Renouvellement de bail et contestation des droits locatifs : enjeux et conséquences.

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Renouvellement de bail et contestation des droits locatifs : enjeux et conséquences.

L’Essentiel : Le 8 octobre 2024, une audience publique a été tenue concernant un bail commercial entre Mme [B] [V], M. [H] [V] et la société La Poste, renouvelé en 2004. En 2014, la SCI Seine Choisy a pris possession des locaux et a contesté l’immatriculation de Locaposte. Après un congé délivré en 2014 et des procédures judiciaires, le tribunal a déclaré le congé irrégulier, reconnaissant le droit de Locaposte à une indemnité d’éviction. La SCI a été jugée irrecevable pour des arriérés de charges antérieurs à son acquisition, tandis que Locaposte a été condamnée à payer des charges de 2016 à 2019.

Contexte de l’affaire

Le 8 octobre 2024, une audience publique a été tenue, annonçant que le jugement serait rendu le 16 janvier 2025, avec un délibéré prorogé au 20 janvier 2025. L’affaire concerne un bail commercial entre Mme [B] [V] et M. [H] [V] et la société La Poste, renouvelé en 2004 pour une durée de neuf ans, avec un loyer initial de 36.000 euros.

Évolution du bail

En 2007, la SAS Locaposte a succédé à La Poste dans le bail, avec un loyer révisé à 41.693,56 euros. Le bail a continué par tacite prolongation jusqu’à ce que la SCI Seine Choisy devienne propriétaire des locaux en 2014. Cette dernière a alors demandé des justifications concernant l’immatriculation de Locaposte au registre du commerce.

Congé et contestations

Le 18 septembre 2014, la SCI Seine Choisy a délivré un congé à Locaposte, refusant le renouvellement du bail pour absence de justification d’immatriculation. Locaposte a contesté ce congé, arguant que le bail était soumis au statut des baux commerciaux. En 2016, Locaposte a demandé le renouvellement du bail, mais la SCI a engagé une procédure d’expulsion en 2017.

Procédures judiciaires

Le juge des référés a estimé qu’il existait un débat sur la régularité du congé, ce qui a été confirmé par la cour d’appel en 2018. En 2019, Locaposte a quitté les locaux, et une médiation a été ordonnée en 2021, sans succès. La SCI a alors demandé des arriérés de charges et des indemnités d’occupation.

Demandes des parties

La SCI Seine Choisy a demandé le paiement de 157.675,27 euros pour arriérés de charges et 12.463 euros pour des travaux de remise en état. Locaposte a contesté ces demandes, affirmant que la SCI n’avait pas qualité à agir pour les charges antérieures à son acquisition des locaux.

Jugement et décisions

Le tribunal a déclaré le motif du congé irrégulier et a reconnu le droit de Locaposte à une indemnité d’éviction. Une expertise a été ordonnée pour évaluer le montant de cette indemnité. La SCI a été déclarée irrecevable dans sa demande d’arriérés de charges pour 2014 et 2015, tandis que Locaposte a été condamnée à payer 116.548,53 euros pour les charges de 2016 à 2019.

Conclusion

Le tribunal a également ordonné une médiation entre les parties et a fixé des délais pour la consignation des frais d’expertise. Les demandes de remboursement de Locaposte et de travaux de remise en état de la SCI ont été déboutées, et les parties ont été invitées à se rencontrer pour tenter de résoudre le litige à l’amiable.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la validité du congé délivré par la SCI Seine Choisy à la société Locaposte ?

Le congé délivré par la SCI Seine Choisy à la société Locaposte le 18 septembre 2014 est considéré comme irrégulier. En effet, selon l’article L. 145-9 du Code de commerce, le congé doit être donné par acte extrajudiciaire et doit préciser les motifs pour lesquels il est donné.

Il doit également indiquer que le locataire qui entend contester le congé doit saisir le tribunal dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle le congé a été donné.

Dans cette affaire, la SCI Seine Choisy a dénié à la société Locaposte le droit au statut des baux commerciaux en raison de son défaut d’immatriculation au registre du commerce. Cependant, les parties avaient expressément convenu de soumettre leur bail au statut des baux commerciaux, ce qui rend le motif du congé inopérant.

Ainsi, la société Locaposte a le droit de contester les motifs du congé et de revendiquer une indemnité d’éviction.

La société Locaposte a-t-elle droit à une indemnité d’éviction ?

Oui, la société Locaposte a droit à une indemnité d’éviction. Selon l’article L. 145-14 du Code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du locataire évincé.

Cette indemnité est destinée à compenser la perte du fonds de commerce et peut inclure la valeur marchande du fonds, les frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que les droits de mutation.

Dans ce cas, bien que la société Locaposte ait quitté les lieux le 27 décembre 2019, elle a contesté les motifs du congé et a donc le droit de demander une indemnité d’éviction. Le tribunal a également précisé que le bail commercial a pris fin le 31 mars 2015, ouvrant ainsi droit à l’indemnité d’éviction.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’immatriculation au registre du commerce pour la société Locaposte ?

L’absence d’immatriculation au registre du commerce ne peut pas être utilisée pour dénier le droit de la société Locaposte au statut des baux commerciaux. Selon l’article L. 145-1 du Code de commerce, le statut des baux commerciaux s’applique indépendamment de l’immatriculation, si les parties ont convenu de soumettre leur bail à ce statut.

Dans cette affaire, les parties avaient expressément convenu de soumettre le bail au statut des baux commerciaux, ce qui signifie que la SCI Seine Choisy ne peut pas invoquer l’absence d’immatriculation pour justifier le congé.

Ainsi, la société Locaposte conserve ses droits en tant que locataire, y compris le droit à l’indemnité d’éviction.

