L’Essentiel : La société CIG Développement a signé un bail commercial avec Siam Square Champs Elysées en décembre 2019, mais des loyers sont restés impayés. En janvier 2024, un commandement de payer a été délivré à Kemati, successeur de Siam Square. CIG Développement a ensuite assigné les deux sociétés pour obtenir l’expulsion de Kemati et le paiement des arriérés. Le tribunal a constaté la clause résolutoire et ordonné l’expulsion de Kemati, tout en rejetant ses demandes de délais de paiement. Siam Square a contesté sa responsabilité, mais le tribunal a décidé de ne pas donner suite à ses demandes de condamnation.
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Contexte du litigeLa société CIG Dévelopment a conclu un bail commercial avec la société Siam Square Champs Elysées le 24 décembre 2019, pour des locaux à [Adresse 3] à [Localité 6], avec un loyer annuel de 80 004 €. En juin 2023, Siam Square a cédé son fonds de commerce à la société Kemati. Cependant, des loyers sont restés impayés. Commandement de payer et assignationLe 9 janvier 2024, un commandement de payer a été délivré à Kemati pour un arriéré locatif de 53 792,88 €. En mars 2024, CIG Dévelopment a assigné Kemati et Siam Square devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir l’expulsion de Kemati et le paiement des loyers dus. Demande de remise en état des locauxLe 12 juin 2024, CIG Développement a demandé à Kemati de remettre en état les locaux, incluant la dépose de l’enseigne et le remplacement de la devanture. L’affaire a été renvoyée à deux reprises avant d’être jugée. Procédure de sauvegardeLe 21 octobre 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde pour CIG Développement, désignant des administrateurs pour gérer la situation. Demandes des partiesLors de l’audience du 2 décembre 2024, CIG Développement a demandé la constatation de la clause résolutoire, l’expulsion de Kemati, et le paiement des arriérés. Kemati a demandé des délais de paiement et a contesté certaines demandes, tandis que Siam Square a soulevé des questions de compétence et a demandé à être déboutée. Jugement et décisions du tribunalLe tribunal a déclaré recevable l’intervention des administrateurs, constaté l’acquisition de la clause résolutoire, et ordonné l’expulsion de Kemati si les lieux n’étaient pas restitués. Kemati a été condamnée à payer une indemnité d’occupation et un arriéré locatif de 69 635 €, avec des intérêts. Les demandes de délais de paiement de Kemati ont été rejetées. Garantie du cédant et contestationsLa société Siam Square Champs Elysées a soulevé une contestation sérieuse concernant sa responsabilité solidaire, en raison d’un manquement à l’obligation d’information sur les impayés. Le tribunal a décidé de ne pas donner suite aux demandes de condamnation à son encontre. Remise en état et astreinteLes demandes de remise en état des locaux ont été rejetées, faute de preuves suffisantes concernant les travaux réalisés sans autorisation. Le tribunal a également décidé de ne pas prononcer d’astreinte. Condamnations et dépensKemati a été condamnée aux dépens, y compris les frais de commandement et d’assignation. CIG Développement a été condamnée à verser 1 000 € à Siam Square au titre des frais non compris dans les dépens. La demande de Kemati pour des frais irrépétibles a été rejetée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans un bail commercial ?La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui stipule que : « Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. » Pour qu’une clause résolutoire soit acquise, le bailleur doit prouver plusieurs éléments : 1. **Le défaut de paiement** : Le locataire doit avoir manqué à ses obligations de paiement, ce qui doit être manifestement fautif. 2. **La bonne foi du bailleur** : Le bailleur doit être en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause. 3. **L’absence d’ambiguïté** : La clause résolutoire doit être claire et ne nécessiter aucune interprétation. Dans le cas présent, le commandement de payer a été délivré le 9 janvier 2024, et le locataire n’a pas réglé la somme due dans le délai d’un mois. Par conséquent, la clause résolutoire est acquise, entraînant la résiliation de plein droit du bail. Quels sont les droits du bailleur en cas de résiliation du bail commercial ?En cas de résiliation du bail commercial, le bailleur a plusieurs droits, notamment : 1. **Demander l’expulsion du locataire** : Selon l’article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut ordonner l’expulsion du locataire en cas de non-restitution volontaire des lieux. 