Résiliation de bail et modalités d’apurement des dettes locatives : enjeux et conséquences.

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Résiliation de bail et modalités d’apurement des dettes locatives : enjeux et conséquences.

L’Essentiel : Le 14 février 2023, M. [P] [O] a signé un bail d’habitation avec M. [U] [R] pour un loyer de 550 euros, plus 70 euros de charges. Le 12 janvier 2024, M. [P] [O] a mis en demeure M. [U] [R] pour un arriéré de 3 720 euros, entraînant une assignation le 16 août 2024 pour résiliation et expulsion. Lors de l’audience du 22 octobre 2024, un plan de paiement a été accepté, mais le juge a constaté des manquements graves justifiant la résiliation. Toutefois, celle-ci a été suspendue sous condition de respect du plan d’apurement.

Constitution du bail

Par acte sous seing privé du 14 février 2023, M. [P] [O] a consenti un bail d’habitation à M. [U] [R] pour des locaux situés au 15 Rue des Roses à Bischheim, avec un loyer mensuel de 550 euros et une provision pour charges de 70 euros.

Mise en demeure et assignation

Le 12 janvier 2024, le bailleur a adressé une mise en demeure au locataire pour le paiement d’un arriéré locatif de 3 720 euros, en mentionnant une clause résolutoire. M. [P] [O] a ensuite assigné M. [U] [R] le 16 août 2024, demandant la résiliation du bail, son expulsion et le paiement de diverses sommes.

Audience et propositions de paiement

Lors de l’audience du 22 octobre 2024, M. [P] [O] a accepté un plan d’apurement proposé par M. [U] [R], qui a reconnu sa dette et a demandé à rester dans les lieux en versant 300 euros par mois en plus du loyer.

Recevabilité de la demande de résiliation

Le juge a jugé l’action de M. [P] [O] recevable, ayant notifié l’assignation au représentant de l’État plus de six semaines avant l’audience, conformément à la loi n°89-462.

Analyse des manquements

Le juge a constaté que M. [U] [R] n’avait pas réglé l’intégralité de sa dette locative, et a noté que le défaut de paiement pendant plusieurs mois constituait un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail et l’expulsion.

Suspension de la résiliation

Malgré la gravité du manquement, le juge a décidé de suspendre la résiliation du bail, sous condition de respect du plan d’apurement. En cas de non-paiement, la résiliation serait immédiate.

Indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux après la résiliation, M. [U] [R] serait condamné à verser une indemnité d’occupation mensuelle de 639,23 euros, jusqu’à la libération effective des locaux.

Frais de procès et exécution provisoire

M. [U] [R] a été condamné aux dépens et à verser 300 euros à M. [P] [O] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision a été maintenue, compte tenu de la situation de la dette et du plan d’apurement.

Q/R juridiques soulevées :

1. Quelle est la recevabilité de la demande de résiliation du bail ?

La recevabilité de la demande de résiliation du bail est justifiée par la notification de l’assignation au représentant de l’État dans le département, effectuée plus de six semaines avant l’audience.

Cette procédure est conforme aux dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui stipule :

« Le bailleur peut saisir le juge des contentieux de la protection pour obtenir la résiliation du bail et l’expulsion du locataire en cas de non-paiement du loyer. »

Ainsi, M. [P] [O] a respecté les délais légaux, rendant son action recevable.

2. Quelles sont les obligations du locataire en matière de paiement du loyer ?

Les obligations du locataire en matière de paiement du loyer sont clairement définies par plusieurs articles du Code civil et de la loi sur les baux d’habitation.

L’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 précise que :

« Le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. »

De plus, l’article 1709 du Code civil définit le contrat de location comme suit :

« Le louage de choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer. »

L’article 1728 du même code ajoute que :

« Le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus. »

Ces articles soulignent que le paiement du loyer est une obligation essentielle du locataire, et son manquement peut justifier la résiliation du bail.