La SCI Seine Choisy peut-elle réclamer des arriérés de charges pour les années 2014 et 2015 ?

Non, la SCI Seine Choisy ne peut pas réclamer des arriérés de charges pour les années 2014 et 2015. Selon l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer.

Dans ce cas, la demande en paiement d’arriérés de charges a été formulée pour la première fois en juillet 2021, ce qui est postérieur à la période de prescription pour les années 2014 et 2015.

De plus, la SCI Seine Choisy n’a pas contesté la prescription pour ces années, ce qui rend sa demande irrecevable.

Ainsi, le tribunal a déclaré irrecevable la demande de la SCI Seine Choisy en paiement d’arriérés de charges pour ces années.

Quels sont les critères pour déterminer le montant de l’indemnité d’occupation ?

L’indemnité d’occupation est déterminée selon l’article L. 145-28 du Code de commerce, qui stipule que l’indemnité d’occupation doit être égale à la valeur locative déplafonnée de renouvellement.

Cela signifie que le montant doit être calculé en fonction de la valeur locative du bien au moment de l’occupation, sans tenir compte des plafonnements qui pourraient s’appliquer lors d’un renouvellement de bail.

Dans cette affaire, le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société Locaposte pour la période allant du 1er avril 2015 jusqu’à sa libération effective des lieux le 27 décembre 2019.

L’expert devra prendre en compte la nature des activités exercées dans les locaux et l’état des lieux pour déterminer le montant exact de l’indemnité d’occupation.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

18° chambre
1ère section

N° RG 19/01066
N° Portalis 352J-W-B7D-COZTR

N° MINUTE : 1

Assignation du :
21 Novembre 2018

contradictoire

Expertise :
[I] [U]
[Adresse 12]
[Localité 11]

JUGEMENT
rendu le 20 Janvier 2025

DEMANDERESSE

S.C.I. SEINE CHOISY
[Adresse 6]
[Localité 9]

représentée par Me Guillaume NORMAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0770

DÉFENDERESSE

S.A.S. LOCAPOSTE
[Adresse 4]
[Localité 10]

représentée par Maître Christophe DENIZOT de l’ASSOCIATION AARPI NICOLAS DENIZOT TRAUTMANN ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0119

Décision du 20 Janvier 2025
18° chambre 1ère section
N° RG 19/01066 – N° Portalis 352J-W-B7D-COZTR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier

Rédactrice : Diana SANTOS CHAVES

DEBATS

A l’audience du 08 Octobre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
Puis, le délibéré a été prorogé au 20 janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing-privé des 6 août 2004 et 19 octobre 2004, Mme [B] [V] née [C] et M. [H] [V] ont consenti un renouvellement de bail à la SA La Poste pour des locaux situés dans l’ensemble immobilier sis [Adresse 3] et [Adresse 5] à [Localité 16], pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter du 1er juillet 2004 pour se terminer le 1er juillet 2013, moyennant un loyer annuel en principal de 36.000 euros hors charges et hors taxes.

L’occupation de ces locaux à usage de bureau de poste était effective depuis 1932.

Aux termes d’un avenant de cession de bail du 1er décembre 2007, la SAS Locaposte est venue aux droits de la société La Poste dans le bail du 19 octobre 2004 et le loyer a été porté à la somme de 41.693,56 euros HC et HT pour la durée du bail restant à courir jusqu’au 1er juillet 2013.

Le bail s’est poursuivi par tacite prolongation.

Selon acte notarié du 27 juin 2014, la SCI Seine Choisy est devenue propriétaire des locaux loués.

Par lettre recommandée en date du 10 juillet 2014, la SCI Seine Choisy a interrogé la société Locaposte sur la possibilité de renouvellement du bail avec « mise à jour de la valeur locative » et sollicité le justificatif de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, précisant qu’à défaut, elle mettrait fin au bail sans indemnité d’éviction.

Par acte extrajudiciaire du 18 septembre 2014, la SCI Seine Choisy a fait délivrer à la société Locaposte un congé avec refus de renouvellement, sans paiement d’une indemnité d’éviction, pour le 31 mars 2015, au motif de l’absence de justification de l’immatriculation de la société preneuse au registre du commerce et des sociétés pour le local considéré.

La société Poste Immo, gestionnaire de la société Locaposte, par courrier recommandé non daté, a contesté le congé au motif que les parties avaient volontairement soumis le bail qui les liait au statut des baux commerciaux.

Par acte d’huissier du 15 janvier 2016, la société Locaposte a fait signifier à la bailleresse une demande de renouvellement du bail.

Par acte extrajudiciaire du 26 juin 2017, la SCI Seine Choisy a fait assigner la société Locaposte devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins principales d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation. Par ordonnance du 28 juillet 2017, le juge des référés a dit n’y avoir lieu à référé estimant qu’un débat existait sur la régularité du congé, débat qui relevait de la compétence du seul juge du fond. Par arrêt du 21 mars 2018, la cour d’appel de Paris a confirmé cette ordonnance estimant qu’il existait une contestation sérieuse sur la qualité d’occupant sans droit ni titre de la société Locaposte, que le juge des référés ne pouvait trancher.

Par courrier recommandé du 7 décembre 2017, la SCI Seine Choisy a mis la société Locaposte en demeure de payer la somme de 131.000 euros au titre d’arriérés de charges.

Par acte extrajudiciaire du 21 novembre 2018, la SCI Seine Choisy a fait assigner la société Locaposte devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins principales d’expulsion et de fixation d’une indemnité d’occupation.

La société Locaposte a quitté les locaux le 27 décembre 2019.

Une médiation judiciaire a été ordonnée par le juge de la mise en état le 19 janvier 2021 mais aucun accord n’a été trouvé.

