Résiliation de bail et obligations locatives : enjeux d’insalubrité et de paiement des loyers

·

·

Résiliation de bail et obligations locatives : enjeux d’insalubrité et de paiement des loyers

L’Essentiel : La société civile immobilière (SCI) a conclu un contrat de bail d’habitation avec une locataire pour des locaux, avec un loyer initial de 890 euros, augmenté à 925 euros en 2016. En août 2022, la bailleresse a délivré un commandement de payer à la locataire pour un arriéré de 27 797 euros. En juillet 2023, le tribunal a condamné la locataire à payer 32 422 euros pour loyers impayés. La bailleresse a ensuite saisi le tribunal pour obtenir l’expulsion de la locataire. Cette dernière a interjeté appel, invoquant des problèmes d’insalubrité, mais n’a pas prouvé ses allégations.

Contexte du Bail

La société civile immobilière (SCI) a conclu un contrat de bail d’habitation avec une locataire pour des locaux situés à une adresse précise, avec un loyer mensuel initial de 890 euros, qui a été augmenté à 925 euros en 2016.

Commandement de Payer

En août 2022, la bailleresse a délivré un commandement de payer à la locataire, lui réclamant un arriéré locatif de 27 797 euros, en mentionnant une clause résolutoire.

Jugement du Tribunal

En juillet 2023, le tribunal a jugé irrecevables certaines demandes de la bailleresse, tout en condamnant la locataire à payer 32 422 euros pour loyers impayés, ainsi qu’une somme de 800 euros pour les frais de justice.

Nouvelle Assignation

En juillet 2023, la bailleresse a de nouveau saisi le tribunal pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et demander l’expulsion de la locataire, ainsi que le paiement d’une provision sur l’arriéré locatif et d’une indemnité d’occupation.

Saisie des Comptes Bancaires

En septembre 2023, la bailleresse a procédé à une saisie-attribution sur les comptes bancaires de la locataire, récupérant une somme partielle de 21 671,01 euros.

Appel de la Locataire

La locataire a interjeté appel du jugement de juillet 2023, contestant les montants dus et invoquant des problèmes d’insalubrité dans le logement.

Arguments des Parties

La bailleresse a soutenu que la locataire n’avait pas respecté ses obligations contractuelles, tandis que la locataire a invoqué l’insalubrité du logement pour justifier ses impayés.

Éléments de Preuve

La locataire a fourni divers documents pour prouver l’insalubrité de son logement, mais la bailleresse a contesté ces allégations, arguant qu’elle n’avait pas été informée des problèmes avant 2021.

Décision du Tribunal

Le tribunal a décidé de ne pas surseoir à statuer sur les demandes de résiliation du bail, considérant que la locataire n’avait pas prouvé l’insalubrité du logement. Il a également constaté que la dette locative n’avait pas été réglée dans le délai imparti.

Plan d’Apurement

Le tribunal a autorisé la locataire à régler sa dette par des paiements mensuels pendant 36 mois, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire, à condition qu’elle respecte ce plan.

Conclusion

La décision du tribunal a été rendue exécutoire de droit à titre provisoire, et les demandes reconventionnelles de la locataire ont été mises en attente jusqu’à la décision de la cour d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande de sursis à statuer

La demande de sursis à statuer est régie par l’article 377 du code de procédure civile, qui stipule que l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer.

Cette suspension peut être ordonnée dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, notamment en attendant une décision d’une autre juridiction qui pourrait influencer l’issue du litige.

En l’espèce, la locataire conteste son obligation de paiement des loyers devant la cour d’appel, ce qui est directement lié à la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire formulée par la bailleresse.

L’article 1219 du code civil permet à une partie de refuser d’exécuter son obligation si l’autre partie n’exécute pas la sienne, à condition que cette inexécution soit suffisamment grave.

Il est donc essentiel d’évaluer si l’exception d’inexécution invoquée par la locataire est fondée.

La charge de la preuve de l’inexécution grave pèse sur celui qui l’invoque.

Il est constant qu’un locataire ne peut suspendre le paiement de son loyer que si le logement est affecté de désordres rendant celui-ci inhabitable.

