Résiliation de bail et expulsion pour loyers impayés

·

·

Résiliation de bail et expulsion pour loyers impayés

L’Essentiel : Monsieur [N] [F] a loué un appartement à Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] par un contrat signé le 18 septembre 2021. En raison de loyers impayés, un commandement de payer a été délivré le 7 septembre 2023, totalisant 10 174,20 euros. Le 19 mars 2024, Monsieur [N] [F] a assigné ses locataires pour résilier le bail et obtenir le paiement d’un arriéré de 20 657,82 euros. Lors de l’audience du 20 novembre 2024, la créance a été actualisée à 32 942,86 euros. Le tribunal a finalement ordonné l’expulsion des locataires et le paiement des arriérés.

Contexte du litige

Monsieur [N] [F] a loué un appartement, un garage et une cave à Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] par un contrat de bail signé le 18 septembre 2021, pour un loyer mensuel de 1 440 euros, plus 220 euros de charges.

Commandement de payer

Le 7 septembre 2023, un commandement de payer a été délivré aux locataires pour un montant de 10 174,20 euros, correspondant aux loyers et charges impayés d’avril à septembre 2023, avec mention de la clause résolutoire.

Assignation en justice

Le 19 mars 2024, Monsieur [N] [F] a assigné ses locataires devant le tribunal pour obtenir la résiliation du bail, leur expulsion, et le paiement d’un arriéré locatif de 20 657,82 euros, ainsi que d’autres indemnités.

Audience et mise à jour de la créance

Lors de l’audience du 20 novembre 2024, Monsieur [N] [F] a actualisé sa créance à 32 942,86 euros et a demandé le rejet des prétentions des locataires, qui ont reconnu une dette de 23 890,86 euros.

Arguments des locataires

Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] ont demandé un délai de deux ans pour régler leur dette, en justifiant leur situation financière difficile et en contestant certaines charges et travaux effectués.

Recevabilité de l’action

Le tribunal a jugé l’action en résiliation de bail et en expulsion recevable, confirmant que les conditions de la clause résolutoire étaient réunies.

Résiliation du bail

Le tribunal a constaté que les locataires n’avaient pas payé leur loyer malgré le commandement de payer, ce qui a conduit à la résiliation du bail et à l’ordonnance d’expulsion.

Indemnité d’occupation et arriéré locatif

Les locataires ont été condamnés à payer 32 942,86 euros pour loyers et charges impayés, ainsi qu’une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à leur expulsion.

Demande de délais de paiement

La demande de délais de paiement des locataires a été rejetée, le tribunal estimant qu’ils n’étaient pas en mesure de régler leur dette.

Demande de délais pour quitter les lieux

Le tribunal a également refusé d’accorder des délais supplémentaires pour quitter les lieux, considérant que cela aggraverait la situation financière du bailleur.

Demande de dommages et intérêts

La demande de Monsieur [N] [F] pour des dommages et intérêts a été rejetée, le tribunal n’ayant pas constaté de préjudice distinct.

Décision finale

Le tribunal a ordonné l’expulsion des locataires, le paiement des arriérés de loyer, et a statué sur les autres demandes, tout en rappelant que la décision était exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’action en résiliation de bail et en expulsion

La recevabilité de l’action en résiliation de bail et en expulsion est fondée sur les dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Cet article stipule que :

« I. Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet qu’à l’expiration d’un certain délai après un commandement de payer demeuré infructueux. »

En l’espèce, Monsieur [N] [F] a notifié un commandement de payer le 7 septembre 2023, et ce commandement est resté sans effet pendant plus de six semaines, conformément à la loi.

De plus, il a saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) le 8 septembre 2023, respectant ainsi le délai de deux mois avant l’assignation.

Ces éléments démontrent que l’action en résiliation de bail et en expulsion est recevable.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail

L’acquisition de la clause résolutoire est régie par l’article 1224 du code civil, qui précise que :

« La résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »

En matière de bail, l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précise que :

« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet qu’à l’expiration d’un certain délai après un commandement de payer demeuré infructueux. »

Dans ce cas, le commandement de payer a été signifié le 7 septembre 2023 et est resté sans effet pendant plus de deux mois.

Ainsi, les conditions d’acquisition de la clause résolutoire sont réunies, permettant la résiliation du bail.

Sur la demande en paiement au titre de l’arriéré locatif et de l’indemnité d’occupation

Les locataires sont tenus de payer les loyers impayés en vertu des articles 1103 et 1217 du code civil, qui stipulent que :

« Les contrats doivent être exécutés de bonne foi. »

Le maintien dans les lieux après la résiliation du bail constitue une faute ouvrant droit à réparation.

