L’Essentiel : Le bail commercial entre Groupama Gan Vie et M. [G] [S], signé le 3 octobre 1985, a connu plusieurs renouvellements et révisions de loyer. En raison de loyers impayés, Groupama a délivré des commandements de payer, culminant en 2018 avec une dette de 91 559,68 euros. Malgré des tentatives de contestation par M. et Mme [Z], le tribunal a confirmé la validité des commandements et a ordonné leur expulsion, les condamnant à verser 348 900,01 euros pour loyers dus, ainsi qu’une clause pénale. Le jugement a été rendu avec exécution provisoire, consolidant la position de la bailleresse.
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Contexte du Bail CommercialLa société Gan Vie, aujourd’hui Groupama Gan Vie, a conclu un bail commercial avec M. [G] [S] le 3 octobre 1985, pour des locaux destinés à la vente de meubles. Le bail initial, d’une durée de neuf ans, a été renouvelé plusieurs fois, avec des ajustements de loyer au fil des années. Évolution des Loyers et RenouvellementsLe loyer a été révisé à plusieurs reprises, atteignant 190 000 francs en 1992, puis 55 000 euros en 2004. En 2012, un congé a été donné pour un renouvellement à un loyer de 102 850 euros, mais en l’absence de paiement, le bail a été renouvelé automatiquement pour neuf ans. Commandements de Payer et ImpayésEn raison de loyers impayés, Groupama Gan Vie a délivré plusieurs commandements de payer, le premier en octobre 2018 pour un montant total de 91 559,68 euros. Malgré des paiements partiels, la dette locative a continué de croître, atteignant 67 785,85 euros fin 2018. Procédures JudiciairesEn décembre 2018, Groupama Gan Vie a assigné M. et Mme [Z] en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire. Le juge a suspendu les effets de cette clause tout en condamnant les preneurs à payer une partie de leur dette. Appels et Nouvelles AssignationsM. et Mme [Z] ont interjeté appel, mais la cour a confirmé la décision initiale tout en réduisant la pénalité. En 2020, de nouveaux commandements de payer ont été délivrés, et les preneurs ont demandé des réductions de loyer en raison de la crise sanitaire, ce qui a été refusé par la bailleresse. Contexte de la Crise SanitaireLes preneurs ont invoqué des mesures légales liées à la crise du Covid-19 pour contester les commandements de payer, arguant que ces mesures les empêchaient de régler leurs loyers. Cependant, la bailleresse a soutenu que ces commandements étaient valides. Jugement et Décisions du TribunalLe tribunal a rejeté les demandes de M. et Mme [Z] visant à annuler les commandements de payer et a constaté l’acquisition de la clause résolutoire. Il a ordonné leur expulsion et a fixé une indemnité d’occupation au montant du loyer contractuel. Condamnations FinancièresM. et Mme [Z] ont été condamnés à payer 348 900,01 euros pour loyers impayés, ainsi qu’une clause pénale de 24 425,14 euros. Le tribunal a également rejeté leur demande de dommages et intérêts pour mauvaise foi de la bailleresse. Conclusion et Exécution ProvisoireLe jugement a été rendu avec exécution provisoire, et les preneurs ont été condamnés à payer les dépens, confirmant ainsi la position de Groupama Gan Vie dans ce litige locatif. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations du preneur en vertu du bail commercial ?Selon l’article 1728 du Code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales : 1. **User de la chose louée raisonnablement** : Cela signifie que le preneur doit utiliser le bien conformément à sa destination et de manière à ne pas l’endommager. 2. **Payer le prix du bail aux termes convenus** : Le preneur doit s’acquitter des loyers et charges à la date convenue dans le contrat de bail. Ces obligations sont essentielles pour maintenir la validité du contrat de bail et éviter des conséquences telles que la résiliation du bail pour non-paiement. — Quelles sont les conséquences d’un commandement de payer non suivi d’effet ?L’article L. 145-41 du Code de commerce stipule que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Cela signifie que si le preneur ne paie pas après un commandement de payer, le bailleur peut demander la résiliation du bail, mais seulement après un délai d’un mois. Ce délai est crucial car il permet au preneur de régulariser sa situation avant que le bail ne soit résilié. — Comment les mesures légales prises pendant la crise sanitaire affectent-elles les obligations locatives ?L’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 précise que, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police, les locataires ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière pour retard ou non-paiement des loyers. Cela signifie que les locataires peuvent bénéficier d’une protection temporaire contre les actions en recouvrement pendant la période où leur activité est affectée par des mesures administratives, mais cela ne les exonère pas de leur obligation de payer les loyers dus. — Quelles sont les conditions pour invoquer l’exception d’inexécution ?Selon les articles 1217 et 1219 du Code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation si son cocontractant n’exécute pas l’obligation dont il est tenu, à condition que cette inexécution soit suffisamment grave. Dans le cadre d’un bail commercial, le preneur peut invoquer l’exception d’inexécution si le bailleur ne respecte pas ses obligations, comme la délivrance de locaux conformes à leur destination. Cependant, si le bailleur a maintenu les locaux à disposition, comme dans le cas présent, le preneur ne peut pas justifier son non-paiement des loyers par une prétendue inexécution de la part du bailleur. — Quelles sont les implications de la clause résolutoire dans un bail commercial ?La clause