L’Essentiel : La société anonyme Habitat du Nord a signé un bail avec une locataire le 30 janvier 2020 pour un appartement, avec un loyer mensuel de 526,69 euros. En juillet 2022, Habitat du Nord a mis en demeure la locataire de régler des loyers impayés. En janvier 2024, la société a assigné la locataire devant le tribunal pour obtenir la résiliation du bail et son expulsion. Lors de l’audience, Habitat du Nord a demandé la résiliation du bail, tandis que la locataire a contesté certaines créances. Le tribunal a ordonné l’expulsion de la locataire et a fixé une indemnité d’occupation.
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Contexte du litigeLa société anonyme Habitat du Nord a signé un bail avec Mme [Z] [V] le 30 janvier 2020 pour un appartement, avec un loyer mensuel de 526,69 euros. Le bail était d’une durée initiale de 6 ans, renouvelable par tacite reconduction. Mise en demeure et commandement de payerLe 6 juillet 2022, Habitat du Nord a mis en demeure Mme [V] de régler 391,58 euros pour loyers et charges impayés. En mars 2023, un commandement de payer a été signifié à Mme [V] pour une somme totale de 1 579,19 euros, dont 1 455,53 euros pour loyers et charges impayés. Plan d’apurement et nouvelles mises en demeureUn plan d’apurement a été convenu le 19 avril 2023, permettant à Mme [V] de rembourser une dette de 2 083,76 euros en 20 mensualités de 100 euros. Cependant, le 21 juin 2023, Habitat du Nord a de nouveau mis en demeure Mme [V] pour un montant de 295,72 euros. Assignation en justiceLe 15 janvier 2024, Habitat du Nord a assigné Mme [V] devant le tribunal pour obtenir la résiliation du bail et son expulsion, ainsi que le paiement des loyers dus. Cette assignation a été notifiée au représentant de l’État le 17 janvier 2024. Procédure de surendettementLe 10 juillet 2024, Mme [V] a été déclarée recevable à la procédure de surendettement, et le 25 septembre 2024, la commission a imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, effaçant une créance de 8 524,24 euros de Habitat du Nord. Audience et demandes des partiesLors de l’audience du 16 décembre 2024, Habitat du Nord a demandé la résiliation du bail et l’expulsion de Mme [V], tout en précisant qu’elle ne s’opposait pas à un paiement échelonné de la dette. Mme [V] a contesté la validité de certaines créances et a demandé des délais de paiement. Arguments de Mme [V]Mme [V] a soutenu que certains loyers étaient prescrits et a demandé des travaux de mise en conformité du logement, arguant que le logement n’était pas décent. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et préjudice moral. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré Habitat du Nord recevable dans son action et a constaté que la clause résolutoire était acquise depuis le 10 mai 2023. Il a ordonné l’expulsion de Mme [V] et a fixé l’indemnité d’occupation à 611,77 euros par mois. Condamnation de Mme [V]Mme [V] a été condamnée à payer 2 708,48 euros pour loyers et charges impayés, avec des intérêts au taux légal. Elle a également été autorisée à rembourser cette somme en 24 mensualités. Rejet des demandes de Mme [V]Les demandes de Mme [V] concernant la mise en conformité du logement et les dommages et intérêts ont été rejetées, le tribunal considérant qu’elle n’avait pas de droits en tant qu’occupante sans titre depuis la résiliation du bail. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité à agir en constat de la résiliation du bail et en expulsionLa société anonyme Habitat du Nord justifie avoir notifié le commandement de payer visant la clause résolutoire par voie électronique à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX), conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989. Elle justifie également avoir notifié au préfet du Nord l’assignation visant à obtenir l’expulsion, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la même loi. Ainsi, la société anonyme Habitat du Nord est recevable à agir en constat de la résiliation du bail et en expulsion. Sur la résiliation du bail et l’expulsionL’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à la date à laquelle le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré, dispose que “toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.” En l’espèce, le contrat de bail stipule une clause résolutoire qui vise un délai de deux mois. La société anonyme Habitat du Nord a délivré un commandement de payer le 9 mars 2023, et il ressort du relevé de compte que l’intégralité des causes du commandement de payer n’a pas été réglée dans le délai de deux mois suivant sa délivrance. La clause résolutoire est donc acquise depuis le 10 mai 2023. Sur les sommes duesAux termes de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus. En vertu de l’article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l’occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail est réparé par l’allocation d’une indemnité mensuelle d’occupation due de la résiliation à la libération des lieux et équivalente au loyer, provision sur