Résiliation de bail commercial et conséquences financières en période de crise sanitaire

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Résiliation de bail commercial et conséquences financières en période de crise sanitaire

L’Essentiel : La Société des Centres d’Oc et d’Oil (ci-après dénommée le Bailleur) a conclu un contrat de bail commercial avec une société preneuse (ci-après dénommée le Preneur) le 23 juin 2014. En raison d’arriérés locatifs, le Bailleur a assigné le Preneur devant le tribunal judiciaire. Ce dernier a contesté la saisie conservatoire et a demandé la mainlevée, mais le juge a limité la saisie. Le tribunal a finalement constaté la validité de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers, ordonnant l’expulsion du Preneur et le paiement de 220.786,82 euros pour les loyers dus.

Contexte de l’Affaire

La Société des Centres d’Oc et d’Oil (ci-après dénommée le Bailleur) a conclu un contrat de bail commercial avec une société preneuse (ci-après dénommée le Preneur) le 23 juin 2014. Ce bail concernait un local commercial pour une durée de dix ans, avec un loyer variable basé sur le chiffre d’affaires du Preneur, ainsi qu’un loyer minimum garanti.

Arriérés Locatifs et Saisies

Le 21 janvier 2022, le Bailleur a mis en demeure le Preneur de régler un arriéré locatif de 106.813,27 euros. Suite à cette mise en demeure, le Bailleur a procédé à une saisie conservatoire de cette somme, qui a permis de récupérer 47.649,95 euros. Le 23 février 2022, le Bailleur a assigné le Preneur devant le tribunal judiciaire pour obtenir le paiement de l’arriéré locatif.

Litiges et Décisions Judiciaires

Le Preneur a contesté la saisie conservatoire et a demandé la mainlevée devant le juge de l’exécution, qui a limité la saisie à 14.341,29 euros. En janvier 2024, le Bailleur a signifié un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 204.313,75 euros. Le Preneur a alors demandé la suspension des effets de la clause résolutoire, mais le juge des référés s’est déclaré incompétent.

Demandes du Bailleur

Dans ses dernières conclusions, le Bailleur a demandé au tribunal de reconnaître la validité de ses demandes, de constater l’acquisition de la clause résolutoire, et d’ordonner l’expulsion du Preneur. Il a également demandé le paiement d’une indemnité d’occupation et des arriérés de loyers, ainsi que des intérêts sur ces sommes.

Arguments du Preneur

Le Preneur a contesté les demandes du Bailleur, invoquant la force majeure due à la crise sanitaire qui aurait entraîné la fermeture de son établissement. Il a demandé l’annulation des loyers pour la période de fermeture et un délai de 24 mois pour régler ses arriérés.

Décision du Tribunal

Le tribunal a constaté que la clause résolutoire était acquise en raison du non-paiement des loyers par le Preneur. Il a ordonné l’expulsion du Preneur et a fixé une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail. Le tribunal a également condamné le Preneur à payer au Bailleur la somme de 220.786,82 euros pour les loyers et charges dus, ainsi qu’à couvrir les dépens de la procédure.

Conclusion

En conclusion, le tribunal a rejeté les demandes du Preneur et a confirmé la résiliation du bail, ordonnant son expulsion et le paiement des arriérés de loyers. La décision a été rendue le 5 février 2025, avec des implications financières significatives pour le Preneur.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre d’un bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est régie par l’article L.145-41 du Code de commerce, qui stipule que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Ce commandement doit mentionner ce délai à peine de nullité.

En l’espèce, le contrat de bail commercial conclu le 23 juin 2014 entre la société des Centres d’Oc et d’Oil (SCOO) et la société GOROBEI contient une clause résolutoire.

Le commandement de payer délivré le 5 janvier 2024 vise expressément cette clause et laisse un délai d’un mois au preneur pour régler la somme due.

La société GOROBEI n’ayant pas acquitté les sommes dues dans ce délai, la clause résolutoire est donc acquise à compter du 5 février 2024 à 24h00, entraînant la résiliation de plein droit du bail.

Quel est le fondement juridique de l’indemnité d’occupation due par le preneur après la résiliation du bail ?

