Résiliation de bail et refus de délais de relogement : équilibre entre droits du propriétaire et situation de l’occupant.

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Résiliation de bail et refus de délais de relogement : équilibre entre droits du propriétaire et situation de l’occupant.

L’Essentiel : Par acte sous seing privé du 15 mai 1994, une bailleresse a donné à bail un logement à un locataire. Ce bail a été résilié par ordonnance du juge des contentieux de la protection, ordonnant la reprise des lieux par la bailleresse. Le locataire, assisté de son curateur, a demandé un délai de six mois pour quitter les lieux, contesté par la bailleresse pour mauvaise foi et impayés. Le juge a rejeté la demande, constatant l’inexécution manifeste du contrat. Le locataire a été condamné aux dépens, tandis que la bailleresse a pu reprendre possession des lieux sans délai supplémentaire.

Contexte de l’Affaire

Par acte sous seing privé du 15 mai 1994, une bailleresse a donné à bail un logement à un locataire dans une localité précise. Ce bail a été ultérieurement résilié par ordonnance du juge des contentieux de la protection, qui a ordonné la reprise des lieux par la bailleresse.

Procédures Judiciaires

La décision de résiliation du bail a été signifiée le 29 juillet 2024, suivie d’un procès-verbal de difficultés le 18 septembre 2024 et d’un commandement de quitter les lieux le 23 septembre 2024. Par la suite, le locataire a été placé sous curatelle renforcée.

Demande de Délai pour Quitter les Lieux

Le locataire, assisté de son curateur, a saisi le juge de l’exécution pour demander un délai de six mois afin de quitter les lieux. À l’audience, la bailleresse a contesté cette demande, arguant que le locataire était de mauvaise foi et n’avait pas payé de loyer depuis plus d’un an et demi.

Motifs de la Décision

Le juge a examiné la demande de délai en se basant sur les dispositions du code des procédures civiles d’exécution. Bien que le locataire ait présenté des justificatifs de difficultés personnelles et de démarches de relogement, le juge a constaté qu’il n’avait pas effectué de paiements de loyer depuis longtemps, ce qui témoignait d’une inexécution manifeste du contrat de bail. En conséquence, la demande de délai a été rejetée.

Condamnation aux Dépens

Conformément aux dispositions du code de procédure civile, le locataire, en tant que partie perdante, a été condamné aux dépens. La bailleresse n’a pas été condamnée à verser des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du même code, car l’équité ne le justifiait pas.

Exécution Provisoire de la Décision

Le jugement a été déclaré exécutoire de droit à titre provisoire, permettant ainsi à la bailleresse de reprendre possession des lieux sans délai supplémentaire. La décision a été signée par le juge de l’exécution et le greffier présent lors de sa mise à disposition.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions pour accorder un délai pour quitter les lieux selon l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que « le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…). »

Ainsi, pour qu’un délai soit accordé, il est nécessaire que l’occupant démontre que son relogement ne peut se faire dans des conditions normales.

Le juge doit donc examiner la situation de l’occupant, notamment en tenant compte de sa bonne ou mauvaise volonté dans l’exécution de ses obligations, ainsi que des circonstances personnelles telles que l’âge, l’état de santé, et la situation familiale ou financière.

Il est également important de noter que le droit à un logement décent et indépendant doit être pris en considération, tout comme les délais liés aux recours engagés selon les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Comment le juge évalue-t-il la demande de délais en tenant compte des circonstances personnelles de l’occupant ?

L’article L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution précise que : « La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. »

Le juge doit donc établir un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’occupant.

Dans le cas présent, bien que l’occupant ait présenté des certificats médicaux et des demandes de relogement, le juge a constaté qu’il n’avait pas effectué de démarches actives et que sa situation financière était précaire, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de délai.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens selon l’article 696 du Code de procédure civile ?

L’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. »

Dans cette affaire, le juge a constaté que l’occupant, en tant que partie perdante, devait supporter la charge des dépens.

Cela signifie que tous les frais liés à la procédure, y compris les frais d’avocat et autres coûts judiciaires, seront à la charge de l’occupant.

Il est également important de noter que le juge a décidé de ne pas appliquer l’article 700 du Code de procédure civile, qui permettrait à la partie gagnante de demander le remboursement de frais non compris dans les dépens, en raison de l’équité et de la situation économique de l’occupant.

