Rémunération variable et heures supplémentaires : enjeux de loyauté et de preuve dans le contrat de travail.

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Rémunération variable et heures supplémentaires : enjeux de loyauté et de preuve dans le contrat de travail.

L’Essentiel : M. [N] [Z] a été engagé par la SAS Elan en 2015 en tant que chargé d’affaires. En 2018, il a demandé une révision de sa rémunération, entraînant une augmentation de son salaire fixe à 2.100 euros. Après un avertissement en 2019, il a signé une rupture conventionnelle. En 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes pour des indemnités. Le jugement de 2022 a partiellement accueilli ses demandes, mais la société Elan a interjeté appel. La cour a confirmé que les heures de travail avaient été payées et a infirmé certaines décisions, tout en condamnant Elan à verser des sommes supplémentaires.

Engagement de M. [N] [Z]

M. [N] [Z] a été engagé par la SAS Elan le 16 février 2015 en tant que chargé d’affaires, avec un contrat à durée indéterminée. Il travaillait 39 heures par semaine, avec un salaire fixe de 1.800 euros et une partie variable liée à ses performances.

Modification de la rémunération

En 2018, M. [Z] a demandé une révision de sa rémunération variable. Suite à des négociations, son salaire fixe a été augmenté à 2.100 euros, et le mode de calcul de sa rémunération variable a été modifié.

Avertissement et rupture conventionnelle

Le 15 avril 2019, M. [Z] a reçu un avertissement. Le 28 mai 2019, il a signé une rupture conventionnelle, effective le 20 juin 2019.

Actions en justice

Le 13 octobre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Roanne pour des demandes d’indemnités et de rappels de salaires.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 15 février 2022, le conseil a partiellement accueilli les demandes de M. [Z], lui accordant des rappels pour heures supplémentaires et condamnant la société Elan à verser des indemnités, tout en déboutant d’autres demandes.

Appel de la société Elan

La société Elan a interjeté appel le 15 mars 2022, contestant les condamnations financières et soutenant que toutes les heures de travail avaient été payées.

Conclusions de la cour d’appel

Dans ses conclusions, la cour a jugé que les heures de travail avaient été payées et que les objectifs fixés à M. [Z] étaient atteignables. Elle a infirmé certaines décisions du conseil de prud’hommes tout en confirmant d’autres.

Demandes de M. [Z]

M. [Z] a également formulé des demandes pour des rappels de salaires liés à des heures supplémentaires et à des primes d’objectifs, mais la cour a jugé que les objectifs étaient réalisables et a débouté ses demandes.

Indemnité de rupture et travail dissimulé

La cour a confirmé la prescription de la demande d’indemnité de rupture et a débouté M. [Z] de sa demande pour travail dissimulé, considérant que l’absence de paiement de la majoration des heures supplémentaires ne constituait pas une dissimulation.

Exécution déloyale du contrat de travail

Concernant l’exécution déloyale du contrat, la cour a estimé que M. [Z] n’avait pas prouvé un préjudice spécifique et a débouté sa demande de dommages-intérêts.

Publication de l’arrêt

La demande de M. [Z] pour la publication de l’arrêt aux portes de l’entreprise a été rejetée par la cour.

Intérêts de retard et remise de documents

La cour a ordonné la capitalisation des intérêts et a demandé à la société Elan de remettre à M. [Z] les documents sociaux conformes à l’arrêt dans un délai de 30 jours.

Décision finale

La cour a infirmé partiellement le jugement du conseil de prud’hommes, condamnant la société Elan à verser des sommes supplémentaires à M. [Z] tout en rejetant d’autres demandes.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la prescription des demandes de M. [Z]

La société Elan soulève la prescription des demandes de M. [Z], arguant que le salarié ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires que pour les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, soit jusqu’au 13 octobre 2020.

M. [Z] soutient que ses demandes ne sont pas prescrites et qu’il est fondé à réclamer un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 8 mai 2016, conformément à l’article L. 3245-1 du Code du travail.

L’article L. 3245-1 du Code du travail dispose que :

 » L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.

M. [Z] a saisi le conseil des prud’hommes le 13 octobre 2020, agissant donc dans le délai de trois ans prévu par l’article L. 3245-1.

Il est donc recevable à solliciter le paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires dues entre mai 2016 et mai 2019.

Il convient d’infirmer le jugement qui a déclaré prescrite la demande de rappel de salaires de M. [Z] pour la période antérieure au 30 octobre 2017.

Sur la majoration des heures supplémentaires

La société Elan conteste le paiement de la majoration des heures supplémentaires, affirmant que les heures supplémentaires ont été rémunérées sur la base du taux horaire de base et que leur majoration a donné lieu à un repos compensateur de remplacement.

