L’Essentiel : La SCI du [Adresse 1] a renouvelé un bail commercial avec Philips Damon en 1998. En novembre 2018, ce dernier a cédé son fonds de commerce à AB Jazz, qui a ensuite accumulé des arriérés de loyer. Un commandement de payer a été délivré le 14 novembre 2023, suivi d’une assignation d’AB Jazz demandant la nullité de ce commandement. Le tribunal a finalement constaté l’acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, condamnant AB Jazz à verser 75 640,94 € à la SCI, avec des intérêts, tout en suspendant l’expulsion sous conditions de paiements mensuels.
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Contexte du litigeLa SCI du [Adresse 1] a renouvelé un bail commercial avec la société Philips Damon le 8 janvier 1998, pour une durée de neuf ans, avec un loyer initial de 190 000 francs par an. En novembre 2018, Philips Damon a cédé son fonds de commerce à la société AB Jazz. Des loyers sont restés impayés, entraînant des actions légales. Commandement de payerLe bailleur a délivré un commandement de payer le 14 novembre 2023 à AB Jazz, réclamant 25 192,73 € en principal. En réponse, AB Jazz a assigné la SCI du [Adresse 1] le 13 décembre 2023, demandant la nullité du commandement et des dommages pour infiltrations d’eau. Actions judiciairesLe 13 juin 2024, un second commandement de payer a été délivré, cette fois pour 50 326,65 € d’arriérés locatifs. Le 1er août 2024, la SCI a assigné AB Jazz en référé pour obtenir son expulsion et le paiement des loyers dus. L’affaire a été renvoyée à la demande des parties. Demandes des partiesLa SCI du [Adresse 1] a demandé au juge des référés de constater l’acquisition de la clause résolutoire, d’ordonner l’expulsion d’AB Jazz, et de condamner cette dernière à payer 75 640,94 € pour l’arriéré locatif. AB Jazz, de son côté, a demandé l’incompétence du juge des référés et a contesté la recevabilité de l’action de la SCI. Compétence du juge des référésLe juge a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par AB Jazz, affirmant que le juge des référés était compétent tant qu’aucune décision au fond n’avait été rendue. La demande de la SCI a été jugée recevable, car elle avait respecté les formalités nécessaires. Acquisition de la clause résolutoireLe juge a constaté que la clause résolutoire était acquise en raison du non-paiement des loyers. Les arguments d’AB Jazz concernant les infiltrations d’eau n’ont pas été jugés suffisants pour justifier le non-paiement des loyers. Décision du tribunalLe tribunal a condamné AB Jazz à payer 75 640,94 € à la SCI, avec des intérêts au taux légal. Les poursuites et les effets de la clause résolutoire ont été suspendus sous condition que AB Jazz effectue des paiements mensuels. En cas de non-respect, l’expulsion pourrait être poursuivie. Indemnité d’occupation et dépensAB Jazz devra également payer une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer, en plus des charges. La société a été condamnée à payer 1 000 € pour les frais de justice, ainsi qu’à supporter les dépens de la procédure. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la compétence du juge des référésLa compétence du juge des référés est régie par l’article 789, alinéa 2° du code de procédure civile, qui stipule que « le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour allouer une provision pour le procès ». Dans le cas présent, la société AB Jazz soutient que les demandes de la SCI du [Adresse 1] sont irrecevables, car le juge de la mise en état a été saisi dans l’affaire au fond pendante devant la 18e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Cependant, il est important de noter que même en cas de saisine du juge du fond, le juge des référés demeure compétent tant qu’une décision au fond n’a pas été rendue. De plus, la procédure au fond invoquée par la défenderesse ne porte pas sur le même commandement de payer, puisque la présente instance est fondée sur un commandement de payer du 13 juin 2024. Il n’est donc pas démontré que la demanderesse forme une demande de provision dans le cadre de l’instance au fond pendante. Ainsi, l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse sera rejetée. Sur la recevabilité de l’actionL’article L.143-2 du code de commerce précise que « le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits ». Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification. Dans cette affaire, la défenderesse soutient que l’action introduite par la SCI du [Adresse 1] est irrecevable, car cette dernière ne justifie pas avoir levé un état des créanciers inscrits, ni de leur avoir dénoncé la présente procédure. Cependant, il ressort des pièces produites que la demanderesse a levé l’état des nantissements et a dénoncé la procédure au seul créancier inscrit. En tout état de cause, cette formalité n’est pas une condition de recevabilité de la présente action. Dès lors, l’action engagée par la SCI du [Adresse 1] sera déclarée recevable. Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoireL’article 834 du code de procédure civile stipule que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ». La juridiction des référés n’est pas tenue de caractériser l’urgence pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail. L’article L. 145-41 du code de commerce précise que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ». Le bailleur, au titre d’un bail commercial, doit rapporter la preuve de sa créance pour demander la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire. Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail à condition que le défaut de paiement soit manifestement fautif et que la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté. Dans cette affaire, le bail prévoit une clause résolutoire stipulant sa résiliation de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, un mois après un commandement de payer resté infructueux. Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement, qui détaille le montant de la créance. Ainsi, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit. Sur la demande de provisionL’article 835, alinéa 2 du code de procédure civile dispose que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ». L’article 1728 du code civil précise que « le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire ». Il est également rappelé qu’un locataire ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers si les infiltrations n’ont pas rendu les locaux impropres à l’usage. L’article 1353 du code civil indique que « c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver ». Dans ce cas, la demande en paiement de provision au titre d’une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés. Au vu du décompte produit par la SCI du [Adresse 1], l’obligation de la société AB Jazz au titre des loyers et charges n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 75 640,94 €. Cette provision sera assortie d’intérêts au taux légal depuis la date de l’assignation. Ainsi, la société AB Jazz sera condamnée à payer cette somme provisionnelle. Sur les demandes accessoiresLa société AB Jazz, défendeur condamné au paiement d’une provision, doit supporter la charge des dépens, y compris les frais de commandement et d’assignation. L’article 700 du code de procédure civile dispose que « le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine ». Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Dans cette affaire, aucun élément ne permet d’écarter la demande de la SCI du [Adresse 1] sur le fondement des dispositions susvisées. Celle-ci sera évaluée à la somme de 1 000 € en l’absence d’éléments de calcul plus explicites. Ainsi, la société AB Jazz sera condamnée à payer cette somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/55692 – N° Portalis 352J-W-B7I-C465R
N° : 11
Assignation du :
01 Août 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 06 janvier 2025
par Lucie LETOMBE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE
LA SCI DU [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Laure SAGET de la SELEURL LAURE SAGET, avocats au barreau de PARIS – #R0197
DEFENDERESSE
LA S.A.R.L. AB JAZZ
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Etienne DENARIE, avocat au barreau de PARIS – #C2401
DÉBATS
A l’audience du 02 Décembre 2024, tenue publiquement, présidée par Lucie LETOMBE, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par acte du 8 janvier 1998, la SCI du [Adresse 1] a donné à bail commercial en renouvellement à la société Philips Damon des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 2], pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1997, moyennant un loyer initial en principal de 190 000 francs par an.
Par acte du 15 novembre 2018, la société Philips Damon a cédé son fonds de commerce à la société AB Jazz.
Des loyers sont demeurés impayés.
Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte du 14 novembre 2023, à la société AB Jazz, pour une somme 25 192,73 € en principal.
Par acte du 13 décembre 2023, la société AB Jazz a fait assigner la SCI du [Adresse 1] au fond devant la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir prononcer la nullité du commandement de payer du 14 novembre 2023 et de voir condamner le bailleur à lui verser la somme de 500 000 € à titre de dommages et intérêts, au titre des infiltrations d’eau subies dans les locaux loués.
L’affaire est pendante devant la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris.
Le bailleur a fait délivrer un second commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte du 13 juin 2024, à la société AB Jazz, pour une somme de 50 326,65 € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 24 mai 2024.
Par acte délivré le 1er août 2024, la SCI du [Adresse 1] a fait assigner la société AB Jazz devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés aux fins de voir prononcer son expulsion et la condamner au paiement des loyers, charges, indemnités d’occupation, et clause pénales contractuelles afférentes.
L’affaire a été renvoyée à la demande des parties.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience du 2 décembre 2024, la SCI du [Adresse 1] demande au juge des référés de :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et visée dans le commandement du 13 juin 2024,
– ordonner l’expulsion de la société AB Jazz et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est,
– ordonner la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée, en conformité avec les dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
– condamner la société AB Jazz à lui payer la somme provisionnelle de 75 640,94 € au titre de l’arriéré locatif, arrêté au 27 novembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
– condamner la société AB Jazz au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant des loyers, charges et taxes, majoré de 50 %, à compter de la date de résiliation du bail et jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés,
– condamner la société AB Jazz au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la société AB Jazz demande au juge des référés de :
A titre principal,
– se déclarer incompétent au profit du juge de la mise en état de la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris,
Subsidiairement,
– déclarer la SCI du [Adresse 1] irrecevable en son action,
Très subsidiairement,
– se déclarer incompétent pour statuer sur l’acquisition de la clause résolutoire prévue au bail,
– à défaut, débouter la SCI du [Adresse 1] de sa demande de résiliation judiciaire,
En tout état de cause,
– condamner la SCI du [Adresse 1] au paiement d’une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L’assignation en expulsion a été dénoncée aux créanciers inscrits.
Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation, aux écritures déposées et développées oralement à l’audience, et à la note d’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 6 janvier 2025.
Sur la compétence du juge des référés
En application de l’article 789 2° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour allouer une provision pour le procès.
Au cas présent, la société Ab Jazz soutient que les demandes de la SCI du [Adresse 1] sont irrecevables puisque le juge de la mise en état a été saisi dans l’affaire au fond pendante devant la 18e chambre du tribunal judiciaire de Paris, qu’elle a engagée pour contester le commandement de payer du 14 novembre 2023.
Cependant, il convient de rappeler que même en cas de saisine du juge du fond, le juge des référés demeure compétent tant qu’une décision au fond n’a pas été rendue.
En outre, force est de constater que la procédure au fond invoquée par la défenderesse ne porte pas sur le même commandement de payer, puisque la présente instance est fondée sur un commandement de payer du 13 juin 2024, et qu’il n’est pas démontré que la demanderesse forme une demande de provision dans le cadre de l’instance au fond pendante devant la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris.
Dès lors, l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse sera rejetée.
Sur la recevabilité de l’action
Aux termes de l’article L.143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l’immeuble dans lequel s’exploite un fonds de commerce grevé d’inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification.
Au cas présent, la défenderesse soutient que l’action introduite par la SCI du [Adresse 1] est irrecevable, en ce que cette dernière ne justifie pas avoir levé un état des créanciers inscrits, ni de leur avoir dénoncé la présente procédure.
Cependant, il ressort des pièces produites que la demanderesse a levé l’état des nantissements et a dénoncé la procédure au seul créancier inscrit, et qu’en tout état de cause, cette formalité n’est pas une condition de recevabilité de la présente action.
Dès lors, l’action engagée par la SCI du [Adresse 1] sera déclarée recevable.
Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes
L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.
La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d’un bail.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire comprise stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.
Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.
Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses résolutoires, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
L’octroi des délais de paiement autorisés par l’article 1343-5 du code civil n’est par ailleurs nullement conditionné à la seule existence d’une situation économique catastrophique de celui qui les demande mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
Cependant, la juridiction des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, accorder d’office un délai de grâce et suspendre les effets de la clause résolutoire dès lors que ce délai ne lui a pas été demandé par le preneur.
Au cas présent, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.
Le bail prévoit une clause résolutoire stipulant sa résiliation de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, accessoires et autres charges, un mois après un commandement de payer resté infructueux.
Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu’il correspond exactement au détail des montants réclamées préalablement au preneur par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu’à défaut de paiement dans le délai d’un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l’article L. 145-17 alinéa 1 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.
La défenderesse soutient que les fuites d’eau ayant affecté le local commercial entre mai 2019 et novembre 2023, non réparées par le bailleur, l’ont conduite à interrompre son activité à plusieurs reprises, et a fait fuir la clientèle, raisons pour lesquelles elle connaît de graves difficultés financières.
Toutefois, il ressort des pièces produites que :
– la demanderesse a fait intervenir des professionnels aux fins de mettre un terme aux infiltrations sur la descente commune (facture du 21 juillet 2021), sur la petite toiture terrasse/courette de l’immeuble (factures du 23 juillet 2021 et du 5 juillet 2022), et dans la cour intérieure de l’immeuble (factures du 26 juillet 2021, du 16 novembre 2021, et du 29 avril 2022),
– la société AB Jazz a été indemnisée en partie par son assurance des pertes d’exploitation,
– les locaux continuent à être exploités, alors qu’un locataire ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers en raison d’infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, si les infiltrations alléguées n’ont pas rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés.
Il résulte de ces éléments que la défenderesse ne peut invoquer l’existence de contestations sérieuses justifiant le rejet des demandes de la SCI du [Adresse 1].
En faisant délivrer ce commandement, la SCI du [Adresse 1] n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.
Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir la somme de 50 326,65 € en principal, au titre de l’arriéré locatif au 24 mai 2024.
Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.
Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit.