2. **Exiger le paiement des loyers dus** : Le bailleur peut réclamer le paiement des loyers impayés, ainsi que des charges et des indemnités d’occupation. L’article 1728 du Code civil précise que le paiement du prix du bail aux termes convenus est une obligation principale du locataire. 3. **Conserver le dépôt de garantie** : Le bailleur peut conserver le dépôt de garantie jusqu’à ce que toutes les obligations du locataire soient réglées. 4. **Demander des indemnités d’occupation** : Après la résiliation du bail, le locataire devient débiteur d’une indemnité d’occupation, qui est généralement équivalente au montant du loyer contractuel, comme le stipule l’article 1353 du Code civil. Dans cette affaire, la société CIG Dévelopment a exercé ses droits en demandant l’expulsion de la société Kemati et le paiement des loyers dus. Quelles sont les conséquences de la procédure de sauvegarde sur les obligations du locataire ?La procédure de sauvegarde, régie par le Code de commerce, a des conséquences importantes sur les obligations du locataire. Selon l’article L. 620-1, la procédure de sauvegarde vise à permettre à une entreprise en difficulté de poursuivre son activité, de maintenir l’emploi et d’apurer son passif. 1. **Suspension des poursuites** : En vertu de l’article L. 622-21, les poursuites individuelles à l’encontre du débiteur sont suspendues, ce qui peut affecter les actions en paiement des créanciers, y compris les bailleurs. 2. **Négociation des dettes** : Le débiteur peut négocier avec ses créanciers pour rééchelonner ses dettes, ce qui peut inclure des demandes de délais de paiement. 3. **Protection des actifs** : Les actifs de l’entreprise sont protégés pendant la durée de la procédure, ce qui peut inclure les locaux loués. Dans le cas présent, la société CIG Dévelopment a été placée sous sauvegarde, ce qui pourrait influencer les demandes de la société Kemati concernant des délais de paiement ou la contestation des créances. Quelles sont les implications de la solidarité entre cédant et cessionnaire dans un bail commercial ?La solidarité entre cédant et cessionnaire est prévue par l’article 1103 du Code civil, qui stipule que les contrats doivent être exécutés de bonne foi. Dans le cadre d’un bail commercial, l’article 16 3° c) du contrat de bail précise que : « Toute cession autorisée devra comporter la stipulation d’une garantie solidaire du cédant et de tous cessionnaires successifs pour le paiement des loyers et des charges. » Cela signifie que : 1. **Responsabilité conjointe** : Le cédant (Siam Square Champs Elysées) et le cessionnaire (Kemati) sont conjointement responsables du paiement des loyers et des charges. 2. **Information sur les impayés** : Le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement dans un délai de six mois, ce qui n’a pas été respecté dans cette affaire. 3. **Contestations sérieuses** : Si le cédant n’a pas été informé dans le délai imparti, cela peut constituer une contestation sérieuse, justifiant le rejet des demandes de condamnation solidaire à son encontre. Dans cette affaire, la société Siam Square Champs Elysées a soulevé une contestation sérieuse en raison du non-respect de l’obligation d’information, ce qui a conduit à un rejet des demandes de condamnation solidaire à son encontre. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/52727 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4ISM
N° : 16
Assignation du :
13 et 25 Mars 2024
[1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025
par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE
La société CIG DEVELOPMENT S.A.S.
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS – #A0235
DEMANDERESSES ET INTERVENANTES VOLONTAIRES
La S.C.P. [C]& ROUSSELET prise en la personne de Me [U] [C], Administrateur Judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 4]
La S.E.L.A.R.L. 2 M ET ASSOCIES prise en la personne de Me [L] [V], Administrateur Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 4]
désignées ès qualités d’administrateur judiciaire en vertu d’un jugement d’ouverture de sauvegarde judiciaire rendu le 21 octobre 2024par le tribunal de commerce de PARIS
représentées par Maître Chantal TEBOUL ASTRUC de la SAS ASTRUC AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #A0235
DEFENDERESSES
La société KEMATI S.A.S.
