Contexte du litigeMonsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] ont signé un contrat de bail le 1er mai 2000 avec Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] pour une maison à usage d’habitation à Odars, avec un loyer mensuel de 8000 francs, actualisé à 1812,61€. Assignation en justiceLe 21 décembre 2023, les bailleurs ont assigné les locataires devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse, demandant la résiliation judiciaire du bail, l’expulsion des locataires, et le paiement d’une indemnité d’occupation ainsi que d’autres sommes. Arguments des bailleursLes bailleurs soutiennent que les locataires n’ont pas effectué l’entretien courant du logement, notamment le nettoyage du toit, ce qui a entraîné une dégradation importante. Ils invoquent également un défaut d’entretien général et l’exercice d’une activité professionnelle non autorisée par les locataires. Réponse des locatairesLes locataires contestent les demandes des bailleurs et formulent des demandes reconventionnelles, arguant qu’ils ont signalé des problèmes d’humidité et que les bailleurs n’ont pas réagi. Ils affirment que le nettoyage du toit ne relève pas de leurs obligations et qu’ils ont pris des mesures pour résoudre les problèmes. Délibération et jugementL’affaire a été mise en délibéré et le jugement a été prononcé le 5 novembre 2024. Le juge a examiné les manquements des locataires et a décidé de résilier le bail, ordonnant leur expulsion et le paiement d’une indemnité d’occupation. Résiliation du bailLe juge a constaté que les locataires avaient manqué à leurs obligations d’entretien, justifiant ainsi la résiliation du bail. Les bailleurs n’ont pas réussi à prouver que les locataires exerçaient une activité commerciale dans le logement. Indemnité d’occupationLes locataires ont été condamnés à verser une indemnité mensuelle d’occupation équivalente au loyer, à compter de la date de résiliation jusqu’à leur libération effective des lieux. Demandes reconventionnelles des locatairesLes demandes des locataires concernant des travaux, la suspension du loyer, et des indemnités pour préjudice de jouissance et moral ont été rejetées, le juge n’ayant pas trouvé de manquement de la part des bailleurs. Conclusion du jugementLe jugement a été rendu exécutoire de plein droit, condamnant les locataires aux dépens et enjoignant les bailleurs à remettre les quittances de loyer. Les demandes d’indemnité pour procédure abusive ont également été déboutées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Toulouse
RG n°
24/00834
Site Camille Pujol
2 allées Jules Guesde
BP 7015
31068 TOULOUSE cedex 7
NAC: 5AB
N° RG 24/00834 – N° Portalis DBX4-W-B7I-SYC3
JUGEMENT
N° B
DU : 05 Novembre 2024
[M] [H]
[B] [F] épouse [H]
C/
[I] [R]
[W] [R]
Expédition revêtue de
la formule exécutoire
délivrée le 05 Novembre 2024
à Me CHAZEAU
Expédition délivrée
à toutes les parties
JUGEMENT
Le Mardi 05 Novembre 2024, le Tribunal judiciaire de TOULOUSE,
Sous la présidence de Céline GARRIGUES, Vice Présidente au Tribunal judiciaire de TOULOUSE, chargée de la protection statuant en matière civile , assistée de Olga ROUGEOT Greffier, lors des débats et chargé des opérations de mise à disposition.
Après débats à l’audience du 05 Septembre 2024, a rendu la décision suivante, mise à disposition conformément à l’article 450 et suivants du Code de Procédure Civile, les parties ayant été avisées préalablement ;
ENTRE :
DEMANDEURS
M. [M] [H], demeurant CHATEAU JUILLAC – 31450 ODARS
Mme [B] [F] épouse [H], demeurant CHATEAU JUILLAC – 31450 ODARS
représentés par Me Marie-victoire CHAZEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
ET
DÉFENDEURS
M. [I] [R], demeurant 425 CHEMIN DE PALHARET – 31450 ODARS
Mme [W] [R], demeurant 425 CHEMIN DE PALHARET – 31450 ODARS
représentés par Me Angélique EYMOND, avocat au barreau de TOULOUSE
Par un contrat du 1er mai 2000, Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] ont donné à bail à Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] une maison à usage d’habitation de 240 m2 avec un jardin d’environ 3000m2 située 425 chemin de Palharet, 31450 ODARS, pour un loyer mensuel de 8000 francs, actualisé à la somme de 1812,61€.