résolutoire, selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, permet au bailleur de résilier le bail en cas de non-paiement des loyers après un commandement de payer resté infructueux pendant un mois. Cette clause est un outil de protection pour le bailleur, lui permettant de récupérer les locaux en cas de manquement du preneur à ses obligations. Il est important de noter que le juge peut suspendre les effets de cette clause en accordant des délais de paiement au preneur, ce qui peut offrir une certaine flexibilité en cas de difficultés financières. — Comment se calcule l’indemnité d’occupation en cas d’expulsion ?L’indemnité d’occupation est généralement fixée au montant du dernier loyer contractuel, charges et taxes en sus. Cette indemnité vise à compenser le bailleur pour l’occupation des lieux par le preneur après la résiliation du bail. Elle est considérée comme une dette de jouissance, qui doit correspondre à la valeur équitable des lieux occupés, et elle est due jusqu’à la libération effective des lieux par le preneur. — Quelles sont les conséquences d’une clause pénale en cas de non-paiement des loyers ?L’article 1152 du Code civil stipule que lorsque le contrat prévoit une clause pénale, le débiteur qui manque à son obligation doit payer la somme convenue, sans que le créancier puisse réclamer une somme plus élevée. Dans le cas présent, la clause pénale stipule une majoration de 10 % en cas de non-paiement des loyers. Cette clause vise à couvrir les frais engagés par le bailleur pour le recouvrement des sommes dues et est appliquée en cas de manquement aux obligations locatives. — Quelles sont les conditions pour la validité d’un commandement de payer ?Pour qu’un commandement de payer soit valide, il doit respecter les dispositions de l’article L. 145-41 du Code de commerce, qui exige que le commandement mentionne le délai d’un mois avant que la clause résolutoire ne puisse être appliquée. Il doit également inclure un décompte détaillé des sommes dues. Si ces conditions ne sont pas remplies, le commandement peut être déclaré nul, ce qui pourrait empêcher le bailleur de faire valoir ses droits en matière de résiliation du bail. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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18° chambre
1ère section
N° RG 21/14267
N° Portalis 352J-W-B7F-CVPUL
N° MINUTE : 5
contradictoire
Assignation du :
09 Novembre 2021
JUGEMENT
rendu le 30 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A. GROUPAMA GAN VIE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Sylvie MITTON SMADJA de la SELEURL Sylvie MITTON-SMADJA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C1136
DÉFENDEURS
Monsieur [H] [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [E] [O] épouse [Z]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Tous deux représentés par Maître Alain STIBBE de l’AARPI DGS-GRYNWAJC-STIBBE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P211
Décision du 30 Janvier 2025
18° chambre 1ère section
N° RG 21/14267 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVPUL
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe, statuant en juge unique,
assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DÉBATS
A l’audience du 25 Novembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé du 3 octobre 1985, la société Gan Vie – aux droits de laquelle est venue la société anonyme Gan Assurance Vie, dénommée aujourd’hui Groupama Gan Vie (ci-après la SA Groupama Gan Vie) – a donné à bail renouvelé à M. [G] [S] – aux droits duquel sont venus M. [J] [S] puis, par suite d’une cession du fonds de commerce par acte sous seing privé du 14 février 2005, Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] (ci-après M. et Mme [Z]) – des locaux commerciaux composés d’une « grande boutique avec WC » et de son sous-sol, et situés au [Adresse 1].
Le bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter rétroactivement du 1er octobre 1982, moyennant le versement d’un loyer annuel de 89.250 francs (soit 13 605,87 euros) hors taxes hors charges.
Les lieux ont pour destination l’activité exclusive de « commerce de marchand de meubles, literie et bronzes ».
Par acte sous seing privé du 1er avril 1992, la société Gan Vie a consenti à M. [J] [S] un avenant de renouvellement du bail pour une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 1991 et moyennant le versement d’un loyer annuel en principal de 190 000 francs, soit 28 965,31 euros.
Par acte sous seing privé du 26 mai 2004, les parties ont conclu au renouvellement du bail pour une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2004, moyennant le versement d’un loyer annuel, indexé à l’indice des loyers commerciaux, de 55 000 euros hors taxes et d’un dépôt de garantie de 13 750 euros. Par le jeu des indexations, le loyer mensuel s’élève aujourd’hui à 6 119,53 euros hors taxes, soit 7 343,44 toutes taxes comprises.
Par acte d’huissier du 27 décembre 2012, la SA Groupama Gan Vie a adressé à M. et Mme [Z] un congé pour le 30 juin 2013 avec offre de renouvellement à effet au 1er juillet 2013, moyennant le versement d’un loyer annuel de 102 850 euros hors taxes hors charges. En l’absence de diligences des parties, le bail s’est renouvelé pour neuf ans à compter du 1er juillet 2013, les autres clauses, charges et conditions demeurant inchangées.
Des loyers n’ayant pas été réglés, la SA Groupama Gan Vie a fait délivrer aux preneurs, par acte d’huissier du 5 octobre 2018, un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour une somme totale de 91 559,68 euros au titre des loyers et accessoires échus au 3 octobre 2018 (82 862,32 euros), de la majoration de 10% prévue par application de la clause pénale (8 286,23 euros) et du coût dudit commandement (411,13 euros).
