Renouvellement de bail commercial : enjeux de l’accord sur le loyer et exercice du droit d’option

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Renouvellement de bail commercial : enjeux de l’accord sur le loyer et exercice du droit d’option

L’Essentiel : Lors de l’audience du 1er octobre 2024, présidée par Monsieur Jean-Christophe DUTON, le tribunal a examiné le litige entre la SCI PARDES PATRIMOINE et la SARL SOGI 20 concernant le renouvellement d’un bail commercial. La SCI PARDES PATRIMOINE contestait la renonciation de la SARL SOGI 20, arguant qu’elle était tardive. Cependant, le tribunal a jugé que la demande de renouvellement avait été faite régulièrement et que l’accord ne stipulait pas le montant du loyer. En conséquence, le tribunal a constaté le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2020 et a rejeté les demandes de paiement des loyers.

DÉBATS

L’audience du 1er octobre 2024 a été présidée par Monsieur Jean-Christophe DUTON, juge rapporteur. Les avocats des parties n’ont pas opposé d’objection, et le juge a rendu compte au Tribunal conformément à l’article 805 du Code de Procédure Civile. Les avocats ont été informés que la décision serait mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.

JUGEMENT

Le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe, en premier ressort et de manière contradictoire. La SCI PORTE DE VINCENNES a donné à bail commercial à la SARL SOGI 20 des locaux pour une durée de neuf ans, à compter du 1er juillet 2008. En 2014, la SCI PORTE DE VINCENNES a cédé la propriété des locaux à la SCI PARDES PATRIMOINE. En juin 2020, la SARL SOGI 20 a demandé le renouvellement du bail, qui a été accepté par la SCI PARDES PATRIMOINE en septembre 2020. Cependant, la SARL SOGI 20 a ensuite notifié sa renonciation au renouvellement, ce que la SCI PARDES PATRIMOINE a contesté.

PROCÉDURE JUDICIAIRE

La SCI PARDES PATRIMOINE a assigné la SARL SOGI 20 devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’accord sur le renouvellement du bail et demander le paiement des loyers dus. La SARL SOGI 20 a, de son côté, contesté les demandes de la SCI PARDES PATRIMOINE, arguant que le droit d’option avait été exercé correctement et que le bail n’avait pas été renouvelé.

ARGUMENTS DES PARTIES

La SCI PARDES PATRIMOINE a soutenu que la renonciation de la SARL SOGI 20 au renouvellement était tardive et que l’accord sur le renouvellement incluait le prix du loyer. En revanche, la SARL SOGI 20 a affirmé que le renouvellement pouvait être demandé sans préciser le montant du loyer et que son droit d’option avait été exercé dans les délais. Elle a également contesté la bonne foi du bailleur dans l’acceptation de la demande de renouvellement.

MOTIVATION DU TRIBUNAL

Le tribunal a constaté que la demande de renouvellement du bail avait été faite régulièrement et que l’acceptation du bailleur ne constituait pas une violation de la bonne foi. Il a également déterminé que l’accord sur le renouvellement ne comprenait pas le prix du loyer. En ce qui concerne l’exercice du droit d’option, le tribunal a jugé qu’il avait été exercé valablement, entraînant l’extinction rétroactive du bail renouvelé.

CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Le tribunal a constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2020 et a rejeté les demandes de paiement des loyers et charges de la SCI PARDES PATRIMOINE. Il a également noté l’absence de demande indemnitaire pour la période d’occupation entre juillet et septembre 2020. La SCI PARDES PATRIMOINE a été condamnée aux dépens et à verser une somme à la SARL SOGI 20 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le principe du renouvellement du bail commercial selon le Code de commerce ?

Le principe du renouvellement du bail commercial est régi par l’article L.145-10 du Code de commerce. Cet article stipule que :

« À défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation. »

La demande de renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il est également précisé que, sauf stipulations ou notifications contraires, la demande peut être adressée à la personne du gérant, réputé avoir qualité pour la recevoir.