Par acte d’huissier du 21 décembre 2023, Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] ont fait assigner Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] devant le juge des contentieux de la protection de Toulouse pour obtenir sur le fondement de l’article 25-8 de la loi du 6 juillet 1989 :
– le prononcé de la résiliation judiciaire du bail,
– l’expulsion des locataires et ce au besoin avec assistance de la force publique,
– la condamnation des consorts [R] au paiement :
* d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation,
* 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Après un renvoi à la demande des parties, l’affaire a été retenue et plaidée à l’audience du 5 septembre 2024, audience à laquelle les parties étaient représentées par des conseils qui déposaient pièces et conclusions auxquelles il conviendra de se référer pour un exposé de plus amples motifs.
Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] représentés par leur conseil, maintiennent leurs demandes dans les termes de leur assignation et s’opposent aux demandes reconventionnelles des locataires.
Ils font valoir l’absence de nettoyage du toit par les locataires et ce alors que cela fait partie de l’entretien courant du logement à leur charge et que cette absence permanente et récurrente a provoqué une dégradation importante des lieux, la présence de mousse depuis plusieurs années ayant endommagé les tuiles et la toiture en général. Ils indiquent que les locataires n’en ont pas justifié malgré une mise en demeure et l’avis de la commission départementale. Ils demandent donc la résiliation du bail au regard de cette négligence sur le fondement de l’article 1226 du code civil. Ils invoquent également un défaut global d’entretien qui fait courir un danger sur la pérennité de l’immeuble loué compte tenu de l’absence de justificatif d’entretien des façades et notamment de la façade nord envahie par la vigne vierge et l’exercice d’une activité professionnelle non autorisée par les bailleurs.
Sur les demandes reconventionnelles, ils font valoir que jusqu’à la lettre de novembre 2021 qu’ils ont adressée aux locataires pour avoir des justificatifs sur le ramonage de la cheminée, l’entretien de la chaudière, le nettoyage des canalisations et gouttières et l’attestation d’assurance ils n’avaient eu aucune observation ou information sur un problème d’humidité dans le logement et que c’est en réponse à cette lettre que Monsieur [R] a signalé pour la première fois cette humidité. Ils indiquent que suite à la visite proposée le 19/11/2021, les locataires avaient refusé la visite d’un salarié de leur Domaine.
Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R], représentés par leur conseil, sollicitent:
– de débouter Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] de l’ensemble de leurs demandes,
– à titre reconventionnel de condamner conjointement Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] :
* à produire le constat d’huissier, le DPE, les quittances de loyers, sous astreinte de 100€ par jour de retard
* à réaliser les travaux de salubrité par la pose de drains en périphérie, par le débouchage des réseaux d’évacuation sous-terrain, par la mise en place de système d’aération sous astreinte de 100€ par jour de retard,
* à réaliser les travaux de remise en état du portail et de la clôture sous astreinte de 100€ par jour de retard,
* dans l’attente de la réalisation des travaux d’ordonner la suspension de tout ou partie du paiement du loyer,
* à leur payer les sommes de :
– 1000€ pour préjudice moral,
– 362,50€ par mois depuis 5 ans au titre du préjudice de jouissance,
– 2000€ au titre de l’article 700 du code procédure civile et les dépens,
– une indemnité pour procédure abusive.
