L’Essentiel : La société immobilière Grand Hainaut a signé un bail avec [U] [G] et [H] [N] pour un logement, renouvelé tacitement jusqu’à l’acquisition par la SA SIA HABITAT en décembre 2021. En octobre 2022, cette dernière a notifié un commandement de payer pour des loyers impayés, totalisant 1.546,19 euros. En juillet 2023, la SA SIA HABITAT a assigné les locataires pour résiliation du bail et expulsion. Le tribunal a jugé la SA recevable, mais a constaté que les locataires avaient réglé leur dette, rendant la clause résolutoire inapplicable. Les demandes d’expulsion et de dommages-intérêts ont été rejetées.
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Contexte du litigeLa société immobilière Grand Hainaut a signé un bail avec [U] [G] et [H] [N] pour un logement à usage d’habitation, avec un loyer mensuel de 531,80 euros et des charges de 39,82 euros. Ce bail a été renouvelé tacitement jusqu’à ce que la SA SIA HABITAT acquière le logement en décembre 2021. Commandement de payerEn octobre 2022, la SA SIA HABITAT a signifié un commandement de payer aux locataires pour un montant total de 1.546,19 euros, en raison de loyers impayés. Ce commandement a été notifié à la CCAPEX, conformément à la législation en vigueur. Procédure judiciaireEn juillet 2023, la SA SIA HABITAT a assigné [U] [G] et [H] [N] devant le tribunal judiciaire de Lille pour obtenir la résiliation du bail et l’expulsion des locataires. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises, avec une audience prévue pour novembre 2024. Arguments des partiesLors de l’audience, [U] [G] a contesté la procédure, arguant qu’il n’y avait pas eu de tentative de conciliation préalable et que le commandement de payer était nul. Elle a également demandé des délais de paiement, invoquant des difficultés financières et des problèmes liés à l’APL. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la SA SIA HABITAT était recevable à agir en résiliation du bail. Il a constaté que la clause résolutoire avait été acquise, mais a également noté que les locataires avaient réglé leur dette locative, rendant la clause réputée ne pas avoir joué. Rejet des demandesLes demandes de la SA SIA HABITAT concernant l’expulsion et les dommages-intérêts pour résistance abusive ont été rejetées. Le tribunal a également décidé que la SA SIA HABITAT devait supporter les dépens de l’instance. Exécution provisoireLe jugement a été déclaré exécutoire à titre provisoire, permettant ainsi aux parties de mettre en œuvre la décision sans attendre l’éventuel appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nécessité d’une tentative de conciliation préalable selon l’article 750-1 du code de procédure civile ?L’article 750-1 du code de procédure civile stipule que, à peine d’irrecevabilité, la demande en justice doit être précédée d’une tentative de conciliation lorsque celle-ci tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros. Cette disposition a été réintroduite par le décret n°2023-357 du 11 mai 2023, qui précise que les parties peuvent choisir entre plusieurs modes de conciliation, tels que la médiation ou la procédure participative. Les exceptions à cette obligation incluent des cas d’urgence manifeste ou l’indisponibilité de conciliateurs de justice. Dans le cas présent, la SA SIA HABITAT a introduit son action le 17 juillet 2023, soit avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions, ce qui rend la fin de non-recevoir tirée de l’absence de tentative de conciliation irrecevable. Quelles sont les conditions de validité d’un commandement de payer selon l’article 24 de la loi n°89-462 ?L’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 impose plusieurs conditions pour la validité d’un commandement de payer. Le commandement doit contenir : 1. La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ; Dans l’affaire en question, le commandement de payer a été jugé conforme, car il mentionnait tous ces éléments, rendant ainsi l’exception de nullité soulevée par [U] [G] et [H] [N] irrecevable. Quelles sont les implications de la clause résolutoire dans le bail selon l’article 24 de la loi n°89-462 ?L’article 24 de la loi n°89-462 précise que la clause résolutoire pour défaut de paiement ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Dans cette affaire, la SA SIA HABITAT a notifié un commandement de payer le 7 octobre 2022, et les locataires n’ayant pas réglé leur dette dans le délai imparti, la clause résolutoire a été considérée comme acquise le 8 décembre 2022. Cela signifie que le bail peut être résilié et que l’expulsion des locataires peut être demandée, sous réserve que toutes les conditions légales aient été respectées. Comment la prescription des créances locatives est-elle régie par l’article 7-1 de la loi n°89-462 ?L’article 7-1 de la loi n°89-462 stipule que les créances locatives se prescrivent par trois