La société Locaposte ayant quitté les locaux, la SCI Seine Choisy n’a pas maintenu sa demande d’expulsion devenue sans objet.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2023, la SCI Seine Choisy demande au tribunal de :
– Recevoir la SCI Seine Choisy représentée par son gérant en exercice en ses demandes et y faisant droit, débouter la société Locaposte de l’ensemble de ses demandes,
– Condamner la société Locaposte au paiement de la somme de 157.675,27 euros au titre de l’arriéré de charges, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2017, subsidiairement sur ce point dire que la même somme sera due au titre d’un enrichissement injustifié,
– Condamner la société Locaposte au paiement de la somme de 12.463 euros au titre des travaux de remise en état de l’immeuble,
– Subsidiairement, si par extraordinaire il devait y avoir lieu à fixation d’indemnité d’éviction :
fixer l’indemnité d’occupation à 145.800 euros par an, et consécutivement condamner la société Locaposte au paiement de la somme de 415.751,35 au titre de l’indemnité d’occupation due pour la période du 31 mars 2015 au 27 décembre 2019, En tout état de cause,
– Condamner la société Locaposte à verser à la SCI Seine Choisy la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022, la société Locaposte demande au tribunal de :
Sur les demandes relatives au congé
À titre principal :
– Juger que le bail commercial dont elle était titulaire relevait du statut des baux commerciaux résultant des articles L 145-1 et suivants du code de commerce,
– Juger que la SCI Seine Choisy n’était pas en droit de lui dénier le bénéfice de ce statut pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés,
– Juger qu’elle est mal fondée à lui réclamer le paiement d’une indemnité d’occupation supérieur au montant du loyer minoré de 20 %,
En conséquence :
– Débouter la SCI Seine Choisy de toutes ses demandes, fins et conclusions, la demande d’expulsion étant en outre sans objet, les locaux ayant été restitués le 27 décembre 2019,
A titre reconventionnel :
– La dire recevable et bien fondée à demander le paiement d’une indemnité d’éviction,
En conséquence :
– Condamner la SCI Seine Choisy à lui régler la somme totale de 976.898 euros à titre d’indemnité d’éviction, soit :
• Indemnité principale : 392.180 euros
• Frais de remploi : 39.218 euros
• Trouble commercial : 10.000 euros
• Frais divers : 3.000 euros
• Frais de réinstallation : 532.500 euros
Sur les demandes relatives aux charges et travaux
À titre principal :
– Juger irrecevable la SCI Seine Choisy en ses demandes en paiement de charges, travaux et remises en état à défaut de lien suffisant avec ses prétentions originaires et en toute hypothèse, faute de qualité à agir pour les sommes antérieures au 27 juin 2014, les demandes relatives aux charges et travaux 2014 et 2015 étant de plus prescrites,
– La juger mal fondée en sa demande en paiement de la somme de 157.675,27 euros avec intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 2017 au titre d’un prétendu arriéré de charges, ou subsidiairement, au titre d’un prétendu enrichissement sans cause,
En conséquence :
– Débouter la SCI SEINE CHOISY de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre reconventionnel :
– La condamner au paiement de la somme de 13.145,91 euros, subsidiairement de 5.509,07 euros en restitution des sommes trop versées par la société preneuse au titre des charges,
En toute hypothèse
– La condamner au paiement de la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Denizot en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des prétentions et des moyens, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus conformément à l’article 455 du code procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience collégiale du 8 octobre 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 16 janvier 2025, prorogée au 20 janvier 2025, par mise à disposition au greffe.

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MOTIFS DU JUGEMENT

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « constater », « donner acte », « dire et juger » ne constituent pas des prétentions si elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

Sur la demande en paiement d’une indemnité d’éviction de la société Locaposte

La SCI Seine Choisy expose :
– qu’en application des articles L. 145-9 et L. 145-60 du code de commerce, la société Locaposte disposait d’un délai de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé avait été donné pour assigner son bailleur en contestation du congé ou demander le paiement d’une indemnité d’éviction, soit jusqu’au 31 mars 2017 ; qu’en l’absence de saisine du tribunal dans ce délai, elle n’est plus en droit de contester le congé ni de solliciter le paiement d’une indemnité d’éviction,
– que la société Locaposte a quitté les locaux volontairement le 27 décembre 2019 de sorte qu’il y a eu une exécution de l’acte de congé faisant échec à l’imprescriptibilité de l’exception de nullité invoquée par la défenderesse et l’indemnité d’éviction ayant été demandée pour la première fois en octobre 2020 ;
– subsidiairement, que la société défenderesse a des arguments contradictoires puisqu’elle soutient à la fois que le congé délivré n’a pas vocation à s’appliquer et qu’il serait la cause de son départ ; que sa demande d’indemnité d’éviction tardive, le 15 octobre 2020, est une réponse à la demande en paiement de charges de la bailleresse ; que selon la jurisprudence, si le locataire a contesté en justice la validité du congé signifié par le bailleur puis a quitté volontairement les lieux en cours de procédure, le départ volontaire le prive de toute indemnité d’éviction ; qu’elle ne peut, sans se contredire, soutenir que le bail était renouvelé du fait de sa demande de renouvellement restée sans réponse du bailleur, et dire avoir obtempéré à une demande de congé antérieure qu’elle n’estime pas valable,
– que la société Locaposte a quitté volontairement les locaux loués en raison d’une politique générale de l’entreprise et non en raison du congé délivré,
– que l’article L. 145-14 du code de commerce prévoit l’indemnisation de la perte du fonds de commerce mais que la société Locaposte n’est titulaire d’aucun fonds de commerce puisqu’il s’agit d’un service public et qu’elle n’a pas perdu de clientèle puisqu’elle détient le monopole de la distribution du courrier,
– que les montants demandés au titre des indemnités accessoires sont arbitraires et non justifiés,
– que l’indemnité d’éviction, si elle était accordée, ne pourrait que correspondre à une indemnité de transfert, appréciée à la date où Locaposte a quitté les lieux, le 27 décembre 2019,
– que si une indemnité d’éviction devait être allouée, une indemnité d’occupation serait également due et calculée selon la valeur locative que la société Locaposte a estimé à 145.000 euros par an dans ses conclusions du 14 octobre 2020, soit 680.400 euros sur la période du 31 mars 2015 au 27 décembre 2019, dont il convient de déduire les 264.648,65 euros réglés à titre de loyers par Locaposte sur la période.