Ils font valoir qu’ils ont alerté leurs bailleurs sur les problèmes d’humidité qu’ils ont constaté dans leur maison et la dégradation de lames du parquet et leur ont demandé d’intervenir ce qui a déclenché les hostilités des bailleurs. Ils ajoutent avoir mandaté un expert qui a conclu que la maison souffrait d’un problème structurel d’étanchéité aggravé par des réseaux souterrains fuyards en périphérie et que l’humidité et le froid proviennent des manquements des bailleurs. Ils estiment que le nettoyage du toit ne relève pas de leurs obligations mais de celles du bailleur, qu’ils ont quand même effectué des démarches pour arranger les relations avec leurs bailleurs mais que les tuiles de la bâtisse ancienne s’étaient avérées trop vieilles et trop fragiles pour les artisans contactés. Ils ajoutent n’avoir pas produit de justificatifs tous les ans sur l’entretien des équipements car il ne leur avait jusqu’à présent jamais été demandé d’en justifier et qu’ils les produisent à leur dossier. Sur l’activité professionnelle de Monsieur [R] ils arguent de ce que ce dernier ne reçoit pas du public au domicile et de ce qu’il justifie en outre d’une adresse professionnelle à Labège.
L’affaire a été mise en délibéré au 5 novembre 2024.
Sur la résiliation judiciaire du bail
Conformément aux dispositions de l’article 1224 du code civil « la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».
Il convient donc que le manquement du locataire à ses obligations soit à la fois existant et suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de bail.
En l’espèce, plusieurs manquements sont reprochés aux locataires.
* Sur l’exercice d’une activité professionnelle non autorisée par le bailleur
Aux termes de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.
L’article 1728 du Code Civil applicable au contrat de location liant les parties conclu en 2000, le preneur est tenu, outre le paiement du prix aux termes convenus, d’une obligation essentielle consistant à user de la chose louée en bon père de famille et suivant la destination donnée par le bail.
Sur l’exercice d’une activité professionnelle non autorisée au sein du logement loué, les bailleurs produisent un extrait kbis au nom de la société PROBLEMAUTO PYRENEES dont l’activité est relative à l’expertise en automobile et le diagnotic en automobile et qui mentionne que la société a été immatriculée le 22 octobre 2009, a cessé totalement son activité à compter du 30 novembre 2014 et a été radiée le 18 janvier 2018.
De son côté, Monsieur [R] ne conteste pas exercer cette activité professionnelle qui consiste cependant selon lui (pièce 10 défendeurs) à se rendre chez les réparateurs pour déterminer la nature des problèmes et décider d’une méthodologie de réparation, qui n’implique que de brefs
échanges de messages à son domicile et la conservation de dossiers mais aucunement la réception de public à son domicile et dont l’adresse professionnelle est située à Labège depuis le 1/04/2022 ce qui est confirmé par la pièce 22 des défendeurs.
En l’espèce, le contrat de location à usage d’habitation principale en date du 1er mai 2000 prévoit en page 2 « le locataire n’exercera dans les lieux loués aucune activité commerciale ou industrielle ni aucune activité libérale autre que celle éventuellement indiquées aux conditions particulières » étant précisé que le contrat que contient aucune condition particulière sur ce point.
Pour autant, la domiciliation d’une personne morale dans les locaux à usage d’habitation pris à bail par son représentant légal ne constitue pas nécessairement une violation de la clause d’habitation du bail dans la mesure où elle n’entraîne pas un changement de la destination des lieux si aucune activité n’y est exercée comme l’a jugé la Cour de cassation (3ème civ., 25 fev. 2016, n°15-13.856).
Il incombe ainsi aux bailleurs de rapporter la preuve d’un exercice effectif par Monsieur [R] d’une activité commerciale dans les lieux objets du bail, ce qu’il conteste en affirmant qu’il n’y reçoit aucune clientèle.
Pour rapporter cette preuve, les bailleurs ne produisent qu’une impression de recherche « Google » sur [I] [R] qui certes apparaît comme expert à Odars et contient des avis de clients qui ne précisent cependant pas s’être rendu à Odars de sorte que ce seul élément ne permet pas d’établir que Monsieur [R] exercerait effectivement son activité d’expertise automobile dans les lieux pris à bail, et notamment qu’il y accueille de la clientèle ou y reçoit de la marchandise, étant ajouté qu’aucun trouble lié à une telle activité n’est rapporté.