ans. Dans le cas présent, [U] [G] a soulevé que certaines sommes étaient prescrites, notamment celles correspondant à un « solde antérieur 2022 ». La SA SIA HABITAT n’a pas pu prouver que ces créances étaient encore valides, ce qui a conduit à leur déduction des montants dus par les locataires. Ainsi, la prescription a joué un rôle crucial dans la détermination des sommes réellement dues. Quelles sont les conséquences de l’absence de mise en demeure pour le commandement de payer ?Selon l’article 24 de la loi n°89-462, le commandement de payer doit être précédé d’une mise en demeure. Dans cette affaire, il a été constaté qu’aucune mise en demeure n’avait été effectuée pour certains frais, ce qui a conduit à leur exclusion du décompte de la dette. Cela souligne l’importance de respecter les procédures légales pour garantir la validité des demandes de paiement et des commandements de payer. Quelles sont les conditions pour suspendre les effets de la clause résolutoire selon l’article 24 de la loi n°89-462 ?L’article 24, VII de la loi n°89-462 stipule que les effets de la clause résolutoire peuvent être suspendus si le locataire a repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience. Dans cette affaire, les locataires ont effectivement repris le paiement de leur loyer, ce qui a conduit à la constatation que la clause de résiliation de plein droit ne s’appliquait pas. Cette disposition permet ainsi de protéger les locataires en difficulté tout en respectant les droits des bailleurs. |
de LILLE
[Localité 3]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/06830 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XM2S
JUGEMENT
DU : 13 Janvier 2025
S.A. SIA HABITAT
C/
[H] [N]
[U] [G]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 13 Janvier 2025
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. SIA HABITAT, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Représentant : Me Caroline HENOT, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR(S)
M. [H] [N], demeurant [Adresse 2], non comparant
Mme [U] [G], demeurant [Adresse 2], représentée par Me Stéphanie DUMETZ, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 04 Novembre 2024
Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 13 Janvier 2025, date indiquée à l’issue des débats par Noémie LOMBARD, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG : 23/6830 PAGE
Par acte sous seing privé du 22 juillet 2020 à effet au 6 août 2020, la société anonyme (ci-après SA) la société immobilière grand Hainaut a donné à bail à [U] [G] et [H] [N] un logement à usage d’habitation situé [Adresse 2] à [Localité 6], pour une durée d’un mois, renouvelable par tacite reconduction, moyennant un loyer mensuel initial de 531,80 euros outre une provision sur charges mensuelle de 39,82 euros.
Par acte authentique reçu le 21 décembre 2021 entre les mains de Maître [K], notaire à [Localité 5], la SA SIA HABITAT a acquis le logement susvisé.
Par exploits signifiés les 4 et 7 octobre 2022, la SA SIA HABITAT a fait délivrer respectivement à [U] [G] et [H] [N] un commandement de payer les loyers, visant la clause résolutoire présente au bail et portant sur la somme en principal de 1.546,19 euros, arrêtée au 16 septembre 2022.
Ce commandement a été signifié à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (ci-après CCAPEX), par voie électronique, le 7 octobre 2022.
Par actes de commissaire de justice du 17 juillet 2023, la SA SIA HABITAT a fait citer [U] [G] et [H] [N] à comparaître devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LILLE à l’audience du 25 janvier 2024 aux fins d’obtenir :
la résiliation du bail ;l’expulsion des locataires ainsi que celle de tous occupants de leur chef, dès que le délai légal sera expiré et au besoin avec le concours et l’assistance de la force publique et d’un serrurier ;la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert en garde meubles à leurs frais, risques et périls ;la condamnation solidaire des locataires à lui payer :la somme de 1.360,87 euros, sous réserve des loyers et charges qui seront échus au jour du jugement à intervenir, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,une indemnité d’occupation égale au montant du dernier loyer et ce depuis le prononcé de la résiliation du bail et jusqu’à la restitution effective des lieux,la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;la condamnation solidaire des locataires au paiement de tous les frais et dépens de la présente instance en ce compris le cout du commandement de payer, de la présente assignation et de ses suites s’il y a lieu et le cas échéant, des actes signifiés dans le cadre des mesures conservatoires qui ont été prises sur leurs biens et valeurs mobilières ;l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
L’assignation a été dénoncée à la Préfecture du Nord par voie électronique le 18 juillet 2023.