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Yael SCEMAMA, avocat au barreau de PARIS – #C1627
La société SIAM SQUARE CHAMPS ELYSEES S.A.S.U.
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Franck BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS – #B1099
DÉBATS
A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par acte du 24 décembre 2019, la société CIG Dévelopment a donné à bail commercial à la société Siam Square Champs Elysées des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2020, moyennant un loyer en principal de 80 004 € par an.
Par acte du 27 juin 2023, la société Siam Square Champs Elysées a cédé son fonds de commerce à la société Kemati.
Des loyers sont demeurés impayés.
Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte d’huissier de justice en date du 9 janvier 2024, à la société Kemati, pour une somme de 53 792,88€ en principal, au titre de l’arriéré locatif au 1er janvier 2024.
Par actes délivrés les 13 et 25 mars 2024, la société CIG Dévelopment a fait assigner la société Kemati devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins de voir prononcer son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d’occupation, et clause pénales contractuelles afférentes ; et la société Siam Square Champs Elysées, en qualité de cédant.
Par sommation visant la clause résolutoire délivrée le 12 juin 2024, la société CIG Dévelopment a sollicité auprès de la société Kemati la remise en état des locaux, à savoir la dépose de l’enseigne, le remplacement de la devanture, et la dépose du bloc de motivation.
L’affaire a été renvoyée à deux reprises à la demande des parties.
Par jugement du 21 octobre 2024, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde concernant la société CIG Dévelopment, et a désigné la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés, en qualité d’administrateurs.
Par conclusions déposées à l’audience du 2 décembre 2024 et soutenues oralement par leur conseil, la société CIG Dévelopment, la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés demandent au juge des référés de :
– déclarer recevable l’intervention volontaire de la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés,
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,
– ordonner l’expulsion de la société Kemati et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance de référé,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner la société Kemati au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant des loyers, charges et taxes, majoré de 50 %, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– dire que la société CIG Dévelopment conservera le dépôt de garantie,
– condamner solidairement la société Kemati et la société Siam Square Champs Elysées à payer la somme provisionnelle de 69 635 € au titre de l’arriéré locatif, arrêtés au 4ème trimestre 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2024 sur la somme de 54 111,43 €, et à compter de l’assignation pour le surplus,
– condamner solidairement la société Kemati et la société Siam Square Champs Elysées à payer la somme provisionnelle de 8 043,70 € au titre de la clause pénale,
– ordonner la remise en état des locaux dans les termes figurant dans la sommation délivrée le 12 juin 2024, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à savoir :
– dépose l’enseignant drapeau,
– remplacement de la devanture parcelle d’origine,
– dépose du bloc de climatisation en parties communes,
– condamner in solidum la société Kemati et la société Siam Square Champs Elysées au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés selon les modalités de l’article 699 du même code.
Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, la société Kemati demande au juge des référés de :
– lui accorder des délais de paiement de 24 mois,
– se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes relatives à la dépose de l’enseigne, du bloc de climatisation, la modification de la façade,
– débouter la société CIG Dévelopment de l’ensemble de ses demandes.
Par conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, la société Siam Square Champs Elysées demande au juge des référés de :
– se déclarer incompétent pour défaut d’urgence et en raison de l’existence de contestation sérieuse, et renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond,
A titre subsidiaire,
– déclarer n’y avoir lieu à référé,
– octroyer à la société Kemati les délais qu’elle a sollicités,
– débouter les demanderesses de toutes leurs demandes,
– condamner in solidum la société CIG Dévelopment et la société Kemati à payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L’assignation en expulsion a été dénoncée aux créanciers inscrits.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.
Sur l’intervention volontaire de la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés
Aux termes de l’article 329 du code de procédure civile, l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.
Au cas présent, il est établi que la demanderesse a été placée sous sauvegarde judiciaire le 21 octobre 2024 et que la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés ont été désignées en qualité d’administrateur par le tribunal de commerce de Paris.