Dans ces conditions, les bailleurs ne rapportent pas la preuve d’un changement de destination des lieux loués et par conséquent d’une violation de la clause d’habitation du bail.
Ce moyen sera donc rejeté.
* Sur le défaut d’entretien des locaux
Selon l’article 7 d de la loi du 6 juillet 1989 « Le locataire est obligé :
» De prendre à sa charge l’entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l’ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d’Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d’Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. Lorsque les organismes bailleurs mentionnés à l’article L411-2 du code de la construction et de l’habitation ont conclu avec les représentants de leurs locataires des accords locaux portant sur les modalités de prise en compte de la vétusté et établissant des grilles de vétusté applicables lors de l’état des lieux, le locataire peut demander à ce que les stipulations prévues par lesdits accords soient appliquées ».
S’agissant de l’entretien de la toiture, il apparaît que les parties sont en désaccord sur qui pèse l’obligation de démoussage du toit.
Le décret du 26 août 1987 qui énumère une liste non limitative de réparations locatives prévoit que pour les parties extérieures dont le locataire a l’usage exclusif, le locataire a la charge de l’enlèvement de la mousse et des autres végétaux des auvents, terrasses et marquises. Il n’est toutefois pas fait mention spécifiquement du toit dans ce décret, de sorte que s’agissant de la toiture il convient de distinguer selon une appréciation souverraine laissé au juge la nature des travaux ou de l’entretien pour savoir si l’obligation pèse sur le bailleur ou le locataire.
Si le propriétaire est responsable des grosses réparations et de la réfection de la toiture, il en va différemment s’agissant du démoussage de la toiture qui ne constitue qu’un entretien normal et
courant du toit d’une maison en location et qui doit être fait régulièrement au même titre que l’entretien d’une chaudière ou le ramonage des cheminées. En effet, le nettoyage du toit, le débouchage des gouttières, le démoussage, le nettoyage des débris, feuilles et branches d’arbre et le nettoyage des tuiles peuvent être considérées comme des petites réparations et relèvent donc de l’entretien locatif.
Par conséquent, le démoussage de la toiture et l’entretien des gouttières sont une charge locative que Madame et Monsieur [R] étaient tenus de réaliser ou de faire réaliser régulièrement.
Or, il est constant et non contesté que depuis le début de la location, soit 25 années d’occupation, les locataires n’ont jamais réalisé de démoussage de la toiture puisqu’ils estiment encore aujourd’hui que cette tâche ne leur incombe pas et qu’ils ne proposent nullement de le faire.
Pourtant, Monsieur et Madame [R] ont été mis en demeure par leurs bailleurs par courriers du 22 février 2023 et du 1er mars 2023 de réaliser cet entretien ainsi que par la Commission départementale de Conciliation dans son avis du 29 juin 2023 qui leur a confirmé que cela relevait des charges locatives puis par courrier du conseil des bailleurs du 14 septembre 2023 sans qu’ils ne remplissent leur obligation.
En outre, l’état des lieux fourni ne mentionnant pas l’état de la toiture, elle est présumée avoir été en bon état à la prise de bail.
Il convient de relever que les locataires eux-même affirment avoir contacté des artisans qui ont refusé d’intervenir du fait que les tuiles étaient trop vieilles ou trop fragiles ce qui tend à attester de la dégradation de la toiture et que sont versées aux débats par les bailleurs des photographies jointes à un courriel du 2 septembre 2024 qui ne sont pas contestées et qui montrent une présence très importante de mousse sur l’ensemble des tuiles du toit de la maison.
Par conséquent, au regard de ces éléments, ce défaut d’entretien de la toiture dans la mesure où il perdure depuis l’origine du bail, y compris après injonctions faites aux locataires à la fois par les bailleurs et la Commission départementale de Conciliation, est de nature à endommager de manière grave les matériaux du toit, provoquer des infiltrations et fragiliser l’ensemble de la toiture qui peut devenir plus vulnérable aux intempéries et constitue un manquement suffisamment grave et répété pour justifier la résiliation du bail aux torts exclusifs des locataires ainsi que leur expulsion.