Monsieur [N] [F] a produit un décompte de 32 942,86 euros, correspondant aux loyers et charges impayés. Les locataires contestent ce montant en invoquant des travaux et l’absence de régularisation des charges.

L’article 23 de la loi du 6 juillet 1989 précise que :

« Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. »

Cependant, les locataires n’ont pas justifié leur demande de remboursement des provisions sur charges.

Ainsi, ils seront condamnés à payer 32 187,86 euros au titre des loyers et charges impayés.

Sur la demande de délais de paiement

L’article 1343-5 du code civil permet au juge de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, en tenant compte de la situation du débiteur.

Dans cette affaire, les locataires n’ont pas démontré leur capacité à apurer leur dette, qui représente plus de 19 mois d’impayés.

Leur demande de délais de paiement est donc rejetée, car ils ne justifient pas d’une situation financière leur permettant de respecter un échéancier.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Les articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution permettent au juge d’accorder des délais aux occupants d’un logement.

Cependant, les locataires n’ont pas justifié d’une bonne foi dans l’exécution de leurs obligations, ayant effectué un seul paiement depuis avril 2023.

Leur demande de délais pour quitter les lieux est donc rejetée, car cela aggraverait leur dette et nuirait au bailleur.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1231-6 du code civil stipule que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement consistent en intérêts au taux légal.

Monsieur [N] [F] n’a pas prouvé l’existence d’un préjudice distinct du retard dans les paiements.

Par conséquent, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les défendeurs, ayant perdu le procès, seront condamnés aux dépens selon l’article 696 du code de procédure civile.

Monsieur [N] [F] recevra également 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir ses frais.

La décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Christophe LIVET-LAFOURCADE
Préfet de [Localité 3]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Alain DE LANGLE

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 24/03508 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4ORI

N° MINUTE : 2

JUGEMENT
rendu le 30 janvier 2025

DEMANDEUR
Monsieur [N] [F],
[Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Alain DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEURS

Monsieur [V] [H],
[Adresse 1]

représenté par Me Christophe LIVET-LAFOURCADE, avocat au barreau de PARIS,

Madame [G] [H],
[Adresse 1]

représentée par Me Christophe LIVET-LAFOURCADE, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 novembre 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 30 janvier 2025 par Frédéric GICQUEL, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 30 janvier 2025
PCP JCP ACR fond – N° RG 24/03508 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4ORI

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 18 septembre 2021, Monsieur [N] [F] a donné à bail à Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] un appartement à usage d’habitation avec loggia (2ème étage, bâtiment sur rue, porte n° 1126), ainsi qu’un garage (2ème sous-sol, n° 93) et une cave (2ème sous-sol, n° 244) situés [Adresse 1] à [Localité 4] pour un loyer mensuel de 1 440 euros outre 220 euros de provision sur charges.

Par actes de commissaire de justice du 7 septembre 2023, Monsieur [N] [F] a fait délivrer à Monsieur [V] [H] et à Madame [G] [S] épouse [H] un commandement de payer dans un délai de six semaines la somme principale de 10 174,20 euros au titre des loyers et charges impayés d’avril à septembre 2023 en visant la clause résolutoire contractuelle.

Par actes de commissaire de justice du 19 mars 2024, Monsieur [N] [F] a fait assigner Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
– constater la résiliation du contrat de location par l’effet de la clause résolutoire,
– prononcer l’expulsion de Monsieur [V] [H] et de Madame [G] [S] épouse [H] et de tous occupants de leur chef avec le concours de la force publique et d’un serrurier,
– statuer sur le sort des biens garnissant le local et voir ordonner leur mise sous séquestre aux frais des défendeurs,
– condamner solidairement Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] au paiement de la somme de 20 657,82 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté à mars 2024 inclus avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, ainsi qu’à une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer indexé en vigueur à la date de la résiliation augmenté des charges jusqu’à libération effective des lieux,
– condamner solidairement Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] au paiement de la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts,
– condamner solidairement Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] au paiement de la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et aux dépens comprenant notamment le coût de l’assignation, de sa notification à la préfecture et du commandement de payer.

A l’audience du 20 novembre 2024 à laquelle l’affaire a été retenue, Monsieur [N] [F] assisté par son conseil a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance et a actualisé sa créance à la somme de 32 942,86 euros selon décompte arrêté à novembre 2024 inclus et a conclu au rejet des prétentions adverses.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [N] [F] expose que plusieurs échéances de loyers sont demeurées impayées malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail et ce pendant plus de six semaines.

