Résiliation de bail et contestation des arriérés locatifs : enjeux d’indexation et de régularité.

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Résiliation de bail et contestation des arriérés locatifs : enjeux d’indexation et de régularité.

L’Essentiel : Le litige oppose Mme [O] et M. [Y] [F] concernant un bail commercial renouvelé en mars 2017. La société LOLIVE 160, propriétaire depuis avril 2024, a délivré un commandement de payer pour des arriérés locatifs. M. [Y] [F] conteste les sommes réclamées, invoquant une indexation rétroactive non appliquée par le précédent bailleur. Lors de l’audience, le juge a relevé des incohérences dans les montants et une contestation sérieuse sur l’indexation. En conséquence, il a rejeté les demandes de la société LOLIVE 160, qui a été condamnée à verser 1.500 euros à M. [Y] [F] pour ses frais.

Contexte du litige

Par acte sous seing privé en date du 6 mars 2017, Mme [O] a renouvelé un bail commercial à M. [Y] [F], entrepreneur sous l’enseigne « Les routiers », pour des locaux situés à [Adresse 2]. La société LOLIVE 160 a acquis l’immeuble le 17 avril 2024.

Commandement de payer

Le 15 juillet 2024, la société LOLIVE 160 a délivré un commandement de payer à M. [Y] [F] pour une somme de 6.914,84 euros, visant la clause résolutoire du bail.

Assignation en référé

Le 13 septembre 2024, la société LOLIVE 160 a assigné M. [Y] [F] en référé pour faire constater la résiliation du bail, ordonner son expulsion, et obtenir le paiement d’arriérés locatifs et d’indemnités d’occupation.

Réponse de M. [Y] [F]

Lors de l’audience du 28 novembre 2024, M. [Y] [F] a contesté les demandes de la société LOLIVE 160, arguant que les sommes réclamées étaient liées à une indexation rétroactive du loyer, non appliquée par le précédent bailleur en raison de nuisances.

Arguments de la société LOLIVE 160

En réponse, la société LOLIVE 160 a soutenu que ses demandes étaient fondées sur les clauses contractuelles et que l’indexation avait été calculée à partir du loyer initial de 2017, sans rétroactivité.

Analyse des demandes

Le juge a rappelé que les demandes de constatation ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile. Il a également précisé que pour accorder une provision, il faut que l’existence de l’obligation soit non sérieusement contestable.

Éléments contractuels

Le bail stipule que la résiliation intervient un mois après un commandement de payer infructueux. Il contient également des clauses de révision et d’indexation du loyer, qui ont été contestées par M. [Y] [F].

Conclusion du juge

Le juge a constaté des incohérences dans les montants réclamés et a noté qu’il existait une contestation sérieuse sur le calcul de l’indexation et la régularité du commandement de payer. Par conséquent, il n’y a pas lieu à référé sur l’intégralité des demandes.

Décision finale

La société LOLIVE 160 a été condamnée à régler à M. [Y] [F] la somme de 1.500 euros pour ses frais irrépétibles et à supporter les dépens. La décision est exécutoire par provision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire dans un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui stipule que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Ainsi, pour que la clause résolutoire soit applicable, il est impératif qu’un commandement de payer soit délivré et qu’il soit resté sans effet pendant un mois.

De plus, le bailleur doit prouver l’existence de la créance pour que la résiliation soit validée.

Dans le cas présent, la société LOLIVE 160 a délivré un commandement de payer, mais la contestation sur le montant dû soulève des questions sur la validité de la résiliation.

Quelles sont les implications de la contestation sérieuse sur les sommes réclamées ?

L’article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile précise que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. »

Cela signifie que pour qu’une provision soit accordée, le juge doit d’abord établir que l’obligation est non sérieusement contestable.

Dans cette affaire, M. [Y] [F] a soulevé des contestations sérieuses concernant les sommes réclamées, notamment en ce qui concerne l’indexation du loyer.

La société LOLIVE 160 a affirmé que l’indexation était calculée à partir du loyer initial de 2017, mais M. [Y] [F] a contesté cette méthode, arguant que l’indexation n’avait pas été appliquée par le précédent bailleur.