Dans cette affaire, bien que des désordres aient été signalés, le logement n’a pas été qualifié d’insalubre, et la locataire a pu jouir des lieux sans s’en plaindre pendant plusieurs années.

Ainsi, la demande de sursis à statuer sur les demandes de résiliation du bail et d’expulsion n’est pas justifiée.

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

La demande de résiliation du bail est régie par l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui stipule que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer a été signifié à la locataire le 10 août 2022, pour un montant de 27 797 euros.

Ce commandement est conforme aux exigences légales, car il mentionne le délai de deux mois pour le paiement, le montant des loyers et charges, ainsi que les conséquences d’un non-paiement.

Il a été établi que la locataire n’a pas réglé cette somme dans le délai imparti, et aucun plan d’apurement n’a été conclu.

Ainsi, la bailleresse est fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, et le contrat de bail est résilié depuis le 11 octobre 2022.

Sur l’arriéré locatif

L’article 7 a) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 impose au locataire l’obligation de payer le loyer aux termes convenus.

La bailleresse a produit un décompte montrant que la locataire lui devait la somme de 13 875 euros à la date du 30 septembre 2024, après déduction des sommes déjà dues.

La locataire n’ayant pas contesté ce montant, elle sera condamnée à le payer à la bailleresse.

En application de l’article 24 de la même loi, le juge peut accorder des délais de paiement au locataire en situation de régler sa dette locative.

Dans ce cas, la locataire a repris le paiement de ses loyers courants et peut raisonnablement assumer le paiement d’une somme supplémentaire pour apurer sa dette.

Il est donc décidé d’autoriser la locataire à se libérer de sa dette par des versements mensuels pendant 36 mois, tout en suspendant les effets de la clause résolutoire durant cette période.

En cas de non-respect des modalités de paiement, la clause résolutoire reprendra son plein effet, et la bailleresse pourra procéder à l’expulsion de la locataire.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire.

Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire dans cette affaire.

Il convient donc de réserver les dépens et de statuer sur les frais irrépétibles ultérieurement.

La décision rendue est exécutoire de droit à titre provisoire, ce qui permet à la bailleresse de faire valoir ses droits sans attendre l’issue de l’appel.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Victor EDOU

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Herve BLANCHE

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/06273 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2QCH

N° MINUTE : 1

JUGEMENT
rendu le 04 février 2025

DEMANDERESSE

S.C.I. [Adresse 5],
[Adresse 1] – [Localité 2]

représentée par Me Herve BLANCHE, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT,

DÉFENDERESSE

Madame [L] [C],
[Adresse 3] – [Localité 2]

représentée par Me Victor EDOU, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 novembre 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 04 février 2025 par Mathilde CLERC, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 04 février 2025
PCP JCP ACR fond – N° RG 23/06273 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2QCH

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par contrat du 31 janvier 2012, la SCI [Adresse 5] a consenti un bail d’habitation à Mme [L] [C] sur des locaux situés au [Adresse 3] [Localité 2], moyennant le paiement d’un loyer mensuel initial de 890 euros, charges comprises, égal, depuis 2016, à 925 euros charges comprises.

Par acte de commissaire de justice du 10 août 2022, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 27 797 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.

Par jugement en date du 13 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a:
jugé irrecevables, faute de notification de l’assignation au représentant de l’Etat, les demandes formées par assignation du 21 décembre 2022 au titre du constat de la résiliation du bail et de l’expulsion de Mme [L] [C] avec toutes conséquences de droit, notamment la fixation d’une indemnité d’occupation,condamné Mme [L] [C] à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 32 422 euros représentant le montant des loyers et charges impayés arrêtés au 31 décembre 2022, avec intérêts à taux légal à compter du 21 décembre 2022,condamné Mme [L] [C] à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, à l’exclusion du coût du commandement de payer.
Par assignation du 17 juillet 2023, la SCI [Adresse 5] a de nouveau saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 10 octobre 2022, ordonner l’expulsion de Mme [L] [C], autoriser le transport et la sequestration de ses meubles, et la condamner au paiement des sommes suivantes :
38 897 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 15 juillet 2023, à parfaire,une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer majoré de 500 euros et des charges, à compter du 1 août 2023 et jusqu’à libération des lieux,3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 18 juillet 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 5 septembre 2023, la SCI [Adresse 5] a, en exécution du jugement du 13 juillet 2023, fait procéder à une saisie-attribution de la somme en principal de 32 422 euros sur les comptes bancaires de Mme [L] [C], celle-ci lui ayant permis de percevoir, le 13 octobre 2023, la somme totale de 21 671,01 euros, dont ont été déduits les frais de commissaire de justice, d’un montant de 757,80 euros.

