Reportage dénigrant une société : sur quel fondement agir ?

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Reportage dénigrant une société : sur quel fondement agir ?

L’Essentiel : Agir contre un reportage dénigrant une société, comme celui de France Télévisions sur Logicobois, nécessite de comprendre les fondements juridiques. Le dénigrement, qui vise à nuire à la réputation d’un concurrent pour obtenir un avantage, n’a pas été retenu ici, car les secteurs d’activité étaient distincts et l’intention malveillante absente. En revanche, la liberté d’expression et le droit à l’information sur des sujets d’intérêt public prévalent, encadrés par la loi de 1881. Logicobois, ayant tardé à agir, a compromis sa possibilité de recours en diffamation, la juridiction ayant requalifié l’affaire sous ce prisme.

Agir en dénigrement contre une chaîne audiovisuelle à l’origine de la diffusion d’un reportage virulent n’est pas la meilleure option. En effet, en présence d’un débat d’intérêt général, la liberté d’expression joue à plein. Reste toutefois l’option du droit de réponse.

Dénonciation d’escroqueries

Une société a vu son site internet cité dans un reportage intitulé : « Une pièce en plus à moins de 20 000 € – Habitat : Ils font des miracles ». Il était énoncé par la voix off : « sur internet le marché est en plein boom et commence à attirer des entrepreneurs per scrupuleux. Les plaintes des clients seraient en augmentation ». Concomitamment sur l’écran, une recherche était effectuée avec un moteur de recherche à partir des termes «extension de maison low cost ». Puis, pendant un court moment, apparaissait un site internet professionnel flouté reconnu comme étant celui de la société «dénigrée» (Logicobois).

Périmètre du dénigrement

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. Le dénigrement impose donc de la part d’un opérateur un propos péjoratif visant intentionnellement à obtenir un avantage (intention malveillante) portant sur des produits ou services et non seulement sur une personne physique.

Au cas d’espèce, la société Logicobois a retenu que l’association des termes « malfaçons » ou « entrepreneurs peu scrupuleux » à la dénomination sociale de la société Logicobois étaient des propos dénigrants. Elle reprochait aussi à l’émission d’avoir illustré une séquence traitant des malfaçons des extensions en bois avec une reproduction du site internet de Logicobois dans lequel figurait l’intitulé « Constructions Logicobois ».

Le dénigrement n’a pas été retenu. En premier lieu, France Télévisions et la société Logicobois œuvrent dans des secteurs économiques très différents. Or, la Cour de cassation a déjà rappelé que le dénigrement devait s’inscrire nécessairement dans la concurrence déloyale. Cette exigence faisait ici défaut. De plus, les faits et propos reprochés ne visaient pas spécifiquement les produits, les services ou prestations du constructeur. Aucun témoignage ou reportage rapporté dans l’émission n’était consacré ou faisait directement référence aux réalisations de Logicobois. Ainsi. FTV ne recherchait pas un avantage concurrentiel en vue d’évincer un concurrent, de détourner sa clientèle ou d’augmenter ses propres revenus au détriment de Logicobois. L’intention malveillante de la part de FTV, condition essentielle du dénigrement et d’une concurrence déloyale était absente.

Application du droit de la presse

En revanche, France Télévisions a exercé son droit et sa liberté d’information sur un sujet d’intérêt public concernant la protection des consommateurs. En cas d’abus recherché dans ce domaine, c’est la loi de 1881 qui s’applique et non l’article 1240. Cette loi prévoit en effet des règles protectrices de la liberté d’expression et des moyens de défense. En cas de conflit entre les deux dispositifs légaux. La jurisprudence a donc une application restrictive de l’article 1240 nouveau.

De même, les propos comme « arnaque » ou « entrepreneurs peu scrupuleux » repris dans l’émission sont susceptibles de porter atteinte à l’image et à la réputation de Logicobois comme elle l’écrivait elle-même dans sa « notification de contenus illicites de l’article 6 de la LEN ». Or, les griefs d’image ou de réputation renvoient à la notion de diffamation.