La société Locaposte soutient :
– que le congé délivré par la bailleresse était un congé lui déniant le droit au statut des baux commerciaux et non un refus de renouvellement, et qu’elle ne peut à la fois lui dénier ce statut et soutenir que la prescription biennale applicable au statut lui est opposable ; que le défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne constitue pas un motif grave au sens de l’article L. 145-17 du code de commerce mais un motif pour dénier le droit au statut des baux commerciaux ; que l’action en dénégation du bénéfice du statut des baux commerciaux est soumise à la prescription quinquennale de droit commun et non à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce,
– qu’à supposer que la prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce s’applique, l’exception ne prescrit pas, de sorte que la prescription biennale ne saurait lui être opposée dans la mesure où c’est la bailleresse qui a pris l’initiative des procédures et qu’elle agit par voie d’exception,
– que si la thèse de la bailleresse selon laquelle l’exception de nullité ne peut prospérer à l’encontre d’un acte qui a reçu exécution était retenue, le délai de prescription ne pourrait courir qu’à compter du jour où l’acte a reçu exécution, à savoir le 27 décembre 2019, date de son départ,
– qu’en application de l’article 2240 du code civil, la prescription aurait en tout état de cause été interrompue par la reconnaissance par la bailleresse du droit au statut des baux commerciaux de sa locataire, à travers un courrier électronique du 12 janvier 2016 concernant des régularisations de charges qu’elle estimait être en droit de demander, à travers son absence de réponse à la demande de renouvellement du bail, et à travers l’organisation d’une réunion reconnue dans ses écritures pour discuter des conditions d’un nouveau bail,
– que le motif du congé tiré du défaut d’immatriculation au registre du commerce est inopérant dès lors que les parties ont valablement convenu de soumettre le bail au statut des baux commerciaux,
– que la bailleresse ne peut invoquer de nouveaux motifs pour justifier le congé pour motif grave, tels que l’absence d’exploitation d’un fonds de commerce, seuls les motifs mentionnés dans l’acte extrajudiciaire pouvant être invoqués,
– que la restitution des locaux ne peut la priver de son droit à indemnité d’éviction dans la mesure où le congé a mis fin au bail mais que le motif invoqué pour lui dénier l’indemnité d’éviction est inopérant,
– que l’éviction va entrainer une perte de fonds de commerce dont le montant plancher est la valeur du droit au bail ; que la société preneuse est en droit de demander une indemnité d’éviction qui correspond à la valeur du droit au bail car en cas d’extension du statut des baux commerciaux, cela correspond à la perte subie ; que les montants qu’elle réclame tant au titre de l’indemnité principale que des indemnités accessoires correspondent aux montants alloués en matière d’éviction,
– que l’indemnité d’occupation demandée par la bailleresse doit être évaluée conformément à l’article L. 145-28 du code de commerce et que la bailleresse ne justifie pas les montants sollicités ; qu’il convient en outre d’appliquer un abattement pour précarité de 20% compte tenu de l’incertitude dans laquelle la locataire a été maintenue depuis le congé.

A titre liminaire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile, reprenant l’ancien article 753 aliéna 2 du même code, « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »

Selon l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir tel que notamment le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l’espèce, si la SCI Seine Choisy développe des moyens relatifs à la prescription de la contestation du congé du 18 septembre 2014 et de la demande d’indemnité d’éviction de la société Locaposte, force est de constater qu’aux termes du dispositif de ses dernières conclusions communiquées le 27 janvier 2023, elle ne formule aucune fin de non-recevoir à ce titre.

La demanderesse qui se contente de solliciter le débouter des demandes de la société Locaposte, sans soulever l’irrecevabilité de ces demandes, ni même viser l’article 122 du code de procédure civile, n’a saisi le tribunal d’aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Le tribunal qui ne peut se saisir d’office de la prescription, n’est pas valablement saisi de l’examen de la recevabilité de la demande d’indemnité et de la contestation du congé.

Sur la validité des motifs du congé

Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article L. 145-9 du code de commerce dispose que « Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l’effet d’une notification faite six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat.
S’agissant d’un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l’expiration de l’une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l’alinéa premier ci-dessus.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné. »

Il convient de rappeler que la nullité du congé prévue par l’art. L. 145-9 est une nullité relative qui ne peut être soulevée que par le preneur ; celui-ci peut soit renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction et en se maintenant dans les lieux dans l’attente de son paiement en application de l’art. L. 145-28, soit s’en prévaloir en optant pour la poursuite du bail (Civ. 3ème, 28 juin 2018, n° 17-18.756).

En l’espèce, par acte extrajudiciaire du 18 septembre 2014, la SCI Seine Choisy a donné congé à la société Locaposte pour le 31 mars 2015, avec refus de renouvellement et refus de paiement d’une indemnité d’éviction, exposant que « le demandeur s’oppose au renouvellement de votre bail sans paiement d’une indemnité d’éviction car vous ne remplissez plus les conditions prévues par l’article L. 145-1 du code de commerce pour bénéficier du statut de commerçant. Vous n’avez pas justifié de l’immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés de la SAS Locaposte sis [Adresse 3] ».