Les deux règlements de 21 852,12 euros chacun effectués par les preneurs le 1er août et le 30 octobre 2018 n’ayant pas permis l’apurement total de leur dette locative dont le montant s’élevait, au 30 novembre 2018, à 67 785,85 euros, la bailleresse a assigné en référé, par acte d’huissier du 19 décembre 2018, les époux [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial au 5 novembre 2018 et la condamnation des preneurs au paiement de leur dette locative s’élevant à 68 785,85 euros toutes taxes comprises.
Par ordonnance du 19 février 2019, signifiée aux preneurs le 15 mars de la même année, le juge des référés a notamment constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 5 novembre 2018, suspendu les effets de ladite clause, condamné M. et Mme [Z] au paiement de la somme de 53 235,77 euros au titre des loyers, charges, accessoires et de l’indemnité d’occupation, accordé un délai de paiement d’un an, fixé les mensualités à 4 436 euros, et prononcé l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion des preneurs ainsi que la consignation de leurs meubles en cas de non-respect du moratoire susmentionné.
M. et Mme [Z] ayant interjeté appel de cette décision le 1er avril 2019 afin de solliciter de plus larges délais de paiement, la cour d’appel a confirmé, le 17 octobre 2019, l’ordonnance mais a réduit le montant visé par la clause pénale à un euro.
La SA Groupama Gan Vie a, par la suite, fait délivrer aux époux [Z] par acte d’huissier du 25 juin 2020, un second commandement de payer visant la clause résolutoire, pour la somme en principal de 28 859,50 euros au titre de l’arriéré locatif selon décompte arrêté au 8 juin 2020.
Par courrier du 17 juin 2020, M. et Mme [Z] ont sollicité auprès de la SA Groupama Gan Vie – afin de faire face aux mesures administratives prises durant la crise sanitaire – l’annulation des loyers jusqu’au mois de septembre 2020 inclus et la diminution des loyers de 30 % jusqu’à la fin du bail en cours, soit jusqu’au 30 juin 2022.
La bailleresse a refusé de faire droit à ces demandes invoquant une dette locative s’élevant à 18 744,79 euros au 1er mars 2020, et a fait délivrer aux preneurs, par acte extra judiciaire du 13 novembre 2020, un troisième commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme totale de 51 485,54 euros au titre des loyers et charges impayés au 26 octobre 2020 et du coût de l’acte.
Après une mise en demeure adressée à la suite de ce commandement le 16 novembre 2020 par la bailleresse, sollicitant le paiement d’une dette locative s’élevant à 58 432,05 euros, les époux [Z] ont effectué, le 4 janvier 2021, le règlement du loyer du mois de décembre 2020 et la bailleresse a encaissé, le 18 août 2021, un virement de 14 550,08 euros.
Se prévalant d’une dette locative de 116 632,37 euros au 1er octobre 2021, la bailleresse a de nouveau fait délivrer, par acte d’huissier du 14 octobre 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour avoir paiement de cette somme.
A la suite, par acte d’huissier du 13 octobre 2021, la bailleresse a fait pratiquer une saisie conservatoire à hauteur de la somme de 116 632,37 euros à destination de la banque Neuflize OBC et du CIC, avec dénonciation aux époux [Z] le 18 octobre 2021.
C’est dans ce contexte que par acte d’huissier du 9 novembre 2021, la SA Groupama Gan Vie a fait assigner M. et Mme [Z] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins, notamment, de voir résilier le bail litigieux, ordonner l’expulsion des défendeurs, les condamner au paiement d’un arriéré locatif, d’une clause pénale et d’indemnités d’occupation et l’autoriser à conserver le dépôt de garantie.
L’assignation a été dénoncée aux créanciers inscrits sur le fonds.
Par ordonnance du 23 juin 2022, le juge de la mise en état a ordonné une mesure de médiation. Aucun accord transactionnel n’a toutefois pu être trouvé.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2023.
