Résiliation de bail et enjeux de la clause résolutoire en matière locative

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Résiliation de bail et enjeux de la clause résolutoire en matière locative

L’Essentiel : Le 1er octobre 2022, Mme [U] [A] a consenti un bail d’habitation à M. [Z] [X] et Mme [W] [V] pour un loyer mensuel de 620 euros. Le 31 juillet 2023, un commandement de payer a été délivré pour un arriéré de 3 900 euros. Le 6 novembre 2023, Mme [U] [A] a saisi le juge pour résilier le bail et demander l’expulsion. Le 9 avril 2024, le juge a ordonné la réouverture des débats. À l’audience du 24 septembre 2024, Mme [U] [A] a réclamé 12 350 euros, tandis que les locataires ont demandé des délais de paiement. Le juge a finalement ordonné l’expulsion.

Constitution du bail

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2022, Mme [U] [A] a consenti un bail d’habitation à M. [Z] [X] et Mme [W] [V] pour des locaux situés au 24a Rue de l’Eglise à Eckbolsheim, avec un loyer mensuel de 620 euros et une provision pour charges de 30 euros.

Commandement de payer

Le 31 juillet 2023, la bailleresse a délivré un commandement de payer aux locataires, leur réclamant un arriéré locatif de 3 900 euros, avec un délai de deux mois pour s’acquitter de cette somme, en se basant sur une clause résolutoire.

Intervention de la commission de coordination

Le 2 août 2023, la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation des locataires, M. [Z] [X] et Mme [W] [V].

Assignation au tribunal

Le 6 novembre 2023, Mme [U] [A] a saisi le juge des contentieux de la protection pour faire constater la résiliation du bail, demander l’expulsion des locataires et obtenir le paiement de diverses sommes, y compris une indemnité d’occupation et un arriéré locatif.

Jugement et réouverture des débats

Le 9 avril 2024, le juge a ordonné la réouverture des débats pour que la bailleresse fournisse un décompte actualisé des sommes dues et que les locataires prouvent la reprise des paiements des loyers.

Congé donné par Mme [W] [V]

Mme [W] [V] a délivré un congé effectif au 30 avril 2024, marquant son intention de quitter les lieux.

Prétentions des parties

À l’audience du 24 septembre 2024, Mme [U] [A] a réclamé le paiement d’une créance principale de 12 350 euros, tandis que M. [Z] [X] a demandé des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire, invoquant des difficultés financières.

Arguments de M. [Z] [X]

M. [Z] [X] a fait valoir qu’il avait été licencié et qu’il percevait une allocation de chômage, tout en affirmant avoir repris le paiement des loyers courants.

Réponse de Mme [W] [V]

Mme [W] [V] a demandé le rejet des demandes de Mme [U] [A] et a sollicité des délais de paiement, tout en contestant la solidarité pour la dette.

Décision du juge

Le juge a constaté la résiliation du bail, a ordonné l’expulsion des locataires et a statué sur la dette locative, condamnant M. [Z] [X] et Mme [W] [V] à payer des indemnités d’occupation et des arriérés de loyer.

Indemnité d’occupation

Une indemnité d’occupation de 650 euros par mois a été fixée, payable jusqu’à la libération effective des lieux.

Frais de justice et exécution provisoire

Les locataires ont été condamnés aux dépens de la procédure, sans qu’une indemnité soit accordée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et l’exécution provisoire de la décision a été maintenue.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la demande de résiliation du bail

La demande de résiliation du bail formulée par Mme [U] [A] est recevable. En effet, selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, il est stipulé que :

« Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux. »

Dans cette affaire, Mme [U] [A] a notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience, et a également saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois avant la délivrance de l’assignation.

Ainsi, son action est conforme aux exigences légales, et la demande de Mme [W] [V] visant à contester cette recevabilité sera rejetée.

Sur la résiliation du bail

La résiliation du bail est fondée sur le non-paiement des loyers. L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 précise que :

« La clause résolutoire est acquise lorsque le locataire n’a pas réglé sa dette dans le délai imparti. »

En l’espèce, un commandement de payer a été signifié le 31 juillet 2023, et la somme de 3 900 euros n’a pas été réglée dans le délai de deux mois suivant cette signification.

Dès lors, la bailleresse est en droit de se prévaloir des effets de la clause résolutoire, et le contrat de bail est considéré comme résilié depuis le 3 octobre 2023.

Sur la demande de délais de paiement

Conformément à l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut accorder des délais de paiement au locataire en situation de régler sa dette locative, à condition qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience.

