Reprise d’activité et continuité des droits à retraite dans le sport professionnel

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Reprise d’activité et continuité des droits à retraite dans le sport professionnel

L’Essentiel : L’Aviron Bayonnais Rugby Pro (ABRP) a été fondé le 31 juillet 2000 pour répondre à la professionnalisation du rugby. Le 21 septembre 2000, ABRP a demandé son adhésion à l’IRSO APSO pour la gestion des cotisations de retraite complémentaire, fixées à 8 %. En mai 2018, ABRP a sollicité une réduction de ce taux à 7,75 %, contestée par AG2R Agirc-Arrco. La cour d’appel a confirmé que le taux de cotisation était régi par un accord de 1993, et que l’adhésion antérieure devait être maintenue, rejetant ainsi les arguments d’ABRP.

Création de l’Aviron Bayonnais Rugby Pro

L’association sportive Aviron bayonnais omnisports a décidé de créer, à partir du 31 juillet 2000, une association autonome pour le rugby ainsi qu’une équipe de joueurs de rugby professionnels en raison de la professionnalisation du sport. Pour cela, la société anonyme sportive professionnelle Aviron bayonnais rugby pro (ABRP) a été fondée.

Demande d’adhésion à l’IRSO APSO

Le 21 septembre 2000, la société ABRP a soumis une demande d’adhésion à l’IRSO APSO pour le règlement des cotisations de retraite complémentaire de ses salariés. Le taux de cotisation a été fixé à 8 %, avec une majoration pour la cotisation AGFF, conformément au taux appliqué à l’association Aviron bayonnais omnisports.

Modification du taux de cotisation

Par un acte du 2 mai 2018, la société ABRP a sollicité le tribunal pour que le taux des cotisations de retraite complémentaire de ses salariés soit réduit à 7,75 %. Cette demande a été contestée par la société AG2R Agirc-Arrco, qui a réclamé des arriérés de cotisations.

Arguments de la société ABRP

La société ABRP a contesté la décision de la cour d’appel qui l’a déboutée de ses demandes et l’a condamnée à payer des arriérés de cotisations. Elle a soutenu que la cour n’avait pas correctement interprété les dispositions de la convention collective et les articles du code du travail relatifs à la reprise d’activité.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a confirmé que le taux de cotisation pour les retraites complémentaires des salariés non cadres était déterminé par l’accord interprofessionnel de 1993. Elle a également précisé que les adhésions du prédécesseur devaient être reconduites au nom du repreneur en cas de reprise d’activité.

Constatations de la cour d’appel

La cour a constaté que la société ABRP avait été créée pour reprendre l’activité de rugby professionnel de l’association Aviron bayonnais omnisports et qu’elle avait effectivement repris cette activité ainsi que deux de ses salariés. Elle a donc jugé que l’adhésion antérieure à AG2R Agirc-Arrco devait continuer de s’appliquer.

Conclusion de la cour

La cour d’appel a conclu que le taux de cotisations appliqué à l’association avait été régulièrement reconduit au nom de la société ABRP, rejetant ainsi les arguments de cette dernière. Le moyen soulevé par la société ABRP n’a donc pas été fondé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article L. 1224-1 du Code du travail dans le cadre de la reprise d’activité d’une entreprise ?

L’article L. 1224-1 du Code du travail stipule que :

« En cas de changement d’employeur, les contrats de travail en cours sont transférés de plein droit à l’employeur qui reprend l’activité. »

Cet article vise à garantir la continuité des droits des salariés lors d’une reprise d’activité.

Il assure que les droits acquis par les salariés, notamment en matière de retraite, sont préservés lors du transfert de leur contrat de travail.

Dans le cas présent, la société ABRP a été créée pour reprendre l’activité de rugby professionnel de l’association Aviron bayonnais omnisports.

La cour d’appel a donc correctement appliqué cet article en considérant que la reprise d’activité justifiait la continuité des cotisations de retraite complémentaire.

Ainsi, la société ABRP est tenue de respecter les engagements pris par l’association fondatrice, notamment en ce qui concerne les taux de cotisation.

Comment la circulaire Agirc/Arrco n° 18 du 5 avril 2002 s’articule-t-elle avec le Code du travail ?

L’article 1.6 de la circulaire Agirc/Arrco n° 18 du 5 avril 2002 précise que :

« En cas de reprise de l’activité d’une entreprise par une autre entreprise, les adhésions du prédécesseur doivent être reconduites au nom du repreneur si celui-ci est une entreprise nouvelle créée à cet effet. »

Cette disposition vise à assurer la continuité des droits à la retraite des salariés lors d’une reprise d’activité.

Elle s’inscrit dans le cadre des dispositions du Code du travail, notamment l’article L. 1224-1, qui garantit le transfert des contrats de travail.

Dans le cas de la société ABRP, la cour d’appel a constaté que cette dernière avait effectivement repris l’activité de l’association Aviron bayonnais omnisports.

Ainsi, la continuité des adhésions et des taux de cotisation est justifiée par la volonté de protéger les droits des salariés.

La cour a donc correctement appliqué cette circulaire en liant les obligations de la société ABRP à celles de son prédécesseur.