Aux termes de dernières conclusions d’actualisation, notifiées au visa de l’article 802 du code de procédure civile par RPVA le 13 mai 2024, la SA Groupama Gan Vie demande au tribunal de :
– Juger que la clause résolutoire du bail est acquise au 20 juin 2021 faute de règlement des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire du 13 novembre 2020 deux mois après la date à laquelle l’activité des défendeurs a cessé d’être affecté par une mesure de police administrative mentionnée au I de l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020,
– Subsidiairement, prononcer la résiliation du bail en date du 3 octobre 1985 renouvelé selon avenant du 26 octobre 2004, aux torts exclusifs de M. [H] [Z] et de Mme [E] [O], épouse [Z], pour défaut réitéré et persistant de paiement des loyers et charges à leur échéance contractuelle,
En conséquence :
– Ordonner l’expulsion de M. [H] [Z] et de Mme [E] [O] épouse [Z] ainsi que celle de tous occupants de leur chef des lieux loués sis [Adresse 2], dès signification du jugement à intervenir, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si nécessaire,
– Assortir l’obligation de quitter les lieux d’une astreinte de 500 euros par jour de retard et ce jusqu’à complète et effective libération des lieux,
– Ordonner la séquestration des objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l’expulsion, sur place ou dans un garde meuble, aux frais, risques et périls de la partie expulsée, conformément aux dispositions de l’article L.433-1 du code de procédure civile,
– Condamner solidairement M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z] à payer à la société Groupama Gan Vie une indemnité d’occupation mensuelle égale au double du loyer mensuel en principal, charges et taxes en sus, à compter du jugement à intervenir jusqu’à complète et effective libération des lieux,
– Condamner solidairement M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z] au paiement de la somme de 348 900, 01 euros correspondant aux loyers et accessoires impayés au 1er mai 2024, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 14 octobre 2021 sur la somme de 116 632,08 euros, à compter de l’assignation sur la somme de 123.907,11 euros, à compter du 5 mars 2023 sur la somme de 244.251,44 euros, à compter du 2 novembre 2023 sur la somme de 304 884,99 euros et à compter de ce jour sur le surplus,
– Condamner solidairement M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z], à payer à la société Groupama Gan Vie la somme de 24 425,14 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
– Ordonner la capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– Juger que le dépôt de garantie restera acquis à la société Groupama Gan Vie,
– Débouter M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z] de l’ensemble de leurs demandes et conclusions à toutes fins qu’elles comportent,
– À titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire des délais de paiement devaient être accordés aux époux [Z], et la résiliation du bail suspendue pendant lesdits délais, juger qu’à défaut de règlement par les époux [Z] à bonne date en sus du loyer, charges et accessoires courants, d’une seule des mensualités de l’échéancier, le tout deviendra exigible et la résiliation du bail sera acquise à la société Groupama Gan Vie,
– Condamner solidairement M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z] à payer à la société Groupama Gan Vie, la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner solidairement M. [H] [Z] et Mme [E] [O] épouse [Z] aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer du 14 octobre 2021, des deux saisies conservatoires de créances du 13 octobre 2021 et leur dénonciation, qui pourront être recouvrés pour ceux qu’elle aura exposés par Maître Sylvie Mitton-Smadja, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par RPVA le 11 septembre 2023, les époux [Z] demandent au tribunal judiciaire de Paris de :
À titre principal, sur le fondement des textes adoptés pour faire face à l’épidémie due au Covid-19, à titre subsidiaire, sur celui de l’impossibilité d’exploiter et, à titre très subsidiaire, sur celui de l’exception d’inexécution:
– Annuler, purement et simplement, les commandements de payer signifiés aux époux [Z] les 25 juin 2020, 13 novembre 2020 et 14 octobre 2021,
À titre infiniment subsidiaire, sous réserve de toutes autres sommes versées depuis l’assignation :
– Octroyer aux époux [Z] [les] plus larges délais pour s’acquitter de la somme de 29.100,16 euros à l’égard de la société Groupama Gan Vie,
En tout état de cause :
– Condamner la société Groupama Gan Vie à verser aux époux [Z] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, pour violation de son obligation de bonne foi et abus de droit dans l’exécution du contrat les liant,
– Dire que chaque partie conservera à sa charge les dépens par elle exposés.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions récapitulatives figurant à leur dossier et régulièrement notifiées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023, l’affaire plaidée à l’audience du 10 juin 2024 et mise en délibéré au 19 septembre 2024.
Par jugement avant dire droit rendu le 19 septembre 2024, le tribunal a ordonné la réouverture des débats (sans révocation de l’ordonnance de clôture), enjoignant à l’avocat des défendeurs de communiquer au tribunal les pièces manquantes à son dossier et pourtant visées au bordereau et, à toutes fins utiles, de communiquer à l’avocat de la société Groupama Gan Vie, si celui-ci ne les a toujours pas à sa disposition et le sollicite, l’ensemble des pièces n°1 à 36 visées au bordereau de ses dernières conclusions.
L’affaire a été appelée à l’audience du 25 novembre 2024 et mise en délibéré au 30 janvier 2025, l’avocat de M. et Mme [Z] ayant communiqué les pièces sollicitées.
Sur la demande de nullité des commandements de payer signifiés aux époux [Z] les 25 juin 2020, 13 novembre 2020 et 14 octobre 2021
Selon les articles 1134 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, à savoir user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et payer le prix du bail aux termes convenus.
Aux termes de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce, le bail litigieux contient une clause résolutoire prévoyant, notamment, la résiliation de plein droit du bail un mois après la délivrance d’un commandement de payer en cas d’inexécution totale ou partielle du paiement à son échéance de l’un des termes du loyer.
Les trois commandements de payer délivrés à M. et Mme [Z] reproduisent intégralement cette clause résolutoire et l’article L. 145-41 du code de commerce.
Ils comportent également un décompte détaillé des sommes dues, lesquelles concernent:
– s’agissant du commandement de payer signifié le 25 juin 2020, les loyers et charges impayés dus pour la période du 31 janvier 2020 au 8 juin 2020, échéance du mois de juin 2020 inclus,
– s’agissant du commandement de payer signifié le 30 novembre 2020, les loyers et charges impayés dus pour la période du 31 janvier 2020 au 26 octobre 2020, échéance du mois d’octobre 2020 inclus,
– s’agissant du commandement de payer signifié le 14 octobre 2021, les loyers et charges impayés dus pour la période du 31 janvier 2020 au 30 septembre 2021, échéance du mois d’octobre 2021 inclus.
Sur l’incidence des mesures légales et réglementaires prises pendant la crise sanitaire
M. et Mme [Z] demandent au tribunal d’annuler les commandements de payer signifiés les 25 juin 2020, 13 novembre 2020 et 14 octobre 2021, invoquant en premier lieu les dispositions des articles 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 et de l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020.