L’indemnité d’occupation est fondée sur l’article 1240 du Code civil, qui prévoit que lorsque le preneur se maintient dans le local commercial sans droit, le bailleur a droit à une indemnité d’occupation.

Cette indemnité a un caractère compensatoire et indemnitaire, représentant la valeur locative du bien, mais peut être supérieure pour couvrir l’ensemble des préjudices subis par le bailleur.

Dans cette affaire, la société SCOO demande que l’indemnité soit fixée au montant du loyer contractuel en cours.

La société GOROBEI sera donc condamnée à payer une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération des lieux.

Comment les sommes dues au titre des loyers et charges impayés sont-elles déterminées dans le cadre d’un bail commercial ?

Les sommes dues au titre des loyers et charges impayés sont régies par l’article 1103 du Code civil, qui stipule que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le bail commercial du 23 juin 2014 prévoit les modalités de détermination et de paiement du loyer, des charges et des accessoires.

La société GOROBEI conteste les sommes réclamées pour la période de fermeture administrative due à la pandémie de covid-19, invoquant l’exception d’inexécution et la force majeure.

Cependant, la jurisprudence a établi que les fermetures imposées par les pouvoirs publics ne constituent pas une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil.

Ainsi, la société GOROBEI ne peut s’exonérer du paiement des loyers et charges dus durant cette période.

Elle sera donc condamnée à payer la somme de 220.786,82 euros à la société SCOO, au titre des loyers, charges et accessoires dus au 30 avril 2024.

Quelles sont les conditions pour suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder des délais de paiement ?

Selon l’article L.145-41 alinéa 2 du Code de commerce, les juges peuvent suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation en accordant des délais, à condition que le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Dans cette affaire, la société GOROBEI a demandé la suspension des effets de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement.

Cependant, elle n’a pas réussi à démontrer sa capacité à reprendre des paiements réguliers, et son relevé de compte montre des paiements irréguliers.

Par conséquent, le tribunal a décidé de ne pas faire droit à ces demandes, ordonnant l’expulsion de la société GOROBEI ainsi que de tous occupants de son chef des locaux litigieux.

Quelles sont les conséquences financières pour la partie perdante dans le cadre d’un litige commercial ?

Les conséquences financières pour la partie perdante sont régies par l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Dans cette affaire, la société GOROBEI, ayant succombé à l’instance, sera condamnée à payer les entiers dépens, y compris les frais du commandement de payer.

De plus, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, le tribunal a condamné la société GOROBEI à payer une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la société SCOO.

Ces dispositions visent à garantir que la partie qui a engagé des frais pour faire valoir ses droits soit indemnisée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 05 FEVRIER 2025

Chambre 5/Section 1
AFFAIRE: N° RG 22/03403 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WDYH
N° de MINUTE : 25/00205

DEMANDEUR

SOCIETE DES CENTRES D’OC ET D’OIL – SCOO
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Régis HALLARD de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 702

C/

DEFENDEUR

S.A.R.L. GOROBEI
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Nathalie SAULAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R084

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Charlotte THINAT, Présidente, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l article 812 du code de procédure civile, assistée aux débats de Madame Corinne BARBIEUX , greffier.

DÉBATS

Audience publique du 04 Décembre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffière présente lors de son prononcé.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 23 juin 2014, la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO (ci-après la SCOO) a donné à bail à la S.A.R.L. GOROBEI le local commercial n°201 A situé au niveau 2 du centre commercial [Adresse 4] à [Localité 5] (93) pour 10 années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er janvier 2014 et ce, moyennant un loyer variable de 5,93% hors taxes sur le chiffre d’affaires hors taxes du preneur, avec un loyer minimum garanti annuel de 62.172 euros hors taxes hors charges, indexé chaque année en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux.

Par lettre recommandée du 21 janvier 2022, la SCOO a mis en demeure la société GOROBEI de lui régler un arriéré locatif d’un montant de 106.813,27 euros.

Par acte du 4 février 2022, dénoncé à la société GOROBEI le 11 février 2022, la SCOOP a fait procéder à la saisie conservatoire de cette somme entre les mains de la société LCL ; saisie qui s’est avérée fructueuse à hauteur de 47.649,95 euros.