En l’espèce, M. [Z] [X] n’a pas justifié avoir repris le paiement des loyers courants, et la dette s’est aggravée à 12 350 euros. Par conséquent, les effets de la clause résolutoire ne pourront pas être suspendus, et aucun délai de paiement ne sera accordé.

Sur la demande de sursis à l’exécution du jugement d’expulsion

L’article L412-3 du code de procédure civile d’exécution stipule que :

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. »

Cependant, M. [Z] [X] n’a pas allégué de faits permettant de vérifier que son relogement ne peut se faire dans des conditions normales.

Ainsi, la demande de sursis à l’exécution de l’expulsion sera rejetée, et l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux.

Sur la dette locative

Selon l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. En l’espèce, Mme [U] [A] a produit un décompte prouvant que M. [Z] [X] lui devait 12 350 euros.

M. [Z] [X] n’ayant pas contesté ce montant, il sera condamné à payer cette somme, avec intérêts à compter de la décision.

Mme [W] [V], bien qu’ayant donné congé, reste solidairement responsable de la dette jusqu’à la date de son départ, et sera également condamnée à payer sa part de la dette.

Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux après la résiliation du bail, une indemnité d’occupation est due. Cette indemnité est fixée à 650 euros par mois, payable dans les mêmes conditions que le loyer.

Elle sera due à partir du 3 octobre 2023 jusqu’à la libération effective des lieux, et son montant sera révisable selon les conditions du bail initial.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer une somme à l’autre partie pour les frais exposés.

Dans cette affaire, M. [Z] [X] et Mme [W] [V], ayant succombé, seront solidairement condamnés aux dépens. Toutefois, en raison de leur situation économique, aucune indemnité ne sera accordée sur le fondement de l’article 700.

L’exécution provisoire de la décision sera maintenue, conformément à l’article 514 du code de procédure civile, en raison de la nature de la dette et de l’absence de reprise des paiements.

N° RG 23/09277 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MKIJ

Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE SCHILTIGHEIM
10 rue du Tribunal – CS 70097
67302 SCHILTIGHEIM CEDEX

SCHILTIGHEIM Civil
N° RG 23/09277 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MKIJ

Minute n°

copie le 26 novembre 2024

à la Préfecture

copie exécutoire le 26 novembre

2024 à :

– Me Fabrice JEHEL

– Me Céline BOUTIN

– Me Pascaline WEBER

pièces retournées

le 26 novembre 2024

Me Célia HAMM
Me Fabrice JEHEL
Me Pascaline WEBER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU
26 NOVEMBRE 2024

DEMANDERESSE :

Madame [U] [A]
née le 18 Novembre 1937 à STRASBOURG (67000)
demeurant 3B rue des Vignes 67201 ECKBOLSHEIM
représentée par Me Fabrice JEHEL, avocat au barreau de STRASBOURG

DEFENDEURS :

Monsieur [Z] [X]
né le 01 Octobre 1998 à BOULOGNE BILLANCOURT (92100)
demeurant 24A rue de l’Eglise 67201 ECKBOLSHEIM
représenté par Me Célia HAMM, avocat au barreau de STRASBOURG, substitué par Me Céline BOUTIN

Madame [W] [V]
née le 27 Août 1998
bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale n°67482-2024-004320 du 06 juin 2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de STRASBOURG
demeurant 1 place du Temple 67404 ILLKIRCH GRAFFENSTADEN
représentée par Me Pascaline WEBER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Romain GRAPTON, Vice-président chargé des fonctions de juge des contentieux de la protection
Ophélie PETITDEMANGE, Greffier

DÉBATS :

Audience publique du 24 Septembre 2024

JUGEMENT

Contradictoire rendu en premier ressort,
Mis à la disposition du public par le greffe, et signé par Romain GRAPTON, Juge des Contentieux de la Protection et par Ophélie PETITDEMANGE, Greffier

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 1er octobre 2022, Mme [U] [A] a consenti un bail d’habitation à M. [Z] [X] et Mme [W] [V] sur des locaux (logement, cave et garage) situés au 24a Rue de l’Eglise à Eckbolsheim (67201), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 620 euros et d’une provision pour charges de 30 euros.

Par actes de commissaire de justice du 31 juillet 2023, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 3 900 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.

La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [Z] [X] et Mme [W] [V] le 2 août 2023.

Par assignations du 6 novembre 2023, Mme [U] [A] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Schiltigheim pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [Z] [X] et Mme [W] [V] et obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes:
– une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
-5 200 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au jour de l’assignation,
-1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 7 novembre 2023, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.