L’article L. 3121-28 du Code du travail stipule que :

 » Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. »

L’article L. 3121-33 précise qu’une convention ou un accord collectif peut prévoir le remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos compensateur.

En l’espèce, la société Elan ne prouve pas que la décision unilatérale sur le repos compensateur ait été formalisée et portée à la connaissance des salariés.

De plus, il n’est pas démontré que M. [Z] ait effectivement bénéficié de ces repos compensateurs.

Ainsi, la société Elan ne démontre pas que l’intégralité des heures supplémentaires aient été payées ou compensées par un repos compensateur.

Il y a donc lieu de condamner la société Elan à payer à M. [Z] les sommes dues au titre des majorations d’heures supplémentaires.

Sur la demande de rappels de salaire au titre de la prime d’objectifs

M. [Z] sollicite des rappels de salaires sur les deux composantes de sa rémunération variable, soutenant que les objectifs fixés étaient inatteignables.

Les objectifs déterminés par l’employeur doivent être réalisables et compatibles avec le marché.

La charge de la preuve du caractère réalisable des objectifs incombe à l’employeur.

Il ressort des pièces produites qu’un nouveau « Pay Plan » a été négocié et signé par M. [Z], prévoyant des objectifs atteignables.

La comparaison des résultats de M. [Z] avec ceux de ses collègues montre qu’il n’a pas atteint ses objectifs, ce qui indique que ceux-ci étaient réalisables.

Dès lors, la décision sera confirmée en ce qu’elle déboute M. [Z] de ses demandes à ce titre.

Sur l’indemnité de rupture conventionnelle

La société Elan soulève la prescription de la demande d’indemnité de rupture, soutenant que M. [Z] devait agir dans un délai de 12 mois à compter de l’homologation de la convention.

L’article L. 1237-14 du Code du travail stipule que :

 » En cas de litige au sujet d’une convention de rupture conventionnelle, le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de son homologation. »

M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes le 13 octobre 2020, soit après l’expiration du délai de prescription.

Il ne produit aucun élément démontrant des manœuvres frauduleuses de l’employeur.

Ainsi, son action en contestation de la rupture conventionnelle est déclarée prescrite.

Sur la demande d’indemnité au titre de travail dissimulé

M. [Z] réclame des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail, soutenant que la société Elan s’est soustraite au paiement de la majoration des heures supplémentaires.

L’article L. 8223-1 dispose que :

 » En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

Cependant, l’absence de paiement de la seule majoration des heures supplémentaires n’est pas suffisante à caractériser une intention de dissimuler des heures de travail.

Le jugement qui a débouté M. [Z] de cette demande sera donc confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [Z] reproche à la société Elan d’avoir fixé des objectifs non réalisables et de ne pas avoir payé la majoration de ses heures supplémentaires.

L’article L. 1222-1 du Code du travail impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La preuve de l’exécution déloyale doit être rapportée par le salarié.

M. [Z] ne prouve pas de préjudice consécutif à une faute de l’employeur.

Il n’apporte pas d’éléments justifiant le préjudice qu’il invoque.

Il y a donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la publication de l’arrêt à intervenir

M. [Z] demande la publication de la décision aux portes d’entrée du siège social de la société Elan.

Aucune considération ne justifie d’ordonner une telle publication.

Il y aura donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande à ce titre.

Sur les intérêts de retard

Les premiers juges ont correctement assorti les créances salariales des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2020.

La capitalisation des intérêts doit également être ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

Sur la remise des documents sociaux

Il sera ordonné à la société Elan de remettre à M. [Z] les documents sociaux conformes au présent arrêt dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Elan sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

AFFAIRE PRUD’HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 22/02087 – N° Portalis DBVX-V-B7G-OF65

S.A.S.U. ELAN

C/

[Z]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de roanne

du 15 Février 2022

RG : 2000051

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 10 JANVIER 2025

APPELANTE :

S.A.S.U. ELAN

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Elise LAPLANCHE substituée par Me Clémence CHOPINEAU, avocats au barreau de LYON de la SELARL YDES

INTIMÉ :

[N] [Z]

né le 24 Décembre 1974 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat postulant du barreau de LYON et Me Céline DELANNOY, avocat plaidant du barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Novembre 2024

Présidée par Agnès DELETANG, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Agnès DELETANG, Présidente

– Yolande ROGNARD, Conseillère

– Françoise CARRIER, Conseillère horaire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Agnès DELETANG, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

M. [N] [Z] a été engagé par la SAS Elan à compter du 16 février 2015 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chargé d’affaires, pour le nord du département de la Loire et le nord du département du Rhône. La durée de travail est de 39 heures par semaine. Sa rémunération est composée d’un salaire fixe mensuel de 1.800 euros et d’une partie variable calculée en fonction des objectifs réalisés (déterminée par référence à un Pay Plan).