La nouvelle affaire introduite devant le juge des contentieux de la protection par acte en date du 17 juillet 2023 a été appelée à l’audience du 19 septembre 2023.

Compte-tenu, notamment, de l’appel du jugement du 13 juillet 2023 interjeté par Mme [L] [C] et d’une médiation en cours, l’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois, pour être finalement examinée à l’audience du 21 novembre 2024.

Mme [L] [C] a en effet, par déclaration d’appel du 30 août 2023, sollicité l’infirmation du jugement du 13 juillet 2023 en ce qu’il l’a condamnée à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 32 422 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 31 décembre 2022, la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Prétentions et moyens des parties

À l’audience du juge des contentieux de la protection du 21 novembre 2024, la SCI [Adresse 5] a déposé des conclusions, auxquelles elle s’est rapportée, et aux termes desquelles elle demande, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:

le rejet de l’intégralité des demandes, fins et conclusions formées par Mme [L] [C],
A titre principal,

le constat de la résiliation de plein droit du bail au 10 octobre 2022, l’expulsion de Mme [L] [C] ainsi que celle de tous occupants de son chef,l’autorisation de faire procéder au transport et à la sequestration de ses meubles, la condamnation de Mme [L] [C] au paiement de la somme de 13 875 euros correspondant à l’arriéré d’indemnité d’occupation mensuelle pour la période du 1 janvier 2023 au 31 mars 2024 sauf à parfaire, la condamnation de Mme [L] [C] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer majoré de 500 euros et des charges, à compter du 1 avril 2024 et jusqu’à libération des lieux,
A titre subsidiaire,

la résolution judiciaire du contrat de bail d’habitation,l’expulsion de Mme [L] [C] ainsi que celle de tous occupants de son chef,l’autorisation de faire procéder au transport et à la sequestration de ses meubles, la condamnation de Mme [L] [C] au paiement de la somme de 13 875 euros correspondant à l’arriéré de loyers pour la période du 1 janvier 2023 au 31 mars 2024, la condamnation de Mme [L] [C] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, soit 925 euros, à compter du 1 avril 2024 jusqu’au jugement à intervenir,la condamnation de Mme [L] [C] au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, soit 925 euros, et majorée de 500 euros à compter du jugement à intervenir, jusqu’à libération des lieux,
En tout état de cause,
la condamnation de Mme [L] [C] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation de Mme [L] [C] aux entiers dépens.
La SCI [Adresse 5] s’est, à l’audience, opposée à la demande de sursis à statuer liminairement formée par Mme [L] [C], qu’elle qualifie de déloyale et de dilatoire. Elle s’inquiète de ce qu’aucune décision ne puisse jamais être rendue par la juridicition de céans, s’il était sursis à statuer dans l’attente d’une décision au fond de la cour d’appel, susceptible de ne jamais intervenir, la SCI [Adresse 5] ayant sollicité, auprès du conseiller de la mise en état, la radiation de l’affaire, au motif que Mme [L] [C] n’aurait que partiellement exécuté la décision dont elle a fait appel.

Sur le fond, la bailleresse rappelle que Mme [L] [C] n’a pas réglé les causes du commandement de payer du 10 août 2022 visant la clause résolutoire prévue au contrat dans le délai qui lui a été imparti, de sorte que bail a été résilié de plein droit. Elle ajoute, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, qu’aucun loyer n’a été réglé entre janvier 2023 et mars 2024, le manquement grave de la locataire à ses obligations contractuelles étant ainsi établi.