Il résulte des termes de cet acte que la bailleresse a entendu dénier à la société Locaposte le droit au statut des baux commerciaux pour défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour les locaux objets du bail.

Il ressort cependant du « bail commercial renouvelé » en date des 6 août 2004 et 19 octobre 2004, conclu entre les consorts [V] et La Poste, que « Toutefois les parties entendent soumettre désormais le présent bail à l’ensemble des dispositions du décret N° 53-960 du 30.09.1953 et conviennent que LA POSTE bénéficiera notamment du droit au renouvellement de son bail nonobstant son statut particulier résultant de la Loi du 02.07.1990 ».

Il ressort ensuite de l’avenant de cession de bail conclu entre les consorts [V] et la SAS Locaposte, le 31 octobre 2007, qu’aux termes de l’article 2 « Régime juridique », « Le Bailleur et le Preneur conviennent expressément de soumettre le Bail aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce ainsi qu’aux dispositions non codifiées du décret, n° 53-960 du 30 septembre 1953. Les parties conviennent en particulier que, le Preneur bénéficiera à l’égard du Bailleur du droit au renouvellement de son bail, nonobstant le fait qu’il ne remplisse pas l’ensemble des conditions légales et réglementaires pour en bénéficier, ce dont le Bailleur renonce à se prévaloir. A cet égard, les parties conviennent que l’indemnité d’éviction due au preneur le cas échéant, sera calculée en fonction des caractéristiques d’exploitation du ou des sous-locataire(s) et devra être d’un montant suffisant pour permettre au Preneur d’indemniser le ou les Sous-locataires du préjudice subi par ces derniers en raison du non renouvellement du Bail ».

Ainsi, les parties ont volontairement et expressément soumis le bail qui les liait au statut des baux commerciaux, nonobstant le fait que toutes les conditions pour en bénéficier puissent ne pas être réunies, l’extension du statut des baux commerciaux emportant droit au renouvellement au bénéfice du preneur. En décidant d’opposer à la société Locaposte le défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la SCI Seine Choisy, venue aux droits des bailleurs, est contrevenue aux stipulations claires du contrat de bail de 2004 et de son avenant de 2007, vidant de sa substance la soumission volontaire au statut légal des baux commerciaux.

La SCI Seine Choisy verse aux débats un courrier non daté adressé par la société Poste Immo, gestionnaire de Locaposte, en réponse au congé du 18 septembre 2004, aux termes duquel cette société indiquait « Ainsi en raison de l’adoption volontaire au statut des baux commerciaux par les parties, de l’activité exercée dans les locaux et de l’immatriculation de La Poste au [Adresse 3] à [Localité 16], LOCAPOSTE ne peut se voir dénier non seulement le droit au renouvellement de son bail mais encore moins l’absence d’indemnité d’éviction ».

Dès réception du congé, la société Locaposte a ainsi entendu rappeler à la bailleresse la soumission volontaire de leur relation contractuelle au statut des baux commerciaux, l’invalidité consécutive du motif invoqué dans le congé, et, son droit au renouvellement du bail ou, à défaut, son droit à indemnité d’éviction.

Il résulte de ces éléments que le motif du congé délivré le 18 septembre 2014, pour dénégation du droit au statut des baux commerciaux, n’est pas valable et que la société Locaposte, qui ne demande pas la nullité du congé litigieux, est en droit d’en contester les motifs et de faire valoir son droit à indemnité d’éviction.

Sur le droit à indemnité d’éviction et son montant

Aux termes des articles L. 145-14 et L. 145-28 du code de commerce, le refus de renouvellement signifié par le bailleur ouvre droit au profit du locataire évincé au paiement d’une indemnité d’éviction. Le locataire peut se maintenir dans les lieux jusqu’au paiement de celle-ci et est redevable d’une indemnité d’occupation dite statutaire le temps de son maintien dans les lieux, égale à la valeur locative déplafonnée de renouvellement. L’indemnité d’éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

En l’espèce, il convient de rappeler qu’au regard de la soumission volontaire au statut des baux commerciaux, la SCI Seine Choisy ne peut faire valoir l’absence de fonds de commerce au motif que la société Locaposte exploitait un service public dans les locaux pour dénier le droit à indemnité d’éviction de la défenderesse.

Le fait que la société Locaposte ait quitté les lieux le 27 décembre 2019, avant de former sa demande d’indemnité d’éviction en justice, est indifférent, la locataire ayant contesté les motifs du congé dans le courrier adressé par son gestionnaire à la bailleresse ainsi que dans le cadre de la procédure de référé introduite par assignation du 26 juin 2017, puis dans le cadre de l’instance au fond introduite par assignation du 21 novembre 2018.

La bailleresse ne pouvant se prévaloir des exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du code de commerce, par l’effet du refus de renouvellement signifié par la SCI Seine Choisy à la société Locaposte le 18 septembre 2014, le bail commercial a pris fin le 31 mars 2015 à 24h00 et a ouvert droit au profit de la société Locaposte au paiement de l’indemnité d’éviction prévue à l’article L. 145-14 du code de commerce et à son maintien dans les lieux jusqu’au paiement de cette indemnité.

Il a également ouvert droit au profit de la SCI Seine Choisy au paiement d’une indemnité d’occupation statutaire prévue à l’article L. 145-28 du même code, à compter du 1er avril 2015 et jusqu’au 27 décembre 2019, date à laquelle il est constant que la société Locaposte a quitté les lieux.