Si le bailleur ne répond pas dans les trois mois suivant la notification de la demande, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

Ainsi, la SARL SOGI 20 a sollicité le renouvellement de son bail en respectant ces dispositions, ce qui a été accepté par la SCI PARDES PATRIMOINE.

Quelles sont les conséquences de l’exercice du droit d’option selon le Code de commerce ?

L’article L.145-57 du Code de commerce précise les modalités d’exercice du droit d’option. Il stipule que :

« Dans le délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci. »

Il est important de noter que le droit d’option ne peut être exercé qu’à défaut d’accord des parties sur le prix du bail renouvelé.

Dans le cas présent, la SARL SOGI 20 a notifié l’exercice de son droit d’option le 3 septembre 2020, après que la SCI PARDES PATRIMOINE ait accepté le principe du renouvellement.

L’absence d’accord sur le prix à ce moment-là a permis à la SARL SOGI 20 d’exercer son droit d’option, ce qui a conduit à l’extinction rétroactive du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020.

Comment le tribunal a-t-il interprété l’accord entre les parties concernant le renouvellement du bail ?

Le tribunal a examiné l’accord entre les parties à la lumière de l’article 1113 du Code civil, qui stipule que :

« Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. »

Dans cette affaire, la demande de renouvellement formulée par la SARL SOGI 20 ne précisait pas le montant du loyer, se contentant d’indiquer « aux mêmes clauses et conditions ».

L’acceptation de la SCI PARDES PATRIMOINE mentionnait quant à elle un accord sur le prix du loyer.

Le tribunal a conclu que l’absence de référence explicite au prix dans la demande de renouvellement excluait la possibilité d’un accord sur ce point.

Ainsi, l’accord entre les parties se limitait au principe du renouvellement du bail, sans inclure le prix du loyer, ce qui a été déterminant dans la décision finale.

Quelles sont les obligations du preneur en matière de paiement des loyers selon le Code civil ?

Les obligations du preneur en matière de paiement des loyers sont définies par les articles 1134 et 1728 du Code civil. Ces articles stipulent que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »

« Le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, et de payer le prix du bail aux termes convenus. »

Dans cette affaire, la SCI PARDES PATRIMOINE a demandé le paiement des loyers et charges à compter du 1er juillet 2020.

Cependant, le tribunal a constaté qu’en l’absence de bail renouvelé, les demandes en paiement ne pouvaient prospérer.

Ainsi, les obligations de paiement du preneur ne s’appliquaient pas, ce qui a conduit à un rejet des demandes de la SCI PARDES PATRIMOINE.

Quelles sont les conséquences des dépens et des frais de justice selon le Code de procédure civile ?

Les conséquences des dépens et des frais de justice sont régies par l’article 696 du Code de procédure civile, qui prévoit que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. »

De plus, l’article 700 du même code stipule que :

« La partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la SCI PARDES PATRIMOINE ayant succombé dans ses demandes, elle a été condamnée aux entiers dépens.

Elle a également été condamnée à verser à la SARL SOGI 20 une somme de 3.500 euros au titre de l’article 700, pour compenser les frais engagés dans le cadre du procès.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 21/09780
N° Portalis 352J-W-B7F-CU47M

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
02 Juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 07 Janvier 2025

DEMANDERESSE

S.C.I. PARDES PATRIMOINE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Odile COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0051

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. SOGI 20
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0497

Décision du 07 Janvier 2025
18° chambre 1ère section
N° RG 21/09780 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU47M

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 1er Octobre 2024, tenue en audience publique devant Monsieur Jean-Christophe DUTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que le décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte notarié du 14 mai 2008, la SCI PORTE DE VINCENNES a donné à bail commercial à la SARL SOGI 20, des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], pour une durée de neuf ans, à compter du 1er juillet 2008 avec échéance au 30 juin 2016, moyennant un loyer annuel de 114.000 euros hors taxes, hors charges.

La destination est la suivante : tout commerce d’alimentation générale et d’épicerie.