Suivant jugement avant dire droit du 09 avril 2024, le juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats afin que la bailleresse fournisse un décompte actualisé des sommes dues et que les locataires puissent produire la preuve de la reprise des paiements des loyers.

Mme [W] [V] a délivré congé à effet au 30 avril 2024.

Prétentions et moyens des parties

À l’audience du 24 septembre 2024, Mme [U] [A] sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance. Elle a réactualisé sa créance principale à la somme de 12 350€ au titre des loyers impayés. Mme [U] [A] considère enfin qu’il n’y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

En réplique, et suivant conclusions du 01 mars 2024, reprises oralement à l’audience, M. [Z] [X] demande au juge des contentieux de la protection de :
– lui accorder des délais de paiement de 36 mois outre la suspension de la clause résolutoire,
– lui accorder un délai d’un an pour lui permettre de se reloger,
– condamner Mme [U] [A] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [Z] [X] fait valoir qu’il a rencontré des difficultés financières, qu’il a été licencié en août 2023, qu’il perçoit actuellement l’ARE à hauteur de 800€ par mois et qu’il a repris le paiement des loyers courant.

En réplique, et suivant conclusions du 24 septembre 2024, reprises oralement à l’audience, Mme [W] [V] demande au juge des contentieux de la protection de débouter Mme [U] [A] de ses demandes et de la condamner aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, Mme [W] [V] sollicite la limitation de la solidarité à la somme de 9 100€ et de lui accorder des délais de paiement.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
1.1. Sur la recevabilité de la demande

Mme [U] [A] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. La demande de Mme [W] [V] sur ce point sera rejetée. Il en est de même du moyen selon lequel Mme [U] [A] a délivré commandement de payer visant la clause résolutoire en présence de deux autres copropriétaires. En effet, il ressort du bail que seule Mme [U] [A] est partie bailleresse. Elle a qualité à agir en résiliation du bail. Finalement, il sera retenu que l’absence de signification du commandement de payer visant la clause résolutoire à la caution n’a aucune conséquence sur l’action du bailleur en résiliation du bail.

1.2. Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi du 27 juillet 2023, tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.

Cependant, la loi du 27 juillet 2023 ne comprend aucune disposition dérogeant à l’article 2 du code civil, selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif. Ainsi, il n’y a pas lieu de faire application aux contrats conclus antérieurement au 29 juillet 2023 de l’article 10 de cette loi, en ce qu’il fixe à six semaines – et non plus deux mois — le délai minimal accordé au locataire pour apurer sa dette, au terme duquel la clause résolutoire est acquise. Ces contrats demeurent donc régis par les stipulations des parties, telles qu’encadrées par la loi en vigueur au jour de la conclusion du bail.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail a été signifié aux locataires le 31 juillet 2023. Or, d’après l’historique des versements, la somme de 3 900 euros n’a pas été réglée par ces derniers dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 03 octobre 2023.

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l’espèce, Mme [W] [V] a donné congé à compter du 30 avril 2024. Quant à lui, bien qu’ayant un emploi depuis le 21 mars 2024 rémunéré 2 375€ brut par mois, M. [Z] [X] ne justifie pas avoir repris le paiement des loyers courants. A la lecture du dernier décompte, la dette s’est aggravée pour s’établir à la somme de 12 350€. Dans ces conditions, les effets de la clause résolutoire ne pourront pas être suspendus et aucun délai de paiement fondé sur l’article 24 de loi du 06 juillet 1989 ne seront accordés.

Il convient, en conséquence, d’ordonner aux locataires ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser Mme [U] [A] à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

1.3 Sur la demande de sursis à l’exécution du jugement d’expulsion

L’article 6 du code de procédure civile dispose qu’à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder.

Aux termes de l’article L412-3 alinéa 1er du code de procédure civile d’exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

L’article L412-4 du code de procédure civile d’exécution précise que la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, il appartient à M. [Z] [X] d’alléguer les faits propres à fonder sa demande de sursis à exécution de l’expulsion. Or, il n’allègue aucun fait permettant au juge de vérifier que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Dès lors qu’aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution, il convient de rappeler que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance aux locataires d’un commandement de quitter les lieux.

2. Sur la dette locative

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, Mme [U] [A] verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 24 septembre 2024, M. [Z] [X] lui devait la somme de 12 350 euros, soustraction faite des frais de procédure et du versement du 10 mai 2024.