La convention collective des Commerces de détail de la Papeterie, librairie, fournitures de bureau, bureautique et informatique du 15 décembre 1988 est applicable.

Courant 2018, M. [Z] a fait part à la société Elan de son souhait de revoir le mode de calcul de sa rémunération variable. A l’issue des négociations intervenues entre la société Elan et M. [Z], la rémunération fixe de ce dernier a été portée de 1.800 euros bruts à 2.100 euros bruts et le calcul de la partie variable a été revu.

Le 15 avril 2019, un avertissement a été notifié à M. [Z].

Le 28 mai 2019, les parties ont régularisé une rupture conventionnelle, le contrat ayant été rompu le 20 juin suivant.

Par acte du 13 octobre 2020, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Roanne de plusieurs demandes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 15 février 2022, le conseil de prud’hommes de Roanne a :

– dit partiellement justifiées les demandes de M. [Z] ;

– dit que les créances de M. [Z] sont recevables à compter du 30 octobre 2017 ;

– condamné la société Elan à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

* 92,67 euros au titre des heures supplémentaires outre 9,27 euros de congés payés pour l’année 2017,

* 560,45 euros au titre des heures supplémentaires outre 56,05 euros de congés payés pour l’année 2018,

* 309,56 euros au titre des heures supplémentaires outre 30,96 euros de congés payés pour l’année 2019,

* 6.000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail au titre de la non majoration des heures supplémentaires ;

– débouté M. [Z] de sa demande de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur marge brute 2019 ;

– débouté M. [Z] de sa demande d’indemnité de rupture conventionnelle ;

– débouté M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

– fixé le départ des intérêts à compter du 13 octobre 2020 pour le rappel des majorations d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [Z] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

– dit que l’exécution provisoire ne s’applique pour les condamnations de plein droit ;

– ordonné à la société Elan la remise de bulletins de paye rectificatifs dans un délai de 15 jours à compter de la notification du présent jugement ;

– condamné la société Elan à payer à M. [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Elan de sa demande reconventionnelle au titre de ce même article;

– condamné la société élan aux dépens d’instance.

Par déclaration du 15 mars 2022, la société Elan a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, la société Elan demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Roanne en ce qu’il a condamné la société Elan au paiement des sommes suivantes :

* 92,75 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 9,28 euros de congés payés afférents,

* 560,00 euros bruts de rappel de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2018, outre 56,50 euros de congés payés afférents,

* 228,80 euros bruts de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2019, outre 22,88 euros de congés payés afférents,

* 5.650 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Statuant de nouveau sur les points infirmés :

À titre principal,

– juger que toutes les heures de travail effectif réalisées par M. [Z] ont été payées ;

– juger que la société ELAN a exécuté le contrat de travail de M. [Z] loyalement ;

Par conséquent,

– débouter M. [Z] de ses demandes de rappel de salaire concernant les heures supplémentaires et d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

– débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

À titre subsidiaire,

– juger que M. [Z] ne rapporte pas l’existence ni l’étendue d’un préjudice distinct justifiant l’octroi de dommages et intérêts ;

Par conséquent,

– rapporter le montant des dommages intérêts à hauteur de 100 euros symboliques ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [Z] des demandes de condamnations suivantes :

* 228,41euros bruts de majorations pour heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 28,84 euros de congés payés afférents,

* 584,87 euros bruts de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur chiffre d’affaires 2019, outre 46,60 euros de congés payés y afférents,

* 2 844,68 euros de rappels de rappel de salaire au titre de la rémunération variable sur la marge bruts 2019, outre 248,47 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1.279,04 euros ou à titre subsidiaire 291,11 euros de rappel de complément d’indemnité de rupture conventionnelle,

* 23.810,04 euros nets de dommages-intérêts sur le fondement de L.8223-1 du code du travail,

* publication de l’arrêt de la cour d’appel aux portes d’entrée du siège social de la société Elan,

* capitalisation des intérêts,

* fixer la date des intérêts à compter de la saisine des prud’hommes pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter du 26 mai 2020 pour les sommes à caractère salarial ;

* remise de bulletin de paie rectificatifs dans un délai de 15 jours calendaire à compter de la notification de l’arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

En tout état de cause

– débouter M. [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que de condamnation au dépens,

– condamner débouter M. [Z] à verser à la société Elan la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses uniques conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2022, M. [N] [Z] demande à la cour de :

– le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident, et y faire droit ;

A titre principal :

– confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a condamné la société Elan au paiement des sommes suivantes :

* 560,45 euros au titre des heures supplémentaires, outre 56,05 euros de congés payés pour l’année 2018 ;

* 309,56 euros au titre des heures supplémentaires, outre 22,88 euros de congés payés pour l’année 2019 ;