charges comprises. La locataire conteste devoir la somme de 389,11 euros, mais il ressort du relevé de compte que la dette dont la société anonyme Habitat du Nord sollicite le règlement a débuté le 30 juin 2020. La locataire a reconnu la dette en signant un plan d’apurement le 19 avril 2023, ce qui a interrompu la prescription triennale. La société anonyme Habitat du Nord est donc recevable à agir en paiement pour l’intégralité de la dette locative. Sur la demande reconventionnelle de délais de paiementAux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. En l’espèce, la locataire ne produit aucune pièce justifiant de sa situation personnelle et financière. Cependant, la société anonyme Habitat du Nord ne s’oppose pas à un paiement échelonné par mensualités de 90 euros. Il y a donc lieu d’autoriser la locataire à s’acquitter de sa dette de manière échelonnée suivant les modalités précisées dans le dispositif du jugement. Sur la demande reconventionnelle de réalisation de travaux et de suspension des loyersAux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent. En l’espèce, la locataire est occupante sans droit ni titre depuis le 10 mai 2023, et les dispositions relatives à l’obligation pour le bailleur de remettre un logement décent ne bénéficient pas à un occupant sans droit ni titre. La demande de mise en conformité du logement présentée par la locataire sera donc rejetée. Sur les demandes de dommages et intérêtsAux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent. La locataire ne démontre pas que les désordres consignés dans le rapport de la police municipale étaient déjà existants lorsqu’elle était locataire. La demande d’indemnisation qu’elle présente au titre du préjudice de jouissance sera donc rejetée. Sur les demandes accessoiresEn application de l’article 696 du code de procédure civile, la locataire, qui succombe à l’instance et qui est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, sera condamnée aux dépens effectivement exposés par la société anonyme Habitat du Nord. La demande présentée par la société anonyme Habitat du Nord au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée. Enfin, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit. |
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 24/00817 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X6XR
JUGEMENT
DU : 03 Février 2025
S.A. HABITAT DU NORD
C/
[Z] [V]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 03 Février 2025
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR(S)
S.A. HABITAT DU NORD, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Représentant : Mme [X] [O] (Membre de l’entrep.)
ET :
DÉFENDEUR(S)
Mme [Z] [V]
née le 23 Juillet 2000 à [Localité 5], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Sly CROQUELOIS-AMRI, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 16 Décembre 2024
Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 03 Février 2025, date indiquée à l’issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assisté(e) de Deniz AGANOGLU, Greffier
RG 24/00817
RG : 24/817 PAGE
Par acte sous seing privé signé le 30 janvier 2020, la société anonyme (SA) Habitat du Nord a donné à bail à Mme [Z] [V], pour une durée initiale de 6 ans renouvelable par tacite reconduction, un appartement [Adresse 6], moyennant un loyer mensuel initial de 526,69 euros, provision sur charges comprise.
Par lettre recommandée du 6 juillet 2022, la SA Habitat du Nord a mis en demeure Mme [V] de lui régler la somme de 391,58 euros sous 8 jours au titre des loyers et charges impayés et de reprendre le règlement du loyer courant avant le 10 du mois.
Par acte d’huissier du 9 mars 2023, la SA Habitat du Nord a fait signifier à Mme [V] un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail afin d’obtenir le règlement d’une somme de 1 579,19 euros dont 1 455,53 euros à titre principal au titre des loyers et charges impayés.
Ce commandement de payer visant la clause résolutoire a été notifié par voie électronique à la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) dans le Nord le 13 mars 2023.
Le 19 avril 2023, la SA Habitat du Nord et Mme [V] ont convenu d’un plan d’apurement avec effet au 8 mai 2023 suivant lequel la SA Habitat du Nord a autorisé Mme [V] à s’acquitter d’une dette de loyer de 2 083,76 euros en 20 mensualités de 100 euros avec le solde lors de la 21ème mensualité en sus du loyer courant.
Par lettre recommandée du 21 juin 2023, la SA Habitat du Nord a mis en demeure Mme [V] de lui régler la somme de 295,72 euros au titre du reste à charge de loyer pour mai 2023 et du plan d’apurement et de lui transmettre son attestation d’assurance habitation.
Par acte d’huissier du 15 janvier 2024, la SA Habitat du Nord a fait assigner Mme [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille afin de voir ordonner la résiliation du contrat de location, ordonner l’expulsion de Mme [V] et la voir condamner à lui payer la dette de loyers et de charges ainsi qu’une indemnité d’occupation mensuelle jusqu’à son départ des lieux.