En réponse à la défenderesse, qui, invoquant une exception d’inexécution, justifie le non paiement de ses loyers par l’insalubrité du logement, elle conteste tout manquement à ses propres obligations. Elle rappelle que les impayés de loyers existent depuis 2014, que Mme [L] [C] a multiplié, durant de nombreuses années, les promesses de règlement, sans jamais honorer ses engagements, et sans jamais mentionner l’état d’insalubrité du logement dont elle ne s’est prévalue pour la première fois que le 7 juillet 2021, alors que les parties échangeaient régulièrement, depuis des années, sur les modalités d’apurement de la dette locative. Elle indique avoir, dès reception du courrier de sa locataire invoquant des désordres, immédiatement accepté de réaliser les travaux qui s’avéraient nécessaires, sous réserve que la locataire règle ses impayés. A ce titre, elle précise avoir, dès des réception des sommes saisies sur les comptes de Mme [L] [C] en exécution de la condamnation du 13 juillet 2023, accompli les diligences aux fins de faire réaliser les travaux prescrits, lesquels ont été achevés au mois de mars 2024, Mme [L] [C] ayant, par son comportement, concouru au retard pris dans leur réalisation, et n’ayant repris le paiement de ses loyers que qu’à la fin du mois d’avril 2024. Enfin, elle conteste la notion même d’insalubrité dont se prévaut Mme [L] [C] en vertu d’un courrier des services techniques de l’Habitat de la Ville de [Localité 4] du 19 septembre 2023, dont elle souligne qu’il ne lui a été notifié que le 5 octobre 2023, et dont elle considère qu’il ne conclue nullement à un logement insalubre.

Elle souligne la mauvaise foi de la locataire qui, à des fins dilatoires, aurait laissé s’acccumuler, durant plusieurs années, des impayés de loyer avant de faire état de désordres justifiant selon elle, une indemnisation de son préjudice de jouissance équivalente à 100% du montant des loyers.

Mme [L] [C], représentée par son conseil, a déposé des conclusions, aux termes desquelles elle sollicite:
à titre liminaire et à titre principal, un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure devant la cour d’appel,à titre subsidiaire, que soit constaté le manquement de la bailleresse à son obligation d’un logement conforme et salubre,qu’il soit dit n’y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire,le rejet de l’intégralité des demandes, fins et conclusions de la SCI [Adresse 5],la condamnation de la SCI [Adresse 5] à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 925 euros par mois du 29 novembre 2018 au 29 mars 2024, soit la somme de 59 200 euros,la condamnation de la SCI [Adresse 5] à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme de 185 euros par mois jusqu’à accomplissement des travaux de remise en état,à titre infiniment subsidiaire,la condamnation de la SCI [Adresse 5] à lui restituer la somme de 21 671,07 euros augmentée des intérêts à taux légal,le rejet de l’intégralité des demandes, fins et conclusions de la SCI [Adresse 5],à titre encore plus subsidiaire,de plus larges délais de paiement,la suspension des effets de la clause résolutoire jusqu’au paiement de la dette,en tout état de cause,que soit écartée l’exécution provisoire,la condamnation de la SCI [Adresse 5] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Au soutien de sa demande principale, Mme [L] [C] rappelle qu’il est constant qu’un sursis à statuer peut être prononcé dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Elle précise avoir interjeté appel du jugement rendu le 13 juillet 2023, notamment en ce qu’il l’a condamnée à payer une dette locative, qu’elle estime ne pas être due, au regard du défaut de conformité et de salubrité de son logement. Elle estime ainsi que le juge saisi du present litige ne peut donner effet à un commandement de payer dont les causes sont contestées devant la cour d’appel, précisant avoir sollicité du premier président la suspension de l’exécution provisoire.

Au soutien de sa demande subsidiaire, elle soutient qu’il n’existe pas de dette locative, la suspension du paiement des loyers étant selon elle justifiée par l’état d’insalubrité du logement, qui contrevient aux articles R. 1331-25 et suivants du code de la santé publique. Elle rappelle à ce titre qu’il est constant que le locataire est bien fondé à solliciter la réduction ou la dispense de loyer jusqu’à l’accomplissement des travaux. Elle considère ainsi que le commandement de payer était dépourvu de cause, de sorte que la clause résolutoire n’a pu être acquise au bailleur. Elle affirme par ailleurs que, le logement étant insalubre et de ce fait invivable, le prejudice de jouissance subi avant la réalisation des travaux doit être indemnisé à hauteur de 100% du montant du loyer. Elle ajoute que, si des travaux ont bien été réalisés, les travaux de remise en peinture subséquents n’ont jamais été entrepris, de sorte qu’elle subit un nouveau prejudice de jouissance, estimé à 20% du montant du loyer.

