Résiliation de bail commercial et expulsion : conditions et conséquences d’une clause résolutoire en cas de loyers impayés

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Résiliation de bail commercial et expulsion : conditions et conséquences d’une clause résolutoire en cas de loyers impayés

Contexte de l’Affaire

Par acte du 29 juillet 2002, Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X] sont devenus propriétaires indivis de plusieurs lots d’un immeuble situé à Alfortville. Le 11 octobre 2022, ils ont donné ce bien à bail commercial à Monsieur [N] [M] pour un loyer annuel de 9 000,00 € TTC, payable mensuellement.

Impayés et Commandement de Payer

Des loyers sont restés impayés, conduisant les propriétaires à délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire le 6 février 2024, pour un montant de 6 000,00 € au titre de l’arriéré locatif. En conséquence, le 7 juin 2024, ils ont assigné Monsieur [N] [M] devant le tribunal judiciaire de Créteil.

Demandes des Propriétaires

Les propriétaires ont demandé au tribunal de constater l’acquisition de la clause résolutoire, d’ordonner la libération des lieux, d’expulser Monsieur [N] [M] si nécessaire, d’enlever les meubles à ses frais, et de condamner ce dernier à payer une somme provisionnelle de 6 909,98 € pour l’arriéré locatif, ainsi qu’une indemnité d’occupation provisionnelle.

Audience et Défaut de Réponse de Monsieur [N] [M]

Lors de l’audience du 1er octobre 2024, les propriétaires ont maintenu leurs demandes. Monsieur [N] [M], bien que régulièrement assigné, n’a pas constitué avocat et n’a fourni aucun document concernant la dénonciation de la procédure aux créanciers.

Décision du Tribunal

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 7 mars 2024, ordonnant l’expulsion de Monsieur [N] [M] en cas de non-restitution volontaire des lieux. Il a également fixé l’indemnité d’occupation à titre provisionnel au montant du loyer contractuel et a condamné Monsieur [N] [M] à payer 6 909,98 € pour l’arriéré locatif, avec intérêts au taux légal.

Conséquences et Dépens

Monsieur [N] [M] a été condamné aux dépens, y compris le coût du commandement et de l’assignation. De plus, il a été condamné à verser 1 000,00 € à Madame [D] [X] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. L’ordonnance rendue a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Créteil
RG n°
24/00927
MINUTE N° :
ORDONNANCE DU : 05 Novembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00927 – N° Portalis DB3T-W-B7I-VF6J
CODE NAC : 30B – 0A
AFFAIRE : [D] [X], [I] [X], [W] [X]
(lots 17 et 20) C/ [N] [M] exerçant sous le nom commercial “GREMIL”

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL

Section des Référés

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

LE JUGE DES REFERES : Madame Isabelle KLODA, Première vice-présidente

GREFFIER : Madame Valérie PINTE, Greffier

PARTIES :
DEMANDEURS

Madame [D] [X] née le 01 Juillet 1949 à VILLEJUIF (VAL-DE-MARNE), nationalité française, retraitée, demeurant 25 Chemin des Corveaux – 91310 MONTLHERY

Monsieur [I] [X] né le 29 Juin 1969 à Paris 14ème, nationalité française, ingénieur de recherche, demeurant 25 Chemin des Corveaux – 91310 MONTLHERY

Monsieur [W] [X] né le 16 Janvier 1973 à LONGJUMEAU (ESSONNE), nationalité française, demeurant 32 Chemin de la Croix Boisée – 91620 NOZAY

tous trois représentés par Maître Gilles NOUGARET, avocat au barreau de l’ESSONNE

DEFENDEUR

Monsieur [N] [M] né le 14 Août 1972 en POLOGNE
exerçant sous le nom commercial “GREMIL”
demeurant 122 rue Paul Vaillant Couturier – 94140 ALFORTVILLE

non représenté

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Débats tenus à l’audience du : 01 Octobre 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : le 05 Novembre 2024
Ordonnance rendue par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2024

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EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 29 juillet 2002 Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X] sont devenus propriétaires indivis des lots 17 à 20 d’un immeuble situé au 122 rue Paul Vaillant Couturier à ALFORTVILLE (94 140).

Par acte du 11 octobre 2022, ce bien a été donné à bail commercial à Monsieur [N] [M] moyennant un loyer annuel de 9 000,00 € TTC, payable mensuellement, par avance.

Des loyers sont demeurés impayés.

Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X] ont fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire par acte de commissaire de justice du 6 février 2024 à Monsieur [N] [M] pour une somme de 6 000,00 € au titre de l’arriéré locatif.