* Sur la force publique
En tout état de cause, il y a lieu d’accueillir la demande de recours à la force publique en tant que de besoin, dès lors que le bailleur n’y aura recours qu’en l’absence d’un départ volontaire des occupants.
Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution au titre des opérations d’expulsion. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner leur enlèvement, leur transport ni leur séquestration, qui demeurent à ce stade purement hypothétiques.
Sur l’indemnité d’occupation
La résiliation ayant pour effet de déchoir les locataires de tout droit d’occupation du local donné à bail, ils seront également condamnés au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant depuis la résolution du bail et ce afin de réparer le préjudice découlant pour les demandeurs de l’occupation indue de leur bien et de leur impossibilité de le relouer.
Cette indemnité mensuelle d’occupation sera fixée au montant résultant du loyer et des charges, tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi, à compter du jugement et jusqu’à la date de libération effective des lieux.
Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur et Madame [R]
* Sur la demande de travaux et de suspension de loyer
Monsieur et Madame [R] devenant occupants sans droit ni titre du fait de la résiliation judiciaire du bail seront déboutés de leurs demandes de travaux et de suspension de loyer. Au surplus, il sera rappelé qu’il est de jurisprudence constante que l’inexécution de travaux de réparation par le bailleur ne dispense pas le preneur de payer le loyer et que l’exception d’inexécution n’est possible qu’en cas d’impossibilité totale d’utiliser les lieux loués ce qui n’est ici pas le cas en l’espèce.
* Sur la demande de production de pièces
La demande de production du constat d’huissier sera rejetée, ce document figurant dans les pièces communiquées de façon contradictoire au conseil de Monsieur et Madame [R].
Par ailleurs le DPE dont la production est sollicitée n’est pas obligatoire, le bail étant antérieur au 1er juillet 2017. La demande sera donc rejetée et ce d’autant plus que le bail a été résilié.
L’article 21 de la loi du 6 juillet 1989 oblige le bailleur à remettre une quittance de loyer à son locataire si celui-ci en fait la demande et si le loyer et les charges ont été perçus.
Dans la mesure où il n’est pas contesté que Monsieur et Madame [H] n’ont pas remis les quittances de loyers dont Monsieur et Madame [R] demandent la remise depuis le début de la location ni que ces loyers ont été payés par les locataires, il sera donc enjoint aux bailleurs de remettre ces quittances sans que cette obligation ne soit assortie d’une astreinte qui ne se justifie pas en l’espèce.
* Sur les demandes au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
En application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 alinéa 4, « Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D’assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l’article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l’état des lieux, auraient fait l’objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D’entretenir les locaux en état de servir à l’usage prévu par le contrat et d’y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l’entretien normal des locaux loués ;
L’obligation d’entretien et de jouissance paisible des lieux loués pesant sur le bailleur s’apprécie de façon objective et la responsabilité du bailleur peut être engagée en cas de défaut de délivrance d’un logement conforme. Il appartient donc à Madame et Monsieur [R] de démontrer, d’une part, les désordres affectant le logement et, d’autre part, l’inaction de leur propriétaire n’ayant pas permis de remédier aux désordres qu’ils allèguent.
Il doit cependant être rappelé que si ladite obligation de délivrance du bailleur constitue une obligation de résultat, la jurisprudence retient cependant qu’il ne peut être reproché au bailleur d’avoir manqué à ses obligations à défaut de sollicitation du preneur.
Or, en l’espèce, l’existence d’un problème d’humidité dans la maison et notamment dans le bureau n’est pas contesté les bailleurs arguant du fait qu’il n’en a été averti que tardivement et en réponse à ses propres sollicitations.