Au soutien de sa demande formée à titre infiniment subsidiaire, elle considère que, dès lors que la saisie attribution pratiquée sur son compte bancaire a permis à sa bailleresse de percevoir la somme de 21 671,07 euros au titre de loyers qu’elle juge indus compte-tenu de l’état de l’appartement, cette somme doit lui être restituée.

Enfin, à titre encore plus subsidiaire, elle s’estime fondée à solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire, soulignant avoir repris, dès les travaux réalisés, le paiement de ses loyers courants.

Elle considère enfin que l’exécution provisoire est incompatible avec la nature de l’affaire eu égard notamment à l’instance pendante devant la cour d’appel.

Il n’a pas été fait état de l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

Par courriel reçu au greffe le 29 janvier 2025, le conseil de la SCI [Adresse 5] a fait parvenir au tribunal la décision du Premier Président de la cour d’appel de Pairs du 22 janvier 2025 rejetant la demande de Mme [C] d’ arrêt de l’ exécution provisoire de la décision rendue le 13 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris.

MOTIVATION

Sur la demande de sursis à statuer
Aux termes de l’article 377 du code de procédure civile, en dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaire ou ordonne son retrait du rôle. Les articles 378 et 379 précisent que la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine et que le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Le sursis à statuer est facultatif lorsqu’il n’est pas prévu par loi ; il est constant que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, la procédure peut être arrêtée pour un temps déterminé ou déterminable par référence à la survenance d’un événement, notamment la décision d’une autre juridiction, si elle est déterminante dans l’issue donnée au litige dont le juge est saisi.

En l’espèce, le juge des contentieux de la protection est saisi d’une demande principale en constat d’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, et d’une demande subsidiaire de résolution du contrat de bail pour le même motif, les deux demandes étant assorties de demandes en paiement d’un arriéré de loyers ou d’indemnités d’occupation, et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’à libération des lieux.

Mme [L] [C] conteste son obligation de paiement des loyers devant la cour d’appel de Paris. Elle sollicite en effet l’infirmation de sa condamnation au paiement de la somme de 32 422 euros, considérant, ainsi qu’il en résulte de ses conclusions d’appelante, avoir été “bien fondée à suspendre l’exécution du paiement des loyers” dès lors qu’elle a vécu dans un logement qu’elle qualifie de vêtuste et insalubre, et qu’en vertu d’une jurisprudence constante, le locataire est en droit de solliciter la réduction ou la suspension du paiement des loyers jusqu’à accomplissement des travaux.

La demande qu’elle forme devant la cour d’appel de Paris et la décision que cette dernière est susceptible de rendre ont donc effectivement un lien étroit avec la demande en constat d’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes du bailleur, dès lors que l’existence de la dette conditionne le bien fondé de la délivrance du commandement de payer.

En effet, l’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique comme le bail permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne. L’article 1219 du code civil dispose à ce titre qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. L’article 1220 du même code prévoit en outre qu’une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais.

La charge de la preuve de l’inexécution grave pèse sur celui qui l’invoque.

Il convient toutefois de rappeler qu’il est constant que le locataire n’est fondé à opposer au bailleur un refus légitime de payer son loyer que lorsque le logement est affecté de désordres tels qu’ils rendent le logement inhabitable. Un locataire ne peut donc pas suspendre les loyers si la faute du bailleur ne l’empêche pas de jouir totalement des lieux.

Il convient donc en l’espèce, pour décider de l’opportunité d’un sursis à statuer sur les demandes de résiliation du bail et sur les demandes subséquentes formées par le bailleur, d’apprécier dans quelle mesure l’exception d’inexécution invoquée devant la cour d’appel est susceptible de prospérer.