Par ailleurs, du fait d’une assignation tardive par rapport aux faits litigieux, Logicobois a compromis une éventuelle procédure en diffamation publique qui aurait dû être engagée dans les 3 mois de la diffusion de l’émission concernée et encourait ainsi la prescription. La juridiction a requalifié en diffamation les faits, propos et action introduite par Logicobois, a artificiellement fondée sur un dénigrement, et de faire application de la loi de 1881 sur la presse (le Tribunal de commerce s’est déclaré incompétent). Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le contexte du dénigrement mentionné dans le texte ?

Le contexte du dénigrement évoqué dans le texte concerne une société, Logicobois, qui a été citée dans un reportage diffusé par France Télévisions. Ce reportage, intitulé « Une pièce en plus à moins de 20 000 € – Habitat : Ils font des miracles », a mis en lumière des préoccupations concernant des entrepreneurs peu scrupuleux dans le secteur de l’extension de maison à bas coût.

Dans ce reportage, il a été mentionné que les plaintes des clients étaient en augmentation, ce qui a pu nuire à la réputation de Logicobois. De plus, le site internet de la société a été flouté, mais reconnu, ce qui a renforcé l’idée que la société était directement visée par les allégations de malfaçons et d’escroqueries.

Qu’est-ce que le dénigrement et comment se distingue-t-il de la critique ?

Le dénigrement est défini comme le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service. Il se distingue de la critique par son intention malveillante, qui vise à obtenir un avantage concurrentiel en dévalorisant un concurrent ou ses produits.

Contrairement à une critique qui peut être constructive ou neutre, le dénigrement implique un propos péjoratif et intentionnel. Dans le cas de Logicobois, les termes utilisés dans le reportage, tels que « malfaçons » et « entrepreneurs peu scrupuleux », ont été considérés comme dénigrants, car ils visaient à nuire à l’image de la société dans un contexte concurrentiel.

Pourquoi le dénigrement n’a-t-il pas été retenu dans le cas de Logicobois ?

Le dénigrement n’a pas été retenu dans le cas de Logicobois pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la Cour de cassation a précisé que le dénigrement doit s’inscrire dans un cadre de concurrence déloyale, ce qui n’était pas le cas ici, car France Télévisions et Logicobois opèrent dans des secteurs économiques très différents.

De plus, les propos et faits reprochés dans le reportage ne visaient pas spécifiquement les produits ou services de Logicobois. Il n’y avait pas de témoignages ou de reportages qui se concentraient sur les réalisations de la société. Ainsi, il a été établi qu’il n’y avait pas d’intention malveillante de la part de France Télévisions pour nuire à Logicobois ou pour obtenir un avantage concurrentiel.

Comment France Télévisions a-t-elle exercé son droit à l’information ?

France Télévisions a exercé son droit et sa liberté d’information en abordant un sujet d’intérêt public, à savoir la protection des consommateurs face à des pratiques potentiellement trompeuses dans le secteur de l’extension de maison.

La loi de 1881 sur la presse protège la liberté d’expression et offre des moyens de défense en cas de conflit. Dans ce contexte, les propos tenus dans le reportage, bien que potentiellement nuisibles à l’image de Logicobois, étaient justifiés par l’intérêt public de mettre en lumière des pratiques douteuses dans le secteur.

Quelles sont les implications de la prescription en matière de diffamation pour Logicobois ?

Les implications de la prescription en matière de diffamation pour Logicobois sont significatives. En raison d’une assignation tardive par rapport aux faits litigieux, la société a compromis sa capacité à engager une procédure en diffamation publique. Selon la loi, une telle action doit être introduite dans un délai de trois mois suivant la diffusion de l’émission.

En conséquence, la juridiction a requalifié les faits et les propos de Logicobois, initialement fondés sur le dénigrement, en diffamation. Cela a conduit à l’application de la loi de 1881 sur la presse, et le Tribunal de commerce s’est déclaré incompétent pour traiter l’affaire, ce qui a limité les recours juridiques de Logicobois.


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