Cette assignation a été notifiée par voie électronique au représentant de l’Etat dans le département du Nord le 17 janvier 2024.
Le 10 juillet 2024, Mme [V] a été déclarée recevable à bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers par la commission de surendettement des particuliers du Nord.
Le 25 septembre 2024, la commission de surendettement des particuliers du Nord a imposé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, ce qui a eu pour effet d’effacer la créance de la SA Habitat du Nord à hauteur de 8 524,24 euros.
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 juin 2024, renvoyée pour permettre les échanges d’écritures et finalement retenue à l’audience du 16 décembre 2024.
A cette audience, la SA Habitat du Nord, représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
rejeter les demandes de Mme [V],constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, à défaut prononcer la résiliation du bail, et en conséquence ordonner l’expulsion de Mme [V] et de tout occupant de son chef,condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3 383,01 euros représentant l’arriéré de loyer et les indemnités d’occupation actualisé au 9 octobre 2024,fixer l’indemnité d’occupation au montant du loyer initial augmenté des provisions sur charges et condamner en tant que de besoin,condamner Mme [V] au paiement de la somme de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,condamner Mme [V] aux dépens qui comprendront en outre le coût du commandement et de l’assignation.
Elle a oralement précisé que Mme [V] vivait actuellement dans un foyer ce qui compliquait ses différentes interventions dans le logement ; qu’elle maintenait sa demande de résiliation et s’opposait à la suspension des effets de la clause résolutoire. Elle a précisé qu’elle ne s’opposait pas à un paiement échelonné de la dette par mensualités de 90 euros tous les 15 du mois.
Au soutien, elle fait valoir que Mme [V] est en situation d’impayé depuis l’entrée dans le logement et qu’elle a bénéficié à plusieurs reprises de la mise en jeu des garanties des loyers ; qu’elle a bénéficié d’un effacement de dette à hauteur de 9 055 euros dans le cadre du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire prononcé le 25 septembre 2024 ; qu’elle n’a effectué aucun règlement depuis octobre 2023.
En réponse à la demande de mise en conformité du logement, elle rappelle que divers travaux et interventions ont été réalisés à la suite d’un rendez-vous au domicile avec le gestionnaire le 10 juillet 2024 ; que pour permettre le remplacement de la bouche de ventilation dans la cuisine et la réparation de la fuite du WC, il revient à Mme [V] de prendre des rendez-vous auprès des prestataires; que l’absence de chauffage dans le logement n’est pas démontrée ; que certains travaux tels que la réparation, le remplacement des prises de courant et prise multimédia, de la prise téléphonique ainsi que le rescellement de l’évier sont à la charge du locataire.
Concernant le préjudice de jouissance, elle estime qu’il n’est indemnisable qu’à compter de la réclamation faite au bailleur et que tel n’a pas été le cas en l’espèce ; qu’elle a fait preuve de réactivité à la suite de l’enquête réalisée par la police municipale en juillet 2024.
Mme [V], représentée par son conseil, a oralement soutenu ses dernières écritures aux termes desquelles elle sollicite de voir, au visa des articles 6, 7, 7-1, 20-1 et 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, de l’article 1231-1 du code civil, du décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, du règlement départemental sanitaire :
constater la prescription des loyers et charges impayés antérieurs au 14 janvier 2021,En conséquence,
réduire le quantum de la dette locative à hauteur de 389,11 euros qui correspond aux loyers et charges impayés avant le 14 janvier 2021,lui accorder des délais de paiement sur 36 mois, outre le paiement du loyer courant afin de purger sa dette locative,suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais,rejeter le surplus des demandes de la SA Habitat du Nord,enjoindre la SA Habitat du Nord de procéder à la remise en état du logement afin que celui-ci respecte les critères de décence et, particulièrement, en procédant à la réalisation des travaux suivants :résoudre les problèmes électriques dans les pièces concernées/mise en sécurité (prises électriques mal fixées dans la salle de bains et le salon, problème de fixation de la douille dans le salon et vétusté de la douille du couloir) et mise en sécurité de l’éclairage de la salle d’eau,résoudre le problème d’absence de chauffage dans le logement par la mise à disposition des locataires d’une installation permettant d’atteindre une température d’au moins 18°C,résoudre le problème d’étanchéité à l’air ou à l’eau des fenêtres de la chambre parentale, de la chambre des enfants, du salon, de la cuisine et de la salle de bains,résoudre le problème de vétusté des autres portes (portes de la cuisine, du dégagement menant à la salle de bains et aux WC, de la salle d’eau),résoudre le problème des sanitaires (évier descellé du mur et bloc WC (vétusté/fuite),rechercher et résoudre les causes de l’humidité dans les pièces concernées (cuisine, salle de bains),ordonner la suspension du paiement des loyers sans consignation jusqu’à la remise en état du logement, à compter de la notification du jugement à intervenir,condamner la SA Habitat du Nord à lui payer la somme de 10 638,92 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi et ce, avec intérêt au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir,condamner la SA Habitat du Nord à lui payer la somme de 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et ce, avec intérêt au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir,ordonner la compensation des sommes dues entre le bailleur et le locataire,condamner la SA Habitat du Nord à lui payer la somme de 1 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle,condamner la SA Habitat du Nord aux entiers frais et dépens de l’instance.
