Requalification du contrat de travail et conséquences d’une rupture sans cause réelle et sérieuse

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Requalification du contrat de travail et conséquences d’une rupture sans cause réelle et sérieuse

L’Essentiel : M. [O] [E] a été embauché par la Sarl Express Transport le 8 mars 2022, mais n’a plus reçu de travail ni de salaire à partir du 1er juin 2022. Après une mise en demeure le 10 octobre 2022, l’entreprise a déclaré une rupture de contrat pour « fin de chantier » au 31 août 2022. Le 1er février 2024, le conseil de prud’hommes a requalifié son contrat en temps plein et a jugé le licenciement nul. M. [O] [E] a interjeté appel, demandant des sommes supplémentaires et contestant certaines décisions, tandis que la Sarl Express Transport n’a pas contesté ses demandes.

Embauche et non-paiement des salaires

M. [O] [E] a été embauché par la Sarl Express Transport le 8 mars 2022 en tant que chauffeur-livreur sous un contrat à durée indéterminée à temps partiel. À partir du 1er juin 2022, il n’a plus reçu de travail ni de salaire de la part de son employeur.

Mise en demeure et rupture de contrat

Le 10 octobre 2022, M. [O] [E] a mis en demeure la Sarl Express Transport de régulariser sa situation. Le 2 décembre 2022, l’entreprise a établi une attestation France Travail indiquant une rupture de contrat pour « fin de chantier » au 31 août 2022.

Procédure devant le conseil de prud’hommes

Le 22 décembre 2022, M. [O] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims pour demander le paiement de sommes dues. La Sarl Express Transport, bien que régulièrement convoquée, n’a pas comparu à l’audience.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 1er février 2024, le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat de M. [O] [E] en contrat à temps plein et a déclaré la rupture comme un licenciement nul et sans cause réelle. La Sarl Express Transport a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [O] [E], y compris des rappels de salaire et des dommages-intérêts.

Appel de M. [O] [E]

Le 21 février 2024, M. [O] [E] a interjeté appel du jugement, demandant des sommes supplémentaires et contestant certaines décisions du tribunal.

Arguments de M. [O] [E]

Dans ses écritures, M. [O] [E] a demandé à la cour d’infirmer le jugement concernant les sommes allouées et de reconnaître la rupture de son contrat comme un licenciement nul. Il a également sollicité des indemnités pour l’absence de paiement de salaires et pour travail dissimulé.

Arguments de la Sarl Express Transport

La Sarl Express Transport n’a pas constitué avocat et n’a pas contesté les demandes de M. [O] [E].

Analyse de la cour

La cour a examiné la demande de rappel de salaire et a conclu que M. [O] [E] avait droit à un rappel de salaire jusqu’à la date de rupture de son contrat, fixée au 2 décembre 2022. La cour a également rejeté la demande de nullité du licenciement, considérant qu’il n’y avait pas de lien entre l’action en justice et la rupture du contrat.

Décision finale de la cour

La cour a infirmé certaines parties du jugement initial, a reconnu le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la Sarl Express Transport à verser des sommes spécifiques à M. [O] [E]. Elle a également ordonné la remise de documents de travail conformes.

Q/R juridiques soulevées :

Quel a été le contexte de l’embauche de M. [O] [E] ?

M. [O] [E] a été embauché par la Sarl Express Transport le 8 mars 2022 en tant que chauffeur-livreur sous un contrat à durée indéterminée à temps partiel.

À partir du 1er juin 2022, il n’a plus reçu de travail ni de salaire de la part de son employeur.

Quelles actions M. [O] [E] a-t-il entreprises face à la situation de non-paiement ?

Le 10 octobre 2022, M. [O] [E] a mis en demeure la Sarl Express Transport de régulariser sa situation.

Le 2 décembre 2022, l’entreprise a établi une attestation France Travail indiquant une rupture de contrat pour « fin de chantier » au 31 août 2022.

