L’Essentiel : Par contrat du 3 mai 2023, une bailleresse a consenti un bail d’habitation à des locataires, moyennant un loyer mensuel de 1115 euros, charges comprises. En raison d’un arriéré locatif de 5575 euros, la bailleresse a délivré un commandement de payer le 19 avril 2024. Le 13 septembre 2024, la bailleresse a saisi le juge des contentieux de la protection pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion des locataires. Lors de l’audience du 21 novembre 2024, la bailleresse a demandé le bénéfice de son acte introductif d’instance, mais la demande a été rejetée en raison de l’absence de preuves suffisantes.
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Contexte de l’AffairePar contrat du 3 mai 2023, une bailleresse a consenti un bail d’habitation à des locataires, moyennant un loyer mensuel de 1115 euros, charges comprises. En raison d’un arriéré locatif de 5575 euros, la bailleresse a délivré un commandement de payer le 19 avril 2024, stipulant une clause résolutoire. Intervention des AutoritésLe 30 mai 2024, la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation des locataires. Le 13 septembre 2024, la bailleresse a saisi le juge des contentieux de la protection pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire et ordonner l’expulsion des locataires, tout en demandant des indemnités. Audience et Absence des LocatairesLors de l’audience du 21 novembre 2024, la bailleresse a demandé le bénéfice de son acte introductif d’instance, sans solliciter de délais de paiement pour les locataires, qui n’ont pas comparu ni été représentés. Aucun diagnostic social et financier n’a été fourni avant l’audience. Demande de Constatation de RésiliationLa bailleresse a justifié la recevabilité de sa demande en notifiant l’assignation au représentant de l’État et en saisissant la commission de prévention des expulsions. Cependant, le juge a constaté qu’aucun décompte locatif n’a été versé, rendant impossible la constatation du non-paiement des loyers. Rejet des Demandes SubséquentesEn conséquence, la demande de constatation de la résiliation du bail, ainsi que les demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation, ont été rejetées. Le juge a souligné l’absence de preuves suffisantes concernant l’existence d’une dette locative. Frais de Procès et Exécution ProvisoireLa bailleresse, ayant perdu son affaire, a été condamnée aux dépens. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a également été rejetée. L’ordonnance a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire, conformément aux dispositions légales. ConclusionLa décision a été rendue le 4 février 2025, déboutant la bailleresse de toutes ses demandes et confirmant l’exécution provisoire de l’ordonnance. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de la demande de constat de la résiliation du bailLa bailleresse justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience. Elle a également saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation. Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui stipule : « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. » Ainsi, la demande de constat de la résiliation du bail est recevable. Sur la résiliation du bailL’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : « Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. » En l’espèce, un commandement de payer a été signifié aux locataires le 19 avril 2024. Cependant, il n’a pas été produit de décompte locatif correspondant à la période postérieure à la délivrance du commandement de payer, ce qui empêche le juge de constater le non-paiement des loyers. De plus, la dette au jour de l’assignation n’est pas corroborée par un décompte. Par conséquent, il ne peut être certain que la clause résolutoire est acquise, et la bailleresse sera déboutée de cette demande. Sur la provision au titre de l’arriéré de loyers et d’indemnités d’occupationAux termes de l’article 835 du code de procédure civile, il est stipulé que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. » L’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 précise que : « Le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative. » Il incombe à chaque partie de prouver, conformément à l’article 9 du code de procédure civile, les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l’espèce, aucun décompte permettant d’établir l’existence d’une dette locative n’a été versé aux débats. Les seules affirmations du conseil de la bailleresse concernant le montant de la dette ne sont pas suffisantes pour établir la réalité de cette dernière. Il est donc impossible d’établir avec certitude que les locataires restent redevables de la somme de 6 990 euros à la date de l’assignation, et cette demande en paiement sera par conséquent rejetée. Sur les frais du procès et l’exécution provisoireAux termes de l’article 700 du code de procédure civile, il est stipulé que : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée. » La bailleresse, qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Elle sera également déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire, sauf disposition contraire. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire, conformément au dernier alinéa de l’article 514-1 du même code. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Christophe PHAM
Monsieur [Y] [M]
Madame [L] [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR référé
N° RG 24/09539 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6CDQ
N° MINUTE : 9
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 04 février 2025
DEMANDERESSE
Madame [S] [T] épouse [Z],
[Adresse 1]
représentée par Me Christophe PHAM, avocat au barreau de PARIS,
DÉFENDEURS
Monsieur [Y] [M],
[Adresse 2]
non comparant, ni représenté
Madame [L] [B],
[Adresse 2]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 novembre 2024
ORDONNANCE
réputée contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 04 février 2025 par Mathilde CLERC, Juge, assistée de Aurélia DENIS, Greffier
Décision du 04 février 2025
PCP JCP ACR référé – N° RG 24/09539 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6CDQ
Par contrat du 3 mai 2023, Mme [S] [T] épouse [Z] a consenti un bail d’habitation à M. [Y] [M] et Mme [L] [B] sur des locaux situés au [Adresse 2], moyennant le paiement d’un loyer mensuel initial de 1115 euros, charges comprises.