Par acte notarié du 31 mars 2014, la SCI PORTE DE VINCENNES a cédé à la SCI PARDES PATRIMOINE la propriété foncière des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 6].

Par acte extrajudiciaire du 9 juin 2020, la SARL SOGI 20 a sollicité auprès de la SCI PARDES PATRIMOINE le renouvellement du bail commercial, à compter du 1er juillet 2020.

Par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SCI PARDES PATRIMOINE a accepté la demande de renouvellement.

Par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SARL SOGI 20 a notifié à la SCI PARDES PATRIMOINE l’exercice de son droit d’option sur le fondement de l’article L.145-57 du code de commerce en  » renonçant purement et simplement  » au renouvellement du bail, et en indiquant qu’elle quitterait définitivement les locaux à la date du 30 septembre 2020.

Par acte extrajudiciaire du 15 septembre 2020, la SCI PARDES a élevé une protestation à la renonciation au renouvellement de bail et à l’exercice du droit d’option du preneur, estimant que la  » renonciation est tardive et ne peut produire d’effet « .

Par procès-verbal de constat du 30 septembre 2020, il a été dressé un état des lieux de sorties de la SARL SOGI 20, lors de la remise des clefs.

Par exploit d’huissier du 2 juillet 2021, la SCI PARDES PATRIMOINE a fait assigner la SARL SOGI 20 devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
– constater l’accord des parties sur les conditions du renouvellement du bail et sur le prix du loyer à compter du 1er juillet 2020 ;
– dire que le droit d’option de la SARL SOGI 20 est tardif car postérieure à l’acceptation du renouvellement de bail par le bailleur sur les conditions du bail et sur le prix du loyer ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges à compter du 1er juillet 2020 ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges échus et s’élevant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 à la somme de 71.897, 29 euros, sauf à parfaire ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par courrier recommandé notifié le 5 octobre 2022, la SARL SOGI 20 a fait délivrer au bailleur un congé au 30 juin 2023 (correspondant à la fin de la période triennale), dans l’hypothèse où le bail aurait été renouvelé au 1er juillet 2020.

Par conclusions notifiées le 11 avril 2023 la SCI PARDES PATRIMOINE demande au tribunal judiciaire de Paris de :

– débouter la SARL SOGI 20 de l’ensemble de ses demandes ;
– constater l’accord des parties sur les conditions du renouvellement du bail et sur le prix du loyer, à compter du 1er juillet 2020 ;
– constater que le droit d’option de la SARL SOGI 20 est tardif car postérieur à l’acceptation du renouvellement de bail par le bailleur sur les conditions du bail et sur le prix du loyer ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges, à compter du 1er juillet 2020 au prix du loyer du bail expiré ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement des loyers et charges jusqu’à la fin de la période triennale, soit jusqu’au 30 juin 2023, soit la somme de 302.515,70 euros ;
– condamner la SARL SOGI 20 au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– ordonner l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, la SCI PARDES PATRIMOINE énonce:
– que l’option peut être exercée tant qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer ; que lorsque les parties sont convenues de la chose et du prix, l’exercice du droit d’option n’est plus possible; qu’il a été jugé par la Cour de cassation que lorsque les parties ont toutes deux exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat  » aux mêmes clauses et conditions antérieures « , sans mention d’aucune réserve, elles avaient conclu un accord exprès sur les conditions et clauses du bail (Cass civ.3 15 avril 2021) ; que le renouvellement du bail est donc irrévocable ; qu’en l’espèce, la SARL SOGI 20 a sollicité le renouvellement du bail aux mêmes conditions que le