A l’audience du 25 janvier 2024, l’affaire a fait l’objet, à la demande des parties, de renvois successifs aux audiences des 18 avril 2024 et 4 juillet 2024. A cette dernière audience, le juge a organisé les échanges en présence des parties représentées par leur conseil et renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 4 novembre 2024.
A l’audience du 4 novembre 2024, la SA SIA HABITAT, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance tout en actualisant le montant de l’arriéré locatif à la somme de 531,11 euros au 16 octobre 2024. Elle a déclaré ne pas s’opposer à l’octroi de délais de paiement aux défendeurs.
Aux termes de ses dernières écritures déposées et visées par le greffier à l’audience, [U] [G], représentée par son conseil, a demandé au du juge de :
à titre principal,
déclarer irrecevable l’assignation délivrée par la SA SIA HABITAT faute de tentative de conciliation préalable,prononcer la nullité du commandement de payer,constater l’absence d’acquisition de la clause résolutoire,condamner la SA SIA HABITAT aux entiers frais et dépens ;
à titre subsidiaire,
constater qu’elle est redevable de la somme de 603,18 euros au 30 juin 2024,déduire des sommes dues par elle la somme de 791,23 euros,constater en conséquence l’extinction de la dette ;
à titre infiniment subsidiaire,
constater qu’elle est redevable de la somme de 603,18 au 30 juin 2024,rejeter la demande d’expulsion ou à défaut la suspendre,ordonner un échelonnement du solde de la dette sur un an,débouter la SA SIA HABITAT de l’ensemble de ses demandes,laisser aux parties leurs frais et dépens.
Elle fait principalement valoir qu’en violation des dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile, la SA SIA HABITAT n’a pas fait précéder son action en justice tenant au paiement d’une somme inférieure à 5.000 euros d’une tentative de conciliation. Elle expose encore, sur le fondement de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, que le commandement de payer est nul en ce qu’il ne fait aucune distinction entre les loyers et les charges impayés, l’empêchant de prendre la mesure exacte de son obligation de paiement. A titre subsidiaire, elle expose que la somme de 791,23 euros est prescrite au sens de l’article 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 en ce qu’elle correspond à la reprise d’un « solde antérieur 2022 » sans précision quant à la date à laquelle l’arriéré a commencé à courir. A titre infiniment subsidiaire, sur le fondement de l’article 1345-5 du code civil et des délais dérogatoires aux dispositions précitées dans la limite de trois ans, elle sollicite des délais de paiement sur un an et l’absence de constat de l’acquisition de la clause résolutoire. Elle précise qu’elle est séparée de [H] [N] depuis le 14 avril 2021 ; que la CAF a suspendu le versement de l’APL engendrant la dette locative ; qu’un plan d’apurement a été mis en place ; que la dette a été en partie remboursée ; qu’elle est en attente d’un rappel d’APL qui lui permettra de solder sa dette. Elle fait encore état de sa situation financière et familiale.
Régulièrement assigné par dépôt de l’acte à étude, [H] [N] n’a pas comparu à l’audience.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 13 janvier 2025.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, [H] [N], assigné à l’étude d’huissier de justice, n’a pas comparu. La décision étant susceptible d’appel, il y a lieu de statuer par jugement réputé contradictoire en application de l’article 473 du code de procédure civile.
Il convient de relever qu’aucun élément du débat ne permet d’établir que [H] [N] a régulièrement délivré congé et quitté les lieux. Ainsi, compte tenu de la clause de solidarité présente au contrat de bail litigieux, [H] [N] reste tenu solidairement avec [U] [G] des obligations du bail.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de tentative de conciliation préalable à l’introduction de l’instance :
Par décision n° 436939, 437002 du 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat a annulé les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 4 du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, suivant lesquelles à peine d’irrecevabilité, la demande en justice lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative.
