Requalification des CDD d’usage en CDI : enjeux et limites

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Requalification des CDD d’usage en CDI : enjeux et limites

L’Essentiel : Un salarié a conclu 518 contrats d’usage entre 1996 et 2011, totalisant 612 journées travaillées en tant que cadreur. Suite à la suppression d’emplois en CDI, il a demandé la requalification de ses contrats en CDI et le paiement de rappels de salaire. Selon l’ARCEPicle L1242-2 du Code du travail, le recours aux CDDU est justifié dans certains secteurs, comme l’audiovisuel. Cependant, les juges doivent vérifier l’absence d’abus dans leur utilisation. En l’espèce, le salarié n’a pas atteint le seuil de 152 jours requis pour une transformation en CDI, ce qui a conduit à un rejet de sa demande.

Demande de requalification en CDI

Un salarié a conclu avec une société de production, 518 contrats d’usage entre 1996 et 2011, pour un total de 612 journées travaillées, en qualité de cadreur. Après que la société ait décidé de mettre un terme à l’exploitation de certains de ses studios, de nombreux emplois en CDI ont été supprimés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Des salariés en CDDU ont cessé de se voir confier des missions, ou alors de manière très ponctuelle. Le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir la requalification de ses contrats en CDI et la condamnation de l’employeur au paiement de différentes sommes, au titre de rappels de salaire ou d’indemnités de rupture notamment.

Recours justifié aux CDDU

Par application des dispositions de l’article L1242-2 3° du Code du travail, il est possible de conclure des contrats à durée déterminée dits d’usage (CDDU) dans des secteurs d’activités, déterminés par décret ou convention, lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire des emplois.

Les sociétés ayant une activité dans le secteur de l’audiovisuel peuvent se prévaloir de ces dispositions par application des dispositions de l’article D1242-1 du même code.

Toutefois, il appartient aux juges de contrôler s’il n’a pas été fait un usage abusif du recours au CDDU, en recherchant si le recours à de tels contrats est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

L’employeur versait à titre de preuve, de nombreux courriers de producteurs, qui mentionnaient que leur engagement deviendrait caduque en cas d’arrêt de l’émission, ou qui ne sont conclus que pour des durées très limitées. Il résulte de ces éléments qu’il existait une relation tripartite, dans laquelle l’employeur était soumis aux décisions de son co-contractant pour la durée et la cessation du contrat, mais également pour le choix des techniciens auxquels elle avait recours, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de compter sur un volant constant de travail susceptible d’être confié à un unique cadreur et qui assurerait à ce dernier un emploi permanent.

Convention collective des entreprises techniques

La convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événement, négociée par les syndicats en 2006 et étendue à compter du 1er juillet 2008, permet également d’éclairer les critères retenus par les partenaires sociaux afin de réserver le recours au contrat à durée déterminée d’usage aux seuls cas où les particularités et les nécessités de l’activité le justifient.

Cette convention prévoit les cas dans lesquels les CDDU doivent être transformés en CDI, et elle stipule que tout salarié, employé régulièrement sous CDD d’usage dans les filières ci-après dénommées « spectacle vivant et événement » et « audiovisuelle », qui aura effectué auprès d’une même entreprise un volume moyen annuel de 152 jours et 1 216 heures constaté sur une période de référence de 2 années consécutives se verra proposer un contrat de travail à durée indéterminée.

Ces conditions n’étaient pas réunies en l’espèce : le salarié disposait d’une moyenne de travail annuelle sur deux années consécutives qui n’a jamais dépassé 100 jours. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il n’apparaît pas que l’employeur ait recouru de manière abusive au contrat de travail à durée déterminée d’usage, de sorte qu’il n’a pas été fait droit à la demande de requalification formée de ce chef.

Mots clés : CDD d’usage

Thème : CDD d’usage

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour d’appel de Paris | Date. : 5 juin 2014 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte de la demande de requalification en CDI ?

Le contexte de la demande de requalification en CDI concerne un salarié ayant travaillé pour une société de production, où il a signé 518 contrats d’usage entre 1996 et 2011, totalisant 612 journées de travail en tant que cadreur.

Cette situation a été exacerbée par la décision de la société de fermer certains de ses studios, entraînant la suppression de nombreux emplois en CDI dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

De ce fait, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la requalification de ses contrats en CDI, ainsi que le paiement de diverses sommes, notamment des rappels de salaire et des indemnités de rupture.

Quelles sont les conditions de recours aux CDD d’usage selon le Code du travail ?

Les CDD d’usage (CDDU) peuvent être conclus dans des secteurs d’activité spécifiques, comme le secteur audiovisuel, lorsque la nature de l’activité et le caractère temporaire des emplois justifient ce recours.

L’article L1242-2 3° du Code du travail stipule que ces contrats peuvent être utilisés lorsque le recours au CDI n’est pas habituel.

Cependant, il incombe aux juges de vérifier qu’il n’y a pas eu d’usage abusif des CDDU, en s’assurant que des raisons objectives et concrètes justifient leur utilisation, notamment en prouvant le caractère temporaire de l’emploi.

Comment l’employeur a-t-il justifié l’utilisation des CDDU ?

L’employeur a fourni plusieurs courriers de producteurs comme preuve, indiquant que leur engagement deviendrait caduque en cas d’arrêt de l’émission, ou que les contrats étaient conclus pour des durées très limitées.

Ces éléments ont permis de démontrer qu’il existait une relation tripartite, où l’employeur était soumis aux décisions de son co-contractant concernant la durée et la cessation des contrats.

Cela a également montré que l’employeur ne pouvait pas compter sur un volume constant de travail pour un cadreur unique, ce qui justifiait l’utilisation des CDDU.

Quelles sont les stipulations de la convention collective concernant les CDDU ?

La convention collective des entreprises techniques au service de la création et de l’événement, établie en 2006 et étendue en 2008, précise les critères pour le recours aux CDDU.

Elle stipule que ces contrats doivent être réservés aux cas où les particularités de l’activité le justifient.

De plus, elle prévoit que tout salarié ayant travaillé régulièrement sous CDDU dans les secteurs « spectacle vivant et événement » et « audiovisuelle » doit se voir proposer un CDI s’il a effectué un volume moyen annuel de 152 jours et 1 216 heures sur deux années consécutives.

Pourquoi la demande de requalification en CDI a-t-elle été rejetée ?

La demande de requalification en CDI a été rejetée car le salarié n’a pas rempli les conditions stipulées par la convention collective.

En effet, il n’a jamais dépassé une moyenne de 100 jours de travail par an sur deux années consécutives, ce qui est en deçà du seuil requis de 152 jours.

Ainsi, les juges ont conclu qu’il n’y avait pas eu d’usage abusif des CDDU par l’employeur, ce qui a conduit à la décision de ne pas faire droit à la demande de requalification.


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