* 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de rappels de salaire dus au titre des majorations pour heures supplémentaires antérieures au 30 octobre 2017 ;

Statuant à nouveau :

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 228,41 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 28,84 euros bruts de congés payés afférents ;

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 556,54 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 55,65 euros de congés payés afférents ;

– infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de rappels de salaire au titre des rémunérations variables sur Chiffre d’Affaires et Marge Brute 2019 ;

Statuant à nouveau :

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 584,87 euros bruts de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur Chiffre d’Affaires 2019, outre 58,49 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 2 844,68 euros bruts de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur Marge Brute 2019, outre 248,47 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

– infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a partiellement débouté M. [Z] de sa demande indemnitaire au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

Statuant à nouveau :

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 12 000 euros nets de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de rappel de complément d’indemnité de rupture conventionnelle ;

Statuant à nouveau :

– juger que le délai de prescription a commencé à courir le 18 février 2022, ou à titre subsidiaire, à compter du 26 mai 2020 ;

– juger que l’action en paiement de rappel d’indemnité de rupture conventionnelle de M. [Z] n’est pas prescrite ;

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] 1.279,04 euros nets de rappel d’indemnité de rupture conventionnelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 291,11 euros nets au titre de rappel d’indemnité de rupture conventionnelle ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du Code du travail ;

Statuant à nouveau :

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 23.810,04 euros nets de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail ;

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir de la cour d’appel de Lyon aux portes d’entrée du siège social de la société ELAN pendant une durée de 12 mois ;

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau :

– juger que la date de départ des intérêts court à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère indemnitaire et à compter du 26 mai 2020 pour les sommes à caractère salarial en application de l’article 1153 du Code civil ;

– prononcer la capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;

– condamner la société Elan à la remise de bulletins de paie rectificatifs dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document ;

A titre subsidiaire :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne du 15 février 2022 dans toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

– condamner la société Elan à verser à M. [Z] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Elan aux entiers dépens de 1ere instance et d’appel.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 8 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Sur la prescription

La société Elan soulève la prescription des demandes de M. [Z] faisant valoir que le salarié ne peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires que pour les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, soit le 13 octobre 2020.

Elle en conclut que les demandes de rappels de salaires pour la période antérieure au 13 octobre 2017 sont prescrites.

M. [Z] soutient quant à lui que ses demandes ne sont pas prescrites et qu’il est fondé à réclamer un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires qu’il a effectuées à compter du 8 mai 2016, correspondant aux trois années ayant précédé la rupture de son contrat de travail intervenue le 20 juin 2019, conformément aux dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail.

L’article L 3245-1 du Code du travail dispose que :  » L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat « .

De cet article il se déduit d’une part, que le contrat de travail du salarié concerné soit toujours en cours ou qu’il ait été rompu, que c’est la date à laquelle le salarié a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du manquement de l’employeur qui fixe le point de départ du délai de trois ans dont il dispose pour engager son action en paiement et, d’autre part, qu’en cas de rupture du contrat de travail, c’est la date de cette rupture qui détermine rétroactivement les créances salariales sur lesquelles son action peut porter et il s’agit uniquement de celles nées au cours des trois années ayant précédé cette rupture.

Le point de départ de la prescription de l’action en paiement du salaire est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Il s’ensuit que la prescription de chacune des créances salariales revendiquées par M. [Z] a couru à compter de sa date d’exigibilité, étant précisé que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise, soit pour la société Elan, selon les bulletins de paie produits, le dernier jour du mois auquel il se rapporte, et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré.

M. [Z] présente une demande de rappel de salaire au titre de la majoration d’heures supplémentaires non payées comprises entre le 20 juin 2016 et le 20 juin 2019. En saisissant le conseil des prud’hommes par requête du 13 octobre 2020, M. [Z] a donc agi dans le délai de trois ans prévu par l’article L.3245-1 alinéa 1 précité. En application de l’alinéa 2 de ce même article, M. [Z], dont la rupture du contrat de travail est intervenue le 20 juin 2019, est donc recevable à solliciter le paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires dues entre mai 2016 et mai 2019.

Dès lors il convient d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré prescrite la demande de rappel de salaires de M. [Z] pour la période antérieure au 30 octobre 2017.

Sur la majoration des heures supplémentaires

La société Elan reproche aux premiers juges d’avoir considéré qu’elle était tenue au paiement de la majoration des heures supplémentaires alors que les quatre heures supplémentaires mensuelles figurant sur les bulletins de paie du salarié ont été rémunérées sur la base du taux horaire de base et leur majoration ont donné lieu à un repos compensateur de remplacement.

Elle souligne que le remplacement de la majoration des heures supplémentaires par l’attribution d’un repos compensateur est possible, non seulement en vertu de l’article 2.7 de l’accord de branche du 13 juillet 2001 applicable au sein de la branche des commerces de détail de la papeterie et des fournitures de bureau, mais également par le code du travail dès lors que l’entreprise ne comporte aucun délégué syndical et qu’elle n’est pas assujettie à l’obligation de négociation annuelle.

Elle affirme que le repos compensateur de remplacement, correspondant à la majoration des quatre heures supplémentaires, s’élève à une heure par semaine, soit 4,33 heures par mois. Elle précise qu’elle a décidé, dès 2005, que ce repos compensateur de remplacement serait pris par les salariés sous la forme de pauses café à raison de 13 minutes par jour et que ce dispositif a été réaffirmé et porté à la connaissance de l’ensemble des salariés, par l’intermédiaire des délégués du personnel, dans le courant de l’année 2017.

La société Elan fait en outre valoir que les horaires de travail de M. [Z] lui permettaient largement de bénéficier de son repos compensateur correspondant à l’attribution de 13 minutes de pause par jour, qu’elle lui a payé 39 heures par semaine de travail effectif sans rechercher si le salarié les avait réellement effectuées et qu’en tout état de cause, il appartient à M. [Z] de rapporter la preuve qu’il a réalisé des heures supplémentaires ayant eu pour effet de porter sa durée du travail au-delà de 35 heures par semaine.

En réplique, M. [Z] conteste avoir eu connaissance de l’existence de la décision unilatérale de l’employeur instituant un repos compensateur de remplacement, de sorte que le dispositif dont se prévaut la société lui est inopposable et qu’en outre, tant au regard de ses fonctions que des horaires auxquels il était astreint, il ne lui était pas possible de bénéficier d’un repos compensateur journalier. Il souligne, également, que son contrat de travail ne fait aucunement référence au principe du repos compensateur, ni à l’accord de branche, ni même à la décision unilatérale prise par l’employeur sur le principe du repos compensateur de remplacement.

En vertu de l’article L. 3121-28 du code du travail, Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

L’article L. 3121-33 du même code, dans sa version applicable au litige, précise qu’une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut également prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent.

S’agissant de la possibilité de substituer l’attribution d’un repos compensateur de remplacement au paiement des heures supplémentaires, l’avenant du 13 juillet 2001 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail à 35 heures de la convention collective nationale des entreprises du bureau et du numérique précise à l’article 2.7 que les heures ayant la qualité d’heures supplémentaires en application des dispositions légales ainsi que leur majoration ou bonification pourront donner lieu à l’initiative de l’employeur à un paiement ou à l’attribution d’un repos compensateur de remplacement.

Par ailleurs, en application de l’article D 3171-11 du code du travail, à défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d’heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l’ouverture du droit à repos et l’obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [Z] stipule, en son article 4  » durée du travail – horaires  » que :

la durée du travail hebdomadaire est fixée conformément à l’horaire collectif affiché dans l’entreprise à titre informatif, elle est de 39 heures répartie comme suit :

du lundi au jeudi : 8 heures/12 heures – 14 heures/18 heures

le vendredi : 8 heures/12 heures- 14 heures/17 heures.

Les horaires ainsi détaillés représentent une durée de travail hebdomadaire de 39 heures.

Les 39 heures hebdomadaires figurant dans le contrat de travail sont corroborées par l’étude des bulletins de salaire qui fait apparaître que le salarié était rémunéré sur la base de 39 heures, même s’il est distingué 35 heures au titre de la durée légale de travail et 4 heures supplémentaires contractualisées.

Ainsi, il importe peu que le salarié ait effectué ou non lesdites heures supplémentaires, l’employeur qui s’est contractuellement engagé, se doit de les rémunérer.

Il est établi par les pièces produites que la société Elan a payé, chaque mois, à M. [Z] les 4 heures supplémentaires sur la base du taux horaire brut.

S’agissant de la majoration de ces heures supplémentaires, la société Elan considère n’être redevable d’aucune somme dès lors que, selon elle, l’intégralité des majorations afférentes à ces heures de travail a été compensée par l’attribution de repos compensateurs de remplacement conformément à une décision unilatérale de sa part, appliquée dans l’entreprise depuis 2005.

Il convient toutefois de relever que la société Elan ne rapporte pas la preuve que cette décision unilatérale ait été formalisée et portée à la connaissance des salariés. A cet égard, la société Elan ne peut valablement se fonder sur le mail adressé le 23 février 2018 par M. [H] [W] à certains salariés pour soutenir que ces derniers auraient été valablement informés de la décision unilatérale appliquée depuis 2005 dans l’entreprise. En outre, aucun relevé mensuel annexé aux bulletins de salaire n’est produit, de telle sorte que le décompte exact des repos compensateurs de remplacement dont devait bénéficier M. [Z] n’est pas justifié par l’employeur.

En tout état de cause, la société Elan ne démontre d’aucune manière que le salarié a effectivement pu bénéficier des repos compensateurs de remplacement. L’argument selon lequel il était accordé quotidiennement des  » pauses café à raison de 13 minutes par jour  » en contrepartie de la majoration des heures supplémentaires est à cet égard inopérant.

Dès lors, la société Elan ne démontre pas que l’intégralité des heures supplémentaires aient été payées ou à défaut compensées par un repos compensateur de remplacement.

Dans ces conditions, par infirmation du jugement entrepris de ce chef, il y a lieu de condamner la société Elan à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

– 228,41euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 22,84 euros de congés payés afférents ;

– 556,54 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 55,65 euros de congés payés afférents ;

En revanche, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Elan à payer à M. [Z] les sommes de 560,45 euros au titre des heures supplémentaires outre 56,05 euros de congés payés pour l’année 2018, outre celles 309,56 euros au titre des heures supplémentaires outre 30,96 euros de congés payés pour l’année 2019,

Sur la demande au titre de la prime d’objectifs

M. [Z] sollicite des rappels de salaires sur les deux composantes de sa rémunération variable, portant d’une part, sur le chiffre d’affaires et d’autre part, sur la marge brute, pour les montants respectifs de 584,87 euros bruts outre 58,49 euros de congés payés afférents et de 2.844,68 euros bruts outre 248,47 euros (tels que figurant dans ses écritures) de congés payés afférents.

A l’appui de cette demande, M. [Z] fait valoir pour l’essentiel qu’un nouveau Pay Plan a été négocié courant 2018 aux termes duquel les objectifs fixés étaient inatteignables et qui contenait une grille d’objectifs et de primes moins intéressante que celle contenue dans le précédent  » Pay Plan « . IL souligne qu’il importe peu qu’elle ait participé à l’élaboration de ce  » Pay Plan  » et qu’elle l’ait signé, ces seules circonstances ne permettant d’en déduire que les objectifs qui y étaient contenus étaient réalisables.

La société Elan soutient au contraire que le Pay Plan, négocié en concertation avec les chargés d’affaires, prévoyait des objectifs atteignables et souligne notamment que M. [Z] a, tout au long de la relation contractuelle, obtenu des résultats très moyens, très inférieurs à ceux de ses collègues, et que dès le début de l’année 2019, ses résultats étaient alarmants alors que son attention avait été attirée sur ce point et que les moyens matériels et humains pour lui permettre de surmonter ces difficultés se sont avérés vains. Elle observe, par ailleurs, que d’autres salariés de l’entreprise ont largement atteints les objectifs fixés, ce qui démontre que ceux-ci étaient réalisables.

Il sera rappelé que les objectifs déterminés par l’employeur doivent être réalisables et compatibles avec le marché. Le salarié doit avoir les moyens de les atteindre et ils doivent être portés à sa connaissance en début d’exercice. La charge de la preuve du caractère réalisable desdits objectifs et de ce que leur non-atteinte est imputable au salarié incombe à l’employeur.

En l’espèce, il ressort des pièces produites qu’à compter de juillet 2018, à la demande de plusieurs salariés, le  » Pay Plan  » a donné lieu à des négociations entre la direction et certains salariés de la société, conformément à la demande de ces derniers. Un nouveau « Pay Plan » a, dans ce cadre été élaboré et signé par M. [Z], celui-ci ayant vocation à recevoir application à compter du 1er janvier 2019.

Ce document prévoit expressément que les objectifs ont été fixés entre Monsieur [N] [Z] et la direction en tenant compte notamment :

– du potentiel des secteurs sur lesquels Monsieur [N] [Z] est susceptible d’intervenir auprès des clients et prospects existants

– du degré de professionnalisme de Monsieur [N] [Z] de la situation du marché, des moyens mis à la disposition de Monsieur [N] [Z] pour mener à bien sa mission (‘)

Si la comparaison des deux  » Pay Plan  » démontre que les modalités de mise en ‘uvre de la part variable de la rémunération de M. [Z] sont différentes, il n’en demeure pas moins que les correctifs appliqués ne rendent pas inatteignables les objectifs à réaliser. De même, l’employeur démontre, par une évaluation comparative des  » Pay Plan  » qu’en fonction des seuils de déclenchement, la part variable se trouve progressivement augmentée.

En outre, le tableau comparatif produit pas la société Elan, pour les années 2017, 2018 et 2019, fait apparaître que M. [Z] n’a jamais réussi à atteindre ses objectifs et que ses résultats étaient nettement moins bons que ceux de ses autres collègues. Si M. [Z] soutient que les objectifs du nouveau  » Pay Plan  » étaient inatteignables, force est de constater qu’en contradiction avec cette affirmation, plusieurs autres salariés ont été en mesure de réaliser leurs objectifs en 2019 (entre 84 et 114%), sur la base du même  » Pay plan « , avec une progression notable par rapport aux années antérieures.