Par exploit d’huissier délivré le 23 février 2022, la SCOO a fait assigner la société GOROBEI devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, à titre principal, de la voir condamner au paiement de la somme de 106.813,27 euros au titre de l’arriéré de loyers et accessoires arrêté au 7 février 2022.

Par exploit du 15 avril 2022, la société GOROBEI a fait assigner la SCOOP devant le juge de l’exécution du tribunal de céans aux fins de voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de créances du 4 février 2022.

Par jugement du 4 août 2022, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bobigny a cantonné à la somme de 14.341,29 euros la saisie conservatoire réalisée entre les mains du LCL le 4 février 2022 à la demande de la SCOOP.

Par acte du 5 janvier 2024, la SCOOP a fait signifier à la société GOROBEI un commandement de payer visant la clause résolutoire aux fins de régler dans un délai d’un mois la somme de 204.313,75 euros au titre des loyers, charges et accessoires impayés arrêtés au 8 décembre 2023, échéance du 4ème trimestre 2023 comprise.

Par exploit du 2 février 2024, la société GOROBEI a fait assigner la SCOOP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins, à titre principal, de voir suspendre les effets de la clause résolutoire. Par ordonnance du 27 septembre 2024, le juge des référés s’est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 mai 2024, la SCOOP a demandé au tribunal judiciaire de Bobigny de :

– JUGER la société SCOO recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes,

– JUGER que les loyers et accessoires dus en exécution du bail du 23 juin 2014 sont parfaitement exigibles même durant les périodes de fermeture administrative du commerce de la société GOROBEI,

– CONSTATER que la société GOROBEI n’a pas réglé la totalité des causes du commandement de payer notifié le 5 janvier 2024 d’avoir à payer la somme en principal de 204.313,75 € TTC correspondant aux loyers et accessoires dus à la date du 8 décembre 2023 et visant la clause résolutoire du Bail dans le mois de sa délivrance ni postérieurement,

– CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du Bail à la date du 5 février 2024,

– ORDONNER l’expulsion de la société GOROBEI, ainsi que celle de tout occupant de son chef, et ce avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu, et ceci sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

RESERVER la liquidation de l’astreinte,
– JUGER que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L.433-1 et R.433-1 du Code des procédures civiles d’exécution,

– JUGER que la société GOROBEI est redevable à l’égard de la société SCOO, à partir du 6 février 2024, d’une indemnité d’occupation fixée un pour cent (1%) du loyer annuel facturé et indexé de la dernière année de location, par jour de calendrier jusqu’à la reprise effective des lieux, dans un état conforme aux stipulations du Bail, conformément aux dispositions de l’article 31 des conditions générales du Bail,

– CONDAMNER la société GOROBEI à payer à la société SCOO la somme de 220.786,82 € TTC au titre de l’arriéré de loyers, indemnités d’occupation et accessoires arrêté à la date du 30 avril 2024, échéance du 2ème trimestre 2024 incluse, sauf à parfaire en considération (i) des éventuels impayés à survenir postérieurement et (ii) du montant de l’indemnité d’occupation majorée telle qu’elle sera fixée par le jugement à intervenir en application de l’article 31 des conditions générales du Bail,

– CONDAMNER la société GOROBEI aux intérêts sur cette somme fixé au taux légal majoré de 500 points de base en vertu de l’article 29.1 des conditions générales du Bail,

– ORDONNER en tant que de besoin que le paiement de la condamnation interviendra au prorata par imputation sur les sommes saisies entre les mains du LCL LE CREDIT LYONNAIS suivant procès-verbal de saisie conservatoire du 4 février 2022, et cantonnées par jugement du Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Bobigny en date du 4 août 2022, auxquelles la société GOROBEI a acquiescé, comme sur tout autre montant bloqué résultant de nouvelle saisie,

– JUGER que le dépôt de garantie restera acquis à la société SCOO, conformément à l’article 30.5 du Bail, sans préjudice de son droit au paiement des sommes qui lui sont dues en exécution du Bail,

En tout état de cause,

– JUGER la société GOROBEI mal fondée en l’ensemble de ses demandes et l’en débouter,