Pour chiffrer le montant de l’indemnité d’éviction due par la bailleresse à la locataire évincée, en l’absence d’éléments suffisants d’appréciation des conséquences de l’éviction, il y a lieu de recourir à une mesure d’expertise dans les termes du dispositif ci-après. Il en va de même pour l’indemnité d’occupation statutaire. Bien que la bailleresse soit à l’origine du congé, les frais d’expertise seront mis à la charge de la société Locaposte qui a le plus intérêt à la mesure.

Sur les demandes de la SCI Seine Choisy en paiement d’arriérés de charges

La SCI Seine Choisy sollicite le paiement de la somme de 157.675,27 euros au titre de l’arriéré de charges, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2017, aux motifs :
– que le paiement des charges est parfaitement en lien avec le litige et ses suites puisque la locataire a occupé les locaux jusqu’au 27 décembre 2019 sans s’acquitter des charges qu’elle devait,
– que la médiation intervenue du 19 janvier au 20 juin 2021 a interrompu le cours de la prescription,

– que le bail étant antérieur à la loi dite Pinel de 2014, il n’existait pas de réglementation spécifique en matière de charges locatives ; qu’en présence d’une clause ambiguë, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation ; que le bail litigieux n’est pas ambigu et pouvait faire référence aux « charges de copropriété » qui ne sont pas assimilables aux « charges locatives » et comprennent les charges exorbitantes de droit commun définies à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965,
– qu’en dépit des stipulations contractuelles, la société Locaposte ne réglait qu’un montant de 1.800 euros par trimestre au bailleur ; qu’elle n’a pas déféré à la mise en demeure de payer l’arriéré de charges adressée le 17 décembre 2017 ; que l’arriéré s’élève à 167.971,89 euros de 2014 à 2019 et que seule l’année 2014 est prescrite, ramenant l’arriéré à 157.675,27,
– qu’elle communique les justificatifs afférents à ces charges,
– qu’à titre subsidiaire, la même demande en paiement est formée sur le fondement de l’enrichissement sans cause prévue à l’article 1303 du code civil puisque le preneur a tiré profit de travaux réalisés à la charge du bailleur.

La société Locaposte fait valoir :
– que la demande en paiement de charges est irrecevable en l’absence de lien suffisant avec les prétentions originaires en application de l’article 70 du code de procédure civile,
– que la bailleresse n’a pas qualité à agir pour réclamer les charges antérieures à la date d’acquisition des locaux le 27 juin 2014,
– que la demande en recouvrement de charges résultant des conclusions du 28 juillet 2021, la bailleresse n’est pas recevable pour réclamer les charges antérieures au 28 juillet 2016 en application de la prescription de l’article 2224 du code civil ; que la médiation n’a pas pu interrompre la prescription dès lors que la demande en paiement des charges n’avait pas encore été formulée avant la médiation,
– que les demandes en paiement sont infondées compte tenu de l’imprécision de la clause du bail qui ne peut conduire à refacturer toutes les sommes appelées par le syndic, en particulier les charges exorbitantes de droit commun,
– qu’il convient d’examiner les pièces versées par la bailleresse et les montants réclamés par année au regard des justificatifs ; qu’elle ne serait redevable que de la somme de 1.284,09 euros, subsidiairement 1.690,93 euros ; que les années 2014 et 2015 étant prescrites, à tout le moins 2014, la bailleresse est tenue de restituer les provisions versées au titre de ces années ; qu’après compensation, la bailleresse devra lui verser 13.145,91 euros, subsidiairement 5.509,07 euros en remboursement des sommes trop versées au titre des charges,
– à titre subsidiaire, que l’article 1303 du code civil n’est pas applicable au contrat de bail conclu antérieurement au 1er octobre 2016 et qu’il n’est pas démontré qu’elle se serait enrichie en n’assumant pas la charge de travaux qui incombent au bailleur, quand bien même elle en aurait « profité » ; que les travaux valorisent le patrimoine du bailleur et non celui du locataire ; que les sommes réclamées incluent non seulement des travaux mais aussi des frais, taxes, honoraires de syndic, qui n’incombent pas au locataire ; qu’un enrichissement ne peut être injustifié lorsqu’il résulte de l’application d’un contrat.

Sur la recevabilité de la demande en paiement de charges

Aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout.

Selon l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir tel que notamment le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l’exercer.

L’article 2241 du même code prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

En l’espèce, l’instance introduite par la SCI Seine Choisy avait pour objet l’expulsion de la société Locaposte considérée comme occupante sans droit ni titre et sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

La demande additionnelle relative au paiement d’arriérés de charges sur la période de 2014 à la restitution des locaux en 2019, se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant en ce qu’elle vise à apurer les comptes entre les parties à l’issue de l’occupation des locaux par la défenderesse. Elle est donc recevable.

Sur la prescription des demandes, la SCI Seine Choisy ne forme plus de demande relative aux arriérés de charges pour l’année 2014, de sorte que la fin de non-recevoir au titre de cette période est devenue sans objet.

La demanderesse ne conteste pas que sa demande en paiement d’arriérés de charges a été faite pour la première fois aux termes de ses conclusions notifiées le 28 juillet 2021. En application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, la SCI Seine Choisy n’est donc pas recevable à réclamer des arriérés de charges pour les années 2014 et 2015.

La médiation qui s’est tenue du 19 janvier au 20 juin 2021 ne peut avoir interrompu la prescription de la demande en paiement de charges qui n’avaient pas encore été faite à la date de la médiation.

En conséquence, la SCI Seine Choisy sera déclarée irrecevable en ses demandes en paiement de charges relatives aux années 2014 et 2015.