Quelle a été la procédure engagée par M. [O] [E] devant le conseil de prud’hommes ?

Le 22 décembre 2022, M. [O] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims pour demander le paiement de sommes dues.

La Sarl Express Transport, bien que régulièrement convoquée, n’a pas comparu à l’audience.

Quel a été le jugement rendu par le conseil de prud’hommes ?

Le 1er février 2024, le conseil de prud’hommes a requalifié le contrat de M. [O] [E] en contrat à temps plein et a déclaré la rupture comme un licenciement nul et sans cause réelle.

La Sarl Express Transport a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [O] [E], y compris des rappels de salaire et des dommages-intérêts.

Quelles ont été les actions de M. [O] [E] après le jugement du conseil de prud’hommes ?

Le 21 février 2024, M. [O] [E] a interjeté appel du jugement, demandant des sommes supplémentaires et contestant certaines décisions du tribunal.

Quels arguments M. [O] [E] a-t-il avancés dans ses écritures ?

Dans ses écritures, M. [O] [E] a demandé à la cour d’infirmer le jugement concernant les sommes allouées et de reconnaître la rupture de son contrat comme un licenciement nul.

Il a également sollicité des indemnités pour l’absence de paiement de salaires et pour travail dissimulé.

Quelle a été la position de la Sarl Express Transport concernant les demandes de M. [O] [E] ?

La Sarl Express Transport n’a pas constitué avocat et n’a pas contesté les demandes de M. [O] [E].

Comment la cour a-t-elle analysé la demande de rappel de salaire ?

La cour a examiné la demande de rappel de salaire et a conclu que M. [O] [E] avait droit à un rappel de salaire jusqu’à la date de rupture de son contrat, fixée au 2 décembre 2022.

La cour a également rejeté la demande de nullité du licenciement, considérant qu’il n’y avait pas de lien entre l’action en justice et la rupture du contrat.

Quelle a été la décision finale de la cour concernant le licenciement de M. [O] [E] ?

La cour a infirmé certaines parties du jugement initial, a reconnu le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la Sarl Express Transport à verser des sommes spécifiques à M. [O] [E].

Elle a également ordonné la remise de documents de travail conformes.

Quels motifs M. [O] [E] a-t-il avancés pour contester la date de rupture de son contrat ?

M. [O] [E] a contesté la date de fin de contrat retenue par le conseil de prud’hommes, affirmant qu’il ne avait pas perçu de salaire alors qu’il se tenait à la disposition de son employeur jusqu’à la fin décembre 2022.

Il a soutenu qu’aucune lettre de licenciement n’avait été notifiée à son encontre.

Quelles conclusions la cour a-t-elle tirées concernant la nullité du licenciement ?

La cour a conclu qu’il n’existait aucun lien entre l’action en justice et la rupture du contrat de travail.

Aucune atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice ne pouvait être retenue, et M. [O] [E] a été débouté de sa demande de nullité du licenciement.

Quelles étaient les conditions pour qu’un licenciement soit considéré comme ayant une cause réelle et sérieuse ?

Le licenciement dans le cadre d’un contrat de chantier doit être justifié par l’existence d’une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés.

En l’espèce, le contrat de M. [O] [E] ne comportait aucune clause de chantier, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelles étaient les conséquences de la requalification du contrat de M. [O] [E] ?

La requalification du contrat de M. [O] [E] à temps plein a permis de déterminer qu’il avait droit à un rappel de salaire sur la base d’un temps plein jusqu’à la date de rupture de son contrat.

Cela a également conduit à la condamnation de la Sarl Express Transport à verser des sommes dues.

Quelles étaient les demandes de M. [O] [E] concernant le travail dissimulé ?

M. [O] [E] a soutenu que son employeur s’était rendu coupable de travail dissimulé en ne procédant à aucune déclaration auprès des caisses de retraites, en ne versant aucune cotisation sociale, et en ne lui remettant pas l’ensemble de ses bulletins de salaire.

