SJR avait repris le paiement des loyers et fourni la garantie conforme. Un délai de quinze mois a été accordé pour s’acquitter de ses obligations, et la clause résolutoire a été réputée ne pas avoir joué.

Conséquences financières

Les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation ont été rejetées, tout comme les demandes de pénalités. La société SJR a été condamnée aux dépens, y compris le coût des commandements délivrés, et à indemniser M. [G] à hauteur de 3.000 euros pour les frais non compris dans les dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est un mécanisme qui permet au bailleur de résilier le contrat de bail en cas de manquement aux obligations locatives par le locataire.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Ainsi, la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dans l’affaire en question, il a été constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies au 21 octobre 2023 et au 4 janvier 2024, mais la locataire a ensuite régularisé sa situation.

Quel est le rôle du juge des référés dans le cadre de l’application de la clause résolutoire ?

Le juge des référés a un rôle crucial dans l’application de la clause résolutoire, notamment en ce qui concerne la constatation de la résiliation du bail.

L’article 835 du Code de procédure civile stipule que le président du tribunal judiciaire peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, même en présence d’une contestation sérieuse.

Il peut également constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en œuvre régulièrement.

En l’absence de contestation sérieuse de la validité de cette clause, le juge peut ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable.

Dans le cas présent, le juge a constaté que la locataire avait régularisé sa situation, ce qui a conduit à la suspension des effets de la clause résolutoire.

Quelles sont les conséquences de la régularisation des obligations locatives par le locataire ?

La régularisation des obligations locatives par le locataire a des conséquences significatives sur l’application de la clause résolutoire.

Lorsque le locataire s’acquitte de ses obligations, la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué.

Cela est en accord avec l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui précise que la clause résolutoire ne s’applique pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dans l’affaire en question, la locataire a apuré sa dette et fourni la garantie à première demande, ce qui a conduit le juge à rejeter la demande d’expulsion et à constater que la clause résolutoire n’avait pas joué.

Ainsi, la régularisation a permis de maintenir le bail en vigueur et d’éviter l’expulsion.

Quels sont les frais et dépens encourus dans le cadre de cette procédure ?

Les frais et dépens dans le cadre d’une procédure judiciaire sont généralement à la charge de la partie perdante.

Dans cette affaire, la locataire a été condamnée aux dépens, y compris le coût des deux commandements de payer délivrés.

L’article 700 du Code de procédure civile permet également au juge d’accorder une indemnité à la partie qui a dû engager des frais non compris dans les dépens.

Dans ce cas, la locataire a été condamnée à payer à M. [G] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700, en raison des frais qu’il a dû exposer pour faire valoir ses droits.

Cela souligne l’importance de la régularisation des obligations locatives pour éviter des frais supplémentaires et des litiges prolongés.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/51492

N° Portalis 352J-W-B7I-C4AP3

N° : 3

Assignation du :
16 février 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 janvier 2025

par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDEUR

Monsieur [N] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Michael HADDAD de la SELARL HADDAD & LAGACHE, avocats au barreau de PARIS – #C2092

DEFENDERESSE

La S.A.S.U. SRJ
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Damien CHEVRIER, avocat au barreau de PARIS – #A0920

DÉBATS

A l’audience du 18 décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Rachel LE COTTY, Première vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 21 mars 2022, M. [G] a consenti un bail commercial à la société SJR portant sur des locaux situés [Adresse 3], moyennant le paiement d’un loyer annuel de 11.140 euros HT/HC payable trimestriellement et d’avance.

Par acte du 21 septembre 2023, M. [G] a fait délivrer à la société SJR un commandement de payer la somme de 3.189,02 euros en principal, visant la clause résolutoire stipulée au contrat de bail.

Par acte du 4 décembre 2023, M. [G] a fait délivrer à la société SJR un commandement de remettre la garantie à première demande stipulée au bail, visant la clause résolutoire.

Se prévalant de l’acquisition de la clause résolutoire, M. [G] a, par acte du 16 février 2024, assigné la société SJR devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

A titre principal,
Vu le commandement de payer visant la clause résolutoire du 21 septembre 2023,
constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 23 octobre 2023 et ordonner l’expulsion de la défenderesse ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si besoin est ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 1.524,66 euros au titre des loyers et charges impayés, avec intérêts au taux légal majoré de 250 points de base à compter de l’assignation ;condamner la défenderesse à titre provisionnel au paiement d’une indemnité d’occupation égale au double du dernier loyer, soit 5.755,14 euros, outre les charges et taxes, jusqu’à la libération des locaux ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 10.185,25 euros au titre des indemnités d’occupation et charges dues au 31 mars 2024, avec intérêts au taux légal majoré de 250 points de base à compter de l’assignation ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 1.170,99 euros au titre des pénalités forfaitaires de 10% appliquées aux sommes dues conformément au bail ;A titre subsidiaire,
Vu le commandement pour inexécution des obligations locatives visant la clause résolutoire délivré le 4 décembre 2023,
constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 4 janvier 2024 à minuit et ordonner l’expulsion de la défenderesse ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, avec le concours de la force publique si besoin est ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 3.860,93 euros au titre des loyers et charges impayés au 4 janvier 2024, avec intérêts au taux légal majoré de 250 points de base à compter de l’assignation ;condamner la défenderesse à titre provisionnel au paiement d’une indemnité d’occupation égale au double du dernier loyer, soit 5.755,14 euros, outre les charges et taxes, jusqu’à la libération des locaux ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 5.564,31 euros au titre des indemnités d’occupation et charges dues jusqu’au 31 mars 2024, avec intérêts au taux légal majoré de 250 points de base à compter de l’assignation ;condamner la défenderesse au paiement de la somme provisionnelle de 942,52 euros au titre des pénalités forfaitaires de 10% appliquées aux sommes dues conformément au bail ;En tout état de cause,
condamner la défenderesse au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, incluant le coût des deux commandements délivrés.
L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois à la demande des parties et, à l’audience du 18 décembre 2024, M. [G] expose que la dette a diminué pour ne plus s’élever qu’à 1.046 euros et qu’elle devrait être apurée le 20 décembre 2024, un chèque de ce montant lui ayant été remis en vue d’un encaissement à cette date. Il expose qu’il est de bonne foi puisqu’il a accepté plusieurs renvois pour permettre à la locataire de régulariser sa situation en produisant une garantie à première demande, mais que la garantie fournie n’est pas conforme aux stipulations du bail.