Au vu de l’état de la dette et des versements auxquels s’engage la société, il convient, sur le fondement des dispositions des articles 1343-5 du code civil et L 145-41 du code de commerce d’accorder, dans les termes du dispositif ci-après, des délais de paiement suspensifs des poursuites et des effets de la clause résolutoire, étant précisé qu’à défaut de respect des modalités fixées, les poursuites pourront reprendre, la clause résolutoire reprendra ses effets et l’expulsion des occupants pourra être poursuivie.
Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l’ordonnance.
Sur la demande de provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l’article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du locataire.
Un locataire ne peut pas invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement des loyers en raison d’infiltrations affectant le local loué et concernant le clos et le couvert, si les infiltrations alléguées n’ont pas rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés (3ème civ. 3, 6 juillet 2023, 22-15.923).
Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation
Il est rappelé qu’à compter de la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire, le preneur n’est plus débiteur de loyers mais d’une indemnité d’occupation.
L’indemnité d’occupation due par la société AB Jazz depuis l’acquisition de la clause résolutoire et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, sera fixée à titre provisionnel au montant du loyer contractuel, outre les charges, taxes et accessoires.
S’agissant du paiement, par provision, de l’arriéré locatif, il convient de rappeler qu’une demande en paiement de provision au titre d’une créance non sérieusement contestable relève du pouvoir du juge des référés sans condition de l’existence d’une urgence, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Au cas présent, au vu du décompte produit par la SCI du [Adresse 1], l’obligation de la société AB Jazz au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation au 27 novembre 2024 n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 75 640,94 €, somme provisionnelle au paiement de laquelle il convient de condamner la société AB Jazz.
Cette provision sera assortie en application de l’article 1231-6 du code civil des intérêts au taux légal depuis la date de l’assignation du 1er août 2024.
La clause pénale dont se prévaut la bailleresse à l’appui de sa demande de majoration de 50 % des indemnités d’occupation dues étant susceptible d’être modérée par le juge du fond en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, il n’y a pas lieu à référé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
La société AB Jazz, défendeur condamné au paiement d’une provision, doit supporter la charge des dépens, incluant les frais de commandement et d’assignation.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.
Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de la société AB Jazz ne permet d’écarter la demande de la SCI du [Adresse 1] formée sur le fondement des dispositions susvisées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1 000 € en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Rejetons l’exception d’incompétence soulevée par la société AB Jazz ;
Déclarons recevable l’action engagée par la SCI du [Adresse 1] ;
Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 13 juillet 2024 à minuit ;
Condamnons la société AB Jazz à payer à la SCI du [Adresse 1] la somme par provision de 75 640,94 € à valoir sur les loyers, charges, accessoires arrêtés au 27 novembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2024 ;
Suspendons rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, à condition que la société AB Jazz se libère des sommes ci-dessus allouées par 12 versements mensuels de 6 250 €, le 10 de chaque mois, et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, le dernier versement soldant la dette en principal, intérêts et frais ;
Disons que ces règlements seront à verser en plus des loyers, charges et accessoires courants, payés aux termes prévus par le contrat de bail ;
Disons qu’en cas de paiement de la dette selon les termes de l’échéancier susvisé, la clause résolutoire sera réputée ne jamais avoir joué ;
Disons qu’à défaut d’un seul versement à son terme et dans son entier montant en sus d’un seul des loyers, charges, taxes et accessoires courants à leurs échéances contractuelles, et à défaut de régularisation dans le délai de huit jours après l’envoi d’un courrier de mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception :
– l’intégralité de la dette sera immédiatement exigible,
– les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre aussitôt,
– la clause résolutoire produira son plein et entier effet,
– il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, à l’expulsion de la société AB Jazz et de tous occupants de son chef hors des lieux loués situés [Adresse 1] à [Localité 2],
– le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– la société AB Jazz devra payer mensuellement à la SCI du [Adresse 1], à titre de provision à valoir sur l’indemnité d’occupation trimestrielle, une somme égale au montant du loyer trimestriel tel que résultant du bail outre les charges et taxes, à compter de la date de prise d’effet de la clause résolutoire, ladite indemnité étant révisable annuellement à la date anniversaire de la présente ordonnance ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de majoration de 50 % des indemnités d’occupation ;
Condamnons la société AB Jazz à payer à la SCI du [Adresse 1] la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la société AB Jazz aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement et d’assignation ;
Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 06 janvier 2025
Le Greffier, Le Président,
Pascale GARAVEL Lucie LETOMBE
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