L’intervention volontaire de la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés sera donc déclarée recevable.
Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes
L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d’un bail.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.
Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses résolutoires, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L’octroi des délais de paiement autorisés par l’article 1343-5 du code civil n’est par ailleurs nullement conditionné à la seule existence d’une situation économique catastrophique de celui qui les demande mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Cependant, la juridiction des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, accorder d’office un délai de grâce et suspendre les effets de la clause résolutoire dès lors que ce délai ne lui a pas été demandé par le preneur.
Au cas présent, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.
Le bail prévoit une clause résolutoire stipulant sa résiliation de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, accessoires et autres charges, un mois après un commandement de payer resté infructueux.
Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu’il correspond exactement au détail des montants réclamées préalablement au preneur par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu’à défaut de paiement dans le délai d’un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l’article L. 145-17 alinéa 1 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.
En faisant délivrer ce commandement, la société CIG Dévelopment n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.
Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir la somme de 53 792,88 € € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 1er janvier 2024.
Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.
Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit. Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit.
La demande de délais de paiement de la société Kemati sera rejetée, au regard du montant élevé de la dette locative, de l’absence de justificatif d’un éventuel retour à meilleure fortune de la locataire, et de la situation économique de la demanderesse qui a été placée sous procédure de sauvegarde judiciaire.
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite.
L’expulsion de la société Kemati et de tout occupant de son chef doit donc être ordonnée en cas de non restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance.
Le concours de la force publique étant accordé, il n’est pas justifié de la nécessité de prononcer une astreinte.
Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l’ordonnance.
Sur la demande de provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation
Il est rappelé qu’à compter de la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, le preneur n’est plus débiteur de loyers mais d’une indemnité d’occupation.
L’indemnité d’occupation due par la société Kemati depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.
S’agissant du paiement, par provision, de l’arriéré locatif, il convient de rappeler qu’une demande en paiement de provision au titre d’une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés sans condition de l’existence d’une urgence, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Au cas présent, la société Kemati ne conteste pas le montant de la dette locative qui lui est réclamée.
Ainsi, au vu du décompte produit par la société CIG Dévelopment, l’obligation de la société Kemati au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation au 29 novembre 2024 (4ème trimestre 2024 inclus) n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 69 635 €, somme provisionnelle au paiement de laquelle il convient de condamner la société Kemati.
Cette provision sera assortie en application de l’article 1231-6 du code civil des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2024 sur la somme de 53 792,88 €, et à compter de l’assignation du 13 mars 2024 pour le surplus.
Les clauses du bail relatives à la conservation par le bailleur du dépôt de garantie, à la majoration de l’indemnité d’occupation, et à l’indemnité forfaitaire de 10% s’analysent comme des clauses pénales et comme telles sont susceptibles d’être modérées par le juge du fond, en raison de leur caractère manifestement excessif. Le caractère non sérieusement contestable de l’obligation n’est pas établi en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil ; par suite, il n’y a pas lieu à référé sur ces points.
Sur la garantie de la société Siam Square Champs Elysées en qualité de cédant
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, doivent être exécuté de bonne foi.
L’article 16 3° c) du contrat de bail commercial du 24 décembre 2019, repris dans l’acte de cession du fonds de commerce du 27 juin 2023 (article 7), prévoit que : « Garantie du cédant. Toute cession autorisée devra comporter la stipulation d’une garantie solidaire du cédant et de tous cessionnaires successifs pour le paiement des loyers et des charges, comme pour l’exécution de toutes les conditions du bail, en ce comprises les indemnités dues consécutivement à sa résiliation, dans la limite de trois années à compter de la date d’effet de la cession. Par dérogation à l’article L-145-16-1 du Code de commerce, le BAILLEUR sera tenu d’informer le cédant de tout défaut de paiement du cessionnaire dans le délai de six mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci ».
Au cas présent, il ressort des pièces produites que :
– les difficultés de paiement de la société Kemati ont débuté dès le commencement du bail, soit le 27 juin 2023,
– la société CIG Dévelopment a fait délivrer un premier commandement de payer les loyers le 4 octobre 2023 portant sur les impayés du 3ème trimestre 2023, qui n’a pas été dénoncé à la société Siam Square Champs Elysées,
– la société CIG Dévelopment a fait délivrer un deuxième commandement de payer les loyers le 9 janvier 2024, qui était dénoncé au cédant le 11 avril 2024.