Le décret n°2023-357 du 11 mai 2023 a réintroduit l’article 750-1 du code de procédure civile suivant lequel :
« En application de l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.
Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution. »
Conformément à l’article 4 du décret n° 2023-357 du 11 mai 2023, ces dispositions sont applicables aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
En l’espèce, la SA SIA HABITAT a introduit son action par exploit du 17 juillet 2023, date à laquelle les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile, tant dans leur version antérieure à la décision d’annulation du Conseil d’Etat du 22 septembre 2022 que dans leur version issue du décret n° 2023-357 du 11 mai 2023, n’étaient pas applicables, étant au demeurant observé que les demandes de résiliation du bail et d’expulsion sont indéterminées.
Partant, la fin de non-recevoir tirée de l’absence de tentative de conciliation sera rejetée.
Sur l’exception de procédure tirée de la nullité du commandement de payer :
Aux termes du I de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date du commandement de payer, :
« Le commandement de payer contient, à peine de nullité :
1° La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;
2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;
3° Le décompte de la dette ;
4° L’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;
5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil. »
En l’espèce, le commandement de payer, signifié aux locataires les 5 et 7 octobre 2022, mentionne les montants mensuels respectifs du loyer et des charges prévus initialement au bail ainsi que le montant de l’arriéré locatif au titre des loyers et charges impayés faisant l’objet du commandement de payer. Le décompte de la dette, joint au commandement de payer, détaille de manière exhaustive la dette locative en mentionnant pour chaque mois le montant dû au titre du loyer et celui dû au titre des provisions sur charges.
Le commandement litigieux contient donc les éléments précités.
L’exception de procédure soulevée par [U] [G] tirée de la nullité du commandement de payer sera donc rejetée.
Sur la demande de constat de la résiliation du bail et l’expulsion :
Sur la recevabilité
Le bailleur justifie avoir notifié le commandement de payer visant la clause résolutoire le 7 octobre 2022 à la CCAPEX, soit plus de deux mois avant l’assignation conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à la date du commandement de payer litigieux.
Par ailleurs, il justifie avoir notifié au préfet du Nord, le 18 juillet 2023, soit plus de deux mois avant l’audience, l’assignation visant à obtenir l’expulsion, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à la date de l’assignation.
La SA SIA HABITAT est donc recevable à agir en résiliation du bail.
Sur l’ acquisition de la clause résolutoire
En vertu de l’article 7a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, « le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ».
Aux termes du paragraphe I de l’article 24 de cette même loi, dans sa version en vigueur à la date du bail, « toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».
En l’espèce, la SA SIA HABITAT produit le contrat de bail conclu avec [U] [G] et [H] [N] le 22 juillet 2020, contenant une clause résolutoire pour non-paiement des loyers et charges prenant effet deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
La SA SIA HABITAT produit encore un commandement de payer délivré le 4 octobre 2022 à [U] [G], par remise à personne, et le 7 octobre 2022 à [H] [N], suivant les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, visant la somme en principal de 1.546,19 euros au titre des loyers et charges impayés à la date du 16 septembre 2022. Le commandement reproduit la clause résolutoire contenue au bail.
Il ressort du décompte joint au commandement de payer qu’au 15 janvier 2022, date de la première écriture comptable, les locataires étaient redevables d’un solde de 791,23 euros correspondant à la reprise du solde dû au titre des loyers et charges impayés antérieurs à l’acquisition de l’immeuble par la SA SIA HABITAT.
Or, en application des dispositions de l’article 1346-1 du code civil, sauf clause de subrogation expresse contenue à l’acte de vente, l’acquéreur ne peut poursuivre le locataire pour le paiement de loyers impayés antérieurs à son acquisition.
La SA SIA HABITAT a acquis l’immeuble objet du bail consenti à [U] [G] et [H] [N] suivant acte notarié du 27 décembre 2021.
La clause de subrogation contenue dans l’acte de vente a pour effet de substituer l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur-bailleur à compter du 1er janvier 2022 mais ne comporte aucune précision quant à une subrogation pour la créance de loyer antérieure à l’acquisition.