Sur le bien fondé de la demande en paiement d’arriérés de charges

A titre liminaire, il convient de relever que la demande en paiement d’arriérés de charges porte sur la période postérieure à l’effet du congé délivré par la SCI Seine Choisy, de sorte que le bail liant les parties avait pris fin, mais que le droit au maintien dans les lieux de la société Locaposte s’opère aux clauses et conditions du bail échu.

Eu égard à la date de signature du bail, il convient de rappeler qu’il n’est pas soumis aux dispositions du code de commerce issues de la loi dite Pinel du 18 juin 2014, qui notamment obligent désormais à préciser exhaustivement l’ensemble des charges récupérables sur le preneur.

A défaut d’une telle obligation, l’imprécision de la clause s’interprète en faveur du débiteur de l’obligation, soit en l’espèce, le locataire.

En l’espèce, il résulte de l’article « Loyer et charges » du contrat de bail des 6 août et 19 octobre 2004, que « les charges seront réglées trimestriellement à réception de la demande provisionnelle du syndic de l’immeuble avec apurement annuel également à réception du décompte définitif du syndic ».

Selon l’article « Conditions générales de jouissance » du même contrat, « 10°) Il [Le preneur] devra satisfaire à toutes les charges de copropriété ».

L’avenant de cession de bail du 31 octobre 2007 n’a pas modifié ces stipulations.

Il résulte de ces stipulations que les charges imputables au locataire sont les charges de copropriétés, lesquelles sont définies de façon non exhaustive à l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, et doivent s’entendre de toutes les charges imputables au copropriétaire selon la répartition prévue dans le règlement de copropriété, le bail ne faisant pas référence aux seules charges récupérables. Il s’ensuit que les divers travaux réalisés au sein de la copropriété pour la conservation, l’entretien et l’administration des parties communes peuvent être imputés au locataire en vertu de la clause du bail, sans que puissent être exclus notamment les travaux de mise aux normes, les bilans thermiques, les travaux de ravalement. De même, au regard de la mise à la charge du preneur de toutes les charges de copropriété, les honoraires du syndic, les frais de fonctionnement de l’assemblée générale, l’assurance multirisque de l’immeuble ne sauraient être exclus des charges.

Il convient cependant de relever que la référence aux « charges de copropriété » ne peut s’analyser comme incluant les taxes et impôts, lesquels ne sont pas expressément visés dans le contrat.

La SCI Seine Choisy verse aux débats les comptes de copropriété approuvés par l’assemblée générale des copropriétaires, le relevé général des dépenses établi par le syndic de copropriété, les comptes de copropriété spécifiques aux travaux et charges exceptionnelles ainsi que le relevé de ces travaux et charges établi par le syndic.

Il ressort du relevé général des dépenses que ces dépenses incluent diverses taxes (taxe de balayage, taxes foncières, taxe d’ordures ménagères), lesquelles ne sont pas visées dans le bail et ne doivent, en conséquence, pas être imputées au locataire. Pour le reste, les contestations de la société Locaposte relative à l’imputation notamment des frais et honoraires du syndic, des frais de la loge, de l’assurance de l’immeuble, ainsi que la contestation des travaux de l’immeuble, ne sont pas justifiées au regard du bail, les charges de copropriété imputables au locataire ne pouvant se limiter aux « charges récupérables » comme le soutient la défenderesse.

Au regard des pièces versées aux débats, le tribunal retiendra à la charge de la société Locaposte les sommes dont il est justifié dans les comptes de copropriété, après déduction des taxes qui ne sont pas visées dans les stipulations contractuelles, en faisant application de la quote-part applicable au local litigieux, soit les 929/10.000ème.

Le tribunal retiendra ainsi :

Pour l’année 2016 :Au titre des charges communes :
(143.409,01 – 4.255 – 343 – 141) x 929/10.000 = 12.882,44 euros
Au titre des travaux et charges exceptionnelles :
6.216 x 929/10.000 = 577,46 euros
Soit un total pour l’année 2016 de 13.459,90 euros.

Pour l’année 2017 :Au titre des charges communes :
(141.155,01 – 4.255 – 345 – 142) x 929/10.000 = 12.672,77 euros
Au titre des travaux et charges exceptionnelles :
33.294,85 x 929/10.000 = 3.093 euros
Soit un total pour l’année 2017 de 15.765,86 euros.

Pour l’année 2018 :Au titre des charges communes :
(152.682,42 – 4.255 – 349 – 143) x 929/10.000 = 13.743,20 euros
Au titre des travaux et charges exceptionnelles (incluant un ravalement) :
942.172,49 x 929/10.000 = 87.527,82 euros
Soit un total pour l’année 2018 de 101.271 euros.

Pour l’année 2019 :Au titre des charges communes :
(164.446,03 – 4.075,61 – 356 – 146) x 929/10.000 = 14.851,77 euros
Au titre des travaux et charges exceptionnelles : néant
Soit un total pour l’année 2019 de 14.851,77 euros.

Au regard de ces éléments, la SCI Seine Choisy justifie de charges imputables à la société Locaposte pour la période du 28 juillet 2016 à fin 2019 à hauteur de : 145.348,53 euros.

Les parties s’accordent sur le versement de provisions sur charges à hauteur de 7.200 euros par an qu’il convient, en conséquence, de déduire des sommes dues, soit :
145.348,53 – (7.200 x 4) = 116.548,53 euros

La société Locaposte soutient que la SCI Seine Choisy serait tenue de lui rembourser les provisions versées au titre des années 2014 et 2015 sans que la bailleresse ne puisse lui opposer la prescription au motif que cette demande est formulée en réponse aux demandes adverses, de sorte qu’elle n’agit pas par voie d’action mais par voie d’exception, l’exception ne prescrivant pas.

La SCI Seine Choisy a produit les justificatifs de charges pour les années 2014 et 2015 de sorte que la demande de restitution des provisions de la société Locaposte n’est pas justifiée.