Par acte de commissaire de justice du 19 avril 2024, la bailleresse a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme principale de 5575 euros au titre de l’arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.
La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [Y] [M] et Mme [L] [B] le 30 mai 2024.
Par assignation du 13 septembre 2024, Mme [S] [T] épouse [Z] a saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, ordonner l’expulsion de M. [Y] [M] et Mme [L] [B] et les condamner par provision au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer des charges, à compter du 1er juin 2024 et jusqu’à libération des lieux,6690 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 3 octobre 2024, mais aucun diagnostic social et financier n’est parvenu au greffe avant l’audience.
L’affaire a été appelée à l’audience du 21 novembre 2024.
Prétentions et moyens des parties
À l’audience du 21 novembre 2024, [S] [T] épouse [Z] sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance.
[S] [T] épouse [Z] ne sollicite ni délais de paiement au bénéfice de M. [Y] [M] et Mme [L] [B], ni suspension des effets de la clause résolutoire, considérant qu’il n’y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Régulièrement assignés par acte de commissaire de justice selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile, M. [Y] [M] et Mme [L] [B] n’ont pas comparu et ne se sont pas fait representer.
Il n’a pas été fait état de l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
Par courrier en date du 13 janvier 2025, le juge a sollicité du conseil de la demanderesse qu’il produise un décompte postérieur au décompte contenu dans le commandement de payer.
Par courriel en date du 31 janvier 2025, le conseil de la demanderesse a adressé un courrier à la juridicition, indiquant qu’”aucune somme n’a été réglée par les locataires depuis le 1er janvier 2024, si bien qu’a fortiori, aucune somme n’a été réglée dans le délai de deux mois du commandement signifié le 9 avril 2024 pour la somme de 5575 euros correspondant aux échéances de janvier à avril 2024 incluse pour des échéances mensuelles d’un montant respectif de 1.115 euros”, ajoutant qu’”au vu de l’assignation, une échéance de loyer semblait avoir été omise au titre des sommes sollicitées pour un arriéré locatif total de 6.690 euros au lieu de 7.805 euros”.
1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
1.1. Sur la recevabilité de la demande
Mme [S] [T] épouse [Z] justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
1.2. Sur la résiliation du bail
L’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dans sa version applicable au présent litige, dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail a été signifié aux locataires le 19 avril 2024.
Il sera toutefois constaté qu’en dépit de ce que le conseil du demandeur a été invité à le faire en délibéré, aucun décompte locatif correspondant à la période postérieure à la délivrance du commandement de payer n’a été versé au débat, empêchant le juge de constater le non-paiement des loyers deux mois après la délivrance de cet acte.
Il sera par ailleurs observé que la dette au jour de l’assignation n’est non plus corroborée par aucun décompte.
Par conséquent, il ne peut être certain que la clause résolutoire est acquise et dès lors, Mme [S] [T] épouse [Z] sera déboutée de cette demande.
Les demandes subséquentes tendant au constat de l’acquisition de la clause résolutoire, à savoir l’expulsion et la fixation d’une indemnité d’occupation seront par conséquent également rejetées.
2. Sur la provision au titre de l’arriéré de loyers et d’indemnités d’occupation
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Aux termes de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative.
L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention. En application de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, aucun décompte permettant d’établir l’existence d’une dette locative n’est versé aux débats, cela en dépit de la demande formulée par le juge au conseil de la demanderesse en cours de délibéré. Il sera précisé que les seules affirmations du conseil de la demanderesse dans un courrier concernant le montant de la dette, dont il n’est pas établi qu’il ait été soumis au principe du contradictoire, sont insuffisantes à établir la réalité de cette dernière.
Il est ainsi impossible d’établir avec certitude que les défendeurs restent redevables de la somme de 6990 euros à la date de l’assignation et cette demande en paiement sera par conséquent rejetée.
4. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
Mme [S] [T] épouse [Z], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Mme [S] [T] épouse [Z] de l’ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE Mme [S] [T] épouse [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [S] [T] épouse [Z] aux dépens.
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 4 février 2025, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière La Juge
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