Requalification du contrat de travail : enjeux de la preuve et conséquences financières pour l’employeur.

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Requalification du contrat de travail : enjeux de la preuve et conséquences financières pour l’employeur.

L’Essentiel : M. [L] a été engagé le 2 décembre 2019 par la société Transition Expert en tant que responsable de formation. Le 10 février 2020, l’entreprise a fourni une attestation à France Travail, indiquant un contrat à durée déterminée. Après une mise en demeure pour un rappel de salaires, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes le 16 février 2021, demandant la requalification de son contrat. Le 18 novembre 2022, le tribunal a requalifié son contrat en CDI et a inscrit plusieurs sommes au passif de la société, dont un rappel de salaire. M. [L] a interjeté appel le 20 décembre 2022.

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Engagement de M. [L]

M. [L] a été engagé le 2 décembre 2019 en tant que responsable de formation par la société Transition Expert, créée le 1er janvier 2018 et spécialisée dans le conseil pour les affaires et la gestion. À la date de la rupture, l’effectif de la société était de moins de onze salariés.

Attestation d’employeur et mise en demeure

Le 10 février 2020, la société a renseigné une attestation d’employeur à France Travail, indiquant que M. [L] avait été recruté par contrat à durée déterminée du 1er au 31 décembre 2019. Le 22 septembre 2020, M. [L] a mis en demeure la société de lui verser 46 380 euros bruts, ainsi que les congés payés afférents, à titre de rappel de salaires.

Saisine du conseil de prud’hommes

Le 16 février 2021, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Dreux pour constater l’absence de contrat de travail écrit et demander la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi que le paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires.

Liquidation de la société Transition Expert

Le 11 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de la société Transition Expert, désignant la Selarl Argos, représentée par Maître [D], comme liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 11 septembre 2020.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 18 novembre 2022, le conseil de prud’hommes a déclaré M. [L] recevable dans ses demandes, requalifiant son contrat en contrat à durée indéterminée et fixant la moyenne des salaires à 5 135,38 euros. Il a également inscrit plusieurs sommes au passif de la société, dont 5 153,38 euros pour l’indemnité de requalification et le rappel de salaire de décembre 2019.

Appel de M. [L]

M. [L] a interjeté appel de ce jugement le 20 décembre 2022. Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2024.

Prétentions de M. [L]

Dans ses conclusions du 24 janvier 2023, M. [L] a demandé la confirmation du jugement du 18 novembre 2022 concernant la requalification de son contrat et les sommes fixées au passif de la société, tout en demandant des montants supplémentaires pour le rappel de salaire et d’autres indemnités.

Arguments de la société Transition Expert

La Selarl Argos, en tant que liquidateur, n’a pas constitué avocat et a été réputée s’approprier les motifs du jugement initial. L’Unedic a également informé la cour de sa volonté de ne pas être représentée.

Requalification du contrat de travail

M. [L] a soutenu que son contrat de travail était oral et qu’il n’avait pas été informé de sa nature à durée déterminée. Le tribunal a constaté qu’il avait travaillé pour la société en décembre 2019, malgré l’absence de contrat écrit.

Rappel de salaire et résiliation judiciaire

M. [L] a demandé la confirmation du rappel de salaire pour décembre 2019 et a invoqué des manquements de l’employeur justifiant la résiliation judiciaire de son contrat. Le tribunal a noté que l’employeur n’avait pas fourni de preuve de la rupture du contrat.

Conséquences financières de la résiliation

Le tribunal a fixé au passif de la société Transition Expert plusieurs créances, y compris un rappel de salaire de 190 675,06 euros pour la période de janvier 2020 à janvier 2023, ainsi que des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Documents à remettre

Le tribunal a ordonné au liquidateur de remettre à M. [L] des bulletins de salaire et une attestation rectifiée.

Opposabilité à l’AGS

L’arrêt a été déclaré opposable à l’AGS CGEA, précisant que cet organisme ne devait garantir les créances que dans les limites définies par le code du travail.

Dépens et frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel ont été mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Transition Expert, sans fixation de somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale dans le cadre d’un pourvoi en cassation ?

L’article 567-1-1 du code de procédure pénale stipule que la Cour de cassation doit examiner la recevabilité du recours ainsi que les pièces de procédure avant de se prononcer sur le pourvoi.

Cet article précise que si aucun moyen n’est de nature à permettre l’admission du pourvoi, la Cour doit le déclarer non admis.

