Rent A Car : la force de l’usage

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Rent A Car : la force de l’usage

L’Essentiel : La société Rent A Car a remporté un recours en cassation contre l’annulation de sa marque « Rent A Car » pour la location de voitures. Les juges du fond avaient négligé l’usage de cette dénomination sociale, qui permet au consommateur d’identifier les services de l’entreprise. Selon l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, une marque peut acquérir un caractère distinctif par l’usage. Ainsi, la notoriété et l’usage intensif de « Rent A Car » pourraient conférer à cette dénomination un caractère distinctif, essentiel pour protéger les droits de la société sur son nom commercial.

Protection des marques génériques

Il est risqué de déposer une marque présentant un caractère générique, toutefois l’usage, associé à la durée, peut conférer un caractère distinctif à ladite marque. Précision intéressante apportée par les juges suprêmes : ce caractère distinctif, acquis avec le temps, s’analyse également à la lumière de la notoriété de la dénomination sociale du déposant.

Affaire Rent A Car

La société Rent A Car s’est pourvue avec succès en cassation contre une décision du fond ayant annulé sa marque verbale française « Rent A Car » pour tous les produits et services de location de voitures.

Les juges du fond ont, à tort, refusé de prendre en considération l’usage de la dénomination sociale « Rent a car ». Cet usage peut permettre, pour le consommateur moyen, d’identifier les services de location de véhicules constituant l’activité de la société Rent a car, ce signe devenant ainsi apte à identifier l’origine commerciale des services en cause au sens de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle.

Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, le juge doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises. Parmi ces éléments : la dénomination sociale et l’usage de la marque sous la forme d’un logo.

En raison d’une « présence globale » de la société sur un marché, le consommateur moyen  pourra identifier l’activité de la société en établissant un lien avec les services identiques désignés à l’enregistrement de la marque  dont la société est titulaire.

En conséquence, la dénomination sociale est susceptible de faire acquérir des droits opposables au titre de la marque verbale éponyme. En effet, un signe, qui remplit d’autres fonctions que celle d’une marque, est distinctif s’il peut être perçu comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services, afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou les services provenant d’une entreprise déterminée de ceux qui ont une autre provenance commerciale.

En bref, les juges du fond auraient dû rechercher si la notoriété et l’usage intensif de la dénomination sociale et du nom commercial de la société « Rent A Car » n’étaient pas de nature à conférer un caractère distinctif aux termes « Rent A Car ».

Protection autonome de la dénomination sociale

La dénomination sociale, outre qu’elle peut appuyer la marque, est également protégée de façon autonome contre le risque de confusion par le biais de l’action en concurrence déloyale (article 1240 du code civil).

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le principe est la liberté du commerce ce qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle peut être librement reproduit, sous réserve de l’absence de faute préjudiciable à un exercice paisible et loyal de la concurrence. Pour que la reproduction d’un signe à l’identique constitue un acte de concurrence déloyale, il convient de démontrer que cette reproduction est fautive.

Nom commercial et nom de domaine « Rent A Car »

Le nom commercial et le nom de domaine en regard de leur valeur commerciale, constituent aussi des signes distinctifs bénéficiant d’une protection juridique autonome dès leur premier usage public (la société exploite ces signes distinctifs depuis 1998), protection juridique dont pourrait bénéficier la société Rent a Car, lorsque l’affaire sera rejugée au fond.

Rappel sur les marques non distinctives

Pour rappel, le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits et services désignés (L.711-2 du code de la propriété intellectuelle). Sont ainsi dépourvus de caractère distinctif : i) les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; ii) les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ; iii)  les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

L’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit expressément que le caractère distinctif d’une marque générique peut être acquis par l’usage. La Cour de justice de l’Union européenne (7 juillet 2005, C-353/03, Nestlé)  a également précisé que le caractère distinctif d’une marque visé par la directive 89/104/UE du 21 décembre 1988, peut être acquis en conséquence de l’usage de cette marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci ;

Concernant les marques anglophones, s’il peut être procédé à l’enregistrement à titre de marque d’un vocable emprunté à une langue étrangère qui dans un autre Etat est dépourvu de caractère distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé c’est à la condition que dans les milieux intéressés dans l’Etat dans lequel l’enregistrement est demandé ne soient pas aptes à identifier la signification de ce vocable.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les risques associés au dépôt d’une marque générique ?