Cependant, il n’a pas apporté de preuves suffisantes pour étayer ses affirmations.

Quelle a été la décision de la cour concernant la demande de M. [O] [E] sur le travail dissimulé ?

La cour a débouté M. [O] [E] de sa demande de travail dissimulé, considérant qu’il ne caractérisait pas l’élément intentionnel exigé par la loi.

De plus, il ne pouvait pas prétendre à l’existence d’un travail dissimulé pour la période où aucun travail n’avait été accompli.

Quelles étaient les conclusions de la cour concernant le non-règlement des salaires et l’absence de remise des fiches de paie ?

M. [O] [E] a exposé ne plus avoir perçu de salaire à compter de juin 2022 et avoir été empêché d’accomplir des démarches en l’absence de remise de bulletin de paie.

Cependant, il n’a pas justifié d’aucun empêchement ni démontré l’existence d’un préjudice, ce qui a conduit la cour à le débouter de sa demande.

Quelles ordonnances la cour a-t-elle émises concernant la remise de documents ?

La cour a ordonné la remise par la Sarl Express Transport à M. [O] [E] d’un bulletin de salaire reprenant l’ensemble des condamnations issues du présent arrêt, ainsi qu’une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Quelles étaient les implications financières pour la Sarl Express Transport suite à l’appel ?

La Sarl Express Transport, qui a succombé, doit être condamnée au paiement de la somme de 1 200 euros à titre de frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Arrêt n° 656

du 27/11/2024

N° RG 24/00246

AP/FM/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 27 novembre 2024

APPELANT :

d’un jugement rendu le 1er février 2024 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Commerce (n° F 22/00530)

Monsieur [O] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL LAQUILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

S.A.R.L. EXPRESS TRANSPORT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Défaillante

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 octobre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, conseiller, et Monsieur Olivier JULIEN, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 27 novembre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

Monsieur Olivier JULIEN, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

M. [O] [E] a été embauché par la Sarl Express Transport, à compter du 8 mars 2022, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en qualité de chauffeur-livreur.

Il affirme qu’à compter du 1er juin 2022, la Sarl Express Transport ne lui a plus fourni de travail ni payé son salaire.

Le 10 octobre 2022, il a mis en demeure son employeur de régulariser sa situation.

Le 2 décembre 2022, la Sarl Express Transport a établi l’attestation France Travail fixant une rupture de contrat pour ‘fin de chantier’ à la date du 31 août 2022.

Le 22 décembre 2022, M. [O] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims de demandes en paiement de sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Bien que régulièrement convoquée, la Sarl Express Transport n’a pas comparu à l’audience.

Par jugement réputé contradictoire du 1er février 2024, le conseil de prud’hommes a :

– dit que M. [O] [E] est titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 8 mars 2022 ;

– dit que le contrat de travail est requalifié en contrat à temps plein ;

– dit qu’en conséquence, et au vu de ce qui précède, la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la Sarl Express Transport à payer à M. [O] [E] les sommes suivantes :

838,62 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2022 à mai 2022,

83,86 euros à titre de congés payés afférents,

6 412,60 euros à titre de rappel de salaires des mois de juin, juillet, août et septembre 2022 à temps complet,

641,26 euros à titre de congés payés afférents,

1 603,15 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

161 euros à titre de congés payés afférents,

1 603 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

601,18 euros à titre d’indemnité de licenciement,

500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné la remise des bulletins de paie rectifiés, la remise des documents de fin de contrat conforme au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement, et pour l’ensemble des documents, le conseil se réservant la faculté de liquider l’astreinte ;

– rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires ;

– dit n’y avoir lieu à prononcer l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile ;

– condamné la Sarl Express Transport aux éventuels dépens.