Il estime que sa créance est parfaitement justifiée en faisant valoir que ses locataires ne démontrent pas avoir réalisés les travaux dont ils demandent le remboursement et qu’à supposer qu’ils aient été effectués, ils l’ont été sans autorisation préalable de sa part. Il considère également qu’il n’y a pas lieu de faire droit à leur demande de restitution des provisions sur charges, dans la mesure où il sera procéder à leur régularisation dès qu’il aura reçu les documents nécessaires du syndic de copropriété.

Enfin, il s’oppose à l’octroi de délais de paiement et pour quitter les lieux, en soulignant qu’un seul paiement est intervenu depuis 2023 et que ses locataires n’ont pas la capacité financière de respecter un échéancier.

Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H], représentés par leur conseil, ont reconnu être redevables d’une somme de 23 890,86 euros, n’ont pas contesté l’acquisition de la clause résolutoire et ont sollicité un délai de deux ans pour s’acquitter des sommes dues avec un report de la dette pendant les six premiers mois, ainsi qu’un délai pour quitter les lieux.

Sur le montant de la dette, ils soutiennent que doivent être déduits des sommes réclamées le coût des travaux qu’ils ont réalisés lors de l’entrée dans les lieux contre la promesse d’une réduction du loyer à hauteur de 3 059 euros, ainsi qu’en l’absence de régularisation annuelle des charges les provisions qu’ils ont réglées depuis la signature du bail pour un montant de 5 991 euros.

Ils justifient leur demande de délais par leur situation financière et la difficulté à se reloger, indiquant avoir renouvelé récemment leur demande d’attribution d’un logement social.

Un diagnostic social et financier a été reçu au greffe dont les conclusions ont été lues à l’audience.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation pour un plus ample exposé des moyens du demandeur à l’appui de ses prétentions.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 janvier 2025.

Dûment autorisé, Monsieur [N] [F] a par note en délibéré reçue au greffe le 20 novembre 2024 produit une copie du dernier procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action en résiliation de bail et en expulsion

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de [Localité 3] par la voie électronique le 20 mars 2024, soit plus de six semaines avant l’audience du 20 novembre 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Par ailleurs, Monsieur [N] [F] justifie avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) également par la voie électronique le 8 septembre 2023, soit deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation le 19 mars 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

L’action en résiliation du bail et en expulsion est donc recevable.

Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail

L’une des obligations essentielles du preneur d’un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En matière de bail, l’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet qu’à l’expiration d’un certain délai après un commandement de payer demeuré infructueux, de deux mois avant la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 et désormais de six semaines, étant observé que les dispositions de la loi nouvelle ne s’appliquent pas immédiatement aux contrats en cours qui demeurent régis par les stipulations des parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail (Cass, 3ème civ., 13 juin 2024, n°24-70.002).

En l’espèce, le bail conclu à effet au 23 septembre 2021 contient une clause résolutoire (page 4) et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 7 septembre 2023, pour la somme en principal de 10 174,20 euros. Ce commandement rappelle la mention que le locataire dispose d’un délai de deux mois pour payer sa dette, comporte le décompte de la dette et l’avertissement qu’à défaut de paiement ou d’avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s’expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d’expulsion, outre la mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département aux fins de solliciter une aide financière et de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil. Il est ainsi régulier en sa forme.

Il correspond par ailleurs bien à une dette justifiée à hauteur du montant des loyers échus et impayés (voir ci-après au titre de la demande en paiement) et est ainsi valable.

Ce commandement est enfin demeuré infructueux pendant plus de deux mois suivant la signification du commandement applicable jusqu’au terme du bail le 22 septembre 2025 (aucune somme n’a été réglée) de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail sont réunies à la date du 8 novembre 2023.

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge.

En l’espèce, il ressort de l’historique des paiements que le versement intégral du loyer courant n’a pas repris avant l’audience de sorte que les locataires ne peuvent solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire.

Dès lors, Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] étant sans droit ni titre depuis le 9 novembre 2023, il convient d’ordonner leur expulsion ainsi que l’expulsion de tous occupants de leur chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n’est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l’arriéré locatif et de l’indemnité d’occupation

Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] sont redevables des loyers impayés jusqu’à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil.

Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce, Monsieur [N] [F] produit un décompte faisant apparaître que Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] sont redevables de la somme de 32 942,86 euros à la date du 20 novembre 2024, terme de novembre 2024 inclus.

Les preneurs excipent de contestations tirées d’une part de l’absence de régularisation des charges, d’autre part de travaux qu’ils auraient effectués lors de l’entrée dans les lieux en contrepartie d’une réduction du loyer.