Quelles sont les conséquences d’une interprétation erronée des conventions collectives et des circulaires ?

L’article 455 du Code de procédure civile stipule que :

« Le jugement doit être motivé. Il doit énoncer les éléments de fait et de droit qui justifient la décision. »

Une décision qui repose sur des affirmations générales, sans motivation adéquate, peut être considérée comme entachée d’irrégularité.

Dans le cas présent, la cour d’appel a été critiquée pour avoir jugé que la société ABRP avait repris l’activité de l’association sans tenir compte des différences significatives dans les conditions de travail et l’organisation.

Cette approche pourrait être interprétée comme une violation de l’article 455, car elle ne fournit pas une motivation suffisante pour justifier la continuité des obligations de cotisation.

Une telle interprétation pourrait également nuire à la protection des droits des salariés, en ne tenant pas compte des réalités de la reprise d’activité.

Il est donc crucial que les décisions judiciaires soient fondées sur une analyse rigoureuse des faits et des textes applicables pour garantir la protection des droits des travailleurs.

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2025

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 45 F-D

Pourvoi n° K 22-19.992

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025

La société Aviron bayonnais rugby pro, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 22-19.992 contre l’arrêt rendu le 7 juin 2022 par la cour d’appel de Pau (1re chambre), dans le litige l’opposant à la société AG2R Agirc – Arrco, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits d’AG2R Réunica Arrco, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Aviron bayonnais rugby pro, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société AG2R Agirc – Arrco, après débats en l’audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Carillon, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L. 431-3 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 7 juin 2022), l’association sportive Aviron bayonnais omnisports, ayant pour objet de gérer, animer et développer des activités sportives pratiquées par ses membres, a décidé, en raison de la professionnalisation du rugby, de créer, à compter du 31 juillet 2000, d’une part, une association autonome pour le rugby et, d’autre part, une équipe de joueurs de rugby professionnels.

2. La société anonyme sportive professionnelle Aviron bayonnais rugby pro (la société ABRP) a été fondée à cette fin.

3. Pour le règlement des cotisations de retraite complémentaire de ses salariés, la société ABRP a présenté, le 21 septembre 2000, une demande d’adhésion à l’IRSO APSO, aux droits de laquelle vient la société AG2R Agirc-Arrco. Le taux de cotisation a été fixé à 8 % (appelé à 10 % et majoré de 2 % pour la cotisation AGFF) conformément au taux appliqué à l’association Aviron bayonnais omnisports.

4. Par acte du 2 mai 2018, la société ABRP a demandé au tribunal que le taux des cotisations des retraites complémentaires de ses salariés soit fixé au taux de 7,75% (appelé à 9,75%).

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société ABRP fait grief à l’arrêt de la débouter de l’intégralité de ses demandes, de la condamner à payer à la société AG2R Agirc-Arrco les somme de 66 273,49 euros au titre des arriérés de cotisations pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 et de 187 023,53 euros au titre des arriérés de cotisations complémentaires dues du 1er janvier 2019 et arrêtées au 31 décembre 2021, alors :

« 1° / qu’une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c’est-à-dire d’abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d’un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l’objectif social du texte ; que la circulaire Agirc/Arrco n° 18 du 5 avril 2002 énonce que  »les Partenaires sociaux signataires de la Convention collective du 14 mars 1947 et de l’Accord du 8 décembre 1961 ont adopté les dispositions exposées ci-après concernant les changements d’institutions. Ces dispositions constituent une réglementation commune à l’Agirc et à l’Arrco (…) 1.6 – Suites économiques. Comme auparavant, en cas de reprise de l’activité d’une entreprise par une autre entreprise : (…) les adhésions du prédécesseur doivent être reconduites au nom du repreneur si celui-ci est une entreprise nouvelle créée à cet effet » ; que l’article L. 1224-1 du code du travail a le même objet que l’article 1.6 de la circulaire, qui en reprend littéralement les termes, par la référence précise et dénuée d’ambiguïté aux notions de  »reprise » de  »prédécesseur » et de  »repreneur » ; que les deux textes poursuivent le même objectif social, à savoir que la reprise de l’activité d’une société par une autre garantisse aux salariés une continuité dans la constitution de leurs droits à retraite lors du transfert de leur contrat de travail ; que le cotisant le faisait justement valoir dans ses écritures,  »les dispositions de la circulaire n° 18 du 5 avril 2002, prise en son article I.6, s’inscrivent dans le cadre de l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail – le dispositif Agirc-Arrco entre pleinement et par essence même dans la sphère des relations de travail puisque son champ d’application concerne les entreprises et leurs salariés – Les garanties qu’il institue présupposent donc l’existence d’un contrat de travail – Du sort de ce contrat, dépendent les règles d’application des régimes Agirc-Arrco. « La reprise de l’activité d’une entreprise par une autre entreprise » visée à l’article I.6 « Suites économiques » de la circulaire n°18 du 5 avril 2002 ne peut s’entendre, s’agissant d’un texte conventionnel, qu’au sens du code du travail qui régule la négociation collective dont les dispositions Agirc-Arrco sont issues – En dehors de l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail, il n’y a pas de transfert des contrats de travail – Il n’apparaît donc pas imaginable que soit imposé à une entreprise, non tenue de poursuivre les contrats de travail préexistants, des obligations résultant de l’existence de derniers » ; que, pour écarter ce moyen, la cour d’appel a relevé que  »la société ABRP a bien repris l’activité professionnelle du rugby de l’association Aviron bayonnais omnisports et deux de ses salariés, et il est indifférent pour apprécier la reprise d’activité, le fait que les conditions de travail, les moyens et l’organisation dans la nouvelle entreprise soient radicalement différents et d’une ampleur incomparable, le critère étant uniquement la poursuite de l’activité ayant donné lieu à la pré-adhésion au régime Arrco, en l’espèce la promotion, la pratique et le développement du rugby professionnel qui existaient dans le cadre de l’association Aviron bayonnais omnisports » ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L.1224-1 du code du travail et l’article 1.6 de la circulaire Agirc/Arrco n° 18 du 5 avril 2002 ;