bail échu, conformément à l’article L.145-10 du code de commerce ; qu’elle a, en sa qualité de bailleur, accepté le renouvellement du bail, en faisant explicitement mention d’un accord sur le prix dans son acte de réponse, en ces termes :  » Par le présent acte la requérante consent au principe du renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions du bail expiré en ce accord sur le prix du loyer  » ;
– que s’agissant de sa bonne foi, elle doit être présumée ; que les courriers de résiliation de fournisseur produits par le preneur, ou de changement d’employeur du responsable de magasin dont elle n’a pas été informée ne lui sont pas opposables ; que le fait de faire délivrer l’acceptation de renouvellement dans le cadre de l’urgence ne préjuge en rien d’une prétendue mauvaise foi, mais démontre sa volonté de répondre explicitement, avant l’expiration du délai de trois mois ; qu’elle n’a jamais eu connaissance de la volonté du preneur de quitter les lieux ;
– que le droit d’option ne peut être exercé en l’espèce, puisqu’il doit intervenir entre le moment où les parties tombent d’accord sur le principe de renouvellement et celui auquel elles s’accordent sur le montant de loyer du nouveau bail ;
– que la force obligatoire du contrat impose donc au preneur de payer les loyers jusqu’au 30 juin 2023, date de fin de la première période triennale ; que le préjudice est certain et important, les locaux étant demeurés vides.

Par conclusions notifiées le 4 mai 2023, la SARL SOGI 20 demande au tribunal judiciaire de Paris de :

A titre principal,
– débouter la SCI PARDES PATRIMOINE de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,
– limiter la réparation du préjudice jusqu’à la date à laquelle la SCI PARDES PATRIMOINE aurait dû relouer le local, soit la somme de 22.500 euros, correspondant à trois mois de loyers ;

– constater que le montant réclamé par la SCI PARDES PATRIMOINE ne peut, en tout état de cause, excéder les loyers qui seraient dus jusqu’au 30 juin 2023, date de la première période triennale, compte tenu du congé qui a été adressé le 3 octobre 2022;

– écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

En tout état de cause,
– condamner la SCI PARDES PATRIMOINE à lui payer la somme 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SCI PARDES PATRIMOINE en tous les dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SARL SOGI 20 énonce :
– qu’il est constant qu’en matière de bail commercial, le principe du renouvellement du bail peut être acquis sans que les parties aient pu trouver un accord sur le prix qui peut être négocié ou fixé ultérieurement ; que la mention  » aux mêmes clauses et conditions » insérée dans une demande de renouvellement du bail, si elle peut traduire la volonté de renouveler le bail, ne saurait suffire à caractériser un engagement précis, complet et ferme du locataire sur le montant du loyer du bail à renouveler, sans mention explicite du prix du loyer ; qu’en outre, le bail antérieur contenait une clause qui écartait la fixation du loyer sur le fondement des dispositions statutaires, et exigeait un formalisme par acte notarié ; qu’en l’absence de détermination des paramètres du prix et d’un tel formalisme, aucun accord n’a pu avoir lieu ;

– que le droit d’option peut être exercé tant qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le montant du loyer; qu’il peut être exercé avant même l’introduction d’une procédure en fixation du loyer ; qu’en l’espèce, l’exercice du droit d’option a été régulier ;
– que l’acceptation du bailleur du renouvellement, le même jour que l’exercice du droit d’option, a été réalisée en violation de l’obligation de bonne foi en ce qu’il a tenté de faire obstacle à l’exercice du droit d’option ; que la facturation d’émolument d’urgence alors que cette délivrance ne nécessitait aucune urgence, en témoigne, étant précisé que l’absence de réponse vaut en la matière acceptation implicite;
– que la jurisprudence mentionnée par le bailleur concerne une demande de renouvellement adressée par le preneur au même loyer ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ;
– que l’exercice du droit d’option ne répond à aucune exigence de forme ; qu’elle a en outre informé le bailleur verbalement de sa volonté de l’exercer bien avant sa formalisation ; qu’en outre, cette volonté ressortait du fait qu’elle avait pris toutes dispositions utiles pour quitter les lieux (mutation du responsable du magasin ; personnel réaffecté sur d’autres sites, stock et matériel déplacés ; contrats essentiels à l’activité résiliés) ;
– que s’agissant du préjudice allégué par le bailleur, celui-ci ne peut s’enrichir au détriment du preneur ; qu’en effet, ayant récupéré le local, il lui est loisible de prendre toutes les mesures pour le remettre en location ; que celui-ci ne peut prétendre au paiement d’un loyer qui doit refléter la contrepartie d’une prestation.

