L’Essentiel : Mme [K] a été engagée comme comptable par Pro Services Consulting, puis par MonCDI, jusqu’au 30 novembre 2017. Licenciée le 29 décembre 2017 pour fin de mission, elle a contesté ce licenciement. Le 4 juillet 2018, elle a saisi la juridiction prud’homale, demandant la requalification de son contrat à temps partagé en contrat à durée indéterminée et des indemnités. L’entreprise de travail à temps partagé a contesté cette requalification, arguant que le licenciement était justifié. Cependant, la Cour a souligné que l’impossibilité de recruter n’avait pas été prouvée, entraînant la requalification du contrat en CDI.
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Engagement de Mme [K]Mme [K] a été engagée en tant que comptable par la société Pro Services Consulting, qui a été remplacée par la société MonCDI, le 22 juin 2012. Son contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé la liait à la société JTEKT HPI, jusqu’au 30 novembre 2017. Licenciement de Mme [K]Le 29 décembre 2017, Mme [K] a été licenciée pour fin de mission et impossibilité de poursuivre la relation contractuelle. Ce licenciement a été contesté par la salariée. Action en justiceLe 4 juillet 2018, Mme [K] a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement. Elle a demandé la requalification de son contrat de travail à temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée et a réclamé des sommes au titre de la rupture de son contrat ainsi que des dommages-intérêts pour prêt de main-d’œuvre illicite. Arguments de l’entreprise de travail à temps partagéL’entreprise de travail à temps partagé a contesté la décision de la cour d’appel qui a requalifié le contrat de travail à temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée. Elle a soutenu que la requalification était injustifiée et que le licenciement était fondé sur le terme de la mission. Réponse de la CourLa Cour a rappelé que le recours au travail à temps partagé doit être justifié par l’impossibilité pour l’entreprise utilisatrice de recruter elle-même du personnel qualifié. Elle a constaté que ni l’entreprise de travail à temps partagé ni l’entreprise utilisatrice n’avaient prouvé que JTEKT HPI ne pouvait pas recruter une comptable, ce qui a conduit à la requalification du contrat en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature du contrat de travail à temps partagé selon le Code du travail ?Le contrat de travail à temps partagé est défini par l’article L. 1252-1 du Code du travail. Cet article stipule que : « Le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission. Chaque mission donne lieu à la conclusion : 1° D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur dit « entreprise utilisatrice » ; 2° D’un contrat de travail, dit « contrat de travail à temps partagé », entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé. » Ainsi, le contrat de travail à temps partagé est un dispositif qui permet à une entreprise de travail à temps partagé de mettre à disposition un salarié pour une mission spécifique au sein d’une entreprise utilisatrice. Quelles sont les conditions de recours au travail à temps partagé ?Les conditions de recours au travail à temps partagé sont énoncées dans l’article L. 1252-2 du Code du travail, qui précise que : « Est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens. Les salariés mis à disposition le sont pour des missions qui peuvent être à temps plein ou à temps partiel. » Cela signifie que pour qu’une entreprise puisse recourir au travail à temps partagé, elle doit justifier de l’impossibilité de recruter elle-même du personnel qualifié, ce qui est souvent lié à sa taille ou à ses moyens. Quelles sont les conséquences d’un non-respect des conditions de recours au travail à temps partagé ?L’article L. 1252-4 du Code du travail stipule que : « L’entreprise de travail à temps partagé qui ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1252-2 se place hors du champ d’application du travail à temps partagé et se trouve liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée. » Ainsi, si une entreprise de travail à temps partagé ne respecte pas les conditions légales, le contrat de travail à temps partagé peut être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, ce qui entraîne des conséquences juridiques significatives pour l’entreprise. Comment la Cour a-t-elle justifié la requalification du contrat de travail à temps partagé en contrat de droit commun ?La Cour a constaté que ni l’entreprise de travail à temps partagé ni l’entreprise utilisatrice n’avaient démontré que la taille de cette dernière ne lui permettait pas de recruter une comptable. Elle a également noté qu’il n’y avait pas de difficultés de recrutement récurrentes pour ce type de poste. En conséquence, la Cour a conclu que la condition de recours au contrat de travail à temps partagé, à savoir l’impossibilité pour l’entreprise utilisatrice de recruter elle-même, n’était pas satisfaite. Cela a conduit à la requalification du contrat de travail à temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, conformément à l’article L. 1252-4 du Code du travail. Ainsi, la Cour a agi en conformité avec les dispositions légales en vigueur. |
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 janvier 2025
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 44 FS-B
Pourvoi n° Q 23-15.239
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JANVIER 2025
La société MonCDI, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Pro Services Consulting,le, a formé le pourvoi n° Q 23-15.239 contre l’arrêt rendu le 15 février 2023 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [R] [K], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à la société JTEKT Europe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la société JTEKP HPI,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société MonCDI, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [K], et l’avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 4 décembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Flores, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 février 2023), Mme [K] a été engagée en qualité de comptable par la société Pro Services Consulting, aux droits de laquelle vient la société MonCDI (entreprise de travail à temps partagé), selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partagé le 22 juin 2012 et mise à disposition de la société JTEKT HPI, aux droits de laquelle vient la société JTEKT Europe, jusqu’au 30 novembre 2017.