Le 21 février 2024, M. [O] [E] a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :

– condamné la Sarl Express Transport à lui payer les sommes de :

6 412,60 euros à titre de rappel de salaires des mois de juin, juillet, août et septembre 2022 à temps complet,

641,26 euros à titre de congés payés afférents,

1 603 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Dans ses écritures remises au greffe le 14 mars 2024, M. [O] [E] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Sarl Express Transport à lui payer les sommes de :

6 412,60 euros à titre de rappel de salaires des mois de juin, juillet, août et septembre 2022 à temps complet,

641,26 euros à titre de congés payés afférents,

1 603 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires et notamment les demandes suivantes :

3 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à l’absence de règlement des salaires,

9 618,90 euros à titre d’indemnité liée à l’existence d’un travail dissimulé ;

– de juger que la rupture s’analyse en un licenciement nul et à défaut dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– de condamner la Sarl Express Transport à lui payer les sommes suivantes :

11 222,05 euros pour la période de juin à décembre 2022,

1 122 euros à titre de congés payés afférents,

3 000 euros à titre de dommages-intérêts liés à l’absence de règlement des salaires,

9 618,90 euros à titre d’indemnité liée à l’existence d’un travail dissimulé,

3 500 euros à titre de frais irrépétibles ;

– d’ordonner la remise des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation France Travail ;

– de condamner la Sarl Express Transport aux entiers dépens.

La Sarl Express Transport régulièrement assignée par procès verbal de recherches infructueuses du 19 mars 2024, conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

Motifs :

Sur la demande au titre du rappel de salaire

M. [O] [E] sollicite l’infirmation du jugement qui a condamné la Sarl Express Transport à lui payer un rappel de salaire sur la base d’un temps plein pour la période courant de juin à septembre 2022 et prétend à un rappel de salaire sur la base d’un temps plein pour la période courant de juin 2022 à décembre 2022.

Il explique ne plus avoir perçu de salaire alors qu’il se tenait à la disposition de son employeur à compter de juin 2022 jusqu’à la fin du mois de décembre 2022 lorsqu’il a reçu ses documents de fin de contrat. Il conteste la date de fin de contrat retenue par le conseil de prud’hommes.

Selon l’article L.1232-6 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. La rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la rupture.

En l’espèce, aucune lettre de licenciement n’a été notifiée à M. [O] [E]. Celui-ci a uniquement été destinataire de l’attestation France Travail établie le 2 décembre 2022. Bien que celle-ci indique une fin de contrat au 31 août 2022, aucun élément n’atteste d’une rupture à cette date. En conséquence, il y a lieu de retenir la date du 2 décembre 2022 comme date de rupture du contrat.

Par ailleurs, les premiers juges ont requalifié le contrat de travail de M. [O] [E] à temps plein à compter du 8 mars 2022. Il n’est pas fait appel de ce chef de jugement.

En conséquence, compte tenu de cette requalification et dans la mesure où M. [O] [E] n’a plus perçu son salaire à compter du 1er juin 2022, que son contrat a été rompu à la date du 2 décembre 2022, et qu’il indique, sans qu’aucun élément du dossier ne le contredise, qu’il est resté à la disposition de son employeur entre ces deux dates, celui-ci est fondé à solliciter un rappel de salaire sur la base d’un temps plein jusqu’à cette date.

Toutefois, dans son calcul, M. [O] [E] a pris en compte, à tort, l’intégralité du mois de décembre 2022.

Aussi, sur la base d’un salaire mensuel brut de 1 603,15 euros, pour une période de six mois et deux jours, la somme due et à laquelle la Sarl Express Transport doit être condamnée, s’élève à 9 722, 33 euros outre 972, 23 euros à titre de congés payés afférents.

Sur la demande au titre de la nullité du licenciement

M. [O] [E] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul en raison de l’atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice. Il affirme que la Sarl Express Transport a rompu son contrat de travail à la suite de la réception du courrier de son avocat qui se plaignait des conditions de travail.