Il résulte ainsi de ces éléments qu’un délai de plus de six mois s’est écoulé entre les premiers impayés de loyers de la société Kemati et l’information de cette situation au cédant par le bailleur, qui a eu lieu pour la première fois le 11 avril 2024, en méconnaissance du bail commercial.
La société Siam Square Champs Elysées soulève donc à juste titre l’existence d’une contestation sérieuse se heurtant à la demande de condamnation solidaire formée à son encontre par les demanderesses.
Dès lors, il convient de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations solidaires formées à l’encontre de la société Siam Square Champs Elysées.
Sur les demandes de remise en état
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l’article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant « l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble», et conformes à la destination de celui-ci.
En application de ces textes, la réalisation, sans autorisation de l’assemblée générale, de travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble est constitutive d’un trouble manifestement illicite justifiant la remise en état des lieux.
L’article 11.1 du bail commercial prévoit que le preneur ne peut réaliser des travaux sans la validation préalable du bailleur et des autorisations administratives requises.
Au cas présent, les demanderesses soutiennent que la société Kemati a posé une enseigne, modifié la devanture du local commercial, et installé un bloc de climatisation dans les parties communes sans autorisation du bailleur et de la copropriété.
Toutefois, force est de constater que les demanderesses ne produisent, au soutien de leurs prétentions, ni constat de commissaire de justice démontrant la réalité et l’étendue des travaux réalisés sans autorisation, ni le règlement de copropriété permettant de déterminer ce qui relève des parties communes.
Dans ces conditions, il convient de dire n’y avoir lieu à référé sur les demandes de remise en état formées par les demanderesses, et sur la demande subséquente d’astreinte.
Sur les demandes accessoires
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société Kemati, défendeur condamné au paiement d’une provision, doit supporter la charge des dépens, incluant les frais de commandement et d’assignation et qui seront recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du même code.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.
La société Kemati sera condamnée, sur le fondement des dispositions susvisées, à payer à la société CIG Dévelopment la somme de 1 000 €.
Par ailleurs, la société CIG Dévelopment sera condamnée à verser la somme de 1 000 € à la société Siam Square Champs Elysées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, l’équité commande de rejeter la demande de condamnation de la société Kemati formée par la société Siam Square Champs Elysées au titre des frais irrépétibles.
Statuant par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Déclarons recevable l’intervention volontaire de la SCP [C] & Rousselet et la SELARL 2M et Associés ;
Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 février 2024 à minuit ;
Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société Kemati et de tout occupant de son chef des lieux situés au [Adresse 3] à [Localité 6], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Rappelons que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamnons, à titre provisionnel, la société Kemati à payer à la société CIG Dévelopment une indemnité d’occupation, à compter de la résiliation du bail du 9 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, fixée à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
Condamnons par provision la société Kemati à payer à la société CIG Dévelopment la somme de 69 635 € à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 29 novembre 2024 (4ème trimestre 2024 inclus), avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2024 sur la somme de 53 792,88 € et à compter de l’assignation du 13 mars 2024 pour le surplus, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures ;
Rejetons la demande de délais de paiement de la société Kemati ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de conservation par le bailleur du dépôt de garantie, de majoration de l’indemnité d’occupation, et d’indemnité forfaitaire de 10% ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de condamnations solidaires formées à l’encontre de la société Siam Square Champs Elysées ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de remise en état et sur la demande subséquente d’astreinte ;
Condamnons la société Kemati aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, de l’assignation et de signification de la présente ordonnance, qui seront recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamnons la société Kemati à payer à la société CIG Dévelopment la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société CIG Dévelopment à payer à la société Siam Square Champs Elysées la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejetons la demande de condamnation de la société Kemati formée par la société Siam Square Champs Elysées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 06 janvier 2025
Le Greffier, Le Président,
Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE
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