Ils font valoir que sur le fondement de ces textes, aucun commandement de payer visant la clause résolutoire fondé sur les loyers échus allant de mars à juin 2020 ou pendant celle allant d’octobre 2020 à novembre 2020 ne pouvait valablement leur être signifié.
La SA Groupama Gan Vie réplique :
– que le commandement du 25 juin 2020 a été notifié après la 1ère période juridiquement protégée et qu’en tout état de cause elle ne s’en est pas prévalue,
– que le commandement en date du 13 novembre 2020 a été délivré avant la parution de la loi du 14 novembre 2020 et qu’elle ne pouvait donc anticiper la parution de ce texte qui d’ailleurs n’invalide pas les commandements délivrés pendant la deuxième période juridiquement protégée issue de cette loi mais en reporte seulement les effets le lendemain du délai de deux mois suivant la date à laquelle la fermeture de l’établissement au public en raison des mesures prises pour lutter contre la pandémie a cessé,
– que la validité du commandement de payer délivré le 14 octobre 2021 n’est pas affectée non plus par les dispositions légales ou réglementaires invoquées par les locataires.
L’état d’urgence sanitaire a été prolongé par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 jusqu’au 10 juillet 2020 inclus, puis déclaré une nouvelle fois par décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 à compter du 17 octobre 2020 et prolongé par les lois n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 et n° 2121-160 du 15 février 2021 jusqu’au 1er juin 2021. Il s’en est suivi un régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 septembre 2021 institué par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, prolongé une première fois jusqu’au 15 novembre 2021 par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 puis jusqu’au 31 juillet 2022 par la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.
Sur le commandement délivré le 25 juin 2020
A raison de la date de délivrance de ce commandement, ne sont susceptibles de s’appliquer en l’espèce que les dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 invoquées par M. et Mme [Z] dans leurs conclusions, lequel article énonce :
“ Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er. (soit entre 12 mars et le 23 juin 2020 minuit) Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.”
Contrairement à ce que font soutenir M. et Mme [Z], ces dispositions n’effacent pas les loyers échus, ni n’interdisent au bailleur de faire délivrer à son locataire un commandement de payer voire une assignation pendant la période juridiquement protégée, mais suspendent uniquement les effets de clause résolutoire insérée dans le contrat de bail jusqu’à l’expiration d’un délai déterminé à compter de laquelle l’activité des preneurs à bail commercial remplissant les conditions requises cesse d’être affectée par une mesure de police.
Dès lors, et nonobstant le fait que SA Groupama Gan Vie n’entend pas se prévaloir des effets de la clause résolutoire visée à l’acte, le commandement de payer délivré le 25 juin 2020 demeure valable, et la demande de nullité formée de ce chef par M. et Mme [Z] sera écartée.
Sur le commandement délivré le 13 novembre 2020
L’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 dispose :
“’I. – Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ou du 5° du I de l’article L3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu’elle est prise par le représentant de l’Etat dans le département en application du second alinéa du I de l’article L3131-17 du même code. Les critères d’éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. – Jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d’être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. – Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l’article 1347 du code civil.
IV. – Le II s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu’à compter de l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
En outre, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu’à la date mentionnée au même premier alinéa […].
VII. – Le présent article s’applique à compter du 17 octobre 2020 […]”.
Le décret n°2020-1766 pris le 30 décembre 2020 pour l’application de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 a complété les conditions d’éligibilité à ce dispositif en exigeant que l’activité des personnes physiques et morales réponde à certains critères en termes de chiffre d’affaires, de nombre de salariés et de perte de chiffre d’affaires constatée.
Pour bénéficier de ces mesures, le locataire doit ainsi justifier :
– que son effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
– que le montant de son chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros;
– que la perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50%. Ce critère correspond à la différence entre le chiffre d’affaires au cours du mois de novembre 2019 et le chiffre d’affaires réalisé au cours d’une période qui dépend de la date de création de la société locataire
Quand bien même M. et Mme [Z] seraient éligibles au régime institué par ces dispositions, celles-ci concernent les loyers dus à compter de son entrée en application soit à compter du 17 octobre 2020, de sorte qu’elles ne font pas obstacle au droit du bailleur de faire délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour obtenir le paiement des loyers échus antérieurement et non réglés, comme c’est le cas en l’espèce.
Dès lors, et nonobstant le fait que SA Groupama Gan Vie n’entend pas se prévaloir des effets de la clause résolutoire visée à l’acte, le commandement de payer délivré le 13 novembre 2020 demeure valable, et la demande de nullité de M. et Mme [Z] sur ce fondement sera écartée.
Sur le commandement délivré le 14 octobre 2021
Si l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 précité a eu pour effet de suspendre l’exercice par le créancier d’un certain nombre de sanctions au non-paiement ou de voies d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus entre le 17 octobre 2020 et le 1er juin 2021, cette disposition n’a pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat et a en tout état de cause a pris fin en l’espèce à l’expiration du délai de deux mois à compter du 1er juin 2021, soit le 1er août 2021.
Dès lors, M. et Mme [Z] ne peuvent se prévaloir de la période de protection prévue par l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 pour en conclure que le commandement visant la clause résolutoire serait nul et de nul effet en application des dispositions de l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020.