C’est dans ces conditions que par acte de commissaire de justice du 7 juin 2024, Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X] ont fait assigner Monsieur [N] [M] devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,
– ordonner la libération volontaire des lieux et la remise des clefs après l’établissement d’un état des lieux de sortie
– ordonner l’expulsion de Monsieur [N] [M] et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et jusqu’au jour de la complète libération des lieux et de la remise des clefs,
– ordonner l’enlèvement et le dépôt des meubles e objet mobiliers garnissant les lieux loués en un lieu approprié, aux frais, risques et périls de Monsieur [N] [M],
– condamner Monsieur [N] [M] à payer à Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X] la somme provisionnelle de 6909,98 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 6 mars 2024 avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir,
– condamner Monsieur [N] [M] au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale à 750 euros TTC par mois à compter du 6 mars 2024 et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clefs,
– ordonner la capitalisation des intérêts ;
– condamner Monsieur [N] [M] au paiement d’une somme de 3 000,00 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et de l’assignation.

Il convient de se référer à l’acte introductif d’instance pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.

À l’audience du 1 octobre 2024, Madame [D] [X], Monsieur [I] [X] et Monsieur [W] [X], par l’intermédiaire de leur conseil, ont maintenu les prétentions de son assignation et les moyens qui y sont contenus.

Bien que régulièrement assigné par acte remis à étude, Monsieur [N] [M] n’a pas constitué avocat.

Aucun document n’a été fourni concernant la dénonciation de la procédure aux créanciers éventuellement inscrits sur le fonds de commerce.

À l’issue des débats, il a été indiqué aux parties représentées que l’affaire était mise en délibéré et que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes qui en découlent

L’article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d’un bail.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :

1. le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,

2. le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,

3. la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation ; en effet, la clause résolutoire d’un bail doit s’interpréter strictement.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu’il correspond exactement au détail des montants réclamés préalablement au preneur par le bailleur. Le commandement précise qu’à défaut de paiement dans le délai d’un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l’article L. 145-17 alinéa 1 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.

En faisant délivrer ce commandement, Madame [D] [X] n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.

Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir 6 000,00 €.
Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.

Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit à compter du 7 mars 2024.

Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite.

L’expulsion de Monsieur [N] [M] et de tout occupant de son chef doit donc être ordonnée en cas de non restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification de la présente ordonnance.

Il n’y a pas lieu d’accorder d’astreinte.

Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l’ordonnance.

L’article 835, alinéa 2 du code de procédure dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, une provision peut être accordée au créancier.

Il est rappelé qu’à compter de la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire le preneur n’est plus débiteur de loyers mais d’une indemnité d’occupation.

L’indemnité d’occupation due par Monsieur [N] [M] depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.

S’agissant du paiement, par provision, de l’arriéré locatif, il convient de rappeler qu’une demande en paiement de provision au titre d’une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés sans condition de l’existence d’une urgence, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée

Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, au vu des quittances produites par Madame [D] [X], l’obligation de Monsieur [N] [M] au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 6 909,98 €, somme au paiement de laquelle il convient de condamner Monsieur [N] [M], avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance.

Par ailleurs, la capitalisation des intérêts est ordonnée, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, le point de départ de cette capitalisation étant le 7 juin 2024, date de l’assignation formulant cette prétention pour la première fois.

Sur les demandes accessoires

L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Monsieur [N] [M], qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions susvisées.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de Monsieur [N] [M] ne permet d’écarter la demande de Madame [D] [X] formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1 000,00 € en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

CONSTATONS l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 7 mars 2024,

ORDONNONS, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de Monsieur [N] [M] et de tout occupant de son chef des lieux situés avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique,

DISONS n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte,

DISONS, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par le de commissaire de justice chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques ce conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d’exécution sur ce point,

FIXONS à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par Monsieur [N] [M], à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et CONDAMNONS Monsieur [N] [M] à la payer,

CONDAMNONS par provision Monsieur [N] [M] à payer à Madame [D] [X] la somme de 6 909,98 € au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation, avec intérêts au taux légal à compter de la présente ordonnance,
ORDONNONS la capitalisation, année par année, des intérêts dus pour au moins pour une année entière à compter de la demande à cette fin formée le 7 juin 2024, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

CONDAMNONS Monsieur [N] [M] aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et de l’assignation,

CONDAMNONS Monsieur [N] [M] à payer à Madame [D] [X] la somme de 1 000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELONS que l’ordonnance de référé rendue en matière de clause résolutoire insérée dans le bail commercial a autorité de chose jugée provisoire et est exécutoire à titre provisoire.

FAIT AU PALAIS DE JUSTICE DE CRÉTEIL, le 5 novembre 2024.

LE GREFFIER LE JUGE DES RÉFÉRÉS,


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