Ainsi, la Cour de cassation, dans l’affaire en question, a constaté qu’il n’existait aucun moyen justifiant l’admission du pourvoi, ce qui a conduit à sa décision de non admission.

Quelles sont les conséquences financières d’un pourvoi non admis selon l’article 618-1 du code de procédure pénale ?

L’article 618-1 du code de procédure pénale prévoit que lorsque le pourvoi est déclaré non admis, la Cour peut condamner le demandeur à payer une somme d’argent à l’avocat de la partie adverse.

Dans le cas présent, la Cour a fixé à 2 500 euros la somme que M. [Z] [E] devra verser à la SCP Zribi et Texier, avocat à la Cour.

Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, qui régit les honoraires des avocats et les frais de justice.

Comment l’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée s’applique-t-il dans cette décision ?

L’article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 modifiée stipule que les frais d’avocat peuvent être mis à la charge de la partie qui succombe dans ses prétentions.

Dans le contexte de la décision de la Cour de cassation, M. [Z] [E] a été condamné à payer des frais d’avocat en raison de la non admission de son pourvoi.

Cette disposition vise à garantir que les parties qui engagent des recours sans fondement soient tenues de supporter les frais occasionnés à la partie adverse, afin de dissuader les abus de procédure.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JANVIER 2025

N° RG 22/03710

N° Portalis DBV3-V-B7G-VSOS

AFFAIRE :

[M] [L]

C/

SELARL ARGOS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 novembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DREUX

Section : AD

N° RG : F 22/00098

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Julien GIBIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [M] [L]

né le 30 août 1978 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Julien GIBIER de la SELARL GIBIER FESTIVI RIVIERRE GUEPIN, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000021

APPELANT

****************

SELARL ARGOS, prise en la personne de Me [R] [D], mandataire liquidateur de la société TRANSITION EXPERT

[Adresse 2]

[Localité 6]

Non représentée

UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Non représentée

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 7 novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [L] a été engagé le 2 décembre 2019 en qualité de responsable de formation par la société Transition Expert.

Cette société, créée le 1er janvier 2018, est spécialisée dans le conseil pour les affaires et la gestion. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de moins de onze salariés.

La société Transition Expert a renseigné le 10 février 2020 l’attestation d’employeur destinée à France Travail (anciennement dénommée Pôle Emploi) en indiquant que M. [L] a été recruté par contrat à durée déterminée du 1er décembre 2019 au 31 décembre 2019.

Par lettre du 22 septembre 2020, M. [L] a mis en demeure la société Transition Expert de lui payer la somme de 46 380 euros bruts outre les congés payés afférents à titre de rappel de salaires.

Par requête du 16 février 2021, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Dreux aux fins de constater l’absence de contrat de travail écrit et demander la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la fixation de la moyenne des salaires et le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 11 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation de la société Transition Expert, la Selarl Argos prise en la personne de Maître [D] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été arrêtée au 11 septembre 2020.

Par jugement du 18 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Dreux (section activités diverses) a :

En la forme

– déclaré M. [L] recevable en ses demandes

En droit

– requalifié le contrat de travail conclu le 2 décembre 2019 en contrat à durée indéterminée

– fixé la moyenne des salaires à la somme de 5 135, 38 euros

– fixé au passif de la société Transition expert les sommes suivantes :

– 5 153, 38 euros au titre de l’indemnité de requalification

– 5 153, 38 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2019

– condamné Maître [D], en tant que mandataire liquidateur à remettre à M. [L], le bulletin de salaire pour le mois de décembre, ainsi qu’une attestation pôle emploi

– dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties

– condamné la société Transition expert aux entiers dépens

– déclaré la présente décision opposable à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 8].

Par déclaration adressée au greffe le 20 décembre 2022, M. [L] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 8 octobre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [L] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Dreux le 18 novembre 2022 en ce qu’il a :

– Déclaré M. [L] recevable en ses demandes ;

– Requalifié le contrat de travail conclu le 02 décembre 2019 en contrat à durée indéterminée;

– Fixé au passif de la société Transition expert les sommes suivantes :

. 5 153,38 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

. 5 153,38 euros au titre de rappel de salaire du mois de décembre 2019 ;

– Condamné la société Transition expert aux entiers dépens ;

– Déclaré la présente décision opposable à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 8];

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Dreux, le 18 novembre 2022, en ce qu’il a :

– Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

– Rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties

Et statuant à nouveau,

Sur la requalification du CDD en CDI :

– Fixer au passif de la société Transition expert les sommes de :

– 5 153,38 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

– 190 675,06 euros à titre de rappel de salaire à compter du mois de janvier 2020 à janvier 2023 (37 mois) ;