A la lecture des pièces, il apparaît en effet que Monsieur et Madame [R] qui invoquent avoir subi un préjudice dans la jouissance des lieux, objets de la location, du fait de l’humidité des lieux, n’ont jamais cru devoir faire constater par huissier de justice la réalité et l’importance des troubles dont ils auraient été victimes et qui auraient perturbé la jouissance de la maison qu’ils occupent maintenant depuis 25 ans.
Les consorts [R] ne produisent d’ailleurs aucune interpellation des bailleurs relativement à un manquement par celui-ci à ses obligations de délivrance et d’entretien ni n’ont jamais fait état d’un quelconque préjudice.
Ce n’est que postérieurement au courrier envoyé le 9 novembre 2021 par le bailleur pour leur faire injonction de produire les justificatifs pour les trois dernières années du ramonage de la cheminée, de l’entretien de la chaudière, du nettoyage des gouttières et canalisations et de l’attestation d’assurance, que les consorts [R] ont signalé un problème d’humidité. Si les bailleurs reconnaissent que ce problème leur a été signalé par mail du 16 novembre 2021, il n’est cependant pas fourni ce mail ni par les bailleurs ni par les locataires, seul le mail de réponse des bailleurs du 19 novembre 2021 étant communiqué.
Le premier courrier de réclamation des locataires fourni au dossier est celui du 1er mars 2023 dans lequel il est indiqué que les problèmes d’humidité sont toujours présents mais ne semblent pas s’être aggravé et existait déjà lors de notre prise en location. Il sera relevé qu’il ne résulte cependant pas de la lecture de l’état des lieux d’entrée la mention d’un problème d’humidité notamment dans le bureau excepté pour les murs de la cuisine où est indiqué « traces d’humidité ».
Il est d’ailleurs indiqué dans le rapport d’expertise réalisé par l’assureur protection juridique des propres locataires « si le bailleur ne l’avait pas sollicité pour la transmission de ces éléments d’entretien en 2021 il est fort probable que l’assuré n’ai jamais porté de réclamation concernant les points précités » (pièce 8.2 défendeurs)
En réponse, les bailleurs ont proposé dans le courriel du 19 novembre 2021 une visite des lieux afin de pouvoir constater les éventuels désordre le 3 décembre 2021, mais l’accès à la propriété a été refusée à cette date par Monsieur [R], ce qu’il reconnaît devant l’huissier dans la sommation interpellative du 9 mars 2022 (pièce 7 demandeurs).
Il est ensuite versé un constat d’huissier du 29 mars 2022 (pièce 8 demandeurs) réalisé à la demande des bailleurs qui montre un problème d’humidité dans le bureau avec des lames de parquet remplacées et certaines lames étant humides, dans le couloir en direction du séjour où à un endroit le mur est humide au toucher. Il résulte de la lecture de ce constat que Madame [H] a d’abord refusé l’accès de l’étage de la maison avant que Monsieur [R] l’autorise finalement.
Il est également versé un rapport d’expertise réalisé le 12 avril 2022 à la demande des locataires (pièce 8.1 des défendeurs) qui relève également un problème d’humidité dans le bureau avec un taux mesuré sur les murs entre 17 et 20% dont les conclusions peuvent être opposées aux bailleurs même si elle n’ont pas été émises de façon contradictoire dans la mesure où ce problème d’humidité est corroboré par d’autres éléments concordants à savoir le propre constat d’huissier réalisé le 29 mars 2022 seules les causes de cette humidité étant contestées. Il sera cependant tenu compte du fait qu’il n’est pas précisé à quelle date les bailleurs en ont eu connaissance.
En outre, la commission départementale de conciliation dans son avis du 29 juin 2023 a indiqué que « concernant l’humidité déclarée dans le bureau, il est demandé au locataire de faire une déclaration de sinistre à son assurance afin qu’un expert indépendant vienne identifier l’origine et l’ampleur de cette humidité. Cette expertise contradictoire permettra aux parties d’envisager les solutions adaptées ».