M. [Z] [X] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme à la bailleresse avec intérêt à compter de la présente décision, déduction faite du mois de septembre 2024, ce mois n’étant pas terminé à la date de l’audience. Dès lors, M. [Z] [X] sera condamné au paiement de la somme de 3 900€ (sommes dues à la date du commandement de payer visant la clause résolutoire) + 650€ (indemnité d’occupation mensuelle) X 13 (13 mois entre le 1/08/23 et le 30/08/24) – 650€ (indemnité d’occupation de mai 2024), soit la somme totale de 11 700€ avec intérêt à compter de la présente décision

Mme [W] [V], locataire solidaire de la dette, a donné congé à effet au 30 avril 2024. Si elle soutient que seul M. [Z] [X] doit contribuer à la dette finale, il n’en demeure pas moins que la solidarité contractuelle ne saurait la libérer à l’égard de Mme [U] [A]. Elle sera condamnée à payer solidairement les loyers et indemnités d’occupation jusqu’au 30 avril 2024, soit la somme totale de 3 900€ (sommes dues à la date du commandement de payer visant la clause résolutoire) + 650€ (indemnité d’occupation mensuelle) X 9 (9 mois entre le 1/08/23 et le 30/04/24) = 9 750€.

3. Sur la demande de délai de paiement

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

En l’espèce, M. [Z] [X] et Mme [W] [V] justifient de leurs charges et revenus, Mme [W] [V] ayant été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Il s’évince des pièces produites que la situation financière des locataires ne leur permet pas de se libérer de leur dette en une fois. Des délais de paiement leurs seront accordés dans la limite de 24 mois. Une clause cassatoire sera inséré au jugement afin de s’assurer du paiement des sommes dues.

4. Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux des locataires ou de toute personne de leur chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 650 euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 03 octobre 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à Mme [U] [A] ou à son mandataire.

5. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [Z] [X] et Mme [W] [V], qui succombent à la cause, seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

En revanche, compte tenu de leur situation économique, il n’y a pas lieu de les condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant et de l’ancienneté de la dette et de l’absence totale de reprise du paiement des loyers depuis l’assignation, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection,

DEBOUTE Mme [W] [V] de sa demande tendant à déclarer Mme [U] [A] irrecevable en ses demandes ;

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 31 juillet 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois ;

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 1er octobre 2022 entre Mme [U] [A], d’une part, et M. [Z] [X] et Mme [W] [V], d’autre part, concernant les locaux (logement, cave et garage) situés au 24a Rue de l’Eglise à Eckbolsheim (67201) est résilié depuis le 03 octobre 2023 ;

DEBOUTE M. [Z] [X] de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire et de délai de paiement de 36 mois, sans préjudice des délais qui pourraient leur être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement ;

DEBOUTE M. [Z] [X] de sa demande tendant au sursis à l’exécution du jugement d’expulsion ;

ORDONNE à M. [Z] [X] de libérer de leur personne, de leurs biens, ainsi que de tous occupants de leur chef, les lieux situés au 24a Rue de l’Eglise à Eckbolsheim (67201) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l’assistance de la force publique ;

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [X] et Mme [W] [V] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 650 euros (six cent cinquante euros) par mois, Mme [W] [V] étant libérée de ce paiement à compter du 30 avril 2024 ;

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 03 octobre 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire ,

CONDAMNE solidairement M. [Z] [X] et Mme [W] [V] à payer à Mme [U] [A] la somme de 9 750€ (neuf mille sept cent cinquante euros) avec intérêt au total légal à compter de la présente décision au titre de l’arriéré locatif arrêté au 30 avril 2024 ;

ACCORDE à M. [Z] [X] et Mme [W] [V] la faculté d’apurer leur dette au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision, en 23 mensualités équivalentes d’un montant de 406€ (quatre cent six euros) et une 24eme mensualité correspondant au solde de la somme due ;

DIT que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;

CONDAMNE M. [Z] [X] à payer à Mme [U] [A] la somme de 1 950€ (mille neuf cent cinquante euros) avec intérêt au total légal à compter de la présente décision au titre de l’arriéré locatif arrêté au 24 septembre 2024, l’indemnité d’occupation du mois de septembre 2024 n’étant pas incluse dans cette somme ;

ACCORDE à M. [Z] [X] la faculté d’apurer sa dette au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision, en 23 mensualités équivalentes d’un montant de 81€ (quatre-vingt-une euros) et une 24eme mensualité correspondant au solde de la somme due ;

DIT que le défaut de paiement d’un seul règlement à l’échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible ;

CONDAMNE solidairement M. [Z] [X] et Mme [W] [V] aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer du 31 juillet 2023 et celui des assignations du 6 novembre 2023 ;

DÉBOUTE Mme [U] [A] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024, et signé par le juge et la greffière susnommés.

Le Greffier Le Juge


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