– 19 067,50 euros au titre des congés payés (10%) sur cette somme ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L] aux torts exclusifs de la société Transition expert en raison des manquements suffisamment graves ;

– dire qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– fixer au passif de la société Transition expert les sommes suivantes :

– 4 079,76 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– 10 306,76 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– 1 030 ,68 euros au titre des congés payés y afférents ;

– 5 153,38 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– 5 153,38 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de décembre 2019 ;

En tout état de cause,

– déclarer la décision à intervenir opposable à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 8] ;

– ordonner la remise par la Selarl Argos ès-qualité de liquidateur de la société Transition expert de bulletins de salaires et d’une attestation Pôle Emploi rectifiée ;

– condamner la Selarl Argos ès-qualité de liquidateur de la société Transition expert à verser à M. [V] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Transition expert aux entiers dépens toutes taxes comprises.

La Selarl Argos prise en la personne de Maître [D] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Transition expert et l’Unedic délégation AGS CGEA [Localité 8], auxquels la déclaration de saisine et les conclusions d’appel du 24 janvier 2023 ont été régulièrement signifiées à personne morale respectivement les 25 janvier 2023 et 30 janvier 2023, n’ont pas constitué avocat.

Il sera fait application à son égard de l’article 954 du code de procédure civile, selon lequel la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Auparavant, par lettre du 10 janvier 2023, l’Unedic délégation AGS CGEA [Localité 8] a informé la cour de sa volonté de ne pas être représentée dans cette affaire et a transmis une fiche de renseignements sur laquelle il est indiqué que le nombre de salariés connus était de un salarié et que M. [L] était en contrat à durée indéterminée.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Le salarié indique qu’il a été engagé par la société Transition Expert suivant contrat de travail oral du 2 décembre 2019 en qualité de responsable de formation et qu’en réclamant le versement de son salaire du mois de décembre 2019, il a eu la surprise de découvrir qu’il s’agissait en réalité d’un contrat à durée déterminée qui devait théoriquement prendre fin le 31décembre 2019 alors qu’il a continué à exercer son activité professionnelle.

Les motifs du jugement, que le mandataire judiciaire de société Transition Expert est réputé s’approprier, indiquent que ‘ Monsieur [M] [L]’ apporte dans ces pièces, un certificat de travail du mois de décembre 2019, un bulletin de paye du même mois et une attestation Pôle emploi à son nom ; sur l’attestation Pôle emploi lacase ‘contrat à durée déterminée’ est cochée. Monsieur [M] [L]’ justifie par ces trois pièces qu’il a bien travaillé pour le compte de la société TRANSITION EXPERT au mois de décembre 2019.

Faute de contrat écrit dans le cadre de son contrat à durée déterminée et au vue des articles citées ci-dessus, Monsieur [M] [L]’peut faire valoir le droit à obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et ainsi voir fixer au passif de la société TRANSTION EXPERT la somme de 5,153,38 € au titre de cette requalification.’.

Le salarié demande la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié le contrat de travail conclu le 2 décembre 2019 en contrat à durée indéterminée et fixé au passif de la société Transition Expert la somme de 5 153, 38 euros à titre d’indemnité de requalification et le mandataire judiciaire et l’AGS n’ont pas relevé appel incident de ces chefs de condamnation lesquels, n’étant pas querellés, sont donc irrévocables.

Sur le rappel de salaire de décembre 2019

Le salarié demande la confirmation du jugement en ce qu’il a fixé au passif de la société Transition Expert la somme de 5 153, 38 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2019, et le mandataire judiciaire et l’AGS n’ont pas relevé appel incident de ce chef de condamnation lequel, n’étant pas querellé, est donc irrévocable.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié fait valoir qu’aucune procédure de licenciement n’a été mise en oeuvre par la société Transition Expert laquelle a cessé du jour au lendemain de lui verser son salaire, ses dirigeants s’étant montré agressifs à son encontre et l’ayant menacé physiquement, que ces manquements de l’employeur justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts. Il explique que que l’employeur avait l’obligation de lui fournir un travail tant que le contrat n’a pas été rompu et qu’il est resté à sa disposition après la fin théorique du contrat à durée déterminée comme l’attestent les factures de location de voiture acquittées par la société Transition Expert à son profit. Il indique que le conseil de prud’hommes, qui a pris soin de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, n’a pas tiré les conséquences de sa décision en ne statuant pas sur la rupture du contrat de travail.

