Résiliation de bail et délais d’expulsion : équilibre entre droits du propriétaire et dignité humaine.

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Résiliation de bail et délais d’expulsion : équilibre entre droits du propriétaire et dignité humaine.

L’Essentiel : Par acte sous seing privé du 12 octobre 2022, un bailleur a donné à bail un logement à un locataire dans une localité précise. Ce contrat de location a été contesté, entraînant des procédures judiciaires. Le 7 juillet 2023, un juge des contentieux de la protection a constaté la résiliation du bail, permettant des délais de paiement. Le locataire a saisi le juge de l’exécution le 7 octobre 2024 pour demander un délai supplémentaire afin de quitter le logement. Lors de l’audience du 7 janvier 2025, le bailleur a contesté cette demande, la jugeant sans objet. Le juge a finalement déclaré la demande sans objet.

Contexte de l’affaire

Par acte sous seing privé du 12 octobre 2022, un bailleur a donné à bail un logement à un locataire dans une localité précise. Ce contrat de location a été ultérieurement contesté, entraînant des procédures judiciaires.

Décisions judiciaires

Le 7 juillet 2023, un juge des contentieux de la protection a constaté la résiliation du bail et a suspendu l’effet de la clause résolutoire, permettant ainsi des délais de paiement. Cette décision a été signifiée le 27 septembre 2023, suivie d’un commandement de quitter les lieux signifié le 5 décembre 2023.

Demande de délai pour quitter les lieux

Le locataire a saisi le juge de l’exécution le 7 octobre 2024 pour demander un délai supplémentaire afin de quitter le logement. L’expulsion a finalement eu lieu le 18 octobre 2024. Lors de l’audience du 7 janvier 2025, le locataire a demandé un délai de 12 mois pour quitter les lieux, tandis que le bailleur a contesté cette demande, la jugeant sans objet.

Arguments des parties

Le bailleur a demandé que la demande du locataire soit déclarée sans objet et a sollicité une condamnation du locataire à lui verser une somme de 800 euros au titre des frais. Le juge a examiné les demandes en tenant compte des dispositions légales relatives aux délais d’expulsion et à la protection des droits des occupants.

Décision finale

Le juge a constaté que la demande de délais pour quitter les lieux était sans objet, en raison de l’expulsion déjà effectuée. Le locataire a été condamné à payer au bailleur une somme de 300 euros pour les frais exposés, et il a été décidé que le locataire supporterait également les dépens de la procédure. La décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

La demande de délais pour quitter les lieux est régie par l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, qui stipule :

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…). »

Cet article permet donc au juge d’accorder des délais en tenant compte de la situation des occupants.

De plus, l’article L. 412-4 précise que :

« La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. »

Il en ressort que le juge doit établir un équilibre entre les droits du propriétaire et ceux de l’occupant, tout en respectant le droit à un logement décent.

Dans cette affaire, il est établi que l’occupant a été expulsé le 18 octobre 2024, rendant ainsi la demande de délais pour quitter les lieux sans objet.

Sur les autres demandes

Les demandes relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile sont régies par l’article 696, qui dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. »

Cela signifie que la partie qui perd le litige doit en principe supporter les frais de justice, sauf décision contraire du juge.

L’article 700 du même code précise que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Dans cette affaire, le juge a constaté que l’occupant, partie perdante, doit supporter les dépens et a également été condamné à verser une somme de 300 euros à titre de frais non compris dans les dépens, conformément à l’article 700.

Enfin, l’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« Le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit. »

Cela signifie que la décision rendue est immédiatement exécutoire, même en cas d’appel.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 04 Février 2025

DOSSIER N° RG 24/08646 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZVOO
Minute n° 25/ 45

DEMANDEUR

Monsieur [V] [Y]
né le 19 Novembre 1968 à [Localité 5] (GABON)
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Alexia SAUTET, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Monsieur [M] [G]
né le 06 Juin 1962 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Nicolas ROUSSEAU de la SELARL LEX URBA – NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 07 Janvier 2025 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 04 Février 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 04 février 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 octobre 2022, Monsieur [M] [G] a donné à bail à Monsieur [V] [Y] un logement sis à [Localité 4] (33).

Par ordonnance de référé en date du 7 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux a notamment constaté la résiliation du bail et suspendu l’effet de la clause résolutoire par l’allocation de délais de paiement.

Cette décision a été signifiée par acte du 27 septembre 2023. Un commandement de quitter les lieux lui a été signifié le 5 décembre 2023.

Par requête reçue le 7 octobre 2024, Monsieur [Y] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de se voir alloué un délai pour quitter les lieux.

L’expulsion est finalement intervenue le 18 octobre 2024.

A l’audience du 7 janvier 2025, Monsieur [Y] sollicite un délai de 12 mois pour quitter les lieux et que chacune des parties conserve la charge de ses frais et dépens.

A l’audience du 7 janvier 2025 et dans ses dernières écritures, Monsieur [G] sollicite qu’il soit jugé que la demande est sans objet et que le demandeur en soit débouté. Il sollicite par ailleurs la condamnation de Monsieur [Y] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 4 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Au visa de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution, « Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation (…) ».

L’article L. 412-4 du même code précise que : « La durée des délais prévus à l’article L.412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés ».

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’il appartient au juge, en considération de ces dispositions, d’octroyer ou non des délais dans le respect du droit de propriété dont le caractère est absolu et du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité humaine, de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accès à un logement décent, du droit à la vie privée et familiale, au domicile, dans le cadre d’un nécessaire contrôle de proportionnalité, ayant pour finalité d’établir un juste équilibre entre deux revendications contraires, celle du propriétaire et celle de l’occupant sans droit ni titre.

Il est constant que Monsieur [Y] a été expulsé du logement loué le 18 octobre 2024. La demande de délais pour quitter les lieux est donc sans objet, ce qui sera constaté.

Sur les autres demandes

Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

En l’espèce, Monsieur [V] [Y] partie perdante, supportera la charge des dépens. Monsieur [Y] sera en outre condamné au paiement d’une somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

En vertu de l’article R 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la demande de délais pour quitter les lieux formée par Monsieur [V] [Y] est sans objet,

CONDAMNE Monsieur [V] [Y] à payer à Monsieur [M] [G] la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [V] [Y] aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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