En application des articles 1719 du code civil et 6 de la loi du 06 juillet 1989, le bailleur est obligé pendant la durée du bail de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale (…) et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Le logement doit donc comporter les éléments bâtis nécessaires à la sécurité physique et à la santé du locataire précisés aux termes de l’article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.

Le décret n°2202-120 du 30 janvier 2002 vient notamment préciser que:
– le logement doit être protégé contre les infiltrations d’air parasites, les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentant une étanchéité à l’air suffisante.
– les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
– le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.

En l’espèce, la défenderesse verse, à l’appui de ce qu’elle qualifie d’insalubrité de son logement :
un courrier du 7 juillet 2021, par lequel elle indique à sa bailleresse que l’électricité n’est pas aux normes, cela depuis son entrée dans les lieux ; que la chasse d’eau, dont elle réclame la réparation depuis le 5 juin 2020, est vêtuste ; que les fenêtres laissent passer l’air, la pluie et le bruit de la rue, et rendent le logement inchauffable ; que la porte d’entrée ne ferme plus qu’une fois sur deux ; que la salle de bains souffre d’humidité faute de système de ventilation ;deux devis réalisés aux fins de réfection du système électrique et de remplacement du reservoir et du tube de chasse d’eau respectivement réalisés les 27 mai 2021 et 10 juin 2020,un échange de SMS entre elle et M. [W] [I] entre le 8 juin 2020 et le 23 février -année inconnue-, dont il résulte que: M. [W] [I] lui a indiqué le 15 juin 2020, qu’après échange avec la bailleresse, celle-ci avait refusé de procéder au remplacement de la chasse d’eau, préférant que Mme [L] [C] place une cuvette sous la fuite plutôt que la faire réparer selon devis,le 23 février -année inconnue-, M. [W] [I] l’a informée de ce que la bailleresse avait finalement accepté de procéder au remplacement sollicité,Des photographies montrant une fenêtre et un volet dans un état très dégradé, les menuiseries de la fenêtre laissant apparaître un jour,Des photographies montrant le plafond de la salle de bain couvert de moisissures, sa peinture étant très endommagée,Un courrier émanant de l’inspecteur de salubrité des services techniques de la Direction du Logement et de l’Habitat de la Ville de [Localité 4] qui, suite à une visite réalisée le 8 septembre 2023, a indiqué à la bailleresse que la fenêtre de la pièce principale, vêtuste, ne permettait plus une protection efficace contre les intempéries, qu’une importante humidité de condensation régnait dans le logement en raison d’une aération permanente insuffisante, et que l’installation électrique, vêtuste, était insuffisamment sécurisée, en raison notamment de prises électriques non fonctionnelles,Un procès-verbal de constat de commissaire de justice, qui, le 3 janvier 2024, a décrit la fenêtre de la salle de séjour, en simple vitrage, comme étant ancienne, et comportant, en son angle inférieur droit, trois jours en limite du cadre, laissant passer de l’air en provenance de l’extérieur, l’angle inférieur gauche présentant une surface très dégradée et laissant apparaître des équerres en metal; le commissaire de justice a en outre relevé, dans la salle de bains, la presence de moisissures sur les murs et le plafond, ainsi que la dégradation de la peinture, et, dans le séjour, trois prises électriques qui ne sont plus fonctionnelles.
Il convient à ce stade de rappeler que l’insalubrité est constatée selon une procédure administrative et découle d’un arrêté préfectoral, de sorte qu’en l’absence de production d’un tel arrêté, le logement ne peut recevoir cette qualification.

Si le logement ne peut être qualifié d’insalubre, les désordres invoqués par la défenderesse sont étayés, et posent la question d’un éventuel manquement de la bailleresse à son obligation de délivrer un logement décent, dont il sera précisé qu’elle est de résultat.

Ils n’apparaissent toutefois pas susceptibles de qualifier le logement d’inhabitable, la locataire ayant pu en jouir sans s’en plaindre, durant de nombreuses années, certes avec des désagréments, susceptibles de fonder une action en reparation d’un éventuel préjudice de jouissance, mais qui ne sont pas de nature à légitimer la suspension du paiement de l’intégralité des loyers.