Le dépôt d’une marque présentant un caractère générique comporte des risques significatifs. En effet, une marque générique est souvent perçue comme une simple désignation d’un produit ou d’un service, ce qui limite sa capacité à être protégée.

Cependant, il est important de noter que l’usage prolongé de cette marque peut, avec le temps, lui conférer un caractère distinctif. Ce caractère distinctif est évalué non seulement en fonction de l’usage, mais aussi à la lumière de la notoriété de la dénomination sociale du déposant.

Ainsi, même si une marque est initialement générique, son utilisation dans le temps peut lui permettre d’acquérir une protection juridique, à condition qu’elle soit suffisamment reconnue par le public comme étant associée à une entreprise spécifique.

Quelle est l’importance de l’affaire Rent A Car dans le contexte des marques génériques ?

L’affaire Rent A Car est un exemple marquant de la manière dont les marques génériques peuvent acquérir une protection juridique. Dans cette affaire, la société a réussi à faire annuler une décision qui avait annulé sa marque verbale « Rent A Car » pour la location de voitures.

Les juges du fond avaient initialement omis de considérer l’usage de la dénomination sociale, ce qui a conduit à une évaluation erronée de la capacité de la marque à identifier l’origine commerciale des services.

La Cour a souligné que l’usage de la dénomination sociale et la notoriété de la marque sont des éléments cruciaux pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif. Cela démontre que même des termes génériques peuvent, par leur usage et leur reconnaissance, devenir des marques protégées.

Comment la dénomination sociale peut-elle renforcer la protection d’une marque ?

La dénomination sociale joue un rôle essentiel dans la protection d’une marque. Elle peut non seulement soutenir la marque, mais également bénéficier d’une protection autonome contre la concurrence déloyale.

Cette protection est fondée sur l’article 1240 du code civil, qui permet d’agir contre des actes de concurrence déloyale lorsque ceux-ci créent un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs.

Pour qu’une action en concurrence déloyale soit recevable, il est nécessaire de démontrer que la reproduction d’un signe est fautive et qu’elle nuit à l’exercice paisible et loyal du commerce. Ainsi, la dénomination sociale peut acquérir des droits opposables, renforçant la position juridique de la marque.

Quelles sont les implications de la protection autonome des noms commerciaux et des noms de domaine ?

Les noms commerciaux et les noms de domaine, en tant que signes distinctifs, bénéficient d’une protection juridique autonome dès leur premier usage public. Dans le cas de la société Rent A Car, ces signes distinctifs sont exploités depuis 1998, ce qui leur confère une certaine valeur commerciale.

Cette protection est cruciale car elle permet à l’entreprise de défendre ses droits contre des imitations ou des usages non autorisés. En cas de litige, la société pourrait faire valoir ses droits sur ces signes distinctifs, indépendamment de la protection de sa marque.

Cela souligne l’importance de la stratégie de marque et de la gestion des signes distinctifs dans le cadre de la protection de la propriété intellectuelle.

Quelles sont les caractéristiques des marques non distinctives ?

Les marques non distinctives sont celles qui ne peuvent pas être protégées en raison de leur nature générique ou descriptive. Selon l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, plusieurs types de signes sont dépourvus de caractère distinctif.

Premièrement, les signes qui désignent exclusivement le produit ou le service de manière générique ne peuvent pas être enregistrés. Deuxièmement, les signes qui décrivent une caractéristique du produit, comme sa qualité ou sa provenance, sont également exclus.

Enfin, les formes imposées par la nature ou la fonction du produit ne peuvent pas être protégées. Cependant, il est important de noter que le caractère distinctif d’une marque générique peut être acquis par l’usage, ce qui ouvre la voie à une protection potentielle si la marque devient suffisamment reconnue.


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