2. La salariée a été licenciée le 29 décembre 2017 pour fin de mission et impossibilité de poursuivre la relation contractuelle.
3. Contestant le bien-fondé de son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 4 juillet 2018 afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partagé en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation solidaire des deux entreprises à lui verser diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ainsi que des dommages-intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite.
Enoncé du moyen
4. L’entreprise de travail à temps partagé fait grief à l’arrêt, après avoir requalifié le contrat de travail à temps partagé la liant à la salariée en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, de juger que son licenciement, dont le motif était le terme de sa mission auprès de l’entreprise utilisatrice, était, du fait de la requalification, sans cause réelle et sérieuse et de la condamner au paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, alors :
« 1°/ qu’en l’absence de toute disposition légale prévoyant une telle sanction, le juge ne peut prononcer la requalification du contrat de travail à temps partagé en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ; qu’en requalifiant le contrat de travail à temps partagé conclu entre Mme [K] et la société MonCDI en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun aux seuls motifs que n’était pas justifiée par l’entreprise utilisatrice JTEKT HPI l’impossibilité dans laquelle elle s’était trouvée de recruter elle-même un personnel qualifié la contraignant à recourir au dispositif du temps partagé, quand la loi ne prévoit pas une telle sanction, la cour d’appel a violé les articles L. 1252-1 à L. 1252-13 du code du travail ;
2°/ que, à supposer que l’entreprise utilisatrice ait méconnu son obligation de ne recourir au dispositif spécial du travail à temps partagé qu’en cas d’impossibilité de recruter elle-même du personnel qualifié en raison de sa taille ou de ses moyens, la demande de requalification du salarié pour inobservation de cette règle – à la supposer possible – ne peut être dirigée contre l’entreprise de travail à temps partagé ; en requalifiant le contrat de travail à temps partagé de Mme [K] en un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société MonCDI, aux motifs qu’il n’était pas justifié de la nécessité, pour la société utilisatrice JTEKT HPI, de recourir au dispositif du travail à temps partagé, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que la cause de la requalification tenant au non-respect du cas de recours au travail à temps partagé admis par la loi, la sanction de requalification ne pouvait s’appliquer à l’entreprise de travail à temps partagé, a violé les articles L. 1252-1, L. 1252-2, L. 1252-4 et L. 1252-10 du code du travail ;
3°/ au demeurant qu’il peut être recouru au travail à temps partagé s’il est justifié par l’entreprise utilisatrice de l’impossibilité de recruter elle-même du personnel qualifié en raison de sa taille ou de ses moyens ; en requalifiant le contrat de travail à temps partagé de Mme [K] en un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun au motif que la société JTEKT HPI est la »filiale d’un groupe employant plus de 500 salariés », ce qui ne permettait pas d’exclure que la société JTEKT HPI, distincte des autres sociétés du groupe auquel elle appartient, était personnellement dans l’impossibilité d’engager une comptable en raison de sa taille ou de ses moyens, la cour d’appel qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision a violé l’article L. 1252-2 du code du travail. »
5. Aux termes de l’article L. 1252-1 du code du travail, le recours au travail à temps partagé a pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail à temps partagé au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission. Chaque mission donne lieu à la conclusion :
1° D’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail à temps partagé et le client utilisateur dit « entreprise utilisatrice » ;
2° D’un contrat de travail, dit « contrat de travail à temps partagé », entre le salarié et son employeur, l’entreprise de travail à temps partagé.
6. Aux termes de l’article L. 1252-2 du même code est un entrepreneur de travail à temps partagé toute personne physique ou morale dont l’activité exclusive, nonobstant les dispositions de l’article L. 8241-1, est de mettre à disposition d’entreprises utilisatrices du personnel qualifié qu’elles ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens. Les salariés mis à disposition le sont pour des missions qui peuvent être à temps plein ou à temps partiel.
7. Il en résulte que l’entreprise de travail à temps partagé qui ne respecte pas les dispositions de l’article L. 1252-2 du code du travail se place hors du champ d’application du travail à temps partagé et se trouve liée au salarié par un contrat de droit commun à durée indéterminée.
8. Après avoir constaté qu’il n’était démontré ni par l’entreprise de travail à temps partagé ni par l’entreprise utilisatrice que la taille de cette dernière ne lui permettait pas de recruter une comptable, ni que des difficultés de recrutement à ce type de poste étaient récurrentes et affectaient les sociétés de la taille de l’entreprise utilisatrice, la cour d’appel, qui a retenu que la condition de recours au contrat de travail à temps partagé consistant dans l’impossibilité pour l’entreprise utilisatrice, en raison de sa taille ou de ses moyens, de recruter elle-même un salarié pour pourvoir un emploi qualifié, n’était pas satisfaite, en a exactement déduit que le contrat de travail à temps partagé, étant illicite pour non-respect de son cadre légal, devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée de droit commun.
9. Le moyen, qui, pris en sa troisième branche critique des motifs surabondants, n’est donc pas fondé.
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