2° / que n’est pas motivée la décision qui repose sur des affirmations générales ; que la cour d’appel a estimé que  »la SA ABRP a bien repris l’activité professionnelle du rugby de l’association Aviron bayonnais omnisports et deux de ses salariés, et il est indifférent pour apprécier la reprise d’activité, le fait que les conditions de travail, les moyens et l’organisation dans la nouvelle entreprise soient radicalement différents et d’une ampleur incomparable, le critère étant uniquement la poursuite de l’activité ayant donné lieu à la pré-adhésion au régime Arrco, en l’espèce la promotion, la pratique et le développement du rugby professionnel qui existaient dans le cadre de l’association Aviron bayonnais omnisports » ; qu’en statuant ainsi, par une affirmation générale, abstraite, déconnectée de toute réalité – comme elle le reconnaît elle-même en tenant pour  »indifférente » les conditions de cette  »reprise » d’activité quand bien même elle serait  »radicalement différente » et d’une  »ampleur incomparable » – la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3° / que la contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d’appel a estimé que  »la SA ABRP a bien repris l’activité professionnelle du rugby de l’association Aviron bayonnais omnisports et deux de ses salariés, et il est indifférent pour apprécier la reprise d’activité, le fait que les conditions de travail, les moyens et l’organisation dans la nouvelle entreprise soient radicalement différents et d’une ampleur incomparable, le critère étant uniquement la poursuite de l’activité ayant donné lieu à la pré-adhésion au régime Arrco, en l’espèce la promotion, la pratique et le développement du rugby professionnel qui existaient dans le cadre de l’association Aviron bayonnais omnisports » ; qu’une activité n’est pas  »reprise » lorsque les  »conditions de  », les  »moyens » et  »l’organisation » sont  »radicalement différents » et  »d’une ampleur incomparable », si bien qu’en réalité il ne reste rien de l’activité initiale ; qu’en statuant par deux propositions qui sont inconciliables entre elles, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. D’abord, le taux de cotisation pour le calcul des retraites complémentaires des salariés non cadres résulte de l’accord interprofessionnel du 10 février 1993, repris à l’article 13 de l’accord du 8 décembre 1961 modifié régissant le régime de retraite complémentaire Arrco.

7. Ensuite, l’article 16 de l’accord du 8 décembre 1961 dispose que « sous réserve de l’examen des cas par la commission paritaire, les adhésions conclues avant le 2 janvier 1993, souscrites sur la base de taux contractuels ou d’une assiette de cotisations supérieurs aux limites fixées à l’article 13 ci-dessus peuvent continuer, dans le cadre du présent accord, à produire leurs effets ».

8. Enfin, selon, l’article 1.6 de la circulaire Agirc/Arrco n° 18 du 5 avril 2002 relatif aux « suites économiques », en cas de reprise de l’activité d’une entreprise par une autre entreprise, les adhésions du prédécesseur doivent être reconduites au nom du repreneur si celui-ci est une entreprise nouvelle créée à cet effet.

9. Il en résulte que, lorsqu’elles ont décidé, avant le 2 janvier 1993, de cotiser à des taux supérieurs aux taux obligatoires des cotisations afin que leurs salariés acquièrent des droits à la retraite plus importants, les entreprises concernées et celles nouvellement créées pour reprendre leur activité sont tenues de respecter les engagements pris.

10. La cour d’appel a constaté, au regard des statuts visant l’objet social et du préambule de l’assemblée générale extraordinaire de l’association fondatrice du 29 mai 2000, d’une part, que la société ABRP avait été créée exclusivement pour reprendre l’activité de rugby professionnel de l’association Aviron bayonnais omnisports, d’autre part, qu’elle avait effectivement repris cette activité ainsi que deux de ses salariés.

11. De ces seuls motifs, elle a exactement déduit que l’adhésion précédemment souscrite par l’association auprès de la société AG2R Agirc-Arrco pour gérer la retraite complémentaire de ses salariés devait continuer de régir la situation des salariés présents et futurs de la société et que le taux de cotisations appliqué à l’association avait en conséquence été régulièrement reconduit au nom de cette société.

12. Le moyen n’est donc pas fondé.


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