La clôture a été prononcée le 11 mai 2023.
L’audience de plaidoirie s’est tenue le 1er octobre 2024.
La décision a été mise en délibéré au 7 janvier 2025.

MOTIVATION

Sur le principe du renouvellement

Aux termes de l’article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Selon l’article 2274 du code civil, la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver.

Il résulte de l’article L.145-10 du code de commerce que à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les six mois qui précèdent l’expiration du bail, soit, le cas échéant, à tout moment au cours de sa prolongation.

La demande en renouvellement doit être notifiée au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Sauf stipulations ou notifications contraires de la part de celui-ci, elle peut, aussi bien qu’à lui-même, lui être valablement adressée en la personne du gérant, lequel est réputé avoir qualité pour la recevoir. S’il y a plusieurs propriétaires, la demande adressée à l’un d’eux vaut, sauf stipulations ou notifications contraires, à l’égard de tous. Elle doit, à peine de nullité, reproduire les termes de l’alinéa ci-dessous.

Dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement, le bailleur doit, par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. A défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.

Il est constant que le preneur peut se borner à demander le renouvellement du bail sans préciser le montant du nouveau loyer envisagé qu’il reste libre, à ce stade, de proposer au bailleur, dès lors que la détermination exacte de son montant n’empêche pas que le nouveau loyer prenne ensuite effet, rétroactivement, à la date d’effet du renouvellement.
Il est également constant que la renonciation à agir en fixation judiciaire du loyer ne se présume pas, mais ne peut résulter que d’actes de son titulaire manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.

En l’espèce, par acte extrajudiciaire du 9 juin 2020, la SARL SOGI 20 a sollicité auprès de la SCI PARDES PATRIMOINE le renouvellement du bail commercial, à compter du 1er juillet 2020. La régularité de cette demande n’est contestée par aucune partie.

Par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SCI PARDES PATRIMOINE a accepté le la demande de renouvellement.

C’est vainement que la SARL SOGI 20 invoque la violation de l’obligation de bonne foi du bailleur dans l’acceptation de sa demande de renouvellement, sans démontrer en quoi l’acceptation d’une demande de renouvellement, renouvellement qu’elle a sollicité, caractérise une telle violation. L’allégation selon laquelle une telle acceptation interviendrait après des échanges verbaux tendant à démontrer sa volonté de renoncer au bail n’est corroborée par aucun écrit, et les mesures prises pour son départ des lieux n’ont aucunement été notifiées au bailleur.

En conséquence, il y a lieu de constater le principe du renouvellement du bail concernant les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], à compter du 1er juillet 2020.

Sur la portée de l’accord dans le cadre de la demande de renouvellement

Aux termes de l’article 1113 du code civil, le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur.

La demande de renouvellement du 9 juin 2020 est ainsi formulée :  » Que désirant se maintenir dans les lieux loués, la société requérante vient, par les présentes, solliciter le renouvellement du bail précité aux mêmes clauses et conditions à l’exception des modifications d’ordre public résultant de la Loi n°2014-426 du 18 juin 2014 et de ses décrets d’application pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter du 1er juillet 2020 en ce qui concerne les locaux susvisés « .

L’acceptation du 3 septembre 2020 est formulée en ces termes :  » que par le présent acte la requérante consent au principe du renouvellement du bail aux mêmes clauses et conditions du bail expiré en ce accord sur le prix du loyer « .

Il ressort de ce qui précède que si le preneur a sollicité le renouvellement du bail, aucune référence au prix du loyer n’est spécifiée dans sa demande. Le bailleur ne produit aucun échange, ni aucun élément de nature à démontrer le positionnement du preneur sur le prix, et l’inclusion du prix dans l’accord et le cas échéant, de sorte que la demande de renouvellement qui ne comporte aucun chiffrage, ni aucune référence explicite au loyer apparaît exclusive du prix du loyer.

C’est à tort que le bailleur soutient que les termes  » mêmes clauses et conditions  » inclut nécessairement le prix, alors qu’il est relevé en contradiction avec son raisonnement que dans son propre acte d’acceptation, il fait quant à lui référence spécifiquement au prix par la formule  » en ce accord sur le prix du loyer « , de sorte qu’il jugeait nécessairement équivoque la formule  » mêmes clauses et conditions  » sans référence au prix du loyer. Au surplus, la référence au prix du loyer côté bailleur n’emporte pas davantage la conviction sur le fait que les parties sont convenues d’un prix, en l’absence de tout chiffrage.

Il en résulte que la portée de l’accord dans le cadre de la demande de renouvellement se borne au principe du renouvellement du bail à l’exclusion du prix du loyer.

Sur l’exercice du droit d’option

Aux termes de l’alinéa 2 de l’article L.145-57 du code de commerce, dans le délai d’un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d’avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d’accord dans le mois de cet envoi, l’ordonnance ou l’arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail.

Il est constant que le droit d’ option ne peut être exercé qu’à défaut d’accord des parties sur le prix du bail renouvelé.

En l’espèce, par acte extrajudiciaire du 3 septembre 2020, la SARL SOGI 20 a notifié à la SCI PARDES PATRIMOINE l’exercice de son droit d’option sur le fondement de l’article L.145-57 du code de commerce.

Ainsi qu’il a été examiné, à défaut d’accord des parties constaté sur le prix du bail renouvelé, l’exercice du droit d’option pouvait intervenir à tout moment avant l’échéance d’un mois suivant la signification d’une décision définitive en fixation du loyer judiciaire. Aucune procédure en fixation judiciaire du loyer n’a été diligentée par les parties, de sorte que l’option doit être considérée comme ayant été exercée dans les délais.

La validité de l’option n’ayant fait l’objet d’une critique que sur le moyen unique tiré de l’existence d’un accord des parties sur les prix, le moyen ayant été rejeté, il convient de considérer l’exercice du droit d’option valide.

En conséquence de l’exercice du droit d’option, le bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020 s’est éteint rétroactivement à cette même date.

Sur les demandes en paiement

Selon les articles 1134 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus.

En l’espèce, en l’absence de bail renouvelé, les demandes en paiement de loyers et de charges du bailleur ne peuvent prospérer. Elles seront rejetées.

S’agissant de l’occupation des lieux entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020, date du départ effectif, il est constaté que le bailleur ne formule à titre subsidiaire aucune demande en indemnité statutaire.

Sur les autres demandes

L’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la SCI PARDES PATRIMOINE ayant succombé dans ses demandes sera condamnée aux entiers dépens.

L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès peut être condamnée à payer à l’autre partie au paiement d’une somme destinée à compenser les frais exposés pour le procès et non compris dans les dépens. Dans ce cadre, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique des parties.

En l’espèce, la SCI PARDES PATRIMOINE sera condamnée à payer à la SARL SOGI 20 la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré;

– Constate le principe du renouvellement du bail du 14 mai 2008 liant la SCI PARDES PATRIMOINE et la SARL SOGI 20 concernant les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 6], à compter du 1er juillet 2020;

– Constate que par l’exercice du droit d’option de la SARL SOGI 20 fondé sur l’article L.145-57 du code de commerce le bail renouvelé à compter du 1er juillet 2020 s’est éteint rétroactivement à cette même date ;

– Rejette la demande en paiement des loyers et des charges de la SCI PARDES PATRIMOINE pour la période postérieure au 1er juillet 2020 ;

– Constate l’absence de demande indemnitaire pour la période d’occupation entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020 ;

– Condamne la SCI PARDES PATRIMOINE aux entiers dépens;

– Condamne la SCI PARDES PATRIMOINE à payer à la SARL SOGI 20 la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Rejette le surplus des demandes ;

– Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 07 Janvier 2025.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


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