Cette expertise contradictoire a été réalisée et un rapport a été rendu le 21 février 2024 (pièce 8.2 des défendeurs), rapport aux termes duquel il est indiqué que le bailleur reconnaît que les remontées par capillarité sont connues et classiques au sein de ces habitations de type ferme lauraguaise datant du début du 19ème sièce, qu’une recherche de fuite a été réalisée par la société RESILIANS et a mis en évidence une fuite au niveau de la canalisation EP cheminant sous la terrasse à l’avant de l’habitation et que l’expert a indiqué que ces remontées pouvaient se traiter par injection de résine ou même la pose de cloisons en placoplatre aérées au niveau des murs et les sols par un apport en béton.
Par conséquent, au regard de ces éléments et de leur chronologie, il apparaît que les bailleurs, à la suite du signalement des locataires qui n’est intervenu qu’en novembre 2021, n’ont pu venir constater les problèmes d’humidité qu’en mars 2022 du fait de l’opposition des locataires en décembre 2021 et qu’au regard de la nature conflictuelle des relations locataires/bailleurs sur plusieurs problèmes les opposant, des expertises réalisés de part et d’autre de façon non contradictoire jusqu’à l’expertise contradictoire du 21 février 2024, il peut être considéré qu’ils ont réagi avec suffisamment de diligence.
En outre les éléments versés ne sont pas suffisant pas en l’espèce pour caractériser un logement indécent, ou même un préjudice de jouissance ou un préjudice moral qui n’est d’ailleurs pas détaillé.
Qu’à défaut de preuve d’un manquement par le bailleur à ses obligations pendant la durée du contrat de bail, comme de la réalité d’un préjudice subi en cours de bail, Monsieur et Madame [R] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
* Sur la demande pour procédure abusive
L’exercice d’une voie de recours constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’autant qu’il est démontré qu’il est mis en oeuvre de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce par Monsieur et Madame [R] à l’encontre de Monsieur et Madame [H] dont les demandes ont été acceptées.
La demande d’une indemnité pour procédure abusive, qui n’est d’ailleurs pas chiffrée, présentée par Monsieur et Madame [R] doit donc être rejetée.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. La rémunération du technicien obéit au régime des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et les frais et honoraires de l’expert sont inclus dans les dépens en application des articles 695 et 696 du même code.
Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R], partie perdante au principal, supporteront la charge des dépens.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Eu égard aux circonstances de la cause, à l’issue du litige et à la position des parties, il n’apparaît pas inéquitable de laisser aux parties les frais irrépétibles exposés par elles pour agir en justice et non compris dans les dépens.
Le jugement est de plein droit assorti de l’exécution provisoire et aucun motif ne justifie d’y déroger.
Le juge des contentieux de la protection, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la résiliation du bail conclu le 1er mai 2000 entre Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] d’une part, et Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] d’autre part concernant une maison à usage d’habitation située 425 chemin de Palharet, 31450 ODARS, aux torts exclusifs des défendeurs et à la date du présent jugement ;
ORDONNE en conséquence à Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] de libérer les lieux et de restituer les clés dès la signification du présent jugement ;
DIT qu’à défaut pour Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés,Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] pourront, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique ;
DIT n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place dont le sort sera réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, des articles L. 451-1 et R. 451-1 au cas d’abandon des lieux ;
CONDAMNE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] à verser à Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi, à compter du 5 novembre 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;
DEBOUTE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] de leur demande de travaux et de suspension de loyer ;
DEBOUTE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] de leur demande de communication du constat d’huissier et d’un DPE ;
ENJOINT à Monsieur [M] [H] et Madame [B] [F] épouse [H] de remettre à Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] les quittances de loyers depuis le 1er mai 2000 ;
DEBOUTE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] de leur demande indemnitaire au titre du préjudice de jouissance et de préjudice moral ;
DEBOUTE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] de leur demande d’indemnité pour procédure abusive ;
DIT n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [R] et Madame [W] [R] aux dépens ;
RAPPELLE que le jugement est de plein droit exécutoire ;
Le Greffier La Vice-Présidente
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