La demande de nullité de ce commandement formée de ce chef sera donc écartée.
Sur l’exigibilité des loyers échus pendant les périodes de fermeture administrative
M. et Mme [Z] font soutenir que les mesures administratives prises pour faire face à la crise sanitaire ont engendré la perte de la chose louée et la possibilité, pour le preneur, de soulever l’exception d’inexécution afin de s’exonérer du paiement des loyers, dès lors que le manquement de la bailleresse à son obligation de délivrance ne peut être justifié par la force majeure. Ils en concluent à la nullité des commandements en litige.
La SA Groupama Gan Vie réplique que les mesures administratives prises durant la crise sanitaire étant générales, temporaires, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué et non imputable au bailleur mais seulement au législateur, le preneur ne peut soulever la perte de la chose louée ou l’exception d’inexécution pour s’exonérer de payer le loyer, que le créancier qui n’a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit n’est pas fondé à invoquer la force majeure et qu’un tel moyen ne peut justifier la non-satisfaction d’une obligation relative au paiement d’une somme d’argent.
Sur la perte de la chose louée
Selon l’article 1722 du code civil, « si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut demander une diminution du prix ou la résiliation du bail».
La perte visée à l’article 1722 du code civil peut correspondre à une perte matérielle mais selon la jurisprudence, également à une perte fonctionnelle, caractérisée lorsque l’utilisation prévue par le bail du local loué pour une activité commerciale industrielle ou artisanale est totalement impossible ou diminuée.
Si les locaux loués ont été concernés par les mesures de fermeture au public prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et de ses décrets d’application, ainsi que de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020, il est constant que durant les périodes successives de confinement dues à la pandémie mondiale de Covid-19, la SA Groupama Gan Vie a maintenu les locaux loués à la disposition de M. et Mme [Z] dans le cadre de l’exécution du bail commercial liant les parties.
Il n’existe pas de disposition particulière de nature à influer sur le principe d’exigibilité des loyers pendant le temps d’interdiction au public des commerces dits non essentiels et l’effet de l’interdiction de recevoir du public, qui était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, de sorte qu’elle ne peut être assimilée à la perte de la chose, ni totale, ni même partielle, au sens de l’article 1722 du code civil, comme l’a jugé la Cour de cassation dans de récents arrêts de principe ( 3e civ. 30 juin 2022. Pourvois n° 21-19.889, 21-20.127 et 21-20.190).
Le moyen soulevé de ce chef par M. et Mme [Z] sera donc rejeté.
Sur l’obligation de délivrance et l’exception d’inexécution
Il est de principe, codifié aux articles 1217 et 1219 du code civil, qu’une partie peut refuser d’exécuter l’obligation contractuellement mise à sa charge, alors même que celle-ci est exigible, si son cocontractant n’exécute pas l’obligation, dont il est réciproquement tenu, et si cette inexécution est suffisamment grave.
En application de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant toute la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d’exercer l’activité prévue par le bail, et d’en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée. Cet article n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité.
En application de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
La délivrance implique que le bien loué puisse être exploité par le locataire conformément à la destination envisagée dans le contrat de bail, ce qui impose que le bien loué dispose des caractéristiques physiques et juridiques permettant d’exercer effectivement l’activité stipulée au bail.
En l’espèce, M. et Mme [Z] ne contestent pas que les lieux loués ont été mis et maintenus à leur disposition par la SA Groupama Gan Vie pendant toutes les périodes de fermeture ordonnées par les pouvoirs publics. Dès lors, l’impossibilité d’exploiter qu’ils allèguent, imputable à une mesure générale de police administrative, n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance et de l’obligation de jouissance paisible des bailleurs.
Dans ces conditions, M. et Mme [Z] ne sont pas fondés à exciper de l’inexécution de ses obligations par la SA Groupama Gan Vie pour justifier de l’inexécution de leurs propres obligations locatives.
Le moyen qu’ils soulèvent de ce chef sera donc rejeté.
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, M. et Mme [Z] seront déboutés de leur demande visant à voir déclarer nul et de nul effet les commandements de payer en litige.
Sur la dette locative
Aux termes de l’article 1315 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En l’espèce, aux termes de ses dernières conclusions d’actualisation, la SA Groupama Gan Vie sollicite la condamnation solidaire de M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 348 900,01 euros, correspondant aux loyers et accessoires impayés au 1 er mai 2024, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 14 octobre 2021 sur la somme de 116 632,08 euros, à compter de l’assignation sur la somme de 123 907,11 euros, à compter du 5 mars 2023 sur la somme de 244251,44 euros, à compter du 2 novembre 2023 sur la somme de 304 884,99 euros et à compter du jour de leurs dernières conclusions sur le surplus.
Outre les arguments développés supra, M. et Mme [Z] contestent le quantum de la somme réclamée par la SA Groupama Gan Vie soutenant que les sommes visées aux commandements du 25 juin 2020, du 13 novembre 2020 et du 14 octobre 2021 seraient erronées au motif qu’ils n’auraient été redevables au 25 juin 2020 que de la somme de 14 550,08 euros correspondant aux loyers échus pour les mois d’avril et mai 2020, et non de 28 859,50 euros comme visée au commandement du 25 juin 2020.