S’agissant d’abord des régularisations de charges, il convient de rappeler que selon l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel. Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs. Durant six mois à compter de l’envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires.

Lorsque la régularisation des charges n’a pas été effectuée avant le terme de l’année civile suivant l’année de leur exigibilité, le paiement par le locataire est effectué par douzième, s’il en fait la demande.

En l’absence de justification des charges réelles, le bailleur peut être tenu à rembourser au locataire au titre de la répétition de l’indu. Il appartient ainsi au bailleur pour s’opposer à la demande de remboursement des provisions de justifier des charges réelles.

Il est admis que l’obligation de régularisation annuelle des charges n’est assortie d’aucune sanction et que le bailleur peut en justifier à tout moment, dans la limite toutefois du délai de la prescription triennale, de sorte que le locataire n’a pas droit au remboursement intégral des provisions lorsque le bailleur est en mesure de produire le justificatif des charges.

En l’espèce, il est constant que le bailleur n’a procédé à aucune régularisation de charges depuis la signature du bail.

Cependant, les locataires ne peuvent solliciter le remboursement de provision sur charges qu’ils n’ont pas réglées. Or, ils chiffrent, sans fournir la moindre explication, leur demande de restitution à la somme de 5 991 euros, ce qui correspond à un peu plus de 27 mois de provision sur charges, alors qu’il apparaît au vu du décompte du bailleur qu’ils ne contestent pas, que compte-tenu du dernier règlement effectué en juin 2024 à hauteur de 1 800 euros, qui doit s’imputer sur la dette la plus ancienne conformément aux dispositions de l’article 1342-10 du code civil, ils se sont acquittés des provisions sur charges jusqu’en avril 2024 inclus, soit durant seulement 19 mois.

En outre, s’agissant d’un appartement situé dans une copropriété, cette régularisation ne peut intervenir qu’à l’issue de l’approbation par l’assemblée générale des comptes définitifs. Or, Monsieur [N] [F] a justifié en cours de délibéré que c’est seulement lors de l’assemblée générale du 1er octobre 2024 qu’il a été procédé à l’approbation des comptes des exercices arrêtés respectivement au 31 décembre 2022 et 31 décembre 2023. Il n’était donc pas en mesure avant cette assemblée générale dont le procès-verbal lui a été notifié seulement le 11 octobre 2024, soit à peine plus d’un mois avant l’audience, de procéder à la régularisation des charges pour les exercices 2022 et 2023.

Il n’est en revanche apportée aucune information s’agissant de l’approbation des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2021, qui a dû intervenir lors d’une précédente assemblée générale, et ce sans que le bailleur procède à la régularisation des charges pour cette exercice.

Dans ces conditions, seule la demande de restitution des provisions sur charges réglées en 2021 sera accueillie pour la somme de 755 euros (220 euros x 3 + 95 euros au prorata pour septembre 2021), le bailleur étant invité à procéder sans délai à la régularisation des charges des exercices 2022 et 2023.

S’agissant ensuite des travaux, il est constant qu’en application des articles 6d) et 7f) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire peut accomplir des travaux d’aménagement dans le logement loué dans la mesure où ces derniers ne constituent pas une transformation de la chose louée, mais il ne peut toutefois prétendre au remboursement de ces travaux d’aménagement, même autorisés par le bailleur, sauf accord exprès des parties sur leur charge financière.

Or, outre le fait que la preuve de la réalité de ces travaux n’est pas rapportée, seule étant versée aux débats une facture d’un montant de 3 059 euros datée du 22 juin 2024 – soit plus de deux ans et demi après l’entrée dans les lieux – établie par Monsieur [V] [H] lui-même à en-tête de son entreprise, les locataires ne justifient d’aucun accord exprès du bailleur pour la prise en charge de ces travaux ou d’une éventuelle réduction du loyer.

La demande de remboursement sera donc rejetée de sorte qu’aucune compensation ne saurait intervenir à ce titre.

En conséquence, Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] seront condamnés au paiement de la somme de 32 187,86 euros (32 942,86 euros -755 euros) au titre des loyers et charges impayés arrêtés à novembre 2024 inclus avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 10 174,20 euros et à compter du présent jugement sur le surplus conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil.

Ils y seront condamnés solidairement compte tenu de la clause de solidarité contenue dans le bail et de la solidarité légale des dettes ménagères de l’article 220 du code civil.

Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] seront également condamnés solidairement au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant de l’échéance de décembre 2024 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, soit actuellement la somme de 1 800,71 euros (loyer : 1 580,71 euros et 220 euros de provision sur charges)

Sur la demande de délais de paiement

En vertu de l’article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats et du diagnostic social et financier que Monsieur [V] [H], qui est artisan plombier à son compte et a rencontré des problèmes de santé l’ayant contraint à diminuer son activité et à envisager le dépôt d’un dossier de reconnaissance de travailleur handicapé à la MDPH, a déclaré un chiffre d’affaires pour le 3ème trimestre 2024 de 3 750 euros, soit par mois en moyenne de 1 250 euros, tandis que son épouse perçoit actuellement le revenu de solidarité active à hauteur de 868,32 euros par mois ainsi qu’une prime d’activité de 250,73 euros, soit un total de ressources de 2 369 euros.

La situation financière de leurs trois enfants majeurs, qui vivent au domicile et dont deux d’entre eux travailleraient selon les informations fournies par le diagnostic social et financier, n’est ni explicitée ni justifiée.

La dette actuelle de loyer est importante puisqu’elle représente plus de 19 mois d’impayés et les défendeurs, qui vont devoir se reloger et auraient d’autres dettes notamment d’URSSAF, n’ont procédé qu’à un seul règlement depuis avril 2023.

Ainsi, ils n’établissent pas être en mesure d’apurer leur dette dans les conditions de l’article précité, même après un report de paiement de six mois.

Leur demande de délais de paiement sera par conséquent rejetée.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application des articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut, même d’office, accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] n’ont procédé qu’à un seul règlement depuis avril 2023 et ils n’apparaissent pas en capacité de reprendre le versement du loyer courant. Leur accorder des délais pour quitter les lieux conduira donc nécessairement à une aggravation de la dette, d’un montant déjà conséquent, et ce au préjudice d’un bailleur privé, étant observé qu’ils ne justifient d’aucune démarche de relogement à l’exception du renouvellement de leur demande de logement social et qu’ils bénéficieront en tout état de cause du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux pour restituer les clés.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de leur accorder de délais supplémentaires, en plus des délais légaux.

Néanmoins afin de faciliter leur relogement, en application de l’article R.412-2 du code des procédures civiles d’expulsion, la présente décision sera envoyée au Préfet de [Localité 3] en vue de la prise en compte de la demande de relogement des occupants dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1231-6 du code civil dispose en son alinéa 1er que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Aux termes de l’alinéa 3, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, Monsieur [N] [F] n’établit pas l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du retard dans les paiements et qui se trouve réparé par les intérêts moratoires ni l’existence d’une mauvaise foi des défendeurs qui justifieraient l’allocation de dommages et intérêts distincts.

En conséquence, il sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H], qui perdent le procès, seront condamnés in solidum aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, comprenant notamment le coût de l’assignation, de sa notification à la préfecture et du commandement de payer.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [N] [F] exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 000 euros lui sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE l’action en résiliation de bail et en expulsion recevable,

CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 18 septembre 2021 entre Monsieur [N] [F] d’une part, Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] d’autre part, concernant l’appartement à usage d’habitation avec loggia (2ème étage, bâtiment sur rue, porte n°1126), ainsi qu’un garage (2ème sous-sol, n° 93) et une cave (2ème sous-sol, n° 244) situés [Adresse 1] à [Localité 4] sont réunies à la date du 8 novembre 2023,

DÉBOUTE Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] de leur demande de délais pour quitter les lieux,

ORDONNE en conséquence à Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement,

DIT qu’à défaut pour Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Monsieur [N] [F] pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, conformément à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique,

DIT n’y avoir lieu à ordonner l’enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] à verser à Monsieur [N] [F] la somme de 32 942,86 euros (décompte arrêté au 20 novembre 2024 incluant la mensualité de novembre 2024) correspondant à l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation impayés à cette date avec intérêts au taux légal sur la somme de 10 174,20 euros à compter du 7 septembre 2023 et à compter du présent jugement sur la somme de 27 768,66 euros,

RAPPELLE que les paiements intervenus postérieurement au décompte viennent s’imputer sur les sommes dues conformément à l’article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées,

DÉBOUTE Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] de leur demande de délais de paiement,

CONDAMNE solidairement Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] à verser à Monsieur [N] [F] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu’il aurait été si le contrat s’était poursuivi, à compter de l’échéance de décembre 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l’expulsion),

DÉBOUTE Monsieur [N] [F] de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE in solidum Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] à verser à Monsieur [N] [F] une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE in solidum Monsieur [V] [H] et Madame [G] [S] épouse [H] aux dépens comme visé dans la motivation,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.

La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon