Résiliation de bail commercial et suspension des effets de la clause résolutoire

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Résiliation de bail commercial et suspension des effets de la clause résolutoire

L’Essentiel : La société Elogie Siemp a assigné Haïtian Mama en référé le 20 septembre 2024, demandant la constatation de la clause résolutoire du bail commercial et l’expulsion de la société. Lors de l’audience du 13 décembre 2024, Elogie Siemp a réclamé 7 774,84 euros, tout en proposant des délais de paiement. Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire, mais a accordé des délais à Haïtian Mama, suspendant temporairement les effets de cette clause. En cas de non-respect, l’expulsion serait ordonnée, et Elogie Siemp a obtenu une provision de 7 185,51 euros pour loyers impayés.

Contexte de l’affaire

La société Elogie Siemp a conclu un bail commercial avec la société Haïtian Mama le 21 septembre 2021, pour une durée de neuf ans, concernant un local de 53 m². Le loyer annuel était fixé à 13 260 euros HT, payable trimestriellement et d’avance.

Assignation en référé

Le 20 septembre 2024, Elogie Siemp a assigné Haïtian Mama en référé devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et l’expulsion de la société Haïtian Mama, ainsi que d’autres mesures telles que le transport des meubles et le paiement de sommes dues.

Audience et demandes de la société Elogie Siemp

Lors de l’audience du 13 décembre 2024, Elogie Siemp a maintenu ses demandes, augmentant le montant réclamé à 7 774,84 euros, tout en proposant des délais de paiement de six mois. La société Haïtian Mama n’a pas constitué avocat pour se défendre.

Acquisition de la clause résolutoire

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire du bail était acquise, car le commandement de payer délivré le 19 juillet 2024 n’avait pas été suivi d’effet dans le délai d’un mois. Les conditions pour invoquer cette clause étaient remplies, et le bail était soumis au statut des baux commerciaux.

Accord sur les délais de paiement

Le tribunal a décidé d’accorder des délais de paiement à Haïtian Mama, suspendant les effets de la clause résolutoire pendant cette période. En cas de non-respect des délais, la clause résolutoire reprendrait son plein effet, entraînant l’expulsion de la société.

Provision et indemnités

Elogie Siemp a été accordée une provision de 7 185,51 euros pour loyers et charges impayés, avec intérêts au taux légal. La société Haïtian Mama a également été condamnée à payer une indemnité d’occupation en cas de résiliation du bail.

Décision finale

Le tribunal a ordonné l’expulsion de Haïtian Mama en cas de non-respect des délais de paiement, ainsi que le transfert des meubles dans un garde-meubles aux frais de la défenderesse. La société a également été condamnée aux dépens, tandis que la demande d’astreinte a été rejetée.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est un mécanisme qui permet au bailleur de résilier le contrat de location en cas de manquement du locataire, notamment en cas de non-paiement des loyers.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

La jurisprudence précise que le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail à condition que :

– Le défaut de paiement soit manifestement fautif,
– Le bailleur soit en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– La clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas d’interprétation.

Dans l’affaire en question, la société Elogie Siemp a délivré un commandement de payer le 19 juillet 2024, qui a été jugé régulier.

Les causes du commandement n’ayant pas été réglées dans le mois suivant, cela a conduit à constater l’acquisition de la clause résolutoire.

Quels sont les effets de la clause résolutoire sur le bail commercial ?

L’article L. 145-41 alinéa 2 du Code de commerce stipule que les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

En l’espèce, la société Elogie Siemp a accepté d’accorder des délais de paiement à la société Haïtian Mama.

Cela signifie que les effets de la clause résolutoire sont suspendus tant que les modalités de paiement sont respectées.

Si la société Haïtian Mama ne respecte pas ces modalités, la clause résolutoire reprendra son plein effet, entraînant l’expulsion du locataire et la restitution des lieux loués.

Il est également précisé que, en cas de non-respect, la société Haïtian Mama sera considérée comme occupante sans droit ni titre, ce qui pourrait entraîner des conséquences financières pour elle.

Comment se calcule la provision en cas de loyers impayés ?

L’article 835 du Code de procédure civile prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier.

Dans le cas présent, la société Elogie Siemp a demandé une provision de 7 185,51 euros, correspondant aux loyers et charges dus.

Le décompte locatif produit a démontré que cette obligation n’était pas sérieusement contestable.

Ainsi, la société Haïtian Mama a été condamnée à payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

La capitalisation des intérêts a également été ordonnée en vertu de l’article 1343-2 du Code civil, qui permet la capitalisation des intérêts lorsque cela est prévu par la décision judiciaire.

Quelles sont les conséquences en cas de non-respect des délais de paiement accordés ?

En cas de non-respect des délais de paiement accordés, la clause résolutoire reprendra son plein effet.

Cela signifie que la société Haïtian Mama devra quitter les lieux loués et rendre libre de toute occupation les locaux.

L’article 514 du Code de procédure civile précise que l’ordonnance bénéficie de droit de l’exécution provisoire, ce qui permet au bailleur d’agir rapidement pour récupérer son bien.

De plus, la société Haïtian Mama sera considérée comme occupante sans droit ni titre, ce qui pourrait entraîner des frais supplémentaires, notamment une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges normalement dus.

Enfin, l’expulsion pourra être ordonnée avec le concours de la force publique si nécessaire, ce qui souligne la gravité des conséquences en cas de non-respect des engagements pris.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/56815 – N° Portalis 352J-W-B7I-C5YTY

N° : 3-CH

Assignation du :
20 Septembre 2024

[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 10 janvier 2025

par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Célia HADBOUN, Greffière.
DEMANDERESSE

La société ELOGIE-SIEMP, Société anonyme
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #P0483

DEFENDERESSE

S.A.S. HAITIAN MAMA
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]

non représentée

DÉBATS

A l’audience du 13 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Maïté FAURY, Première vice-présidente adjointe, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Suivant acte sous seing privé en date du 21 septembre 2021, la société Elogie Siemp a donné à bail commercial à la société Haïtian Mama pour une durée de 9 années à compter du 21 septembre 2021, un local situé [Adresse 4] [Localité 1], consistant en un local de 53 m2, moyennant un loyer annuel de 13 260 euros HT, payable trimestriellement et d’avance.

Par acte de commissaire de justice en date du 20 septembre 2024, la société Elogie Siemp a assigné la société Haïtian Mama en référé devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail liant les parties et d’obtenir:

– l’expulsion de la société Haïtian Mama ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

– le transport des meubles garnissant les lieux loués dans un garde-meubles désigné par le bailleur en garantie des sommes dues, au frais de la société Haïtian Mama,

– la condamnation de la société Haïtian Mama à payer à la requérante à titre provisionnel, la somme de 7 185,51 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts,

– la condamnation de la société Haïtian Mama au paiement, à titre provisionnel, d’une indemnité d’occupation trimestrielle d’un montant égal au loyer normalement exigible, majorations incluses,

– la condamnation de la société Haïtian Mama au paiement de la somme de 1250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Lors de l’audience du 13 décembre 2024, la société Elogie Siemp, représentée par son Conseil, maintient oralement ses demandes, portant sa demande en paiement à la somme de 7774,84 euros.

Elle fait part de son accord quant à des délais de paiement sur 6 mois, avec suspension de la clause résolutoire dans l’attente.

La société Haïtian Mama, n’a pas constitué avocat.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2025.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

1/ Sur l’acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

Sur le principe

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d’un bail.

L’article L. 145-41 du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Selon jurisprudence constante le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :

– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ; en effet, la clause résolutoire d’un bail doit s’interpréter strictement.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Aux termes de l’article 8.3 du contrat de bail commercial, le bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, un mois après un commandement de payer demeuré sans effet ou une sommation d’avoir à exécuter demeurée sans effet.

Par acte d’huissier du 19 juillet 2024, la société Elogie Siemp a fait délivrer au preneur un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au bail et reproduisant les dispositions de l’article L 145-41 du code de commerce. Ce commandement est régulier en la forme et détaille le montant de la créance.

Il est établi que les causes du commandement de payer n’ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance.

Il y a lieu en conséquence de constater le principe de l’acquisition de la clause résolutoire.

Sur les délais

Aux termes de l’article L145-41 alinéa 2 du Code de commerce, les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, la demanderesse fait part de son accord quant à l’octroi de délais.

Il convient par conséquent d’accorder les délais de paiement sollicités et de suspendre les effets de la clause résolutoire comme suit au présent dispositif.

En cas de non respect, la clause résolutoire reprendra son plein effet et l’expulsion sera ordonnée avec toutes ses conséquences de droit. La défenderesse sera alors réputée occupante sans droit ni titre, causant ainsi un préjudice au bailleur qui ne peut disposer du bien à son gré et une indemnité d’occupation sera mise à sa charge depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires. Aucune circonstance ne justifie le prononcé d’une astreinte.

2/ Sur la provision

Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il résulte du décompte locatif produit que l’obligation du preneur au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation dus à la société Elogie Siemp n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 7185,51euros au 5 septembre 2024, 3ème trimestre 2024 inclus. Aucune actualisation ne peut être retenue en l’absence de la défenderesse à l’audience.

La société Haïtian Mama sera donc condamnée à titre provisionnel à payer la somme de 7 185,51 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil.

3/ Sur les autres demandes

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société Haïtian Mama qui succombe supportera le poids des dépens.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en référé par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Condamnons la société Haïtian Mama à payer à la société Elogie Siemp une provision de 7185,51 euros (sept mille cent quatre vingt cinq euros cinquante et un centimes) correspondant aux loyers et charges impayés au au 5 septembre 2024, 3ème trimestre 2024 inclus, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance ;

Ordonnons la capitalisation des intérêts;

Accordons à la société Haïtian Mama un délai de grâce pour se libérer et dit qu’elle devra s’en acquitter par 6 paiements mensuels successifs d’un montant de 1 197 euros (mille cent quatre vingt dix sept euros) en sus du loyer et des charges en cours, payables le 10 de chaque mois, le premier règlement devant intervenir le 10 octobre 2024, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette ;

Rappelons que, pendant le cours du délai accordé, les effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre les parties sont suspendus et que, si les modalités du paiement précité sont intégralement respectées par la défenderesse, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais joué ;

Disons qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité ou du loyer courant, la clause résolutoire reprendra son plein effet ;

En tant que de besoin, dans l’hypothèse du non respect des délais de paiement,

Constatons l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail au 19 août 2024 et disons que la société Haïtian Mama devra quitter les lieux et rendre libre de toute occupation les lieux loués sis [Adresse 4][Localité 1], en satisfaisant aux obligations des locataires sortants, notamment par la remise des clefs ;

Ordonnons, à défaut, l’expulsion de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef et ce au besoin avec le concours de la force publique, avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde meuble aux frais avancés par la défenderesse ;

Condamnons en cas de résiliation la société Haïtian Mama à payer à la société Elogie Siemp une indemnité mensuelle d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer et des charges normalement dus en cas de continuation des baux jusqu’à la date de son départ effectif ;

Déboutons la société Elogie Siemp de sa demande d’astreinte ;

Condamnons la société Haïtian Mama, aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 19 juillet 2024;

Déboutons la société Elogie Siemp de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de droit de l’exécution provisoire en vertu des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile .

Fait à Paris le 10 janvier 2025

La Greffière, La Présidente,

Célia HADBOUN Maïté FAURY


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