Le juge des référés, en tant que juge de l’évidence, a constaté que les éléments présentés par les parties étaient incohérents, ce qui a conduit à la conclusion qu’il existait une contestation sérieuse sur le montant du loyer.

Comment le juge des référés apprécie-t-il les demandes de provision ?

Le juge des référés doit se baser sur l’article 835 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner toutes mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. »

Cela implique que le juge doit examiner si l’obligation invoquée par le créancier est incontestable.

Dans le cas présent, la société LOLIVE 160 a demandé une provision sur la base d’arriérés locatifs, mais le juge a relevé que les sommes réclamées étaient contestées par M. [Y] [F].

En conséquence, le juge a estimé qu’il ne pouvait pas accorder de provision, car la contestation sur le montant du loyer et les indexations était suffisamment sérieuse pour justifier un examen plus approfondi par le juge du fond.

Quelles sont les conséquences de la décision du juge des référés sur les dépens et les frais irrépétibles ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui perd peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. »

Dans cette affaire, la société LOLIVE 160 a été condamnée à régler à M. [Y] [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de cet article.

Cela signifie que, bien que la société LOLIVE 160 ait présenté des demandes, le juge a considéré que ces demandes n’étaient pas fondées en raison des contestations sérieuses soulevées par M. [Y] [F].

De plus, la société LOLIVE 160 a également été condamnée aux dépens, ce qui implique qu’elle doit supporter les frais de la procédure, renforçant ainsi la notion que la partie perdante doit assumer les coûts liés à la contestation judiciaire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOBIGNY
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Chambre 1/Section 5
N° du dossier : N° RG 24/01576 – N° Portalis DB3S-W-B7I-Z2U2

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 16 JANVIER 2025
MINUTE N° 25/00102
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Nous, Madame Mallorie PICHON, Vice-présidente, au Tribunal judiciaire de BOBIGNY, statuant en référés, assistée de Madame Tiaihau TEFAFANO, Greffière,

Après avoir entendu les parties à notre audience du 28 novembre 2024 avons mis l’affaire en délibéré et avons rendu ce jour, par mise à disposition au greffe du tribunal en application des dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, la décision dont la teneur suit :

ENTRE :

La SNC LOLIVE 160,
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Grégory CHERQUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0400

ET :

Monsieur [Y] [F],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Abdelhalim BEKEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 10

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 6 mars 2017, Mme [O] a donné à bail commercial en renouvellement à M. [Y] [F], entrepreneur individuel exerçant sous l’enseigne « Les routiers », des locaux situés au sein de l’immeuble du [Adresse 2].

La société LOLIVE 160 a acquis l’immeuble par acte authentique du 17 avril 2024.

La société LOLIVE 160 a fait délivrer le 15 juillet 2024 à M. [Y] [F] un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour obtenir paiement de la somme en principal de 6.914,84 euros.

Par acte du 13 septembre 2024, la société LOLIVE 160 a assigné en référé devant le président de ce tribunal M. [Y] [F], pour :
Faire constater la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire ;Ordonner l’expulsion immédiate de M. [Y] [F] et de tous occupants de son chef des locaux loués, si besoin avec assistance de la force publique ;Condamner M. [Y] [F] à lui payer à titre provisionnel :une somme de 5.031,84 euros à valoir sur l’arriéré locatif arrêté au 3e trimestre 2024, à parfaire ;une indemnité d’occupation trimestrielle égale à 130 % de l’ancien loyer provision sur charge comprise, à compter du 4e trimestre 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux ;Condamner M. [Y] [F] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens qui comprendront le coût du commandement de payer.
L’assignation a été dénoncée le 18 septembre 2024 à la Caisse mutuelle de [Localité 3], créancier inscrit du preneur.

A l’audience du 28 novembre 2024, par écritures déposées et soutenues, la société LOLIVE 160 actualise sa demande au titre des arriérés à la somme de 5.996,03 euros, 4e trimestre 2024 inclus, maintient ses autres demandes et conclut au rejet des prétentions adverses.