La bailleresse démontre en effet avoir régulièrement échangé avec la locataire entre 2014 et 2021, sans que Mme [L] [C], dont il est établi qu’elle ne contestait alors pas devoir ses loyers, n’ait jamais évoqué l’impossibilité d’y vivre décemment avant le 7 juillet 2021.

Il sera à cet égard constaté qu’à l’exception d’un échange entre Mme [L] [C] et M. [W] [I], concernant exclusivement une fuite au niveau de la chasse d’eau, qui ne rend pas à elle seule le logement inhabitable, cela d’autant que la bailleresse démontre avoir, pour sa part, donné son accord “pour installer deux petits tuyaux dans les toilettes contre la colonne de descente”, selon son courriel du 2 juillet 2020, aucune pièce ne permet d’établir que la SCI [Adresse 5] a, avant le 7 juillet 2021, jamais été informée de la nécessité de faire des travaux.

Il sera enfin observé que la somme réclamée aux termes du commandement de payer délivré le 10 août 2022, d’un montant de 27 797 euros, correspondait à environ 30 mois de loyer impayés, dont 18457 euros d’arriérés déjà constitués au 7 juillet 2021.

Il ne saurait ainsi être reproché à la bailleresse de ne pas avoir remédié à des désordres dont elle n’était pas informée, et Mme [L] [C] ne saurait sérieusement invoquer la suspension de sa propre obligation dans l’attente de l’éxecution d’une obligation dont sa cocontractante n’avait pas idée avant le 7 juillet 2021.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, notamment du fait que le logement n’était pas inhabitable, et du fait qu’une importante dette locative s’était constituée avant notification de la bailleresse de l’existence d’une obligation à sa charge, celle de faire des travaux, l’exception d’inexécution invoquée n’apparaît pas valablement pouvoir prospérer.

En conséquence, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer sur la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation.

Il y a toutefois lieu, dans l’objectif d’une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer sur la demande d’indemnisation du préjudice de jouissance formée à titre reconventionnel, cela dans l’attente de la décision de la cour d’appel, qui en a été saisie la première.

Compte-tenu de la saisine, par conclusions d’incident signifiées le 11 janvier 2024, par la SCI [Adresse 5], du conseiller de la mise en état d’une demande de radiation du rôle de l’affaire, il y a lieu de préciser que l’expiration du sursis interviendra :
à l’issue de la décision de la cour d’appel statuant sur le fond du litige,ou
à l’issue d’une décision de la cour d’appel constatant la l’extinction de l’instance.
2. Sur la demande de constat de la résiliation du bail

2.1. Sur la recevabilité de la demande

La SCI [Adresse 5] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

2.2. Sur la résiliation du bail

L’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au présent litige, dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement de payer contient, à peine de nullité :
1° La mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette ;
2° Le montant mensuel du loyer et des charges ;
3° Le décompte de la dette ;
4° L’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion ;
5° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département, dont l’adresse est précisée, aux fins de solliciter une aide financière ;
6° La mention de la possibilité pour le locataire de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

En l’espèce, le bail conclu le 31 janvier 2012 contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié à la locataire le 10 août 2022, pour la somme en principal de 27 797 euros.

Ce commandement contient le montant du loyer et des charges, mentionne que la locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette, comporte l’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion, outre la mention de la possibilité pour lui de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département aux fins de solliciter une aide financière, ou la juridiction compétente pour solliciter un délai de grâce. Il est ainsi régulier en sa forme.

Il sera à ce stade rappelé que, pour permettre l’acquisition de la clause résolutoire, le commandement de payer doit correspondre à une dette justifiée étant précisé que, lorsqu’il est délivré pour une somme supérieure à celle dont le locataire est débiteur, il demeure valable à hauteur du montant réel des loyers échus et impayés.

Il a précédemment été établi que, compte-tenu de ce que la bailleresse n’avait pas eu connaissance de son obligation de faire des travaux avant le 7 juillet 2021, et de ce que le caractère inhabitable du logement n’était pas démontré, la locataire n’était pas fondée à se prévaloir d’une exception d’inexécution et de la suspension du paiement de ses loyers, en ce compris postérieurement au 7 juillet 2021. Le montant de la dette étant justifié, le commandement est donc également valable sur le fond.