Les motifs du jugement, que le mandataire judiciaire de société Transition expert est réputé s’approprier, indiquent que ‘Monsieur [M] [L]’apporte une preuve de la relation contractuelle uniquement sur le mois de décembre 2019, mais n’apporte aucun élément probant et sérieux justifiant la poursuite de son travail avec la société TRANSITION EXPERT, ou prouvant une quelconque relation subordonnée à un travail. Par conséquent cette demande sera rejetée ainsi que toutes les demandes qui en découlent.’.

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La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur fondée sur des faits de harcèlement moral produit les effets d’un licenciement nul, conformément aux dispositions de l’article L. 1152-3 du code du travail (Soc. 20 février 2013, n° 11-26.560, Bull. V n° 47).

En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur (Soc., 11 janvier 2007, pourvoi n° 05-40.626, publié, Soc., 4 septembre 2019, pourvoi n° 18-10.541).

En outre, en application des articles 1353 du code civil et L. 1221-1 du code du travail, il revient à l’employeur, débiteur de l’obligation de payer les salaires, de justifier des raisons pour lesquelles il ne les devait pas et donc d’établir que le salarié ne se tenait pas à sa disposition (cf Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 17-21.176, Soc., 29 mars 2023, pourvoi n° 21-18.699).

Au soutien de sa demande de résiliation de son contrat de travail, le salarié invoque le défaut de paiement des salaires puis l’absence de poursuite du contrat de travail sans régularisation de la situation par employeur, lequel a été agressif à son encontre le 23 août 2020.

Le salarié n’établit pas que l’employeur a été violent à son encontre le 23 août 2020, ces allégations étant dépourvues d’offre de preuve.

En revanche, l’absence de paiement du salaire du mois de décembre 2019 a été précédement établie.

Par ailleurs, il ressort du dossier que si l’employeur a renseigné le 10 février 2020 l’attestation destinée à France Travail en indiquant que M. [L] a été recruté par contrat à durée déterminée en qualité de responsable de production du 1er au 31 décembre 2019 et que le motif de la rupture est la ‘fin du contrat à durée déterminée’, la cour relève que le bulletin de paye du mois de décembre 2019 ne prévoit pas le versement de la prime de précarité, indemnité de fin de contrat, alors que l’employeur a indiqué sur l’attestation avoir versée la somme de 124 euros à ce titre.

Ensuite, le salarié produit au dossier des facture éditées par la société Avis pour la location d’un véhicule par M. [L] pour le compte de la société Transition Expert entre le 6 janvier 2020 et le 6 mars 2020.

Enfin, par lettre du 22 septembre 2020, le salarié a mis en demeure la société Transition Expert de lui payer la somme de 46 380 euros bruts outre les congés payés afférents à titre de rappel de salaires, en expliquant qu’il a restitué le véhicule de location au moment de la crise sanitaire liée au Covid 19, qu’il a pris à sa charge les frais de location du véhicule et a livré le matériel mis à sa disposition, que l’employeur l’a informé que l’activité de la société était ‘ suspendue’ pendant la crise sanitaire et qu’ils ont convenu d’un rendez-vous le 23 août 2020, le salarié ayant cru que l’employeur allait créer une nouvelle structure, ce qui n’a pas été le cas, le salarié sollicitant en conclusions ‘ la régularisation de sa situation précaire’ et invoquant dans sa lettre que l’employeur’l’a écarté sans aucune raison de l’entreprise’ le 23 août 2020.

Pour sa part, la société Transition Expert n’a pas contesté les termes de la lettre du salarié, notamment la poursuite de la relation de travail à compter de janvier 2020 et n’a pas pris aucune mesure pour le licencier.

Il ressort de tout ce qui précède que la relation contractuelle a perduré sans régularisation de la situation du salarié, y compris lors de la liquidation judiciaire de la société Transition Expert, le mandataire judiciaire n’ayant alors également pas licencié le salarié, lequel avait introduit auparavant son action en résiliation judiciaire du contrat de travail.

Dès lors, sauf à justifier que le salarié a retrouvé un nouvel emploi ou ne s’est pas tenu à la disposition de son l’employeur, ce qui n’est pas le cas, le contrat n’a pas été rompu et le salarié est toujours au service de son employeur, étant précisé que ni la liquidation judiciaire ni la cessation d’activité en résultant n’entraînent en elles mêmes la rupture dudit contrat.

L’absence de régularisation de la situation du salarié et du paiement de ses salaires est donc établie.