Elle a oralement précisé qu’elle n’était jamais sollicitée pour des interventions.
Au soutien, elle fait valoir que la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail n’interrompt pas la prescription triennale prévue par l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 ; que le décompte joint à celui-ci débute le 29 janvier 2020 ; que la période comprise entre cette date et le 15 janvier 2024 ne peut être prise en considération.
Elle souligne qu’elle est de bonne foi et qu’elle a rencontré des difficultés financières à compter de la fin de l’année 2020 ; qu’elle ne peut pas s’acquitter immédiatement de la somme réclamée par le bailleur.
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Elle fait enfin valoir qu’elle a constaté la présence d’un certain nombre de désordres dès son entrée dans le logement et que le 4 juillet 2024, la police municipale de [Localité 7] a constaté la non-décence du logement et prescrit à la bailleresse un certain nombre d’obligations ; que la bailleresse a seulement procédé au remplacement des portes de la salle de bains, de la chambre parentale et des toilettes et à la reprise des embellissements (peinture du plafond de la cuisine et de la salle de bains) ; qu’une multitude de travaux sont encore nécessaires afin de rendre le logement décent ; qu’elle est contrainte de se chauffer à l’aide d’un chauffage électrique depuis son entrée dans le logement ; qu’il existe des problèmes d’étanchéité à l’air et à l’eau sur les fenêtres de la chambre parentale, de la chambre des enfants, du salon, de la cuisine et de la salle de bains.
Elle estime que le préjudice de jouissance qu’elle subit ressort suffisamment du rapport d’information de la police municipale de [Localité 7] et qu’il peut raisonnablement être évalué à la moitié du montant du loyer sur une période de 55 mois.
Elle considère que le fait d’avoir informé son bailleur des désordres, d’avoir été contrainte de se déplacer à l’agence et de contacter à de multiples reprises le bailleur caractérise un préjudice moral.
A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 3 février 2025.
Sur la recevabilité à agir en constat de la résiliation du bail et en expulsion
La bailleresse justifie avoir notifié le commandement de payer visant la clause résolutoire par voie électronique à la CCAPEX, conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
Elle justifie également avoir notifié au préfet du Nord l’assignation visant à obtenir l’expulsion, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
La SA Habitat du Nord est donc recevable à agir en constat de la résiliation du bail et expulsion.
Sur la résiliation du bail et l’expulsion
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à la date à laquelle le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré, dispose que “ toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux.”
En l’espèce, le contrat de bail du 30 janvier 2020 stipule une clause résolutoire rédigée dans le même sens mais qui vise toutefois un délai de deux mois et non de six semaines.
C’est ce délai de 2 mois qu’il convient donc d’appliquer.
La SA Habitat du Nord justifie avoir, par acte d’huissier du 9 mars 2023, fait délivrer à Mme [V] un commandement de payer visant cette clause résolutoire afin d’obtenir le règlement de la somme de 1 455,53 euros à titre principal au titre des loyers et charges impayés.
Même s’il fallait tenir compte de la prescription invoquée par Mme [V] concernant une partie de la dette locative, il ressort du relevé de compte arrêté au 12 décembre 2024 produit par la bailleresse que l’intégralité des causes du commandement de payer n’a pas été réglée dans le délai de deux mois suivant sa délivrance.
Si Mme [V] se prévaut de la non-décence du logement, elle ne démontre pas que le logement aurait été affecté de désordres si importants qu’il y aurait eu impossibilité d’utiliser les lieux conformément à leur destination.
La clause résolutoire est donc acquise depuis le 10 mai 2023.