– CONDAMNER la société GOROBEI aux entiers dépens, qui comprendront notamment les frais de la saisie conservatoire et de sa dénonciation intervenues respectivement les 4 et 11 février 2022, ainsi que le coût du commandement du 5 janvier 2024, lesquels pourront être recouvrés par Maître Régis HALLARD, Avocat au Barreau de Nanterre, pour les montants dont il aurait fait l’avance sans recevoir de provision, en vertu des dispositions de l’article 699 du Code procédure civile,

– CONDAMNER la société GOROBEI à payer à la société SCOO la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SCOOP invoque les articles 1104, 1218, 1219, 1722 et 1728 du code civil, et fait principalement valoir que :
la société GOROBEI ne peut se soustraire à son obligation de paiement et ce, en vertu de l’article 1728 du code civil,
elle ne peut valablement soulever l’exception d’inexécution alors qu’elle a conservé l’usage des lieux et que l’impossibilité d’exploiter son fonds ne résulte pas d’un manquement du bailleur mais des mesures restrictives imposées par les pouvoirs publics pour endiguer l’épidémie de covid-19,la cour de cassation a rejeté ce moyen dans trois arrêts du 30 juin 2022 considérant que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’était pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance,de surcroît, faute de démontrer que l’épidémie constitue un cas de force majeure, le preneur ne peut pas valablement soutenir que les loyers exigibles durant les périodes de fermetures administratives ne sont pas dus sur ce fondement,la cour de cassation a ainsi jugé que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com. 16 sept.2014 n°13-20.306) et a rappelé cette jurisprudence dans ses arrêts du 30 juin 2022,de même, la fermeture administrative temporaire, mesure générale qui a été imposée à tous les établissements de même type sur l’ensemble du territoire, ne peut s’assimiler à la perte de chose louée visée à l’article 1722 du code civil, les lieux loués par la société GOROBEI n’ayant pas été détruits,le preneur ne peut en conséquence se dispenser de régler les loyers dus au titre des périodes de fermeture administrative et il est redevable, au 30 avril 2024, de la somme de 220.786,82 euros,la demande de délais de paiement devra être rejetée, le preneur ayant arrêté délibérément de régler ses loyers et accessoires et le montant saisi sur son compte bancaire démontrant qu’il n’est pas capable d’apurer sa dette tout en assurant le paiement des loyers courants,il n’est pas contestable ni contesté que la société GOROBEI n’a pas réglé les causes du commandement de payer notifié le 5 janvier 2024 dans le mois qui lui était imparti, la clause résolutoire est en conséquence acquise au 5 février 2024, ce qui justifie de résilier le bail,la saisine du juge des référés dans le mois de signification du commandement ne peut suspendre les effets du commandement et ce, d’autant que le juge des référés ne peut statuer sur des contestations à l’égard des causes dudit commandement,de surcroît, l’ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée au principal et seul le juge du fond est compétent pour trancher le présent litige,le bail ayant pris fin, il y a lieu d’ordonner l’expulsion du preneur, ainsi que de tous occupants de son chef, et ce, sous astreinte,le preneur est également redevable d’une indemnité d’éviction à compter du 6 février 2024 à laquelle il convient donc de le condamner.
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

La société GOROBEI a constitué avocat. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 9 septembre 2024, elle a demandé au tribunal judiciaire de Bobigny de :

DEBOUTER la société SCOO de ses demandes

ANNULER les loyers et charges de la SARL GOROBEI pour la période de decembre 2020 à mai 2021

ACCORDER un délai de 24 mois à SARL GOROBEI pour s’acquitter de la somme de 142.112,08€ arrêtée au 9 septembre 2024.

SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement

CONDAMNER la société SCOO à payer à la SARL GOROBEI la somme 6.000€ au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens comprenant ceux afférents à la saisie conservatoire du 4 février 2022.