Le droit d’ester en justice constitue une liberté fondamentale, de sorte que le licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite ou susceptible d’être introduite par le salarié à l’encontre de son employeur est nul.

Le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

En l’espèce, la Sarl Express Transport n’a plus fourni de travail à M. [O] [E] ni versé de salaire à compter du 1er juin 2022.

Aucune procédure de licenciement n’a été engagée et aucune lettre de licenciement n’a été remise à M. [O] [E].

Le courrier adressé par le conseil de M. [O] [E] à la Sarl Express Transport le 10 octobre 2022 fait état d’une demande de rappel de salaire, de l’absence de travail depuis juin 2022 et d’une solution amiable. Il n’est pas évoqué l’éventualité d’une procédure judiciaire.

La Sarl Express Transport a ensuite établi, le 2 décembre 2022, une attestation France Travail fixant une date de rupture du contrat de travail au 31 août 2022.

La procédure prud’homale a été engagée le 22 décembre 2022, soit postérieurement à l’envoi de cette attestation qui est le seul document qui énonce la rupture du contrat de travail et aucun écrit de la Sarl Express Transport ou autre élément ne fait référence à une procédure judiciaire.

Il n’existe dès lors aucun lien entre l’action en justice et la rupture du contrat de travail. Aucune atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice ne peut être retenue.

En conséquence, M. [O] [E] doit être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande subséquente en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [O] [E] soutient, à titre subsidiaire, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu’il n’a jamais signé de contrat de chantier, de sorte que l’employeur ne saurait se prévaloir d’une fin de chantier pour justifier la rupture du contrat de travail et ajoute qu’il n’a été soumis à aucune procédure de licenciement.

Le contrat à durée indéterminée de chantier est un contrat par lequel un salarié est embauché exclusivement pour la réalisation d’un ouvrage ou de travaux précis pour une durée qui ne peut être prédéfinie avec certitude.

Le chantier étant l’objet du contrat, la fin du chantier, dont il revient à l’employeur de rapporter la preuve, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La validité du licenciement dans le cadre d’un contrat de chantier est subordonnée à l’existence, dans le contrat, d’une clause précisant que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [O] [E] ne comporte aucune clause de chantier. Dès lors, la mention «’licenciement pour fin de chantier ou d’opération» figurant sur l’attestation destinée à France Travail est erronée.

Par ailleurs, aucune procédure de licenciement n’a été engagée.

M. [O] [E] a uniquement été destinataire de l’attestation France Travail établie le 2 décembre 2022 fixant une rupture de contrat pour ‘fin de chantier’.

Outre que le motif de rupture énoncé dans ce document n’est pas valable, le licenciement est intervenu sans qu’aucune lettre de licenciement n’ait été remise à M. [O] [E].

En conséquence, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

M. [O] [E] est ainsi fondé à solliciter le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il appartient à la cour d’apprécier la situation concrète de M. [O] [E] pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail.

Sur la base d’une ancienneté inférieure à un an et compte tenu de l’effectif de la Sarl Express Transport dont il n’est pas démontré qu’il est inférieur à 11 salariés, le barème fixe une indemnité maximale équivalente à un mois de salaire brut.

Lors de son licenciement M. [O] [E] était âgé de 22 ans. Il ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement.

Au vu de ces éléments, et sur la base d’un salaire de 1 603,15 euros, la Sarl Express Transport sera condamnée à lui payer la somme de 200 euros, les premiers juges ayant surévalué le préjudice.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [O] [E] soutient que son employeur s’est rendu intentionnellement coupable de travail dissimulé puisqu’il n’a procédé à aucune déclaration auprès des caisses de retraites, n’a versé aucune cotisation sociale, ne lui a pas remis l’ensemble de ses bulletins de salaire, n’a pas procédé à la déclaration d’embauche et s’est abstenu de toute déclaration auprès des organismes sociaux pour la période de travail.