En définitive, la cour a retenu comme établis le défaut de paiement des salaires depuis le mois de décembre 2019 et l’absence de régularisation du salarié toujours tenu par un lien contractuel avec l’employeur. Ces manquements de l’employeur à ses obligations sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En pareille situation, il est admis qu’en cas de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d’effet ne peut être fixée qu’à la date de la décision judiciaire la prononçant dès lors qu’à cette date le contrat de travail n’a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

La résiliation judiciaire produira donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date de la présente décision, par voie d’infirmation du jugement.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail

Sur le rappel de salaire de janvier 2020 à janvier 2023

Le salarié forme un demande de rappel de salaire qui s’élève à la somme de 190 675,06 euros, outre les congés payés afférents, pour la période de janvier 2020 à janvier 2023, cette date correspondant à celle de ses dernières conclusions devant la cour d’appel.

La cour a précédememnt retenu que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur jusque la résiliation judiciaire et il lui sera fait droit des salaires sur toute la période litigieuse, les intimées ayant été tenu informées du montant de la demande de rappel de salaire lors de la notification des conclusions du 23 janvier 2023 de l’appelant et n’ayant pas utilement contesté cette prétention.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement, de fixer au passif de la société Transition Expert un rappel de salaire de janvier 2020 à janvier 2023, d’après un salaire brut qui s’élève à la somme de 5 153,38 euros, une créance d’un montant total de 190 675,06 euros, outre 19 067,50 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités de rupture

En application des dispositions de l’article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, M. [L] ayant acquis une ancienneté de 3 années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 1 mois et 3 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, de la rémunération mensuelle versée au salarié (5 153,38 euros bruts), de son âge (46 ans), de son ancienneté, et de ce que le salarié ne justifie pas de ses ressources et de sa situation professionnelle depuis le mois de septembre 2020, le préjudice qui est résulté, pour lui, de la perte injustifié de son emploi sera réparé par une indemnité de 5 153,38 euros, dans les limites de sa demande, somme qui, par voie d’infirmation, sera fixée au passif de la société Transition Expert.

S’agissant de l’indemnité légale de licenciement et conformément aux dispositions des articles R 1234-1 et 1234-2 du code du travail, le salarié peut prétendre au paiement de la somme de 4 079,76 euros, non utilement contestée, somme fixée au passif de la société Transition Expert.

S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis, en application de l’article L.1234-1 du code du travail, le salarié qui justifie d’au moins deux années d’ancienneté a droit au versement d’une indemnité correspondant à deux mois de salaire, la créance mise au passif de la société Transition Expert s’élevant donc à la somme de 10 306,76 euros, outre 1 030,68 euros de congés payés afférents, également non utilement contesté.

Le jugement sera également infirmé de ces deux derniers chefs.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction au mandataire liquidateur de remettre au salarié des bulletins de salaire et une attestation France Travail rectifiés.

Sur la garantie de l’AGS

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 8] dans la limite de sa garantie et il sera dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Transition Expert et leur emploi en frais de justice privilégiés sera ordonné.

Il conviendra de dire n’y avoir lieu de fixer au passif de la société Transition Expert aucune somme sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant dans les limites de sa saisine, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il requalifie le contrat de travail conclu le 2 décembre 2019 en contrat à durée indéterminée, fixe au passif de la société Transition Expert les sommes de 5 153, 38 euros au titre de l’indemnité de requalification outre 5 153, 38 euros à titre de rappel de salaire du mois de décembre 2019,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [L],

DIT que la résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du présent arrêt,

FIXE au passif de la procédure collective de la société Transition Expert les créances de M. [L] aux sommes suivantes :

– 4 079,76 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 10 306,76 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 030,68 euros au titre des congés payés afférents,

– 5 153,38 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 190 675,06 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2020 à janvier 2023 ,

– 19 067,50 euros au titre des congés payés aférents,

RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, et que les intérêts échus des intérêts de ces créances ne peuvent produire des intérêts,

ORDONNE à la Selarl Argos prise en la personne de Maître [D] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Transition Expert de remettre à M. [L] des bulletins de salaire et une attestation France Travail rectifiés,

DECLARE opposable à l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervenant par l’Unedic Délégation CGEA-AGS d'[Localité 8], laquelle ne sera tenue à garantir les sommes allouées au salarié que dans les limites et plafonds définis aux articles L. 3253-8 à L. 3253-17, D. 3253-2 et D. 3253-5 du code du travail,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

MET les dépens de première instance et d’appel à la charge de la liquidation judiciaire de la société Transition Expert et leur emploi en frais de justice privilégiés sera ordonné.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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