En application de l’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l’article 1343-5 s’applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation prévue au premier alinéa de l’article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
En l’espèce, à la date de l’audience et suivant le relevé de compte arrêté au 12 décembre 2024 produit par la bailleresse, Mme [V] reste devoir une somme de 2 708,48 euros à titre principal déduction faite des « frais de poursuite » d’un montant total de 674,53 euros.
Par ailleurs, ce relevé de compte met en évidence que Mme [V] n’a effectué aucun règlement depuis le 5 octobre 2023.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de Mme [V] tendant à obtenir la suspension des effets de la clause résolutoire et de prononcer son expulsion selon les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.
Sur les sommes dues
Aux termes de l’article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.
En vertu de l’article 1240 du code civil, le préjudice du bailleur résultant de l’occupation du logement postérieurement à la résiliation du bail est réparé par l’allocation d’une indemnité mensuelle d’occupation due de la résiliation à la libération des lieux et équivalente au loyer, provision sur charges comprises.
En l’espèce, Mme [V] conteste devoir la somme de 389,11 euros au motif qu’elle correspond à un impayé de loyers et de charges pour la période antérieure au 14 janvier 2021 et que l’action en paiement de cet arriéré serait prescrite.
En application de l’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit.
En application de l’article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
En l’espèce, l’assignation a été délivrée le 15 janvier 2024.
Le décompte joint au commandement de payer visant la clause résolutoire qui a été signifié à Mme [V] le 9 mars 2023 débute le 29 janvier 2020.
Pour autant, il ressort de ce même décompte qu’à la date du 15 juin 2020, le compte de Mme [V] n’était plus débiteur.
Dans le même sens, il ressort du relevé de compte arrêté au 12 décembre 2024 produit par la bailleresse que la dette dont elle sollicite le règlement a débuté le 30 juin 2020.
Or, le 19 avril 2023, Mme [V] a conclu avec la SA Habitat du Nord un plan d’apurement concernant une dette de loyer de 2 083,76 euros arrêtée à cette même date.
L’action en paiement de la SA Habitat du Nord n’est donc pas partiellement prescrite dans la mesure où Mme [V] a reconnu la dette débutée le 30 juin 2020 en signant le plan d’apurement le 19 avril 2023.
Ce faisant, elle a effectivement reconnu la dette et interrompu la prescription triennale.
Par ailleurs, celle-ci a de nouveau été interrompue par la délivrance de l’assignation intervenue le 15 janvier 2024.
La SA Habitat du Nord est donc recevable à agir en paiement pour l’intégralité de la dette locative.
Par ailleurs, Mme [V] occupe toujours les lieux.
Il convient donc de fixer l’indemnité mensuelle d’occupation à la somme de 611,77 euros qui correspond au loyer actuel, provisions sur charges comprises.
Il ressort du relevé de compte arrêté au 12 décembre 2024 produit par la bailleresse que Mme [V] est redevable d’une somme de 2 708,48 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, échéance de novembre 2024 incluse.
Mme [V] sera donc condamnée à payer cette somme à la SA Habitat du Nord.
Dans la mesure où la somme due est moindre que celle qui était due lors de la délivrance de l’assignation, il convient de l’assortir des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Par ailleurs, afin de réparer le préjudice découlant pour la SA Habitat du Nord de l’occupation indue de son bien et de son impossibilité de le relouer, Mme [V] sera condamnée à lui payer l’indemnité mensuelle d’occupation de 611,77 euros jusqu’à la libération effective des lieux.
Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement
Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
En l’espèce, Mme [V] ne produit aucune pièce justifiant de sa situation personnelle et financière.
Par ailleurs, elle a bénéficié il y a quelques temps d’un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, ce qui signifie qu’elle ne disposait d’aucune capacité de remboursement.
Enfin, elle n’a effectué aucun règlement depuis octobre 2023.
Pour autant, la bailleresse ne s’oppose pas à un paiement échelonné par mensualités de 90 euros exigibles le 15 de chaque mois.
Il y a donc lieu d’autoriser Mme [V] à s’acquitter de sa dette de manière échelonnée suivant les modalités précisées dans le dispositif du présent jugement.
Sur la demande reconventionnelle de réalisation de travaux et de suspension des loyers
Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
L’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 permet notamment au juge de réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement jusqu’à l’exécution des travaux si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6.
En l’espèce, Mme [V] est occupante sans droit ni titre depuis le 10 mai 2023 et les effets de la clause résolutoire contenue dans le bail n’ont pas été suspendus.