Par écritures déposées et soutenues, M. [Y] [F] demande au juge des référés de débouter la société LOLIVE 160 de ses demandes, et de condamner la société LOLIVE 160 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

En substance, M. [Y] [F] excipe de contestations sérieuses sur les sommes réclamées, liées l’indexation du loyer, réclamée par la société LOLIVE 160 de manière rétroactive, alors qu’elle n’avait pas été mise en oeuvre depuis plusieurs années par le précédent bailleur, qui y avait renoncé, pour compenser le trouble anormal de jouissance subi par le preneur en raison de nuisances sonores et vibratoires.

En réplique, la société LOLIVE 160 soutient que les demandes ne se heurtent à aucune contestation sérieuse mais résultent uniquement de l’application des clauses contractuelles, et affirme qu’il a calculé l’indexation à partir du loyer initial de 2017, mais qu’il de l’a pas facturée de manière rétroactive, mais seulement à compter de l’acquisition de l’immeuble.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

Au préalable, il convient de rappeler que les demandes de « constater » ou « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles se bornent à des affirmations, des moyens ou des commentaires et qu’il n’appartient donc pas au juge des référés de statuer.
Ces demandes ne donneront donc pas lieu à mention ni dans les motifs ni au dispositif.

Sur les demandes principales

Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »

Par ailleurs, les dispositions de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoient que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

L’octroi d’une provision suppose le constat préalable par le juge de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée. Le montant de la provision susceptible d’être ainsi allouée n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant.

Le bailleur demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

En l’espèce, le renouvellement de bail stipule en son article 9 qu’à défaut de paiement d’un terme du loyer ou de ses accessoires à son échéance, le contrat est résilié de plein droit un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

Il comporte également, en son article 4, une clause de révision du loyer, indiquant que “la hausse de loyer sera appelée par paliers annuels de 10 % par an à concurrence du montant du loyer renouvelé, indexation en sus […]”, et en son article 5, une clause d’indexation.

L’acte de vente de l’immeuble du 17 avril 2024, produit par la partie défenderesse, prévoit notamment, dans le paragraphe “Situation Locative” s’agissant des lots loués au profit de M. [Y] [F], que “le bail prévoit que le loyer fera l’objet d’une indexation chaque année à la date d’anniversaire du bail en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux. En application de cette clause d’indexation le loyer mensuel hors charges est actuellement d’un montant de 1833,00 euros. [hors charges de 50 euros par mois]”

Or, le décompte joint au commandement de payer délivré le 15 juillet 2024 vise :
un loyer dû au titre du 2e trimestre 2024 de 6.333,69 euros hors charges, soit 2.111,23 euros mensuel hors charges. un loyer dû au titre du 3e trimestre 2024 de 6.555,37 euros hors charges, soit 2.185,12 euros mensuel hors charges.
Etant rappelé que le juge des référés est le juge de l’évidence, eu égard à ces éléments incohérents et compte tenu des dispositions contractuelles, il existe manifestement une contestation sérieuse s’agissant du calcul de l’indexation et par voie de conséquence, du montant du loyer dont le preneur serait redevable.

Le juge des référés ne peut apprécier l’exacte application par le demandeur des dispositions contractuelles relatives au calcul de l’indexation,

En outre, les sommes réclamées correspondent manifestement uniquement aux indexations réclamées par le bailleur et contestées par le preneur, de sorte qu’il existe également une contestation sérieuse sur la régularité du commandement de payer, débat qui relève du juge du fond.

En conséquence, il ne saurait y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes présentées.

Sur les demandes accessoires

La société LOLIVE 160 conservera la charge des dépens.

Elle sera également condamnée à régler à M. [Y] [F] la somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur l’intégraité des demandes ;

Condamnons la société LOLIVE 160 à régler à M. [Y] [F] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société LOLIVE 160 aux dépens.

Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.

AINSI JUGÉ AU PALAIS DE JUSTICE DE BOBIGNY, LE 16 JANVIER 2025.

LA GREFFIERE
LA PRÉSIDENTE


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