Sur la seule période courant du 1er janvier 2019 au 28 mai 2019, date à laquelle M. [Z] a cessé son activité, l’employeur démontre que les résultats de M. [Z] demeuraient tout aussi moyens que les années précédentes, ce dernier n’ayant atteint sur 5 mois d’activité qu’une faible partie de ses objectifs, soit environ 38% de son objectif sur le chiffre d’affaires et 32% de son objectif sur marge brute, ces résultats s’expliquant non pas au regard du caractère peu réaliste des objectifs assignés aux commerciaux de l’entreprise mais, compte tenu des pièces produites, par le manque d’investissement du salarié.

Il s’évince de ces éléments que les objectifs du salarié étaient atteignables de sorte que le manquement allégué n’est pas établi.

Dès lors, la décision sera confirmée en ce qu’elle débouté M. [Z] de ses demandes à ce titre.

Sur l’indemnité de rupture

La société Elan soulève la prescription de la demande formée à ce titre, soutenant que M. [Z] disposait d’un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation de la convention pour saisir le conseil des prud’hommes, conformément à l’article L. 1237-14 du code du travail.

Elle souligne à cet égard que la décision d’homologation est intervenue le 19 juin 2019 de sorte que le salarié ne pouvait contester la rupture de son contrat de travail ou solliciter un rappel d’indemnité de rupture conventionnelle que jusqu’au 19 juin 2020. Elle en conclut que dès lors que M. [Z] n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 13 octobre 2020, sa demande de rappel d’indemnité de rupture est donc prescrite. Subsidiairement, elle soutient qu’aucune somme ne serait due à ce titre.

M. [Z] rappelle que l’homologation de la rupture conventionnelle est intervenue le 19 juin 2019 et que son contrat de travail a pris fin le 2 juillet suivant. Il fait valoir qu’il a perçu la somme de 3.020 euros au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle, ce montant correspondant au minimum légal à verser par l’employeur pour un salaire mensuel de référence de 2.785,36 euros bruts, calculé sur la période mai 2018/mai 2019. Cette somme n’inclut pas la majoration des heures supplémentaires et des éléments de rémunération variable.

M. [Z] considère qu’en incluant ce complément de rémunération, le salaire de référence s’élèverait donc à la somme de 3.968,34 euros et qu’il est donc fondé à réclamer le paiement d’un rappel d’indemnité de rupture conventionnelle, soit la somme de 1.279,04 euros nets. Invoquant  » la fraude de la société Elan « , il estime que cette demande n’est pas prescrite dès lors que le point de départ du délai de prescription de 12 mois n’a pu commencer à courir avant la connaissance qu’il a eu de ses droits justifiant la réévaluation du montant de son indemnité de rupture conventionnelle qui se situe, selon lui, à la date de la notification du jugement du conseil de prud’hommes (soit le 18 février 2022), aux termes duquel la société Elan a été condamnée au paiement des majorations d’heures supplémentaires.

Subsidiairement, il soutient que la prescription n’a commencé à courir qu’à compter de la date de la mise en demeure adressée, par l’intermédiaire de son conseil, à la société Elan.

Il résulte de l’article L.1237-14 du code du travail, qu’en cas de litige au sujet d’une convention de rupture conventionnelle, le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de son homologation.

Si la fraude peut conduire à écarter la prescription annale prévue à l’article L. 1237-14 du code du travail, c’est à la condition que celle-ci ait eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription.

Lorsque cette finalité n’est pas établie, la fraude dans le recours à la rupture conventionnelle n’a pas pour effet d’écarter le délai de prescription mais son point de départ peut être reporté à la date à laquelle l’autre partie a découvert la fraude.

En l’espèce, M. [Z] ne produit aucun élément pour démontrer des man’uvres frauduleuses de l’employeur dans la rupture conventionnelle de son contrat de travail qui aurait pour effet d’écarter l’effet de la prescription.

Le recours de M. [Z] devait donc être formé dans  » un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention  » conformément aux dispositions de l’article L. 1237-14, alinéa 3.

La convention de rupture conventionnelle a été homologuée par la Direccte le 19 juin 2019.

Il résulte de ses propres écrits que le salarié avait connaissance de l’homologation de la rupture conventionnelle par la Direccte, de sorte que la prescription a commencé à courir à compter du 19 juin 2019.

Il s’ensuit que son action en contestation de la rupture conventionnelle était largement prescrite lors de la saisine du conseil de prud’hommes le 13 octobre 2020.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en contestation de cette rupture formée par M. [Z].