3. Quelles sont les conséquences du non-paiement du loyer ?

Le non-paiement du loyer a des conséquences juridiques significatives, notamment la possibilité de résiliation du bail.

L’article 1224 du Code civil stipule que :

« La résolution du contrat peut résulter, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une décision de justice. »

Dans le cas présent, le défaut de paiement du loyer pendant plusieurs mois constitue un manquement contractuel grave, justifiant la résiliation du bail aux torts du locataire.

En effet, malgré la mise en demeure, M. [U] [R] n’a pas réglé l’intégralité de la dette locative, ce qui a conduit à la demande de résiliation du bail.

4. Quelles sont les dispositions concernant le plan d’apurement de la dette ?

L’article 1228 du Code civil permet au juge de prononcer la résolution du contrat ou d’ordonner l’exécution du contrat, en tenant compte des circonstances.

Il dispose que :

« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur. »

Dans cette affaire, le juge a décidé de suspendre la résiliation du bail, en tenant compte de la volonté du locataire de s’acquitter de sa dette et de l’accord du bailleur sur un plan d’apurement.

Ce plan prévoit que M. [U] [R] doit régler une mensualité de 300 euros pendant trois mois, en plus du loyer courant.

5. Quelles sont les implications des frais de justice et de l’exécution provisoire ?

Les frais de justice sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, M. [U] [R] a été condamné à payer 300 euros au titre de l’article 700, en plus des dépens de la procédure.

Concernant l’exécution provisoire, l’article 514 du Code de procédure civile précise que :

« Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Le juge a décidé de ne pas écarter l’exécution provisoire, compte tenu de la nature de l’affaire et de la mise en place d’un plan d’apurement.

N° RG 24/07592 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M7H4

Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE SCHILTIGHEIM
10 rue du Tribunal – CS 70097
67302 SCHILTIGHEIM CEDEX

SCHILTIGHEIM Civil
N° RG 24/07592 – N° Portalis DB2E-W-B7I-M7H4

Minute n°

copie le 26 novembre 2024

à la Préfecture

copie exécutoire le 26 novembre

2024 à :

– Me Fabrice JEHEL

– M. [U] [R]

pièces retournées

le 26 novembre 2024

Me Fabrice JEHEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU
26 NOVEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [P] [O]
né le 24 Mars 1943 à STRASBOURG (67000)
demeurant 7 rue des Dahlias 67300 SCHILTIGHEIM
représenté par Me Fabrice JEHEL, avocat au barreau de STRASBOURG

DEFENDEUR :

Monsieur [U] [R]
demeurant 15 rue des Roses 67800 BISCHHEIM
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection
Evadné CHAPUS, Greffier lors des débats
Ophélie PETITDEMANGE, Greffier lors du délibéré

DÉBATS :

Audience publique du 22 Octobre 2024

JUGEMENT

Contradictoire rendu en premier ressort,
Mis à la disposition du public par le greffe, et signé par Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection et par Ophélie PETITDEMANGE, Greffier

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 février 2023, M. [P] [O] a consenti un bail d’habitation à M. [U] [R] sur des locaux (logement et cave) situés au 15 Rue des Roses à Bischheim (67800), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 550 euros et d’une provision pour charges de 70 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 janvier 2024, le bailleur a fait délivrer au locataire une mise en demeure de payer la somme principale de 3 720 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.

Par assignation délivrée le 16 août 2024, M. [P] [O] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim pour faire prononcer la résiliation du bail, être autorisé à faire procéder à l’expulsion de M. [U] [R] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
– 1 240,92 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 16 août 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– les loyers dus du 16 août 2024 jusqu’à la résiliation du bail,
– une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 19 août 2024, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.

Prétentions et moyens des parties

À l’audience du 22 octobre 2024, M. [P] [O] sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance. Il déclare, par ailleurs, accepter le plan d’apurement de cette dette proposé par le défendeur.