Or, il ressort du décompte locatif produit aux débats que M. et Mme [Z] étaient débiteurs au 20 juin 2020, outre des échéances des mois d’avril et mai 2020, de celles des mois de mars 2020 et mai 2020 qu’ils ne justifient pas avoir réglées, puisque les virements de 7 275,04 euros et 4 436 euros imputés au crédit le 11 mai 2020 ont réglé le mois de février 2020 ainsi que la dernière mensualité de l’échéancier accordé par le juge des référés dans son ordonnance du 19 février 2019.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de la SA Groupama Gan Vie de condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 348 900,01 euros, correspondant aux loyers et accessoires impayés au 1 er mai 2024.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 14 octobre 2021 sur la somme de 116 632,08 euros, à compter du 9 novembre 2021 date de l’assignation sur la somme de 123 907,11 euros et à compter du présent jugement pour le surplus.
En application des dispositions de l’article 1154 devenu 1343-2 du code civil, les intérêts échus pour une année entière à compter du 9 novembre 2021, date de l’assignation valant première demande au sens de ce texte porteront eux-mêmes intérêts.
Sur l’acquisition de la clause résolutoire et la demande de délai et de suspension de ses effets
Il résulte de l’article L. 145-41 du code de commerce que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux et permet au juge de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire en accordant des délais, la clause résolutoire ne jouant pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge, les délais pouvant être accordés de manière rétroactive.
En l’espèce, à défaut de paiement des sommes réclamées au commandement de payer délivré le 14 octobre 2021 dans le mois de sa délivrance, la clause résolutoire est acquise à effet au 14 novembre 2021à 24 heures.
L’article L.145-41 du code de commerce dispose que les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues par l’article 1343-5 du code civil peuvent en accordant des délais de paiement, suspendre les effets de la clause résolutoire, lorsque la résiliation n’est pas constatée et prononcée par une décision judiciaire ayant acquis l’autorité de la chose jugée.
M. et Mme [Z] sollicitent des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire, faisant exposer qu’en vertu du code civil et de « la Charte des bonnes pratiques entre commerçants et bailleurs pour faire face à la crise du Covid 19 » d’une part, et à l’ordonnance rendue par le juge des référés d’autre part, les délais de paiement sont nécessaires pour prendre en compte les difficultés engendrées par la période, que, quand bien même ils ont bénéficié des aides au titre du fonds de solidarité, celles-ci ont été octroyées avec du retard, que la crise sanitaire a entraîné une chute du chiffre d’affaires des preneurs.
La SA Groupama Gan Vie s’oppose à cette demande, soutenant que les preneurs n’ayant communiqué aucun élément relatif à leur chiffre d’affaires, ils ne prouvent pas les difficultés financières qu’ils ont rencontrées durant la crise sanitaire, d’autant plus qu’ils ont bénéficié d’aides au titre du fonds de solidarité. Elle ajoute que les allégations des preneurs – énonçant que la cession de leur fonds de commerce est subordonnée au renouvellement du bail et qu’elle s’oppose audit renouvellement- ne sont ni prouvées ni pertinentes, dès lors que le bail a déjà été renouvelé et qu’aucun acquéreur potentiel ne lui a été présenté à la bailleresse.
Le tribunal relève que depuis l’introduction de la présente procédure, la dette locative n’a cessé de croître, même après les mois de fermeture imposée en lien avec la crise sanitaire.
M. et Mme [Z] ne justifient pas être en possibilité de régler la dette dans le délai de 24 mois, alors même qu’aucun règlement n’est intervenu depuis le mois de septembre 2021.
La demande de délais de M. et Mme [Z] sera donc rejetée.
Sur l’expulsion de M. et Mme [Z] et les demandes subséquentes de fixation d’une indemnité d’occupation et de séquestration du mobilier
En conséquence de la résiliation du bail, l’expulsion de M. et Mme [Z] et de tout occupant de leur chef doit être ordonnée en cas de non-restitution volontaire des lieux dans les 15 jours de la signification du présent jugement, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte en l’espèce, en raison du caractère suffisamment comminatoire des dispositions du présent jugement.
Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif du jugement.
Celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l’expiration de son titre d’occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d’une indemnité d’occupation.
En l’espèce, M. et Mme [Z] occupants des lieux loués sans droit ni titre depuis le 14 octobre 2021doivent être condamnés au paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’à la libération complète des lieux, laquelle en raison de sa nature mixte, indemnitaire et compensatoire, constitue une dette de jouissance qui doit correspondre à la valeur équitable des lieux et assure, en outre, la réparation du préjudice résultant d’une occupation sans bail. En l’espèce, cette indemnité d’occupation sera fixée au montant du dernier loyer contractuel, charges et taxes en sus, étant entendu que la bailleresse ne justifie pas de sa demande de voir porter le montant de l’indemnité d’occupation à l’ancien loyer majoré de 50 %.
Sur la demande en paiement fondée sur la clause pénale contractuelle
La SA Groupama Gan Vie sollicite la condamnation solidaire de M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 24 425, 14 euros à titre de clause pénale correspondant à la majoration de 10 % applicable selon clause du bail précitée.
M. et Mme [Z] ne concluent pas sur ce point.
En vertu de l’article 1134 devenu 1103 du code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits »
En vertu de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
La disproportion manifeste s’apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi.