En conséquence, la société Locaposte sera condamnée à payer à la SCI Seine Choisy la somme de 116.548,53 euros au titre des régularisations de charges pour les années 2016 à 2019.

Sur la demande de la SCI Seine Choisy en paiement de travaux de remise en état

La SCI Seine Choisy fait valoir que le syndic de l’immeuble l’a informée du départ de sa locataire et de dégradations survenues sur la façade de l’immeuble ; qu’un état des lieux contradictoire a été réalisé le 18 décembre 2019 aux termes duquel des travaux devaient être réalisés sur la façade ; que des travaux ont été réalisés sur les parties communes et les sous-sol pour intervenir sur des désordres structurels susceptibles d’évoluer mais que des travaux doivent encore être réalisés sur la façade de l’immeuble.

La société Locaposte soutient que la demanderesse produit uniquement un devis pour des travaux mineurs à hauteur de 12.463 euros dont il n’est pas justifié que ces travaux seraient nécessaires à la suite de son départ, étant précisé qu’un simple devis est insuffisant, seule une facture pouvant justifier la réalité des dépenses.

Aux termes de l’article 1134 devenu 1103 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon les articles 1731 et 1732 du code civil, s’il n’a pas été fait d’état des lieux, le preneur est présumé avoir reçu les locaux en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire. Il répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute.

En l’espèce, le bail stipul

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Dit que le motif exposé par la SCI Seine Choisy dans le congé délivré le 18 septembre 2014 à la SAS Locaposte, pour les locaux objet du bail des 6 août et 19 octobre 2004, est irrégulier,

Dit que le congé avec refus de renouvellement du bail signifié le 18 septembre 2014 a ouvert droit au profit de la SAS Locaposte au paiement d’une indemnité d’éviction prévue à l’article L. 145-14 du code de commerce et au maintien dans les lieux jusqu’au versement de cette indemnité, et au profit de la SCI Seine Choisy, au paiement d’une indemnité d’occupation due à compter du 1er avril 2015 jusqu’au 27 décembre 2019, date de restitution des locaux situés [Adresse 3] et [Adresse 5] à [Localité 16],

Avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation, ordonne une mesure d’expertise judiciaire et commet en qualité d’expert :

M. [I] [U]
[Adresse 12]
[Localité 11]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 13]

avec mission, les parties ayant été convoquées et dans le respect du principe du contradictoire:
* de se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
* visiter les lieux, les décrire, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire,
* rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, tous éléments permettant :
1°) de déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas :
– d’une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial,

– de la possibilité d’un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert, comprenant : acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial,
2°) d’apprécier si l’éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert,
3°) de déterminer le montant de l’indemnité due par le locataire pour l’occupation des lieux, objet du bail depuis le 1er avril 2015 jusqu’à leur libération effective le 27 décembre 2019,
* à titre de renseignement, dire si, à son avis, le loyer aurait été ou non plafonné en cas de renouvellement du bail et préciser, en ce cas, le montant du loyer calculé en fonction des indices qui aurait été applicables à la date d’effet du congé,

Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la 18ème Chambre – 1ère section du tribunal judiciaire de Paris avant le 31 mars 2026,

Fixe à la somme de 6.000 (six mille) euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, somme qui devra être consignée par la SAS Locaposte à la régie du tribunal judiciaire de Paris (Paris 17ème, Parvis du tribunal, atrium sud, 1er étage à droite) au plus tard le 31 mai 2025,

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet,

Dit que le juge de la mise en état conservera le contrôle de cette expertise,

Déclare irrecevable la demande de la SCI Seine Choisy en paiement d’arriérés de charges pour les années 2014 et 2015,

Condamne la SAS Locaposte à payer à la SCI Seine Choisy la somme de 116.548,53 euros au titre des arriérés de charges pour les années 2016 à 2019, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

Déboute la SAS Locaposte de sa demande de remboursement au titre des charges,

Déboute la SCI Seine Choisy de sa demande en paiement au titre des travaux de remise en état,

Vu l’article 131-4 du code de procédure civile

Donne injonction aux parties de rencontrer un médiateur, en la personne de :
M. [O] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 8]
[XXXXXXXX02]
[Courriel 15]@orange.fr

Dit que le médiateur aura pour mission :
* d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,
* de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure,

Dit qu’à l’issue de ce premier rendez-vous d’information, dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation, ou à défaut de réponse d’au moins l’une des parties dans le délai fixé par le médiateur, ce dernier en avisera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises ; le médiateur cessera alors ses opérations, sans défraiement, et l’expert suivra le cours de sa mission,

Dit que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation :
* le médiateur pourra commencer immédiatement les opérations de médiation,
* le médiateur en informera l’expert, et le cours de l’expertise demeurera suspendu, sauf si des investigations complémentaires sont nécessaires à la solution du litige,

Dit qu’au terme de la médiation, le médiateur informera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues,

Dit que si les parties ne sont pas parvenues à un accord, les opérations d’expertise pourront avoir lieu,

Dit que les parties devront avoir rencontré le médiateur avant le 30 avril 2025,

Renvoi l’affaire à l’audience de mise en état du 22 mai 2025 à 11h30 pour information du juge de la mise en état des suites de l’injonction à médiation et éventuelle désignation d’un médiateur judiciaire,

Rappelle que sauf convocation spécifique à l’initiative du juge de la mise en état ou d’entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d’entretien avec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l’audience à 12h00 en précisant leur objet, l’entretien se tenant alors le jour de l’audience susvisée à 11h00,

Réserve les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Fait et jugé à Paris le 20 Janvier 2025.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME

SERVICE DE LA RÉGIE
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