Au soutien de ses prétentions, elle invoque les articles 1218, 1719, 1722 et 1244-1 du code civil et fait principalement valoir que :
les loyers au titre de la période du mois de décembre 2020 au mois de mai 2021 inclus ne peuvent être exigibles, le restaurant exploité par la société GOROBEI étant fermé durant cette période en raison de la crise sanitaire,du fait des décrets imposant la fermeture des établissements de restauration, le bailleur n’a pas pu remplir son obligation de délivrance telle que visée à l’article 1719 du code civil or, conformément à une jurisprudence constante, l’inexécution de cette obligation résultant de la force majeure ne peut donner lieu qu’à la résiliation du contrat ou à l’exception d’inexécution,le rejet de l’exception d’inexécution par la 3ème chambre civile de la cour de cassation, au travers de ses arrêts du 30 juin 2022, selon lesquels cette exception ne peut jouer qu’en cas de faute du débiteur et non lorsque l’inexécution résulte du seul fait du législateur et n’est pas imputable au bailleur est contraire à la jurisprudence ci-dessus rappelée et ce, d’autant que les articles 1219 et 1220 du code civil ne visent pas la faute ou l’imputabilité,la fermeture administrative ordonnée pour lutter contre la pandémie de covid-19 constitue un cas de force majeure entraînant nécessairement la suspension du contrat,la force majeure visée par l’article 1218 du code civil doit s’apprécier objectivement et par rapport à l’exécution du contrat et non, comme le juge la 3ème chambre civile de la cour de cassation dans ses arrêts du 30 juin 2022, au regard du seul empêchement du débiteur,il y a donc lieu de considérer qu’en cas de force majeur temporaire, le bail commercial est automatiquement suspendu dans l’attente de la levée de l’impossibilité d’exécuter frappant le débiteur,en outre, la décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce équivaut à la perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil,c’est de fait en ce sens que se sont prononcées un grand nombre de juridictions, dont notamment la cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 1 Chambre 3, 30 mars 2022 n°21/16710, CA Paris, Pôle 1 Chambre 2, 21 avril 2022 n°21/17272),contrairement à ce que la 3ème chambre civile affirme dans ses arrêts du 30 juin 2022, peu importe les causes, motifs ou finalités qui fondent l’interdiction d’ouvrir les commerces,au regard de ces éléments, la SCOO n’est pas fondée à invoquer la créance d’un montant de 202.609,58 euros,l’attestation comptable versée en procédure démontre l’impact de la crise sanitaire sur le chiffre d’affaires de la société GOROBEI, celui-ci étant passé de 416.378 euros HT en 2019 à 184.300 euros HT en 2020 puis à 170.122 euros HT en 2021,le chiffre d’affaire pour l’exercice 2023 a été de 386.985 euros HT et sur l’exercice 2024, arrêté au 5 septembre 2024, il est 231.378,58 euros,la société GOROBEI est en conséquence bien fondée à solliciter un délai de 24 mois pour régler le solde de son arriéré d’un montant de 141.112,08 euros au 9 septembre 2024, une fois les loyers de la période de fermeture administrative ôtés,au regard de ces éléments, il y a donc lieu de suspendre les effets de la clause résolutoire.
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civil.

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L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 04 décembre 2024. Elle a été mise en délibéré au 05 février 2025, date à laquelle la décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger », « constater » ou «  donner acte » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

1 – Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la dette locative

Selon les dispositions de l’article L.145-41 du Code de commerce toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, le contrat de bail commercial conclu le 23 juin 2014 entre la SCOO et la société GOROBEI contient bien une clause résolutoire en son article 30. Aux termes de ladite clause résolutoire « Il est expressément stipulé qu’en cas de défaut de paiement d’un seul terme de Loyer et fraction de terme de Loyer, de rappel de Loyer dû après fixation amiable ou judiciaire , de supplément dû au titre de réajustement de la clause Loyer Variable, du dépôt de garantie ou de toutes sommes dues par l’effet du réajustement du dépôt de garantie, des charges et accessoires ou avances sur charges, de l’indemnité d’occupation due en cas de maintien dans les lieux en application de l’article L.145-28 du Code de Commerce ou de l’article 1382 du Code civil et plus généralement de toutes sommes qui seraient dues au Bailleur par le Preneur, quelle que soit l’origine de cette dette en ce compris toute somme en exécution d’une décision judiciaire, ou encore en cas d’inexécution par le Preneur d’une quelconque des obligations mise à sa charge tant par le présent Bail et/ou ses annexes que par les dispositions non abrogées du Décret du 30 septembre 1953 et des articles L.145-1 à L.145-60 du Code de commerce et après expiration d’un délai d’un mois suivant sommation notifiée par voie extra judiciaire d’exécuter l’obligation méconnue ou commandement de payer restés infructueux, le présent Bail sera résilié de plein droit si bon semble au Bailleur et ce, même en cas d’exécution par le Preneur postérieurement à l’expiration du délai ci-dessus.»