Sur la demande d’indemnité au titre de travail dissimulé

M. [Z] réclame le paiement de la somme de 23.810,04 euros nets de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 8223-1 du code du travail, soutenant que la société Elan s’est volontairement soustraite au paiement de la majoration des heures supplémentaires qu’il a effectuées.

Selon l’article L.8223-1 du code du travail,  » En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.  »

L’article L.8221-5 du code du travail dispose que :  » Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales  » .

En l’espèce, si l’employeur n’ignorait pas l’exécution d’heures supplémentaires par le salarié, l’absence de paiement de la seule majoration des heures supplémentaires sans que les conditions légales en soient réunies n’est pas suffisante à caractériser une intention de l’employeur de dissimuler des heures de travail et plus spécifiquement des heures supplémentaires.

Le jugement entrepris, qui a débouté M. [Z] de cette demande, sera donc confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

M. [Z] reproche pour l’essentiel à la société Elan, d’une part, de lui avoir fixé des objectifs qui n’étaient pas réalisables de sorte qu’il en est résulté pour lui un préjudice financier, et d’autre part, de ne pas avoir procédé au paiement de la majoration de ses heures supplémentaires.

En réplique, la société Elan conteste avoir eu un comportement déloyal et fait valoir que M. [I] n’apporte aucun élément sur l’existence et l’étendue du préjudice justifiant l’octroi de dommages et intérêts.

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La preuve de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur doit être rapportée par le salarié qui l’allègue.

Enfin, l’exécution déloyale du contrat de travail peut donner lieu à l’attribution de dommages et intérêts, à condition que le salarié démontre un préjudice spécifique causé par ce manquement à la bonne foi.

En premier lieu, il sera relevé que M. [Z] ne rapporte la preuve d’aucun préjudice consécutif à une faute de l’employeur qui n’aurait pas été réparé par le paiement des rappels de salaires au titre de la majoration des heures supplémentaires.

En second lieu, aucun des éléments produits par M. [Z] ne permet de retenir que la société Elan a eu un comportement déloyal s’agissant de la réalisation de ses objectifs qui lui étaient assignés, étant ajouté au surplus que le salarié ne justifie aucunement du préjudice qu’il invoque à hauteur de 12.000 euros.

Il y a donc lieu de débouter M. [I] de ce chef de demande, par infirmation du jugement entrepris.

Sur la publication de l’arrêt à intervenir

Dans le dispositif de ses conclusions devant la juridiction de renvoi, M. [Z] forme une demande nouvelle tendant à ce que soit ordonnée la publication de la décision à intervenir  » aux portes d’entrée du siège social de la société Elan pour une durée de douze mois « .

Aucune considération ne justifie d’ordonner une telle publication. Il y aura donc lieu de débouter M. [Z] de sa demande à ce titre.

Sur les intérêts de retard

C’est à bon droit que les premiers juges ont assorti les créances salariales des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2020, date de la réception par l’employeur de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation et d’orientation.

La capitalisation des intérêts doit également être ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents sociaux

Il sera ordonné à la société Elan de remettre à M. [Z] une attestation destinée à Pôle emploi (devenu France Travail), un bulletin de salaire et un reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt, dans un délai de 30 jours suivant la signification du dit arrêt, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Elan sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Roanne en date du 15 février 2022 en ses dispositions soumises à la cour sauf en en ce qu’il a :

– condamné la société Elan à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

* 560,45 euros au titre des heures supplémentaires outre 56,05 euros de congés payés pour l’année 2018,

* 309,56 euros au titre des heures supplémentaires outre 30,96 euros de congés payés pour l’année 2019,

– débouté M. [Z] de sa demande de rappels de salaire au titre de la rémunération variable sur marge brute 2019 ;

– débouté M. [Z] de sa demande d’indemnité de rupture conventionnelle,

– débouté M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;

– fixé le départ des intérêts à compter du 13 octobre 2020 pour le rappel des majorations d’heures supplémentaires ;

– condamné la société Elan à payer à M. [Z] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Elan de sa demande reconventionnelle au titre de ce même article ;

– condamné la société Elan aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit recevables les demandes de M. [N] [Z] au titre de rappels de salaire et congés payés afférents sur heures supplémentaires,

Condamne la SAS Elan à payer à M. [N] [Z] les sommes suivantes :

– 228,41 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2016, outre 22,84 euros de congés payés afférents ;

– 556,54 euros bruts de majorations d’heures supplémentaires au titre de l’année 2017, outre 55,65 euros de congés payés afférents ;

Déboute M. [N] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil ;

Ordonne à la SAS Elan de remettre à M. [N] [Z] les documents sociaux conformes au présent arrêt (bulletin de paie, attestation Pôle emploi, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte), dans un délai de 30 jours suivant la signification du présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Condamne la SAS Elan aux dépens d’appel ;

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

Le greffier La présidente


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