De surcroît, il ressort du décompte de l’ancien propriétaire, versé par la SA SIA HABITAT aux débats, qu’au 1er janvier 2022, aucune somme antérieure à la vente n’était due.
Ainsi, la SA SIA HABITAT ne démontre pas être titulaire d’une créance de 791,23 euros à la date du 15 janvier 2022. Cette somme sera déduite des causes du commandement de payer.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription de cette somme soulevée en défense n’a en conséquence plus d’objet.
Le montant total prélevé pour l’enquête sociale doit également être déduit des causes du commandement de payer en l’absence de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception d’avoir à renvoyer l’enquête sociale, soit 45,72 euros.
Déduction faite de ces sommes, les causes du commandement de payer étaient justifiées à hauteur de 709,24 euros.
Il ressort du décompte produit par la bailleresse en date du 30 octobre 2024 que les causes du commandement de payer n’ont pas été réglées dans un délai de deux mois.
Le commandement de payer est donc demeuré infructueux pendant plus de deux mois et les conditions d’acquisition de la clause résolutoire étaient réunies le 8 décembre 2022.
Sur les sommes dues
Il ressort du décompte du 30 octobre 2024 que les locataires restent redevables de la somme de 531,11 euros au titre des loyers et charges impayés. Déduction faite de la créance injustifiée de la SA SIA HABITAT à hauteur de 791,23 euros au 15 janvier 2022 et des frais indûment prélevés au titre de l’enquête sociale, les locataires ne sont redevables d’aucune somme d’argent au titre des loyers et charges impayés.
La demande en paiement des loyers et charges formée par la SA SIA HABITAT sera par conséquent rejetée.
Sur la suspension des effets de la clause résolutoire
Aux termes du VII de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version issue de la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, :
« Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges.
Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. »
En l’espèce, les locataires ont repris à l’audience le paiement de leur part à charge du loyer courant, déduction faite de l’aide personnalisée au logement, et se sont acquittés intégralement de leur dette locative. Il y a donc lieu de constater que la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué.
La demande tendant au constat de la résiliation du bail sera dès lors rejetée ; les demandes subséquentes sont par voie de conséquence dépourvues d’objet.
Sur la demande indemnitaire pour résistance abusive :
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes de l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
En l’espèce, il ressort des précédents développements que près de la moitié de la somme visée dans le commandement de payer n’était pas justifiée en son principe ; que la dette locative était en partie justifiée par le défaut de versement régulier des APL et leur suspension pendant plusieurs mois ; que [U] [G] s’est acquittée intégralement de la dette locative au cours de la procédure.
Dans ce contexte, la SA SIA HABITAT ne démontre pas en quoi le retard pris dans le règlement des loyers et charges résulte d’une intention abusive de la part des locataires et non de leur situation sociale et financière.
Partant, la demande indemnitaire présentée pour résistance abusive sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Il ressort du décompte locatif du 30 octobre 2024 que le coût du commandement de payer et de l’assignation ont d’ores et déjà été mis à la charge des locataires qui ne sont plus redevables d’aucune somme au titre de ce décompte ; que déduction faite des sommes indûment mises à la charge des locataires, ces derniers ont soldé leur dette et plus encore. En considération de ces éléments, le surplus des dépens exposés sera supporté par la SA SIA HABITAT.
L’équité et la situation économique respective des parties commandent de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, il sera rappelé que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection de Lille, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,
DECLARE l’action de la société anonyme SIA HABITAT recevable ;
CONSTATE que la clause de résiliation de plein droit du bail conclu le 22 juillet 2020 entre la société anonyme SIA HABITAT d’une part, [U] [G] et [H] [N] d’autre part, et portant sur un logement à usage d’habitation situé [Adresse 2] à [Localité 6], dont les conditions d’acquisition étaient réunies depuis le 8 décembre 2022, est réputée ne pas avoir joué compte tenu du règlement intégral de la dette locative ;
REJETTE le surplus des demandes présentées par les parties et non satisfaites ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SIA HABITAT à supporter les dépens de l’instance n’ayant pas d’ores et déjà été payés par [U] [G] et [H] [N] ;
RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de la décision au greffe le 13 janvier 2025.
LE GREFFIER LA JUGE
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