Il résulte de l’application des dispositions des articles L.8221-3 et suivants du code du travail que l’exécution d’un travail dissimulé, ouvrant droit, pour le salarié dont le contrat est rompu, quel qu’en soit le mode, au bénéfice de l’indemnité prévue par les dispositions de l’article L.8223-1 du même code suppose une intention de l’employeur de dissimuler tout ou partie de l’activité de ce salarié.

En l’espèce, M. [O] [E] procède par voie d’affirmation et n’apporte aucun élément pour établir les différentes absences de déclarations invoquées.

Les bulletins de paie n’ont plus été versés à compter de juin 2022 dans la mesure où aucune prestation de travail n’était plus effectuée.

M. [O] [E] ne caractérise pas l’élément intentionnel exigé par le texte susvisé.

Il ne saurait en outre valablement prétendre à l’existence d’un travail dissimulé pour la période courant de juin 2022 à décembre 2022 dès lors qu’aucun travail n’a été accompli pendant celle-ci.

En conséquence, il doit être débouté de sa demande.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du non règlement des salaires et de l’absence de remise des fiches de paie

M. [O] [E] expose ne plus avoir perçu de salaire à compter de juin 2022 et avoir été empêché d’accomplir des démarches auprès des administrations en l’absence de remise de bulletin de paie.

Il résulte des précédents développements que M. [O] [E] n’a plus perçu de salaire ni de bulletin de paie à compter du mois de juin 2022 en l’absence de prestation de travail mais que le contrat de travail n’a été rompu que le 2 décembre 2022.

Cependant, M. [O] [E] n’indique pas quelle(s) démarche(s) il n’a pu accomplir et ne justifie d’aucun empêchement.

Il ne démontre ni l’existence ni l’étendue d’un préjudice né de ces manquements.

En conséquence, il doit être débouté de sa demande et le jugement doit être confirmé de ce chef par substitution de motifs.

Sur la remise des documents

Il y a lieu d’ordonner la remise par la Sarl Express Transport à M. [O] [E] d’un bulletin de salaire reprenant l’ensemble des condamnations issues du présent arrêt ainsi qu’une attestation France Travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La cour n’est pas saisie des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

A hauteur d’appel, la Sarl Express Transport, qui succombe, doit être condamnée au paiement de la somme de 1 200 euros à titre de frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, par un arrêt par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infime le jugement en ce qu’il a :

– dit que la rupture s’analyse en un licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamné la Sarl Express Transport à payer à M. [O] [E] les sommes suivantes :

6 412,60 euros à titre de rappel de salaires des mois de juin, juillet, août et septembre 2022 à temps complet,

641,26 euros à titre de congés payés afférents,

1 603 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– ordonné la remise des bulletins de paie rectifiés, la remise des documents de fin de contrat conforme au jugement, sous astreinte de 10 euros par jour à compter du 30ème jour de la notification du jugement, et pour l’ensemble des documents, le conseil se réservant la faculté de liquider l’astreinte ;

L’infirme pour le surplus et y ajoutant ;

Dit que M. [O] [E] a été licencié le 2 décembre 2022 ;

Déboute M. [O] [E] de sa demande en nullité du licenciement ;

Juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la Sarl Express Transport à payer à M. [O] [E] les sommes suivantes :

9 722, 33 euros à titre de rappel de salaires du 1er juin 2022 au 2 décembre 2022 ;

972,23 euros à titre de congés payés afférents,

200 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Rappelle que les condamnations sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales applicables ;

Ordonne la remise par la Sarl Express Transport à M. [O] [E] d’un bulletin de salaire reprenant l’ensemble des condamnations issues du présent arrêt ainsi qu’une attestation France Travail et un certificat de travail ;

Condamne la Sarl Express Transport au paiement de la somme de 1 200 euros à titre de frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la Sarl Express Transport aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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