M. [U] [R] reconnaît en effet le montant de la dette locative et demande à pouvoir se maintenir dans les lieux moyennant le versement d’une mensualité d’apurement de 300 euros, en plus du loyer courant.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

1. Sur la demande de résiliation du bail

1.1 Sur la recevabilité

M. [P] [O] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

1.2. Sur le fond

Aux termes de l’article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est notamment obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. De même, l’article 1709 du code civil définit le louage de choses comme  » un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer « . Enfin, l’article 1728 du même code dispose que  » le preneur est tenu (…) 2° de payer le prix du bail aux termes convenus « , et l’article 1224 du code civil prévoit que la résolution du contrat peut résulter, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une décision de justice.

Il se déduit de l’ensemble de ces dispositions que l’obligation de payer le loyer fait partie des obligations essentielles du locataire, et que le défaut de paiement du loyer pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel qui, quoique partiel, peut être tenu comme suffisamment grave, au regard de la durée du bail, pour justifier la résolution du contrat aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

En l’espèce, malgré la mise en demeure qui lui a été délivrée le 12 janvier 2024, M. [U] [R] n’a manifestement pas réglé l’intégralité de la dette locative de 3 720 euros qui y était mentionnée.

M. [P] [O] verse ainsi aux débats un décompte démontrant qu’à la date de l’audience, M. [U] [R] lui devait la somme de 621,15 euros, soustraction faite des frais de procédure.

Le défendeur ne conteste pas cette somme. Il sera condamné à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Compte-tenu de ce montant, mis en perspective avec la durée du bail, la gravité du manquement aux obligations découlant du bail est suffisamment caractérisée, et est de nature à entraîner la résolution du contrat aux torts exclusifs de M. [U] [R] et son expulsion.

Cependant, l’article 1228 du code civil dispose que  » le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts  » et l’article 1343-5 du même code dispose que  » le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues « .

En l’espèce, eu égard à la volonté du locataire de s’acquitter de sa dette et à l’accord du bailleur, il convient de suspendre la résiliation du bail au respect du plan d’apurement précisé ci-après.

En cas de respect des modalités du plan d’apurement, le contrat de bail se poursuivra à l’issue de ce plan à défaut de congé ou de résiliation amiable. En revanche, à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, le bail sera immédiatement résilié sans qu’un nouveau jugement ne soit nécessaire. Dans ce cas, il est ordonné au locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, le bailleur sera autorisé à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant, dès l’expiration d’un délai de deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux.

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résolution du bail, il convient de le condamner au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant qui sera fixé à 639,23 euros.

L’indemnité d’occupation sera payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à M. [P] [O] ou à son mandataire.

2.Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [U] [R], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

M. [U] [R] sera également condamné au paiement d’une somme de 300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant et de l’ancienneté de la dette et de la mise en place d’un plan d’apurement, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection,

CONDAMNE M. [U] [R] à payer à M. [P] [O] la somme de 621,15 euros (six cent vingt et un euros et quinze centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 22 octobre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

AUTORISE M. [U] [R] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 3 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 300 euros (trois cents euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;

DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties ;

PRONONCE la résiliation du contrat de bail du 14 février 2023, uniquement pour le cas où une mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception ;

Dans l’hypothèse d’une telle résiliation,

CONDAMNE M. [U] [R] à payer à M. [P] [O] le solde de la dette locative ;

AUTORISE M. [P] [O], à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, à faire procéder à l’expulsion de M. [U] [R] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique ;

CONDAMNE M. [U] [R] à verser à M. [P] [O] une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux, soit la somme de 639,23€, prise au 26 novembre 2024 ;

Et en toute hypothèse,

CONDAMNE M. [U] [R] aux dépens comprenant notamment le coût de l’assignation du 16 août 2024 ;

CONDAMNE M. [U] [R] à payer à M. [P] [O] la somme de 300€ (trois cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024, et signé par le juge et la greffière susnommés.

Le Greffier Le Juge


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