Le commandement de payer délivré le 5 janvier 2024 par exploit d’huissier à destination de la S.A.R.L. GOROBEI vise expressément ladite clause ainsi que le délai d’un mois laissé au preneur pour régler la somme de 204.313,75 euros au titre des loyers, charges et accessoires arrêté au 8 décembre 2023, échéance du 4ème trimestre 2023 incluse. De surcroît, il ressort du décompte annexé audit commandement, que la société GOROBEI a bien failli à ses obligations contractuelles de paiement du loyer à son échéance ou celui de certaines charges, ce qu’elle ne conteste pas. Il n’existe donc pas d’irrégularité formelle pouvant conduire à la non-reconnaissance de l’acquisition de la clause résolutoire.

En conséquence, La société GOROBEI ne s’étant pas acquittée des sommes dues dans le délai d’un mois, le tribunal constate que la clause résolutoire du bail du 23 juin 2015, qui lui est opposable, est acquise à compter du 5 février 2024 à 24h00 et que le bail est résilié de plein droit depuis cette date.

2 – Sur l’indemnité d’occupation

Sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, lorsque le preneur se maintient dans le local commercial alors qu’il n’a plus aucun droit en ce sens, le bailleur doit bénéficier d’une indemnité d’occupation ayant un caractère compensatoire et indemnitaire en raison de la faute commise par l’occupant. Cette indemnité représente la valeur locative du bien concerné mais peut lui être supérieure puisqu’elle couvre l’ensemble des préjudices subis par le bailleur du fait de cette occupation indue.

En l’espèce, la SCOO sollicite la fixation de l’indemnité au montant du loyer contractuel en cours. Cette prétention étant de droit, il sera fait droit à sa demande. La société GOROBEI sera en conséquence condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer, augmentée des charges et taxes afférentes, et indexable dans les conditions du contrat, à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération des lieux .

3 – Sur les sommes dues au titre des loyers et charges impayés

Aux termes de l’article 1134 alinéa 1 du code civil, devenu l’article 1103 dudit code, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article 1103 du code civile, devenu l’article 1353 dudit code, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, le bail commercial du 23 juin 2014 prévoit en son Titre IV les modalités de détermination et de paiement du loyer, des charges et des accessoires.

La société GOROBEI conteste les sommes réclamées au titre de la période du mois de décembre 2020 au mois de mai 2021, correspondant aux fermetures administratives imposées par la période de pandémie de covid-19, et ce, sur le fondement de l’exception d’inexécution, de la force majeure et de la perte de la chose louée.

Cependant, les périodes de fermeture des commerces imposées par les pouvoirs publics du fait de la crise sanitaire ont été décidées aux seules fins de garantir la santé publique. L’effet de cette mesure, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut de fait être assimilé à la perte de la chose au sens de l’article 1722 du code civil. Il est de surcroît de principe que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. En outre, l’impossibilité d’exécution doit correspondre à un empêchement absolu or, les circonstances invoquées comme constitutives de la force majeure n’étaient en l’espèce pas insurmontables. Enfin, la décision de fermeture administrative n’est pas non plus constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance imputable au bailleur ; ce dernier ne pouvant se voir reprocher la survenue d’une pandémie mondiale ayant nécessité la mise en œuvre de mesures de nature à protéger la population. La société GOROBEI ne peut donc s’exonérer du paiement de ses loyers et charges dus au titre de la période de crise sanitaire sur ces fondements (Civ 3ème, 30 juin 2022 n°21-20.190, 21-20.127 et 21-19.889).

La société GOROBEI ne contestant pas les sommes réclamées au titre de la période postérieure au mois de mai 2021, elle sera en conséquence condamnée à payer la somme de 220.786,82 euros à la SCOO, au titre des loyers, charges et accessoires arrêtés au 30 avril 2024, deuxième trimestre 2024 inclus.