Or, d’après l’historique des versements, la somme de 27 797 euros n’a pas été réglée par Mme [L] [C] dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 11 octobre 2022.

Cependant, eu égard à la volonté de la locataire de s’acquitter de sa dette et à la reprise du paiement de ses loyers courants depuis le mois d’avril 2024, il convient de suspendre la résiliation du bail au respect du plan d’apurement précisé ci-après.

3. Sur l’arriéré locatif

En application des dispositions de l’article 7 a) de la loi n ° 89-462 du 06 juillet 1989, à laquelle le contrat est soumis, le locataire est tenu à une obligation essentielle qui consiste en le paiement du loyer aux termes convenus au bail, en contrepartie de la mise à disposition des lieux loués.

L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, la SCI [Adresse 5] verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 30 septembre 2024, Mme [L] [C] lui devait la somme de 13 875 euros, soustraction faite des sommes dues jusqu’au 31 décembre 2022, pour lesquelles elle dispose déjà d’un titre.

Mme [L] [C] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme à la bailleresse.

Sur le plan d’apurement et la suspension des effets de la clause résolutoire
Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l’espèce, la condition de reprise du paiement intégral du loyer courant avant la date de l’audience est satisfaite. Le règlement régulier de ses loyers par Mme [L] [C] depuis avril 2024 et l’absence de contestation de la capacité de Mme [L] [C] à apurer sa dette locative par la bailleresse, permet par ailleurs de dire qu’elle peut raisonnablement assumer le paiement d’une somme de 385 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler sa dette.

Dans ces conditions, il convient d’autoriser Mme [L] [C] à se libérer de sa dette locative par des versements de 385 € par mois en plus du loyer courant pendant 36 mois, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette, et de faire droit à sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire durant le cours de ces délais.

En cas de respect des modalités du plan d’apurement, la clause résolutoire sera, à l’issue de ce plan, réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.

L’attention de la locataire est toutefois attirée sur le fait qu’à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement de la dette :

la clause résolutoire reprendra son plein effet et le bail se trouverait alors automatiquement résilié ;la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible ;une indemnité d’occupation provisoire égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dues, si le bail s’était poursuivi, sera réglée par la défenderesse jusqu’à son départ effectif des lieux, aucun élément ne justifiant d’appliquer la majoration de 500 euros sollicitée par la demanderesse,il pourra être procédé à l’expulsion de la défenderesse selon les modalités prévues au dispositif ci-après, le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution.
5. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Compte-tenu de la décision de sursis à statuer sur les demandes formées Mme [L] [C] à titre reconventionnel, il convient de réserver les dépens ainsi que la décision portant sur les frais irrépétibles.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie d’écarter l’exécution provisoire, de droit.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande de sursis à statuer sur les demandes du bailleur,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 10 août 2022 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 31 janvier 2012 entre la SCI [Adresse 5], d’une part, et Mme [L] [C], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 3] [Localité 2] est résilié depuis le 11 octobre 2022,

CONDAMNE Mme [L] [C] à payer à la SCI [Adresse 5] la somme de 13 875 euros (treize mille huit cent soixante-quinze euros au titre de l’arriéré de loyers constitué entre le 1 janvier 2023 et le 30 septembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice,

AUTORISE Mme [L] [C] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 36 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 385 euros (trois-cent-quatre-vingt-cinq euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

RAPPELLE que la présente décision suspend les procedures d’exécution engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge,

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à Mme [L] [C],

DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,

DIT qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 11 octobre 2022,
le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
la bailleresse pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de Mme [L] [C] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,
le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution,
Mme [L] [C] sera condamnée à verser à la SCI [Adresse 5] une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,
SURSOIT à statuer sur les demandes formées à titre reconventionnel par Mme [L] [C],

DIT que l’expiration du sursis interviendra, à la diligence des parties:
À l’issue de la décision de la cour d’appel statuant sur le fond du litige,ou
A l’issue d’une décision de la cour d’appel constatant l’extinction de l’instance,
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,

RESERVE les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

insi jugé par mise à disposition au greffe le 4 février 2025, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon