L’Essentiel : M. [Z] a été engagé par Manpower France pour plusieurs missions temporaires entre mars 2018 et février 2019. Suite à la rupture de sa relation contractuelle, il a saisi le tribunal prud’homal le 2 avril 2019, demandant une indemnité de requalification et des dommages-intérêts. En appel, il a contesté la décision de la cour qui avait déclaré irrecevable sa demande, arguant que la requalification de ses contrats était un complément nécessaire à ses demandes initiales. La société Manpower France a rétorqué que la cour n’avait pas statué sur ces demandes, rendant ainsi le moyen de M. [Z] irrecevable.
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Engagement et missions de M. [Z]M. [Z] a été engagé par la société Manpower France et a effectué plusieurs missions temporaires. Il a d’abord été employé administratif pour la société Produits de revêtement du bâtiment (PRB), puis agent commercial pour la société Action logement services (ALS). Ces missions se sont déroulées entre le 29 mars 2018 et le 1er février 2019. Demande en justice de M. [Z]Le 2 avril 2019, M. [Z] a saisi le tribunal prud’homal pour demander une indemnité de requalification et des dommages-intérêts suite à la rupture de sa relation contractuelle. Il a également formulé des demandes additionnelles contre les trois sociétés pour diverses sommes, en raison de violations des dispositions relatives au travail temporaire et d’un licenciement qu’il considérait sans cause réelle et sérieuse. Pour la première fois en appel, il a demandé la requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée. Examen du moyen de la cour d’appelLa cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de M. [Z] concernant l’indemnité de requalification et les dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire. M. [Z] a contesté cette décision, arguant que sa demande de requalification n’était pas une nouvelle prétention, mais plutôt un fondement juridique de ses demandes initiales. Arguments de M. [Z]M. [Z] a avancé plusieurs arguments pour soutenir la recevabilité de sa demande. Il a fait valoir que les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux en appel et que sa demande de requalification était un complément nécessaire à sa demande d’indemnité. Il a également soutenu que sa demande de requalification et celle d’indemnité visaient les mêmes fins, ce qui aurait dû permettre à la cour d’examiner sa demande. Réponse de la CourLa société Manpower France a contesté la recevabilité du moyen, affirmant que la cour d’appel n’avait pas déclaré irrecevables les demandes de M. [Z] concernant l’indemnité de requalification et les dommages-intérêts. La cour a constaté qu’elle n’avait pas statué sur ces demandes, ce qui a conduit à la conclusion que le moyen soulevé par M. [Z] n’était pas recevable. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de recevabilité des demandes en appel selon le Code de procédure civile ?La recevabilité des demandes en appel est régie par les articles 563 à 567 du Code de procédure civile. L’article 563 précise que les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux en appel, mais les prétentions nouvelles sont généralement irrecevables, sauf exceptions. L’article 564 stipule que les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions, sauf si elles relèvent des exceptions prévues par les articles 564 à 567. Ainsi, la cour d’appel doit examiner si les demandes formulées en appel sont des prétentions nouvelles ou des moyens qui complètent celles soumises en première instance. Il est donc essentiel de déterminer si la demande de requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée constitue un moyen ou une prétention nouvelle. Comment la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision d’irrecevabilité des demandes du salarié ?La cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de requalification du contrat de mission formée par M. [Z] en raison de sa nouveauté en cause d’appel. Elle a considéré que cette demande était formulée pour la première fois en appel, ce qui, selon elle, violait les dispositions des articles 563 et 564 du Code de procédure civile. Cependant, il est important de noter que M. [Z] avait déjà formé une demande d’indemnité de requalification en première instance. La cour d’appel a donc omis de considérer que la demande de requalification pouvait être interprétée comme un simple moyen, et non comme une nouvelle prétention. Cette omission pourrait constituer une violation des droits du salarié, car elle ne tient pas compte des liens entre les différentes demandes. Quelles sont les implications de l’article L. 1251-41 du Code du travail dans cette affaire ?L’article L. 1251-41 du Code du travail stipule que le contrat de travail temporaire doit être justifié par un motif précis et que son renouvellement doit respecter certaines conditions. Dans le cas présent, M. [Z] a contesté la validité de ses contrats de travail temporaire, arguant qu’ils devraient être requalifiés en contrat à durée indéterminée. Cette requalification est essentielle pour déterminer si les droits du salarié ont été respectés, notamment en ce qui concerne les indemnités de rupture et les conditions de travail. La cour d’appel aurait dû examiner si la demande de requalification était nécessaire pour apprécier la validité des contrats temporaires et les conséquences de leur rupture. En ne le faisant pas, elle a potentiellement violé les dispositions de l’article L. 1251-41, qui vise à protéger les droits des travailleurs temporaires. Quelles sont les conséquences d’une omission de statuer selon l’article 463 du Code de procédure civile ?L’article 463 du Code de procédure civile stipule que le juge doit statuer sur toutes les demandes des parties. Une omission de statuer peut entraîner des conséquences importantes, notamment la possibilité pour la partie lésée de demander une réparation par la voie d’un recours. Dans cette affaire, la cour d’appel n’a pas déclaré irrecevables les demandes en paiement d’indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire. Cela signifie que le salarié pourrait avoir la possibilité de contester cette omission et de demander une réévaluation de ses demandes. Il est donc crucial pour les juridictions de veiller à ce que toutes les demandes soient examinées afin d’éviter des recours ultérieurs et de garantir le respect des droits des parties. |
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 37 F-D
Pourvoi n° C 23-19.460
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Z].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
M. [E] [Z], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 23-19.460 contre l’arrêt rendu le 25 novembre 2022 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Manpower France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Action logement services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Produits de revêtement du bâtiment, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SAS Boucard – Capron – Maman, avocat de M. [Z], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Action logement services, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Produits de revêtement du bâtiment, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Manpower France, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 novembre 2022), M. [Z], engagé par la société Manpower France, a été mis à la disposition, en qualité d’employé administratif, de la société Produits de revêtement du bâtiment (PRB), puis, en qualité d’agent commercial, de la société Action logement services (ALS) suivant plusieurs contrats de mission successifs du 29 mars 2018 au 31 octobre 2018 et du 13 décembre 2018 au 1er février 2019.
2. Le 2 avril 2019, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts au titre de la rupture de la relation contractuelle. Il a formé des demandes additionnelles en paiement à l’encontre des trois sociétés de diverses sommes au titre d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour la première fois en cause appel, le salarié a sollicité la requalification des contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée.
Sur le moyen, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable la demande en paiement d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait ce grief à l’arrêt, alors :
« 1°/ que pour justifier, en appel, les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu’à peine d’irrecevabilité d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions, sous réserve des exceptions prévues par les articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu’il en résulte que si les prétentions nouvelles sont irrecevables, sous réserve de diverses exceptions, lorsqu’elles sont formées pour la première fois en cause d’appel, il en va différemment des moyens présentés pour la première fois en cause d’appel ; qu’en retenant, pour déclarer irrecevable la demande en requalification du contrat de mission formée par M. [E] [Z] et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les autres demandes de M. [E] [Z], que M. [E] [Z] formait une demande de requalification de ses contrats de travail temporaires pour la première fois en cause d’appel, quand elle constatait que M. [E] [Z] avait formé, en première instance, une demande d’indemnité de requalification et des demandes subséquentes relatives à la rupture du travail et quand la demande du salarié en requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée s’analysait, non pas comme une véritable prétention, mais comme le fondement juridique de la demande d’indemnité de requalification et des demandes subséquentes relatives à la rupture du travail formées par M. [E] [Z] en première instance, et, donc, comme un simple moyen, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 563 et 564 du code de procédure civile ;
2°/ qu’à titre subsidiaire, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont le complément nécessaire ; que la demande de requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, parce qu’elle en est le préalable, est le complément nécessaire de la demande d’indemnité de requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée formée par le salarié en première instance ; qu’en retenant le contraire, pour déclarer irrecevable la demande en requalification du contrat de mission formée par M. [E] [Z] et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les autres demandes de M. [E] [Z], la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 566 du code de procédure civile et de l’article L. 1251-41 du code du travail ;
3°/ qu’à titre également subsidiaire, la cour d’appel, saisie d’une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de prétentions nouvelles en cause d’appel ou la relevant d’office, est tenue de l’examiner au regard des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu’aux termes de l’article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge ; que la demande du salarié de requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée et la demande du salarié d’indemnité de requalification d’un contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, qui tendent toutes deux à tirer les conséquences de la méconnaissance des règles relatives au travail temporaire, tendent aux mêmes fins ; qu’en déclarant, dès lors, irrecevable la demande en requalification du contrat de mission formée par M. [E] [Z] en raison de sa nouveauté en cause d’appel et pour, en conséquence, déclarer irrecevables les autres demandes de M. [E] [Z], sans rechercher, même d’office, après avoir relevé que M. [E] [Z] avait formé, en première instance, une demande d’indemnité de requalification, si la demande en requalification du contrat de mission formée par M. [E] [Z] ne tendait pas aux mêmes fins que la demande d’indemnité de requalification qu’il avait formée en première instance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 565 du code de procédure civile. »
Recevabilité du moyen
4. La société Manpower France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la cour d’appel n’a pas dans le dispositif de l’arrêt, déclaré irrecevables les demandes du salarié en paiement d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire.
5. La cour d’appel n’ayant, en effet, pas déclaré irrecevable, ainsi qu’il le lui était demandé, la demande en paiement d’une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives au travail temporaire, le moyen, qui dénonce en réalité une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.
6. En conséquence, le moyen n’est pas recevable.
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