Aux termes de l’article 1231-5 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue par les parties en cas de manquement à l’exécution d’une obligation. Au regard des circonstances de l’espèce, il y a lieu d’écarter l’application des dispositions de l’article 29-1 du bail relatif aux intérêts de retard et de limiter l’intérêt dû par la société GOROBEI à l’intérêt au taux légal à compter du présent jugement, en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il n’y a en revanche pas lieu d’ordonner au dispositif du présent jugement les modalités de voie d’exécution du recouvrement des sommes dues par la société GOROBEI.

4 – Sur la demande reconventionnelle de suspension des effets de la clause résolutoire et d’octroi de délais de paiement

Selon l’article L.145-41 alinéa 2 du code de commerce, les juges peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, la clause résolutoire ne jouant pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l’espèce, compte tenu de l’incapacité de la S.A.R.L. GOROBEI à démontrer sa capacité à reprendre des paiements réguliers des loyers, charges et accessoires, nonobstant l’acquittement de sa dette, le relevé de son compte individuel démontrant des paiements irréguliers ne permettant pas de faire face à ses échéances mais également de mettre fin à l’augmentation constante de la dette, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de suspension des effets de la clause résolutoire et d’octroi de délais de paiement.

Par conséquent, l’expulsion de la société GOROBEI ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux litigieux sera ordonnée dans les termes du dispositif.

5 – Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La S.A.R.L. GOROBEI, succombant à l’instance, sera condamnée au paiement des entiers dépens, en ce compris les frais du commandement de payer du 5 janvier 2024 et ce, avec distraction au profit de Maître Régis HALLARD, avocat au barreau de Nanterre, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En revanche, faute de démontrer que les frais de la saisie conservatoire et de sa dénonciation intervenues respectivement les 4 et 11 février 2022 n’ont pas d’ores et déjà été recouvrés dans le cadre de l’exécution du jugement du 4 août 2022 du juge de l’exécution du tribunal de céans, il ne sera pas fait droit aux demandes à ce titre.

– Sur les frais irrépétibles

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

En l’espèce, il convient de condamner la S.A.R.L. GOROBEI au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la SCOO et de la débouter de sa demande à ce titre.

– Sur l’exécution provisoire

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Aux termes de l’article 514-1 du code de procédure civile, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou en partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

En l’espèce, il n’y pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

Constate l’acquisition, à la date du 5 février 2024 à 24h00, de la clause résolutoire insérée au bail du 23 juin 2014 liant la S.A.R.L. GOROBEI à la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO sur le local commercial n°201 A situé au niveau 2 du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93) ;

Dit que la S.A.R.L. GOROBEI, devenue occupante sans droit ni titre, devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef le local commercial n°201 A situé au niveau 2 du centre commercial Les Arcades à [Localité 5] (93), à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision ;

Dit que faute pour la S.A.R.L. GOROBEI de quitter les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier si besoin est ;

Rappelle que le sort des meubles trouvés dans les lieux est régi par l’article L.433-1 du code des procédures civiles d’exécution,

Fixe l’indemnité d’occupation due par la S.A.R.L. GOROBEI à la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO à compter du 6 février 2024 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant des derniers loyers contractuels en cours, outre les taxes, charges et accessoires, et en tant que de besoin, condamne la S.A.R.L. GOROBEI à la payer à la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO ;

Condamne la S.A.R.L. GOROBEI à payer à la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO la somme de 220.786,82 euros à la SCOO, au titre des loyers, indemnités d’occupation, charges et accessoires dus au 30 avril 2024, deuxième trimestre 2024 inclus, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Rejette la demande de la S.A.R.L. GOROBEI en suspension des effets de la clause résolutoire et en octroi de délais de paiement,

Condamne la S.A.R.L. GOROBEI à payer à la Société des Centres d’Oc et d’Oil – SCOO la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la S.A.R.L. GOROBEI aux entiers dépens, en ce compris les frais du commandement de payer du 5 janvier 2024 et ce, avec distraction au profit de Maître Régis HALLARD, avocat au barreau de Nanterre, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires.

Fait au Palais de Justice, le 5 février 2025

La minute de la présente décision a été signée par Madame Charlotte THINAT, Présidente, assistée de Madame Zahra AIT, greffière présente lors de son prononcé.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Madame AIT Madame THINAT


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