Le texte précité ne prévoit pas que les dispositions relatives à l’obligation pour le bailleur de remettre un logement décent bénéficient à un occupant sans droit ni titre.
La demande de mise en conformité du logement présentée par Mme [V] sera donc rejetée sans qu’il soit nécessaire de l’examiner plus avant.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Aux termes de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.
En l’espèce, au soutien de sa demande d’indemnisation d’un préjudice de jouissance, Mme [V] ne produit qu’un rapport d’information établi par la police municipale de [Localité 7] le 4 juillet 2024, soit plus d’un an après que le bail ait été résilié.
Comme il l’a déjà été indiqué, l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 ne prévoit pas que les dispositions relatives à l’obligation pour le bailleur de remettre un logement décent bénéficient à un occupant sans droit ni titre.
Or, Mme [V] ne démontre pas que les désordres éventuellement consignés dans ce rapport étaient déjà existants lorsqu’elle était locataire.
La demande d’indemnisation qu’elle présente au titre du préjudice de jouissance qu’elle prétend avoir subi sera donc rejetée sans qu’il y ait lieu de l’examiner plus avant.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, si Mme [V] se prévaut de démarches multiples et vaines initiées auprès de son bailleur, elle ne produit aucune pièce permettant de les objectiver.
La demande de dommages et intérêts qu’elle présente au titre du préjudice moral qu’elle prétend avoir subi sera donc également rejetée.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 696 du code de procédure civile et de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, Mme [V] qui succombe à l’instance et qui est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale sera condamnée aux dépens effectivement exposés par la SA Habitat du Nord qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire contenue au bail du 9 mars 2023.
Compte tenu de la situation économique de Mme [V], la demande présentée par la SA Habitat du Nord au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats tenus en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort,
DECLARE la société anonyme Habitat du Nord recevable en son action;
CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail conclu le 30 janvier 2020 entre la société anonyme Habitat du Nord et Mme [Z] [V] et portant sur un appartement [Adresse 6] étaient réunies à compter du 10 mai 2023;
ORDONNE à défaut pour Mme [Z] [V] de libérer les lieux et de restituer les clés dans les deux mois de la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, son expulsion des lieux sus-désignés ainsi que celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier;
FIXE le montant de l’indemnité mensuelle d’occupation due de la résiliation du bail à la libération du logement à une somme équivalente au loyer, charges comprises, soit la somme actuelle de 611,77 euros ;
REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription partielle de la dette locative ;
CONDAMNE Mme [Z] [V] à payer à la société anonyme Habitat du Nord la somme de 2 708,48 euros au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés arrêtés au 12 décembre 2024, échéance de novembre 2024 incluse, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement;
AUTORISE Mme [Z] [V] à s’acquitter de la somme de 2 708,48 euros en 24 mensualités dont 23 mensualités de 90 euros et une 24ème permettant de solder la dette en principal et intérêts;
DIT que ces mensualités seront exigibles le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification du présent jugement;
DIT que pendant le délai ainsi consenti, à défaut de paiement à l’échéance du montant ainsi convenu et à la suite d’une mise en demeure adressée à Mme [V] restée infructueuse pendant plus de 15 jours, la totalité de la somme redeviendra exigible ;
CONDAMNE Mme [Z] [V] à payer à la société anonyme Habitat du Nord une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant de 611,77 euros à compter du mois de décembre 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux;
RAPPELLE à Mme [Z] [V] qu’elle peut saisir la commission de médiation, à condition de justifier du dépôt préalable de l’enregistrement d’une demande de logement social ou, à défaut, d’apporter la justification de l’absence de demande. Pour saisir la commission de médiation, il convient d’utiliser le formulaire Cerfa N°15036*1 (téléchargeable sur le site internet des services de l’État dans le Nord « nord.gouv.fr ») à retourner complété et accompagné de toutes les pièces justificatives requises à l’adresse suivante :
DIRECTION DEPARTEMENTALE DE LA COHESION SOCIALE
Mission accès au logement – Secrétariat de la commission médiation DALO
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe au représentant de l’Etat dans le département pour information ;
REJETTE les autres demandes ;
CONDAMNE Mme [Z] [V], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale, aux dépens effectivement exposés par la société anonyme Habitat du Nord qui comprendront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 9 mars 2023 ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé à Lille, le 3 février 2025, par mise à disposition au greffe.
LE GREFFIER LA JUGE
D.AGANOGLU M.COCQUEREL
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