Quelles sont les implications de l’exécution provisoire de droit selon l’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge est immédiatement exécutoire, même si elle est susceptible d’appel.

L’exécution provisoire permet au propriétaire de reprendre possession des lieux sans attendre l’issue d’un éventuel recours.

Dans ce cas, cela implique que l’occupant doit quitter les lieux dans les plus brefs délais, et que le propriétaire peut procéder à l’expulsion si nécessaire.

Cette mesure vise à protéger les droits du propriétaire tout en tenant compte des circonstances de l’occupant, mais elle souligne également l’importance de respecter les décisions judiciaires.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Février 2025

DOSSIER N° RG 24/09781 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Z2CP
Minute n° 25/ 47

DEMANDEUR

Monsieur [O] [J], assisté de son curateur l’AOGPE SA2P demeurant [Adresse 4]
né le 22 Septembre 1964 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-33063-2024-015383 du 25/11/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représenté par Maître Jean-Philippe BOUARD, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [E] [B]
née le 03 Avril 1949 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Yoann DELHAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Janvier 2025 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 04 février 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 15 mai 1994, Madame [E] [B] a donné à bail à Monsieur [O] [J] un logement sis à [Localité 2] (33).

Par ordonnance en date du 15 juillet 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment constaté la résiliation du bail consenti par Madame [B] à Monsieur [J] et ordonné la reprise des lieux par la bailleresse.

Cette décision a été signifiée par acte du 29 juillet 2024. Un procès-verbal de difficultés sur tentative de reprise de locaux abandonnés a été dressé le 18 septembre 2024 et un commandement de quitter les lieux a ensuite été délivré le 23 septembre 2024.

Par jugement du 30 septembre 2024, Monsieur [O] [J] a été placé sous la curatelle renforcée de l’AOGPE-SA2P.

Par requête reçue le 18 novembre 2024, Monsieur [J], assisté de son curateur, a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de se voir alloué un délai pour quitter les lieux.

A l’audience du 7 janvier 2025, il sollicite un délai de 6 mois pour quitter les lieux et demande que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.

A l’audience du 7 janvier 2025 et dans ses dernières écritures, Madame [B] conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de Monsieur [J] aux dépens et à lui payer la somme de 900 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle fait valoir que le locataire est de mauvaise foi et ne règle aucun loyer depuis plus d’un an et demi et de fait a bénéficié de la trêve hivernale.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Au visa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, « Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».

L’article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ».

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d’établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l’occupant sans droit ni titre.

Monsieur [J] justifie d’un certificat d’hospitalisation auprès d’un centre de réadaptation en addictologie du 19 mars au 4 mai 2024 puis du 9 mai au 17 juin 2024. Il produit également une attestation de demande d’un logement social en date du 14 octobre 2024 et un mail de l’assistante sociale en charge de son suivi en date du 27 novembre 2024, indiquant qu’elle a envoyé un dossier DALO à la préfecture et l’invitant à prendre rendez-vous auprès du CCAS pour bénéficier d’un suivi RSA.
Enfin il justifie ne percevoir aucun revenu par la production de son avis d’impôt sur les revenus 2023.

S’il est incontestable que Monsieur [J] a rencontré d’importantes difficultés dans son parcours de vie l’ayant empêché d’acquitter la dette de loyers aujourd’hui fixée à la somme de 6.520 euros ainsi qu’en justifie la bailleresse, il doit être constaté qu’aucun paiement n’est intervenu depuis une longue période, témoignant d’une inexécution manifeste et ancienne du contrat de bail.

Le demandeur justifie par ailleurs de démarches de relogement certes tardives mais consécutives à son placement sous curatelle, témoignant de son incapacité à se mobiliser lui-même pour effectuer ces formalités. Il n’en demeure pas moins qu’il a d’ores et déjà bénéficié de délais de fait pour quitter les lieux et qu’il ne justifie pas de démarches actuelles actives de relogement et en tous cas de l’impossibilité dans laquelle il se trouverait de se reloger à des conditions normales, Madame [B], bailleur privé, n’ayant pas vocation à se substituer aux organismes sociaux.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de délais.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
En l’espèce, Monsieur [O] [J] partie perdante, supportera la charge des dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

En vertu de l’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Monsieur [O] [J] assisté de son curateur l’AOGPE-SA2P de toutes ses demandes,

DEBOUTE Madame [E] [B] de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [O] [J] assisté de son curateur l’AOGPE-SA2P aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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