En l’espèce, le bail litigieux stipule « qu’en cas de non-paiement d’une quittance de loyer et accessoires à son échéance, son montant sera ipso facto majoré de 10% pour couvrir la bailleresse des frais exposés par elle pour obtenir le recouvrement dudit terme ».
Eu égard aux nombreux commandements de payer délivrés par la bailleresse et à l’ampleur, l’ancienneté et la persistance de la dette locative, les manquements des preneurs sont caractérisés et la bailleresse subi un préjudice certain à raison des impayés subis.
Par conséquent, les époux [Z] seront condamnés solidairement, dans les limites de la demande, à payer à la SA Groupama Gan Vie la somme de 24 425,14 euros au titre de la clause pénale contractuelle.
En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus pour une année entière à compter du 9 novembre 2021, date de l’assignation valant première demande au sens de ce texte porteront eux-mêmes intérêts.
Sur le dépôt de garantie
Le bail litigieux stipule que « le dépôt de garantie sera acquis de plein droit à la bailleresse en cas d’infraction constante tant à la loi ou aux règlements qu’aux conditions du présent bail même si cette infraction cesse à la suite d’un commandement ou d’une mise en demeure. Ce versement constituant une indemnisation forfaitaire pour elle acquise définitivement et de plein droit par le seul fait de l’infraction. La bailleresse se réserve le droit, nonobstant l’application de la présente clause, de poursuivre le preneur pour l’exécution des obligations du bail par toutes voies et moyens de droit ».
La SA Groupama Gan Vie demande au tribunal sur ce fondement de dire que le dépôt de garantie lui restera acquis.
Compte tenu du préjudice effectivement subi par la SA Groupama Gan Vie, de la situation respective des parties et du montant de la clause pénale déjà attribué à la SA Groupama Gan Vie au titre de l’indemnité de 10 % des sommes dues, le tribunal prononcera d’office la réduction du montant de la clause pénale réclamée de ce chef à néant, de sorte que la demande de la bailleresse formée de ce chef sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [Z]
L’article 1147 du code civil (devenu article 1231-1) dispose que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.».
L’article 1134 (devenu 1103) du même code énonce que les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
En l’espèce, les preneurs sollicitent la condamnation de SA Groupama Gan Vie à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, soutenant que la bailleresse a fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution du contrat en ce que cette dernière aurait refusé le renouvellement du bail et, indirectement, rendu impossible toute cession du fonds de commerce destinée à apurer la dette locative.
Il est cependant établi et non contesté que le bail litigieux a bien été renouvelé à compter du 1er juillet 2013.
Par conséquent, les preneurs ne démontrent en rien la mauvaise foi de la bailleresse et seront déboutés de leur demande tendant à l’obtention de dommages et intérêts formée de ce chef.
Sur les autres demandes
M. et Mme [Z] qui succombent supporteront in solidum la charge des dépens dont distraction au profit de Maître Sylvie Mitton-Smadja, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ; étant précisé que les dépens étant légalement définis, il n’y a pas lieu de rappeler ce que ceux ci comprendront en l’espèce.
Succombant à l’instance, M. et Mme [Z] seront également condamnés in solidum au regard de l’équité à payer à la SA Groupama Gan Vie la somme de 3 000 euros.
Compte tenu des dispositions du présent jugement et de la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire dont le prononcé est de droit.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré,
Rejette l’ensemble des demandes de Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] tendant à obtenir des exonérations des loyers, visant à voir dire nuls et de nul effet les commandements de payer visant la clause résolutoire délivrés les 25 juin 2020, 13 novembre 2020 et 14 octobre 2021, et visant à obtenir des délais de paiement,
Constate l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail conclu entre la SA Groupama Gan Vie et Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] à la date du 14 novembre 2021à 24h00,
Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux situés [Adresse 1] dans les quinze jours de la signification du présent jugement, l’expulsion de Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] et de tout occupant de leur chef, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,
Rejette la demande d’astreinte de la SA Groupama Gan Vie,
Dit que les meubles et objets meublant se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
Fixe l’indemnité d’occupation due par Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, au montant du loyer contractuel, charges et taxes en sus,
Condamne solidairement Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] à payer à SA Groupama Gan Vie la somme de 348 900,01 euros, correspondant aux loyers et accessoires impayés au 1 er mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2021 sur la somme de 116 632,08 euros, à compter du 9 novembre 2021 sur la somme de 123 907,11 euros et à compter du présent jugement pour le surplus, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures,
Dit que les intérêts échus pour une année entière à compter du 9 novembre 2021 porteront eux-mêmes intérêts,
Condamne Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] à payer in solidum à la SA Groupama Gan Vie la somme de 24 425,14 euros au titre de la clause pénale contractuelle, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement et capitalisation des intérêts,
Rejette la demande de la SA Groupama Gan Vie visant à se voir autoriser à conserver le montant du dépôt de garantie détenu entre ses mains, à titre de clause pénale contractuelle,
Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z],
Condamne in solidum Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] à payer à la SA Groupama Gan Vie la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [E] [O] épouse [Z] et M. [H] [Z] en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Sylvie Mitton-Smadja, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Rejette toutes les autres demandes des parties,
Rappelle que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Fait et jugé à Paris le 30 Janvier 2025.
Le Greffier Le Président
Christian GUINAND Sophie GUILLARME
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