La société SJR confirme oralement que sa dette ne s’élève plus qu’à 1.046 euros et qu’elle a remis un chèque au bailleur, pour encaissement le 20 décembre 2024. Elle sollicite en conséquence le rejet de la demande d’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion, subsidiairement, des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire. S’agissant de la garantie à première demande, elle fait valoir qu’elle a fait le nécessaire mais que la banque lui a remis une garantie non conforme aux stipulations du bail, ce qui n’est pas de son fait.

Les parties ont été invitées à produire en cours de délibéré une confirmation d’encaissement du chèque de 1.046 euros pour la bailleresse et une garantie à première demande délivrée par la BNP Paribas conforme au bail pour la locataire, ce qu’elles ont fait.

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et à la note d’audience.

MOTIFS

Sur la demande principale aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire du bail

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de ce texte, il entre dans les pouvoirs du juge des référés, même en l’absence d’urgence, de constater la résiliation de plein droit d’un contrat de bail en application d’une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement, en l’absence de toute contestation sérieuse de la validité de cette clause, et, par suite, d’ordonner l’expulsion de l’occupant, dont l’obligation de libérer les lieux n’est pas sérieusement contestable. En outre, le maintien de l’occupant dans les lieux sans droit ni titre par suite du constat de la résiliation du bail constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Le juge des référés peut, en application de ce texte, accorder des délais rétroactifs et constater, le cas échéant, leur respect par le locataire.

En l’espèce, le bail commercial contient une clause résolutoire au visa de laquelle un commandement de payer a été délivré à la locataire le 21 septembre 2023 à hauteur de la somme de 3.189,02 euros en principal et un commandement de remettre la garantie à première demande stipulée au bail lui a été délivré le 4 décembre 2023.

Il n’est pas contesté que celle-ci n’a pas réglé les causes du commandement dans le délai d’un mois qui lui était imparti ni remis la garantie à première demande.

Les conditions d’acquisition de la clause résolutoire du bail sont donc réunies au 21 octobre 2023 à minuit et au 4 janvier 2024 à minuit.

Cependant, la locataire a, depuis lors, repris le paiement des loyers courants et totalement apuré sa dette, le règlement du solde de 1.046 euros le 20 décembre 2024 ayant été confirmé en cours de délibéré par la bailleresse.

Elle a également fourni la garantie à première demande prévue au bail, ainsi qu’elle en a justifié en cours de délibéré, celle-ci ayant été émise par la BNP Paribas le 27 décembre 2024.
Il convient en conséquence de lui accorder un délai de quinze mois pour s’acquitter de ses obligations et, constatant que ce délai a été intégralement respecté, de dire que la clause résolutoire est réputée ne pas avoir joué.

La demande d’expulsion sera en conséquence rejetée, ainsi que la demande en paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle, le bail n’étant pas résilié.

Il en est de même des demandes en paiement de clauses pénales de 10% des sommes dues, la dette ayant été apurée.

Sur les frais et dépens

La locataire, qui a contraint le bailleur à agir en justice, sera condamnée aux dépens, en ce compris le coût des deux commandements délivrés.

Elle sera également condamnée à indemniser le bailleur des frais non compris dans les dépens qu’il a été contraint d’exposer, à hauteur de la somme de 3.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Constatons que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties étaient réunies au 21 octobre 2023 à minuit et au 4 janvier 2024 à minuit ;

Accordons à la société SJR un délai rétroactif de quinze mois pour s’acquitter de ses obligations de paiement et de remise d’une garantie bancaire et suspendons les effets de la clause résolutoire pendant ce délai ;

Constatons que la société SJR s’est acquittée de ses obligations ;

Disons que la clause résolutoire est réputée n’avoir pas joué ;

Disons en conséquence n’y avoir lieu à référé sur la demande de constat de la résiliation du bail et la demande d’expulsion subséquente ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes d’indemnité d’occupation provisionnelle, de paiement des intérêts et clauses pénales ;

Condamnons la société SJR aux dépens, en ce compris le coût des deux commandements de payer délivrés ;

Condamnons la société SJR à payer à M. [G] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

Fait à Paris le 22 janvier 2025.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Rachel LE COTTY


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